Le ressenti du médecin généraliste face au patient psychotique

La prévalence des troubles mentaux en consultation de médecine générale est d’environ 25%. Il s’agit principalement des troubles anxieux, des troubles dépressifs caractérisés et des troubles somatoformes. Les patients suivis dans les services de psychiatrie souffrent principalement de troubles psychotiques et de troubles de l’humeur sévères.

Les médecins généralistes paraissent peu sollicités pour les troubles psychotiques, que présente pourtant une partie de leur patientèle, ceci est d’autant plus vrai que la psychiatrie se dirige vers une prise en charge de plus en plus ambulatoire. Le généraliste, avec son rôle pivot, de premier recours, sera sollicité en deuxième ligne après le psychiatre. Et parfois en première ligne lorsque les capacités organisationnelles de la psychiatrie de ville seront dépassées, afin de remplir son rôle de médecin dit « accessible ».

Présentation

Les entretiens ont été réalisés auprès de quinze médecins (N1 à N15), tous spécialistes en médecine générale, parmi eux, dix médecins ont un exercice libéral exerçant en groupe, trois médecins ont un exercice libéral exerçant seul, deux médecins ont un exercice salarié. Parmi les médecins recrutés, sept sont de sexe masculin, et huit sont de sexe féminin.

Année de la soutenance et durée d’installation 

Les médecins interrogés ont soutenu leur thèse entre 1985 et 2020, et ont une durée d’installation comprise entre 18 mois et 32 ans.

Formation

Concernant leur formation en lien avec la psychiatrie, elle est réalisée principalement au cours de stages en service psychiatrique en tant qu’externe ou en tant qu’interne. La plupart du temps elle est ressentie comme bénéfique : « m’immerger dans le monde de la psychiatrie(…) évidemment intéressant. » (N7). L’un d’entre eux paraît impacté par un stage réalisé en pédopsychiatrie, lui ayant permis une autre vision du handicap : « la cour des miracles quoi ! (…) pas à proprement de la psychiatrie, c’était du handicap. Mais ça m’a, comment dire, euh, ça te donne un autre regard sur le handicap tu vois ». (N8) ; une autre médecin juge cela : « très intéressant. » (N11). Par ailleurs les stages permettraient d’explorer un panel élargi des troubles psychiatriques : « me former (…) troubles anxieux (…) syndromes dépressifs (…) quelques découvertes d’état psychotique. » (N7) L’un des médecins interrogés n’aurait « pas été enthousiaste. » (N13), ne se ressentant que peu ou pas intégré dans l’activité du service de psychiatrie : « je ne servais à pas grand-chose dans ce service-là, où on ne pouvait pas assister aux entretiens, parce qu’on dérangeait, parce que ça faisait trop de monde, on avait juste les staffs. » (N13) Concernant une autre expérience, vécue elle aussi en stage : « c’était complètement perturbant. » (N2) ; celle-ci aurait pour conséquence: une difficulté de se projeter dans la même situation en cabinet : « je ne sais pas comment j’aurai pu gérer ». (N2)

Vacation en CHS 

Concernant les vacations en centre hospitalier spécialisé (CHS), la plupart des refus sont liés à l’incompatibilité des vacations avec l’activité au cabinet des généralistes :
❖ « mon emploi du temps, moi ça ne collait pas. » (N4)
❖ « charges de travail qui sont quand même importantes ! » (N9)
❖ « ne correspond pas du tout à mes … à mon planning c’est ingérable quoi ! » .

Lorsque l’une des médecins est interrogée, elle ne connaît pas l’existence des vacations en CHS. Une autre médecin interrogée, par ailleurs, n’éprouvait pas l’envie d’y participer. (N7) Ou bien les vacations ne correspondaient pas à leurs attentes en terme organisationnel. (N2) Cependant lorsque les vacations sont réalisées, celles-ci semblent ressenties comme bénéfiques : « bah c’était intéressant. » (N1) Les vacations en CHS pourraient avoir par ailleurs un retentissement sur les généralistes y participant, avec une certaine démotivation concernant les soins : « Il ne reste plus grand chose (…) peau de chagrin quoi. » (N1) Cette même médecin constate également un retentissement sur l’équipe psychiatrique : « un moment où j’ai plus pratiquement plus soigné les soignants que les malades. » (N1) Cependant les vacations permettraient une diversification des pratiques médicales : « moins fatiguant de faire une visite dans un service hospitalier que d’assurer une consultation. » (N1) La médecin généraliste salariée en CHS se sentirait utile, par ailleurs : « l’espérance de vie augmente ! » .

Ressenti

Rôle du généraliste
Le rôle du généraliste dans la prise en charge des patients psychotiques serait de rétablir une égalité dans la prise en charge : « comme un patient normal (…) normalement non psychotique. » (N1) L’accessibilité, ainsi que la disponibilité du médecin généraliste sont plutôt mises en avant :
❖ « porte d’entrée facile. » (N2)
❖ « entre deux, ils n’ont pas rendez-vous bah je les prends. » .

Cependant la formation semble jugée comme non satisfaisante : « si on avait une bonne formation. » (N2) Par ailleurs, la situation est jugée paradoxale car il y aurait un « gros déficit en psychiatres. » (N2) Le médecin généraliste pourrait se définir comme un guide :
❖ « réorienter vers des structures. » (N3)
❖ « Un rôle de canalisation, de soutien. » (N5) .

Le médecin généraliste peut aussi avoir un lien fort, de confiance avec les patients psychotiques, ainsi qu’auprès de l’entourage et des structures où le patient psychotique reçoit des soins :
❖ « lien important avec le patient, avec l’hôpital, et avec la famille. » (N7)
❖ « un rôle central (…) coordonner (…) confident (…) plus proche (…) un lien plus fort. » (N4) .

Le médecin généraliste peut réaliser un travail en coopération avec le médecin psychiatre : « suivis par les centres médico-psychologiques(CMP) (…) j’en vois pas mal. » (N11) Lorsqu’un autre médecin généraliste est interrogé, celui-ci propose quant à lui, de privilégier et d’établir un lien fort entre le médecin et le patient : « établir un lien de confiance. » (N9) Le rôle peut être global par ailleurs : « un rôle sur le long terme (…) un rôle de dépistage. » (N6). Le rôle du généraliste trouverait son intérêt dans le suivi du traitement : « surveillance peut être biologique (…) si le traitement semble coller quoi ! (…) surveillance somatique. » (N12) .

Ce rôle se poursuivrait tout au long de l’histoire de la maladie : « deux solutions (…) deux cas de figure (…) face à quelqu’un de délirant, ou bien tu vas assurer le suivi d’une personne qui a eu des épisodes délirants. » (N8) Toutefois, le médecin généraliste peut se trouver en difficulté associée à un « isolement » et une inertie dans la prise en charge : « difficile (…) isolés (…) trois heures après. » (N10) Le soin est perçu comme plus délicat auprès de patients psychotiques : « Ce qui est psychotique (…) plus délicat. » (N11) Aussi, ce rôle auprès de patients psychotiques peut être ressenti comme agréable : « une place entière (…) j’aime bien la prendre. » (N13) ; et permettrait également de développer l’empathie du médecin : « fortement biaisée, euh, par l’expérience (…) reconnaissance de la souffrance psychique. » (N14) .

Par ailleurs, ce rôle est bien résumé chez la médecin généraliste salariée en CHS : ce rôle resterait : « Vaste ! Varié et très important ! » ; et par ailleurs utile : « l’espérance de vie augmente ! » (N15) Ce rôle rejoindrait la définition de la médecine générale : « c’est voir le patient dans sa globalité et pas que sur son plan psychiatrique. » (N15) L’affranchissement de la peur du médecin généraliste est permis grâce à l’expérience : « pas de difficultés (…) je les connais depuis longtemps. » (N1) Malgré tout, le sentiment de peur/difficulté reste présent au cours des épisodes de décompensation : « dans un état de … vraiment de décompensation c’est très difficile et c’est même ingérable. » .

Consultation en cabinet 

Il existerait une difficulté de cohabitation entre les patients psychiatriques et non psychiatriques dans la salle d’attente :
❖ « les autres patients qui commencent à carrément à partir ou à avoir peur. » (N1)
❖ « j’avais la salle d’attente pleine ! Et, j’ai dû sortir pour expliquer à mes patients que … en fait, bah il ne se passait rien, hein ! C’était juste une crise de la dame. » .

Parfois, le comportement du patient psychotique peut contraster avec des idées reçues du médecin généraliste : « une heure et demie à attendre (…) ce qui m’avait quand même épaté c’était quand même sa patience quoi (…) cette compliance quoi (…) pas compliants. Euh pfff je n’ai pas cette impressionlà. » (N1) Lorsque l’une des médecins est interrogée, elle aurait su se montrer attentive envers sa patientèle : « J’essaie d’être vigilante. » (N4) L’attention peut également se porter sur la prise en charge globale : « m’intéresser au motif autre, en premier ! (…) toujours des questions sur leur ressenti, sur leur état moral, leur humeur (…) jeune patient (…) schizophrène. » (N6) Malgré cela il peut exister une appréhension vis à vis des épisodes de décompensation : « peut-être moins à l’aise. » (N4) L’une des explications à cette appréhension pourrait être son manque de formation ?

Les symptômes psychotiques compliqueraient la prise en charge : comme ici la présence d’hallucinations auditives qui interfèrent avec la consultation : « les voix parasitent la consultation. » .

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Table des matières

INTRODUCTION
METHODES
RESULTATS
I / Introduction / Formation
Présentation
Année de la soutenance et durée d’installation
Formation
Vacation en CHS (Centre hospitalier Spécialisé)
II / Ressenti
Rôle du généraliste
Consultation en cabinet
Ressenti au cours des consultations
Accompagnement lors des consultations
Besoin d’aide
Adressage
Précautions mises en place liées au sexe du médecin généraliste
Médecins de sexe féminin
Médecins de sexe masculin
Visite à domicile
Ressenti au cours des visites
Accompagnement lors des visites
Besoin d’aide
Adressage
Précautions mises en place liées au sexe du médecin généraliste
Médecins de sexe féminin
Médecins de sexe masculin
Situation ressentie comme dangereuse en cabinet
Configuration du cabinet
Scénario de fuite
Résultats de consultation
Situation ressentie comme dangereuse en visite
Mesures mises en place
Impact au contact des psychotiques sur la pratique quotidienne
III / Perspective
Traitements psychotropes
Les médecins généralistes acteurs dans la prescription versus les médecins généralistes observateurs
Améliorer l’observance
Améliorer la prise en charge
Prise en charge de l’entourage des patients psychotiques
Culpabilité chez les mères de patients psychotiques
Échanges avec les psychiatres et avec le personnel paramédical de psychiatrie
IV / Conclusion
Points de la prise en charge à améliorer
Participation à des événements en lien avec la psychiatrie
Sujet non abordé au cours de l’entretien
Prise en charge des patients psychotiques au cours des soins primaires
Augmentation des symptômes psychiatriques
DISCUSSION
I / Modifications apportées au guide d’entretien
Résultats de consultation
Culpabilité chez les mères de patients psychotiques
II / Exercice en milieu rural versus urbain
Exercice en milieu rural
Exercice en milieu urbain
III / Durée d’installation et impact sur la pratique médicale
IV / Médecins de sexe féminin versus masculin
Médecins de sexe féminin
Médecins de sexe masculin
V / Perspective
VI / Améliorer l’observance
VII / Définition de l’alliance thérapeutique
VIII / Conclusion de la discussion
Des médecins généralistes motivés pour le changement
Comorbidité addictologique
Composante économique
Limites de l’échantillonnage
CONCLUSION
I / Formation et points de la prise en charge à améliorer
II / Formation et prescription de psychotropes
Bibliographie

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