Le Réseau urbain neuchâtelois

Le Réseau urbain neuchâtelois

PRÉSENTATION DE LA RECHERCHE

Le présent chapitre a pour objectif de préciser la problématique de la recherche, ainsi que les principaux outils et méthodes utilisés pour tenter d’y répondre. Il doit permettre ainsi d’introduire précisément les analyses réalisées dans le cadre de cette étude.

Problématique : quel espace urbain pour le RUN ?

Dans le cadre de ce travail de mémoire, je m’intéresse au Réseau urbain neuchâtelois (RUN). Il s’agit d’une stratégie de développement cantonal initiée il y a une douzaine d’années, basée sur une conception nouvelle de l’espace neuchâtelois dans le but de dépasser des territorialités anciennes qui marquent le canton. En effet, celui-ci souffre de clivages internes séculaires, entre la ville et la campagne, d’une part, mais surtout entre le haut du canton et le bas du canton, à proprement parler entre le Haut et le Bas (Lena, 1999). Cette distinction se retrouve en outre au niveau de l’espace urbanisé, puisque le canton se divise en deux agglomérations morphologiquement distinctes, celle du Littoral neuchâtelois centrée sur la ville de Neuchâtel, et l’agglomération formée par les deux villes des Montagnes neuchâteloises que sont La Chaux-de-Fonds et Le Locle. Pour dépasser ces clivages, la stratégie du RUN vise aussi à associer les principales villes du canton en un véritable réseau urbain, tout en renforçant les alliances entre régions urbaines et régions rurales. En ce sens, la Conception directrice de l’aménagement du territoire 2004 (République et Canton de Neuchâtel, 2005) amène un changement de paradigme dans la vision de l’espace neuchâtelois ; elle présente en effet les trois villes du canton, Neuchâtel, la Chaux-de-Fonds et le Locle, comme un ensemble, « la troisième « ville » de Suisse romande » (République et Canton de Neuchâtel, 2005 : 16), alors que jusque-là ces villes, ou du moins La Chaux-de-Fonds – Le Locle et Neuchâtel, étaient considérées séparément27.
La stratégie unitaire du RUN s’est vue de plus concrétisée au niveau fédéral grâce à sa convergence avec la politique des agglomérations de la Confédération, amorcée en 2001. Cette politique a conduit à l’élaboration de Projets d’agglomération (Conseil fédéral, 2001), instruments mis à disposition des agglomérations pour aborder le problème de la cohérence entre transports et urbanisation. Le cadre de référence pour l’observation et l’identification des problématiques au niveau du périmètre des agglomérations correspondait à la définition statistique des espaces urbains développée par l’Office fédéral de la statistique (Schuler et Joye, 1997), et distinguait bien deux agglomérations différentes dans le canton de Neuchâtel. Pourtant, celui-ci, conformément à la Conception directrice de l’aménagement du territoire 2004, n’a déposé qu’un seul projet, arguant qu’il s’agissait de la seule option possible pour son développement : « Dans un monde dominé par la métropolisation, l’agglomération jumelle RUN est le seul moyen de concilier la petite taille des villes et la compétitivité d’un canton fortement exportateur, qui participe activement au développement national » (République et Canton de Neuchâtel, 2007 : 6). La Confédération a finalement fait sienne l’approche prônée par le canton Neuchâtel, et accepté de financer le Projet d’agglomération RUN (République et Canton de Neuchâtel, 2007).
La stratégie du Réseau urbain neuchâtelois et son « agglomération RUN » ont donc acquis une légitimité politique. Pourtant, dans les rapports officiels, le RUN n’est pas présenté de manière univoque ; tantôt unifié (ARE, 2005), tantôt divisé (ARE, 2009b), le RUN apparaît encore comme un espace urbain flou. Agglomération ou réseau urbain ? Dans l’expression
« agglomération RUN » les deux termes sont présents, pour autant que l’on se souvienne que l’acronyme RUN (Réseau urbain neuchâtelois) ne représente pas uniquement un projet qui court.
27 Des prémices de cette conception étaient déjà visibles dans le rapport sur l’aménagement du territoire de 1996 (République et canton de Neuchâtel, 1996), qui reconnaissait clairement le rôle important à jouer des villes et leur nécessaire intégration dans le réseau urbain suisse ; toutefois les trois villes étaient encore pensées séparément.
L’espace urbain fonctionnel28 du RUN, dans sa délimitation et dans sa conceptualisation, n’est donc pas clairement défini, ou alors défini de manière multiple. Le projet de ce travail est donc d’apporter quelques éclaircissements sur le Réseau urbain neuchâtelois, et plus largement sur l’espace urbain du canton de Neuchâtel. Quel espace urbain pour le RUN ? Voici la question à laquelle il s’agit d’apporter une réponse dans le cadre de ce projet de recherche.

Méthodologie

La méthodologie représente les moyens mis à disposition pour tenter de répondre à la problématique du travail. Elle est présentée en trois temps, avec tout d’abord les outils d’analyse requis pour ce faire, les données utilisées pour lesdites analyses ensuite et enfin une brève explication des principaux traitements effectués sur ces données.

Outils d’analyse

L’objectif de ce travail est de montrer, de manière cartographique, l’espace urbain du RUN et plus généralement du canton de Neuchâtel. Pour ce faire, deux méthodes différentes sont utilisées. D’une part, il s’agit d’interroger l’espace neuchâtelois à travers le prisme des définitions statistiques officielles des espaces urbains définies au début de ce document, la définition suisse et la définition française. La définition suisse n’a pas évolué depuis que la Confédération a accepté le projet d’agglomération RUN, toutefois il est intéressant de montrer, même si cela a déjà été fait29, comment le RUN devrait être officiellement considéré en Suisse. De plus, contrairement à la définition, le contexte politique du canton de Neuchâtel a lui changé. En effet, depuis 2009, le nombre de communes est passé de 62 à 53, ceci grâce à deux processus de fusions de communes : (1) les communes de Marin-Epagnier et Thielle-Wavre sont devenues la commune de La Tène, et (2) les communes de Boveresse, Buttes, Couvet, Fleurier, Les Bayards, Môtiers, Noiraigue, Saint-Sulpice et Travers ont créé la commune de Val-de-Travers. Une mise à jour en intégrant ces changements s’impose donc. La définition française, elle, est invoquée pour amener une vision différente des espaces urbains. L’intérêt de sa méthode tient au fait qu’elle permet de distinguer plus clairement les espaces urbains morphologiques (unités urbaines) et les espaces urbains fonctionnels (aires urbaines). Peut-être moins précise que la définition helvétique du fait qu’elle combine moins de critères, elle offre cependant une vision également moins stricte et surtout plus large, notamment dans le cas des espaces urbains fonctionnels basés essentiellement sur les flux de travailleurs pendulaires. Par ailleurs, les réflexions actuelles sur une nouvelle définition statistique de l’agglomération en Suisse (OFS 2007 ; 2011) indiquent une volonté de s’inspirer de la méthode française, d’où un intérêt supplémentaire de la prendre en compte dans le cadre de ce travail.
D’autre part, pour visualiser les relations entre les différents espaces urbains, une analyse réticulaire est réalisée. La méthode utilisée dans ce cadre est celle des régions nodales développée par Nystuen et Dacey (1961)30. L’intérêt de leur méthode est de mettre en évidence les principales relations entre les différentes villes d’une même région selon un indicateur choisi. Pour leur étude, il s’agissait du nombre d’appels téléphoniques entre les villes de l’Etat de Washington ; dans mon cas, la région correspond évidemment au canton de Neuchâtel, les villes sont en réalité les unités urbaines définies au préalable selon la méthode statistique française des espaces urbains et l’indicateur correspond aux flux de travailleur pendulaires entre lesdites unités urbaines.

Données utilisées

Les données utilisées dans le cadre de ce travail sont de deux types différents, et proviennent également de deux sources différentes. Premièrement, toute analyse cartographique nécessite les données géoréférencées adéquates. Pour ma recherche, il s’agit de couches vecteurs fournies par le Système d’Information du Territoire Neuchâtelois (SITN), organisme cartographique du canton de Neuchâtel, listées ci-dessous32 :
– Périmètre d’urbanisation 1 (AT07) : couche de polygones qui permet de distinguer les zones urbanisées du canton (périmètres cantonaux, couche complémentaire à la couche AT13) ;
– Périmètre d’urbanisation 2 (AT13) : couche de polygones qui permet de distinguer les zones urbanisées du canton (périmètres communaux) ;
– Villes et localités principales (LA1) : couche de points qui indique l’emplacement des principales villes du canton ;
– Limites de communes (LA3) : couche de polygones qui précise les différentes communes du canton ;
– Limites de lacs (LA5) : couche de polygones qui précise les lacs et principaux cours d’eau.
En second lieu, des données statistiques viennent se superposer aux données géoréférencées pour les différentes analyses réalisées pour cette étude. Ces données proviennent du recensement fédéral effectué en 2000 par l’Office fédéral de la statistique (OFS)33. En effet, il s’agit de la seule enquête à grande échelle qui dispose d’informations aussi vastes que poussées sur la population, à l’échelle géographique fine de la commune34. Pour ce travail, les données utilisées sont les suivantes35 :
– Commune de recensement (P_ZGDE) : renseigne sur la commune de domicile de la personne ;
– Statut sur le marché de l’emploi (P_KAMS) : permet de distinguer les personnes actives occupées, les personnes sans emploi, et les personnes non actives ;
– Lieu de travail (P_AGDE) : renseigne sur la commune dans laquelle travaille la personne.

Analyse et traitement des données

Les données précisées ci-dessus ont subi quelques traitements pour permettre la réalisation de la partie analytique du présent travail. Voici quelques détails sur les principaux traitements effectués, séparés en quatre parties principales qui représentent les quatre phases de mon processus de recherche.
(1) Espaces urbains du canton de Neuchâtel selon la définition suisse des agglomérations :
(a) Agrégation des données statistiques des communes de Marin-Epagnier et Thielle-Wavre (nouvelle commune de La Tène) ainsi que de Boveresse, Buttes, Couvet, Fleurier, Les Bayards, Môtiers, Noiraigue, Saint-Sulpice et Travers (nouvelle commune de Val-de-Travers) et calculs statistiques subséquents36 ;
(b) Mesure de la distance entre les zones bâties de La Tène et de Saint-Blaise (outil Measure sur les couches vecteurs AT07 et AT13).
(2) Espaces urbains du canton de Neuchâtel selon la définition française des unités urbaines :
(a) Mesure de la distance entre les zones bâties du canton (outil Measure sur les couches vecteurs AT07 et AT13).
(3) Espaces urbains du canton de Neuchâtel selon la définition française des aires urbaines :
(a) Calcul de la proportion de population active occupée des communes périurbaines potentielles travaillant dans les communes des pôles urbains (identifiées au point 2) et dans les communes environnantes37.
(4) Relations entre les unités urbaines du canton de Neuchâtel en fonction du nombre de travailleurs pendulaires :
(a) Compilation des données statistiques sur les flux de pendulaires par unités urbaines (identifiées au point 2)38 ;
(b) Compilation de la couche vecteurs des communes (LA3) en fonction des unités urbaines (Data Management Tools – Generalization – Dissolve) ;
(c) Récupération des coordonnées du centroïde de la commune du Landeron à partir de la couche des communes (Data Management Tools – Features – Feature to Point)39 ;
(d) Définition des flux entre unités urbaines à partir des coordonnées des villes principales de chacune d’entre elles (Data Management Tools – Features – XY To Line).

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Table des matières

Introduction
1. Quelques notions théoriques
2. Présentation de la recherche
3. Le Réseau urbain neuchâtelois
4. Quel espace urbain pour le RUN ?
Conclusion

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