LE RENOUVEAUX RELIGIEUX DANS LA DÉMOCRATIE DES DROITS DE L’HOMME

CROY ANCES RELIGIEUSES ET PRINCIPES DÉMOCRATIQUES

   Les convictions diverses et les croyances religieuses sont l’objet, sur la scène médiatique, dans la sphère publique, dans les débats politiques, de nombreux enjeux qu’il nous est difficile d’arbitrer. Entre les différentes opinions, les différentes options, que l’on a du mal à départager, il se révèle malaisé de fonder les pratiques publiques qui, à la fois,créent des tensions et y répondent. Sur les plans pratique et théorique, nous avons vu naître des débats qui se prolongent et se poursuivent encore aujourd’hui. Ces débats en appellent aux convictions profondes, religieuses et séculières, par moments identitaires, à la compréhension, à la tolérance, à la prise en compte de la différence. Il s’agit là d’un ensemble de notions qu’on a du mal à se représenter au sein de la société. Au cours des dernières années, des moyens institutionnels ont été mis en place!, des intellectuels et d’autres membres de la société ont pris position publiquement, sans pourtant en arriver à apporter un éclairage permettant d’indiquer une direction tangible, susceptible de réunir les points de vue qui continuent de s’exprimer dans l’espace public. La discussion est à pourSUIvre. Des philosophes contemporains reconnus, tels que Jürgen Habermas (2011; 2008a), John Rawls (2006; 2004) et Charles Taylor (2011; Maclure et Taylor, 2010), se sont prononcés sur ces débats. Leur réflexion s’inspire à la fois d’un libéralisme paraissant gagner en autorité et d’un phénomène d’activation du religieux semblant vouloir s’y affirmer davantage. Et ceci n’a pu que concourir à soulever de nouvelles questions par le croisement de cette base libérale, qui s’avère aujourd’hui légitimer l’espace pluraliste où s’expriment ces croyances religieuses. Ces croyances sont-elles appelées à s’aligner avec cette base ou peuvent-elles concourir à la saper de l’intérieur? L’interprétation de cephénomène et des limites à lui donner sont au cœur des débats tant pratiques que théoriques. Ainsi, Jürgen Habermas (2008a) et John Rawls (2006) sont préoccupés, tous deux, par la question de l’adhésion des croyants «convaincus» au régime démocratique. Comment peut-il être possible pour des citoyens de « souscrire» à un régime dans le cadre duquel leur croyance ou conviction profonde, religieuse, ou même non religieuse, « risque de ne pas prospérer [ … ], voire y décliner» (Rawls, 2006: 179). Soulevant d’autres questions, Taylor oppose, entre autres, à Habermas que la religion, « en regard du politique, de la raison et de l’argumentation », ne doit pas être appréhendée différemment desautres doctrines compréhensives non religieuses. Selon cette perspective, il est tout à fait légitime, en contexte pluraliste, que les discours religieux conservent leur langage et leur fondement spécifique dans le cadre d’une discussion publique, et en vue de s’y inscrire. Pour sa part, si Habermas reconnaît qu’il n’y a pas de différences cognitives entre des «vues compréhensives » religieuses et non religieuses, il maintient néanmoins que les apports possibles du discours religieux doivent être traduits en termes « séculiers» dans le cadre d’une délibération publique. Selon ce dernier, en admettre la justification religieuse constituerait une atteinte portée au principe de neutralité et de séparation de l’Église et de l’État: « [ … ] toutes les décisions politiques susceptibles d’être imposées par le pouvoir étatique doivent être formulées et pouvoir être justifiées dans une langue qui soit également accessible à tous les citoyens» (Habermas, 2008a: 193) (Habermas et Taylor, 2011; Taylor, 2011).

LES TROIS VECTEURS DE LA DÉMOCRATIE: LE POLITIQUE, LE DROIT ET L’HISTOIRE

   Marcel Gauchet associe trois vecteurs à la démocratie: le politique, le droit et l ‘histoire. La démocratie se présente de cette façon sous la forme d’un régime mixte qui se développe selon ces trois composantes (Gauchet utilise également « composantes» et « dimensions» dans ses écrits pour se référer aux vecteurs) dont chacune est essentielle à sa réalisation, et dont l’articulation permet de répondre aux problèmes soulevés par la mise en forme de l’autonomie en tant que source organisatrice de la structuration sociale (Gauchet,2007d). Ce régime mixte se développe selon ces trois composantes qui se présentent non seulement comme des éléments essentiels, mais également comme les étapes historiques de ce que Gauchet nomme « l’avènement de la démocratie »; de là leur titre de vecteurs. Aux fins de notre recherche, nous ne reprendrons pas l’étude historique de chacune de ces trois dimensions proposées par Gauchet, mais insisterons sur leur nature conceptuelle dans lamesure où elles permettent d’éclairer la dynamique en marche dans la démocratie contemporaine.5 Comme nous le verrons plus en détail ci-dessous, il apparaît dans ses travaux que l’avènement d’un vecteur (en premier lieu, le politique) donne naissance à un cadre particulier et rend possible, et inéluctable, l’émergence du second (ledroit) et, de ce nouveau cadre, émerge le troisième (l’histoire). Selon la perspective du philosophe, l’ avènement de la démocratie ne relève pas d’un long aboutissement de l’histoire humaine, mais de plusieurs développements dont l’ensemble qui en résulte constitue « [ .. . ] ce que nous pouvons appeler une « anatomie de la modernité » »(Gauchet,2010d: 212). Nous exammerons ci-dessous trois moments dans les développements de la démocratie identifiés par Gauchet, qui nous permettent de dresser le portrait de cette« anatomie de la modernité» : i) la révolution moderne, d’où émerge la première forme complète du régime mixte de la démocratie; ii) la crise de «croissance» ou« d’approfondissement» de la démocratie et, iii) le renversement libéral. Nous examinerons ces trois moments en cherchant à éclairer les principaux problèmes théoriques et pratiques qu’ils soulèvent entre les trois vecteurs de la démocratie, cela en vue de mieux comprendre l’architecture de la société commandée par l’autonomie.

LA RÉVOLUTION MODERNE

   La révolution moderne, qui s’étend entre 1500 et 1900, réunit et englobe l’ensemble des révolutions que nous sommes en mesure d’observer et qui nous entraînent, chacune viscéralement, dans l’ ère moderne.Mérite le nom de révolution moderne l’enchaînement de ces trois vagues révolutionnaires (dans les pleins et les creux desquels figurent les révolutions qui nous sont familières: révolution anglaise, Révolution française, révolution industrielle). Elles ont leur point de départ dans une révolution plus initiale encore, la révolution religieuse du début du XVIe siècle [ … ]. (Gauchet, 2007a : 50)Le premier vecteur qui amorce la révolution moderne, le politique, fait son entrée avec la naissance de « l’État-nation souverain moderne» (Gauchet, 2007d). C’ est par l’État que le politique devient « visible» (Gauchet, 2003d). Tel que l’avance Marcel Gauchet,« [ … ] l’État moderne est l’État en possession de son concept» (Gauchet, 2005 : 19): le politique. Au cours du XVIe siècle, les écrits de Machiavel, Le Prince et Les Discours sur la première décade de Tite-Live, entre autres, sont, selon Gauchet, les premiers à témoigner de ce politique qui se pense pour lui-même en-dehors du religieux (Gauchet, 2005).Quoique l’État soit déjà présent depuis trois millénaires avant notre ère, l’apparition de saforme moderne marque une distinction: « Il était le relais du religieux. Il devient l’appareil au travers duquel la communauté humaine s’assure de ses propres raisons et des moyens de sa définition, autrement dit un appareil à matérialiser l’autosuffisance de l’ici-bas »(Gauchet, 2005 : 18-19). L’État moderne s’installe vers 1600, à ses débuts comme outil du religieux; il est le médiateur de l’au-delà auquel il est lié. Il s’installe alors dans la forme de l’Un, l’État absolutiste, englobant la « communauté politique » sous son autorité (Gauchet, 2007a; 1998). Mais ne minimisons pas la transformation qui s’opère. L’État, « une machine impersonnelle, abstraite, désincarnée» (Gauchet, 2008b : 64), donne corps à une « nouvelle forme du politique» où la source du pouvoir est parmi les hommes (là est le changement initial majeur). La « communauté politique» constitue une nouvelle forme d’humanité se donnant à elle-même, dotée d’un nouveau type de pouvoir, l’État, qui lui est consubstantiel.Les deux éléments sont liés: le pouvoir d’émettre la norme et la communauté qui lui permet d’exister, d’où le doublet État-nation (Gauchet, 2008b). On ne peut penser l’humanité se gouvernant elle-même qu’à partir de ces deux éléments, et le politique, en ce sens, en constitue « le socle ». Le politique présente le cadre instituant qui permet à la société de se déployer sous cette forme particulière. Il représente ainsi le premier vecteur nécessaire au développement des deux autres qui suivront.Le second vecteur de la révolution moderne constitue le droit, dont Gauchet perçoit le déploiement à partir des théoricies du droit naturel (Hobbes, Locke, Rousseau) (Gauchet, 2007a; 2007d). Du lien étroit qui l’attache à la communauté qui lui permet d’exister, le nouveau type de pouvoir qu’a fourni le politique a besoin d’une nouvelle source de légitimation que celle de la loi extérieure portée par la structure de l’Un. Quoiqu’il maintienne un lien symbolique à la divinité, « [ … ] l’ici-bas s’ administre, se gouverne selon des raisons qui lui sont propres » (Gauchet, 2009b : 4). La « raison d’État » traduit la« raison d’être de l’État » : « C’est en fonction de motifs qui  appartiennent à la sphère humaine que doit s’organiser la communauté politique » (Gauchet, 2009b : 4). Le pouvoirs’appuie conséquemment sur une « théorie immanente » de ce que constitue le pouvoir politique. Le foyer du pouvoir ne correspond plus à un ordre pré-donné de part en part,mais réside ici-bas, parmi les hommes. L’organisation de la communauté devient le travail des hommes réunis en communauté politique. C’est par là que l’État, d’abord monarchique, détenteur du pouvoir d’émettre la norme, est appelé à produire un ordre où les hommes sont libres et égaux au sein de la communauté qui lui permet d’exister (Gauchet, 2005). L’égalité des droits originels est la seule légitimation pensable de l’effet d’un pouvoir dont la rationalisation et l’exercice passe parmi les hommes. C’est dans cette perspective que se développent les bases de la philosophie du contrat.

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Table des matières

REMERCIEMENTS
RÉSUMÉ
ABSTRACT
INTRODUCTION
CROYANCES RELIGIEUSES ET PRINCIPES DÉMOCRATIQUES
PROBLÉMATIQUE
HYPOTHÈSE ET OBJECTIFS
CADRE THÉORIQUE
PREMIÈRE PARTIE RELIGION ET DÉMOCRATIE
CHAPITRE 1 ANATOMIE DE LA DÉMOCRATIE
LES TROIS VECTEURS DE LA DÉMOCRATIE: LE POLITIQUE, LE DROIT ET L’HISTOIRE
LA RÉVOLUTION MODERNE
LA CRISE DE CROISSANCE DE LA DÉMOCRATIE MODERNE
LE RENVERSEMENT LIBÉRAL
CHAPITRE 2 L’EXPÉRIENCE DE L’ALTÉRITÉ
L’IDÉOLOGIE ET LE RAPPORT À L’ALTÉRITÉ DANS LA MODERNITÉ
LE RELIGIEUX APRÈS LA RELIGION
LE RELIGIEUX À L’ÈRE DES IDÉOLOGIES
CHAPITRE 3 HISTOIRE, POLITIQUE ET RELIGION: REGARDS CRITIQUES SUR MARCEL GAUCHET
HISTOIRE D’UNE SORTIE DE LA RELIGION?
UNE DÉFINITION POLITIQUE DE LA RELIGION
DEUXIÈME PARTIE LE RENOUVEAUX RELIGIEUX DANS LA DÉMOCRATIE DES DROITS DE L’HOMME
CHAPITRE 4 LA DÉMOCRATIE DES DROITS DE L’HOMME
L’UNIVERSALITÉ DES DROITS DE L’HOMME
L’IDÉOLOGIE DES DROITS DE L’HOMME
LA CRISE DU MONDE COMMUN
CHAPITRE 5 LE RENOUVEAU RELIGIEUX
LE FONDAMENTALISME OU LE VERSANT POLITIQUE DU RELIGIEUX
LE RELIGIEUX DANS LA SPHÈRE PUBLIQUE
PLURALISME ET CROYANCES RELIGIEUSES
CHAPITRE 6 PLURALITÉ ET PLURALISME DANS LA DÉMOCRATIE LIBÉRALE
JOHN RAWLS ET LE PLURALISME RAISONNABLE
HABERMAS ET LA DÉLIBÉRATION DÉMOCRATIQUE
CONCLUSION: AU-DELÀ DES DROITS DE L’HOMME
Références bibliographiques

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