Prévalence, incidence
La dégénérescence maculaire liée à l‟âge est la principale cause de malvoyance et de cécité légale dans les pays développés. (1,2) Sa forme sévère la plus fréquente, la DMLA exsudative, en est la première cause. (1) Les études de prévalence donnent des valeurs s‟étendant de 2,3 à 5,2% chez le sujet de plus de 65 ans, chiffres comparables en Europe et aux Etats-Unis. (3,4) Son incidence en population caucasienne américaine s‟élève à 1,8% sur 5 ans et 6,8 % sur 10 ans chez les plus de 75 ans dans la Beaver Dam Eye Study. (5,6) Si ces chiffres sont effrayants, les conséquences fonctionnelles sont considérables. En Europe, la DMLA représente 44,4% des causes de malvoyance. (7) Elle est la première cause de baisse d‟acuité visuelle du sujet de plus de 50 ans dans les pays développés et la troisième cause de cécité dans le monde, la cataracte et le glaucome chronique prédominant dans les pays asiatiques et africains. (8Ŕ10) La composante génétique, et de multiples facteurs environnementaux tels l‟alimentation asiatique riche en poisson, le faible taux de chirurgie de la cataracte et l‟espérance de vie plus faible dans les pays africains, et l‟éventuel rôle protecteur du cristallin opacifié sont autant d‟hypothèses plausibles à l‟origine de cette différence. Un traitement efficace et onéreux des formes néovasculaires existe depuis 2006 au prix de lourdes contraintes pour le patient et d‟un coût élevé pour la société. Dans cette aire où l‟espérance de vie croît considérablement, la DMLA demeure un problème majeur de santé publique en Europe.
Facteurs de risque génétiques
De nombreuses études ont conduit à l‟identification de facteurs de prédisposition génétique. Tout d‟abord, la plupart des études d‟agrégation familiale ont démontré l‟existence d‟un risque relatif de 2 à 4 de développer la maladie en cas d‟antécédent familial de DMLA. (11) Les études de jumeaux permettent de faire la part entre le rôle des facteurs génétiques et celui des facteurs environnementaux. Il a été démontré que l‟héritabilité est d‟autant plus élevée que la présentation clinique est sévère. Les facteurs génétiques expliqueraient 46 à 71% du phénotype observé. (12) Deux gènes majeur de susceptibilité de la DMLA ont été identifiés ces dernières années : le gène du facteur H du complément (CFH) et le gène ARMS2 (Age-Related Maculopathy Susceptibility 2). Le facteur H du complément est un élément majeur de la cascade du complément. Plusieurs études cas-témoins ont décrit une association entre le variant Y402H du gène CFH et la DMLA. Il est associé à un risque plus élevé de développer une DMLA toutes formes confondues dans les populations étudiées. (13,14) Ce facteur de susceptibilité concerne une région de la protéine fixant l‟héparine et la CRP, et il est donc probable que cet allèle modifie partiellement la régulation des processus inflammatoires rétiniens. Comme pour le gène CFH, la fréquence de l‟allèle à risque du gène ARMS2, dont la fonction biologique demeure inconnue, est élevée dans la population générale, estimée à 0,17 et représente un facteur de susceptibilité majeur, et ce risque s‟accentue chez les homozygotes : les odd ratio s‟élèvent à 2-3 chez les hétérozyygotes, et 7-8 chez les homozygotes. (15) Les individus double homozygotes pour les allèles à risque des gènes CFH et ARMS2 ont un odd ratio de 57,6 de développer une DMLA. (16) Ces progrès majeurs dans la connaissance des facteurs de susceptibilité génétique permettent d‟envisager ou de confirmer de nouvelles voies physiopathologiques, notamment en terme d‟inflammation. Il existe également des corrélations génotype-phénotype. Par exemple, une corrélation entre variants à risque du CFH et NVC occultes a été établie. (17) Ainsi, il est probable que les variants à risque des gènes de susceptibilité influencent également l‟évolution vers certaines formes cliniques de DMLA et par extension la réponse aux différents traitements préventifs et curatifs. Il a été prouvé en effet une moins bonne réponse à la supplémentation en antioxydants et zinc, (18) au bevacizumab (19) et ranibizumab (20) chez les patients homozygotes pour l‟allèle à risque du gène CFH et ARMS2. Plus récemment, les mutations à risques des gènes HTRA1 et ARMS2 sont associées à une moins bonne acuité visuelle à 12 mois après traitement par ranibizumab et bevacizumab suggérant une association pharmacogénétique forte. (21) A l‟inverse, certains polymorphismes ont un effet protecteurs. Les allèles à bas risque des gènes CFH, ARMS2 et HTRA1 et VEGFA sont corrélés à une meilleure évolution fonctionnelle, et l‟allèle A69S du gène ARMS2 est un marqueur prédictif de réponse thérapeutique favorable des populations asiatiques. (22,23) Ces découvertes génétiques représentent probablement la base des futurs régimes thérapeutiques individualisés basés sur le génotype. Les facteurs de risque génétiques augmentent le risque d‟apparition de la maladie indépendamment des facteurs de risque environnementaux. (24) De plus, les odd ratio associés aux variants génétiques en cause sont considérablement supérieurs à ceux des facteurs environnementaux.
FORMES CLINIQUES DE DMLA EXSUDATIVE
Les formes exsudatives entrainent des signes fonctionnels évocateurs d‟apparition plus ou moins rapide selon le type de lésion : baisse d‟acuité visuelle, métamorphopsies, scotome central ou paracentral, ou micropsie constituent un syndrome maculaire typique. Le diagnostic est évoqué à l‟examen du fond d‟œil tout d‟abord par la présence de drusen ou d‟altération de l‟épithélium pigmentaire, signes de DMLA débutante, de signes exsudatifs tels un œdème rétinien, une décollement séreux rétinien (DSR), un décollement de l‟épithélium pigmentaire (DEP), des hémorragies intra ou sousrétiniennes ou des exsudats lipidiques. Le diagnostic positif repose sur l‟imagerie multimodale associant l‟OCT et l‟angiographie à la fluorescéine et au vert d‟indocyanine. L‟apparition de la tomographie par cohérence optique haute définition, et plus récemment le spectral domain-OCT (SD-OCT) offre une technique d‟imagerie structurelle non-invasive et reproductible largement utilisée actuellement dans l‟exploration et le suivi des anomalies rétiniennes et choroïdiennes des pathologies maculaires et plus particulièrement de la DMLA néovasculaire. (48) L‟OCT est l‟examen de choix pour l‟analyse du statut d‟activité néovasculaire par la présence ou l‟absence de signes indirects d‟exsudation secondaire à l‟hyperperméabilité anormale des NVC : DSR, DEP, épaississement rétinien, œdème rétinien cystoïde. Le NVC luimême correspond à une hyperréflectivité profonde fusiforme sous-rétinienne (NVC de type 2) ou sous-épithéliale (NVC de type 1) dont la localisation et l‟étendue sont souvent difficiles à définir. (49) Dans l‟exploration des NVC, le gold standart demeure l‟angiographie à la fluorescéine. (49,50) Elle révèle différents types de lésions néovasculaires de nature histologique, de présentation clinique, d‟évolution et de pronostic propres. Les caractéristiques angiographiques des néovaisseaux choroïdiens associés à la DMLA néovasculaire ont été largement décrits afin de définir différents types présentant des réponses anatomiques et fonctionnelles propres à un traitement anti-angiogénique: (49) le néovaisseau occulte (type 1), (49,51) le néovaisseau visible ou classique (type 2) (52) et le controversé néovaisseau de type 3 dont la nature crée débat dans lequel s‟opposent deux hypothèses : la prolifération angiomateuse intrarétinienne ou l‟origine choroïdienne. (53Ŕ55)
Imagerie multimodale
Les NVC visibles se manifestent par une hyperfluorescence très précoce, bien limitée et intense en rayon de roue évoquant les rameaux radiaires et l‟arcade vasculaire périphérique de la membrane néovasculaire. Par une hyperperméabilité vasculaire pathologique, la diffusion est intense au cours de la séquence, responsable d‟un masquage de l‟anneau hypofluorescent périlésionnel visible aux temps précoces. L‟angiographie au vert d‟indocyanine trouve ici son intérêt dans la recherche d‟une part occulte associée. Le NVC visible se caractérise en OCT par une hyperréflectivité fusiforme en avant de l‟épithélium pigmentaire générant une zone d‟ombre postérieure, associée ou non à des signes exsudatifs d‟activité néovasculaire.
Rôle des pigments maculaires
Le rôle des pigments maculaires a été exploré dans le rapport 22 de l‟AREDS. La luthéine, la zéaxanthine et la méso-zéaxanthine sont des caroténoïdes présents en concentrations importantes dans la macula. (79) Ces caroténoïdes de la famille des xanthophylles sont les principaux éléments du pigment maculaire, (80) conférant un rôle physique de filtration de la composante bleue de la lumière solaire et un rôle biochimique local anti-oxydant. (81) Le rapport 22 a prouvé qu‟un apport en lutéine et zéaxanthine était inversement corrélé aux formes néovasculaires (OR=0,65), à la forme atrophiques (OR=0,45) et également aux formes de MLA comportant des drusen de grande taille ou de taille intermédiaire (OR=0,73). (82) Cependant, ces faisceaux d‟arguments en faveur d‟un rôle protecteur des pigments maculaires sont contrastés par l‟absence d‟étude contrôlée randomisée ayant prouvé l‟efficacité d‟un régime supplémenté en lutéine et zéaxanthine. En effet, l‟étude interventionnelle AREDS 2 n‟a pas mis en évidence de diminution du risque de progression vers des formes avancées de DMLA dans le groupe de patients supplémentés en lutéine et zéaxanthine. (77) En 2004, l‟étude LAST a prouvé qu‟une supplémentation en lutéine entrainait un gain d‟acuité visuelle de 5,4 lettres et une augmentation de la sensibilité au contraste à 1 an chez des patients atteints de DMLA atrophique. (83)
|
Table des matières
PARTIE 1 : LA DMLA EXSUDATIVE : GENERALITES, ASPECTS CLINIQUES
I. DÉFINITION
II. ÉPIDÉMIOLOGIE
A. Prévalence, incidence
B. Facteurs de risque
1. Facteurs de risque génétiques
2. Facteurs de risque environnementaux
a. Facteurs constitutionnels
b. Facteurs de risques acquis
III. PHYSIOPATHOLOGIE
A. Pathogenèse de la DMLA
B. Pathogenèse de la néovascularisation choroïdienne
IV. FORMES CLINIQUES DE DMLA EXSUDATIVE
A. NVC occultes sous-épithéliaux
1. Présentation clinique
2. Imagerie multimodale
B. NVC visibles sus-épithéliaux ou classiques
1. Présentation clinique
2. Imagerie multimodale
C. Anastomoses chorio-rétiniennes (ACR)
1. Présentation clinique
2. Imagerie multimodale
D. DEP
1. Présentation clinique
2. Imagerie multimodale
E. Lésions fibrovasculaires de la DMLA terminale ou dépassée
1. Présentation clinique
2. Imagerie multimodale
F.Autres présentations cliniques
1. Déchirure de l‟épithélium pigmentaire
2. Hématome sous-rétinien
PARTIE 2: ASPECTS THÉRAPEUTIQUES DE LA DMLA
I. TRAITEMENTS PREVENTIFS
A. Traitements médicaux de la DMLA
B. Les études AREDS et autres études épidémiologiques
1. Conception et objectifs des études AREDS
2. Rôle des antioxydants
3. Rôle de la vitamine B et acide folique
4. Rôle des pigments maculaires
5. Rôle des acides gras polyinsaturés oméga 3
II. THERAPIES INITIALES
A. Photocoagulation des NVC
1. Etudes cliniques et indications
2. Principe et techniques
B. Thérapie photodynamique
1. Etudes cliniques et indications
2. Principe et technique
III. LES ANTI-VEGF
A. Traitement de référence des NVC
1. Avènement des injections intra-vitréennes des anti-VEGF
a. Les molécules disponibles
b. Les études pivotales
c. Etudes comparatives
2. Stratégies thérapeutiques
a. Différents protocoles de traitement
b. Critères de retraitement
3. Réponses thérapeutiques : les répondeurs types
4. Tolérance systémique des injections intra-vitréennes d‟anti-VEGF
B. Mécanismes d‟action des anti-VEGF : l‟évolution des stratégies anticancéreuses comme base de réflexion
1. Réseau vasculaire physiologique et néovascularisation
a. Réseau vasculaire optimal
b. Angiogenèse et VEGF
2. Hypothèse initiale : le blocage vasculaire
3. Seconde hypothèse : la normalisation vasculaire
4. OCT-angiographie et CNV : couple idéal pour l‟étude des mécanismes d‟action des anti-VEGF
PARTIE 3 : ANALYSE OCT-ANGIOGRAPHIQUE DE LA NEOVASCULARISATION CHOROIDIENNE DE LA DMLA EXSUDATIVE
I. PRINCIPES DE L‟OCT-ANGIOGRAPHIE
II. INTERPRÉTATION ET ASPECTS PHYSIOLOGIQUES
A. Aspect de la rétine normale
B. Principaux artéfacts
III. OCT-ANGIOGRAPHIE ET NÉOVASCULARISATION CHOROÏDIENNE DE LA DMLA
A. Sémiologie descriptive des lésions néovasculaires de la DMLA
1. NVC occultes sous-épithéliaux (type 1)
2. NVC visibles sus-épithéliaux (type 2)
3. Anastomoses chorio-rétiniennes (NVC de type 3)
4. Lésions fibrovasculaires
B. Variations morphologiques des NVC traités par anti-VEGF
1. Signes OCT-angiographiques d‟activité exsudative
2. Remodelage néovasculaire des NVC traités en OCTA
a. Modifications morphologiques à court terme
b. Modifications morphologiques à long terme
1) Méthodes
a) Type d‟étude et population
b) Recueil de données
c) OCT-angiographie
d) Critères de jugement
e) Analyses statistiques
2) Résultats
a) Population d‟étude
b) Description des motifs initiaux et finaux
c) Corrélation à l‟activité exsudative associée en OCT
d) Comparaison de la MAVC initiale et finale
e) Autres caractéristiques
f) Concordance inter-lecteurs des variables qualitatives
3) Discussion
a) Les motifs évolutifs : reflet d‟un « remodelage vasculaire »
b) L‟anormalisation vasculaire anti-VEGF induite, un nouveau paradigme
c) Signes OCT-angiographiques d‟activité néovasculaire
d) Limites de l‟étude
Conclusion
Références
Télécharger le rapport complet