Le remodelage osseux

Au cours de l’évolution, des organismes multicellulaires ont développé un squelette pour protéger leurs organes, maintenir la forme de leur corps et se déplacer [205, 105]. Du fait de cette nouvelle mobilité, ces espèces ont pu se déplacer vers les eaux douces où l’accès aux minéraux, présents dans l’eau de mer et indispensables au fonctionnement de leur métabolisme [26, 164], fut restreint [205, 257]. Elles les puisèrent alors dans leur squelette, lui conférant le rôle de réservoir de minéraux [47, 166, 205, 105, 257]. Le squelette, résultat de millions d’années d’évolution, est donc une entité vivante complexe qui se renouvelle constamment. Sous l’action coordonnée des cellules osseuses mécanosensibles (ostéocytes), destructrices (ostéoclastes) et constructrices (ostéoblastes), il est ainsi, en moyenne, remplacé tous les 10 à 12 ans [252]. Ce processus de renouvellement, appelé remodelage osseux, assure la réparation des microfissures osseuses [256, 134], l’adaptation du tissu osseux à son environnement [255, 112, 236] et l’homéostasie des minéraux composant la matrice osseuse (calcium, phosphate, sodium, chlorure…) [47, 45, 105]. Un dysfonctionnement de ce remodelage osseux conduit à des maladies telles que l’ostéoporose ou la maladie de Paget pour ne citer que les deux plus courantes [212]. Les coûts engendrés par de telles pathologies   et le nombre de personnes atteintes (par exemple en Europe, toutes les 30 secondes, 1 personne a une fracture due à l’ostéoporose [98]) en font, aujourd’hui, un enjeu économique important [71].

Le remodelage osseux

Le squelette se renouvelle constamment. Par ce remaniement, il 1) adapte sa structure à son environnement diminuant les risques de fractures, 2) répare les microfissures créées par des chargements mécaniques répétitifs et 3) régule l’homéostasie systémique en augmentant ou en diminuant la concentration des minéraux, tels que le calcium ou le phosphate [45, 67]. Ce processus, qui dure plusieurs mois, se fait sous l’action coordonnée des cellules osseuses. Les différentes étapes de ce phénomène sont décrites ci-après.

Déroulement

La quiescence À travers les canalicules et/ou les jonctions communicantes, les ostéocytes présents dans un réseau lacuno-canaliculaire « sain » (c’est-à-dire n’ayant aucun dommage) envoient en permanence des signaux biochimiques (monoxyde d’azote, sclérostine…) aux cellules effectrices (cellules bordantes, ostéoblastes, ostéoclastes) présentes à la surface de l’os. Ces signaux inhibent l’activation des ostéoclastes [44, 45, 33, 99].

L’activation Lorsqu’un traumatisme (une microfracture par exemple) perturbe le réseau lacunocanaliculaire, les ostéocytes présents aux environs du dommage meurent par apoptose [178]. Ces décès ostéocytaires arrêtent l’inhibition de l’activité ostéoclastique et déclenchent la libération de signaux biochimiques (RANKL) favorisant le recrutement des ostéoclastes [45, 127, 99, 111, 191, 35].

La résorption Les précurseurs des ostéoclastes migrent alors vers le site endommagé puis se différencient en ostéoclastes. Une fois formés, les ostéoclastes adhèrent à la matrice osseuse en créant un petit espace sous la cellule où ils sécrètent des acides et des enzymes qui dissolvent la matrice osseuse [24]. Ainsi, progressivement, les ostéoclastes résorbent la matrice osseuse, laissant apparaître une cavité appelée lacune de Howship. Cette lacune a la forme d’un tunnel (os cortical) ou d’une soucoupe (os trabéculaire) [83]. La destruction de la matrice osseuse s’arrête lorsque les ostéoclastes rencontrent des ostéocytes sains qui sécrètent des signaux biochimiques inhibant l’activité ostéoclastique [127]. Lorsque la destruction de la matrice osseuse est terminée, les ostéoclastes meurent par apoptose [136]. Même si la résorption de l’os trabéculaire est plus rapide que celle de l’os cortical [101], la durée moyenne de cette étape est de 2 à 3 semaines [204, 101].

L’inversion Une fois que la lacune de Howship est creusée, des fibres de collagène, encore ancrées dans la matrice osseuse, dépassent au niveau des surfaces de la cavité. Les cellules bordantes nettoient alors ces surfaces en s’enroulant autour des protubérances collagéniques et en les digérant [80, 101]. Cette phase dure 4 à 5 semaines [101]. Une fois leur travail achevé, les cellules bordantes déposent au fond de la cavité une fine couche riche en protéines : c’est la ligne cémentante [215, 80]. Elle reliera l’ancien os au nouveau.

La formation Lorsque la cavité est prête, les ostéoblastes commencent à déposer le collagène ainsi que les protéines non collagéneuses, formant l’ostéoïde. Puis le front de minéralisation apparaît tandis que les ostéoblastes continuent de remplir progressivement la lacune de Howship d’une nouvelle matrice osseuse. Parfois, un ostéoblaste demeure pris au piège dans la matrice osseuse : il se différenciera en un ostéocyte. Entre 10% et 20% des ostéoblastes subiront ce sort [236, 177, 203]. La nouvelle matrice osseuse est formée en 3 ou 4 mois environ [204, 101]. Le processus de remodelage est terminé lorsque la surface de l’os a retrouvé son état initial de quiescence. Les ostéoblastes restant se différencient alors en cellules bordantes ou disparaissent par apoptose. Remarque : Il est évident qu’une bonne communication entre les différentes cellules osseuses assure le bon déroulement du remodelage osseux [42]. Comprendre et maîtriser ces communications conduirait à la régression des maladies osseuses. Les échanges cellulaires ne sont pas encore tous très bien connus, mais parmi eux, un des plus prometteur est la voie de signalisation RANKL/RANK/OPG [39, 206, 190, 191, 43]. Il est également intéressant de souligner que les protéines non collagéneuses sécrétées par les ostéoblastes et séquestrées dans la matrice osseuse sont libérées lors de la résorption osseuse. Il semblerait que certaines de ces protéines activent la différenciation des pré ostéoblastes en ostéoblastes et inhibe l’activité des ostéoclastes [163].

Deux types de remodelage : ciblé et non ciblé 

Le remodelage osseux semble être régulé par les ostéocytes. Cependant, deux types de remodelage osseux sont connus : le remodelage « ciblé » et le remodelage « non ciblé ». Le premier est déclenché par exemple lors de la réparation d’une microfissure ou de l’adaptation du squelette à son environnement : les ostéoclastes migrent vers l’endroit endommagé et commencent à y résorber la matrice osseuse. Il s’ensuit la formation d’une nouvelle matrice osseuse par les ostéoblastes et le front de minéralisation, pour finalement retrouver un tissu osseux non endommagé. Mais lorsque le corps a besoin de rééquilibrer ses concentrations en calcium ou en phosphate, comme en cas d’hypocalcémie par exemple, les ostéoclastes résorbent aléatoirement la matrice osseuse. En effet, le but du remodelage dans ce cas-ci est de libérer rapidement du calcium, peu importe l’endroit. Burr [45] estime que 30% des remodelages osseux ayant lieu sont ciblés les 70% restant étant non-ciblés. De façon intéressante, les ostéocytes ont aussi la capacité de réguler ponctuellement la concentration en calcium/phosphate du fluide interstitiel. Il semblerait qu’ils utilisent cette fonction principalement en période d’allaitement [33, 195, 34].

Modèles existants : état de l’art

Le remodelage osseux intéresse les scientifiques depuis plusieurs siècles. En 1638, Galilée fut le premier à imaginer un parallèle entre la taille des os et le chargement qu’ils subissent [35]. Plus tard, Wolff [255] proposa l’adaptation du tissu osseux aux forces mécaniques environnantes. Aujourd’hui, devant les enjeux socioéconomiques engendrés par les maladies osseuses, de nombreuses études expérimentales et théoriques s’intéressent au tissu osseux. Bien que non homogène, élastique, voire viscoélastique et anisotrope [100, 79], le tissu osseux est souvent modélisé comme un matériau élastique linéaire, homogène et isotrope transverse [109]. Cependant, la présence de pores saturés de fluide interstitiel font du tissu osseux un milieu poreux. Ainsi, lorsque l’os est soumis à des contraintes mécaniques, des flux interstitiels se créent aux différentes échelles [189]. Soupçonnés de jouer un rôle majeur dans le remodelage osseux [86], l’importance de ces flux et leurs comportements ont été examinés par diverses études  à l’échelle de l’organe [261, 156, 243, 216, 244], de l’ostéon [262, 201, 37, 142, 202], et du réseau lacuno-canaliculaire [253, 219, 259, 244, 103, 260, 10]. D’autres études, plus soucieuses de l’influence de la structure complexe du tissu osseux, proposent des modèles multi-échelles pour étudier l’écoulement du fluide interstitiel à une petite échelle et ses conséquences aux échelles supérieures [253, 156, 64]. Les caractéristiques du tissu osseux (coefficients d’élasticité, perméabilité, porosité, morphologie) ont été déterminées par différentes études tant à l’échelle de l’organe [50, 157], qu’à l’échelle du réseau lacuno-canaliculaire [197, 23, 91] et de la matrice de collagène-hydroxyapatite .

Par ailleurs, le tissu osseux présente des propriétés électriques [70] et sa déformation engendre des potentiels électriques [221, 182, 121] dont l’origine serait électrocinétique plutôt que piézoélectrique . Enfin, puisque primordial pour la survie des ostéocytes, d’autres études se sont intéressées au transport des nutriments des vaisseaux sanguins aux cellules osseuses. Il en ressort que, malgré l’optimalité [170] de la taille des ostéons, cette dernière semble trop grande pour que de grosses molécules (telles que les protéines) puissent atteindre, par diffusion, les ostéocytes proches de la ligne cémentante. Ainsi, de nombreuses études estiment que le mécanisme de transport majeur au sein du réseau lacuno-canaliculaire est la convection . Ces nombreuses études ont permis une meilleure compréhension du tissu osseux et de son comportement, conduisant au développement de différents modèles du remodelage osseux .

Nouveauté

Un des éléments clés du remodelage osseux serait le rôle joué par l’écoulement du fluide interstitiel au sein du réseau lacuno-canaliculaire, et plus précisément, la contrainte de cisaillement ressentie par les ostéocytes, notamment au niveau de leur dendrite. Par conséquent, comprendre le comportement du fluide au sein du canalicule est important pour prédire la réponse ostéocytaire. Les différentes recherches menées jusqu’ici indiquent que le tissu osseux est un milieu poreux chargé et saturé par un électrolyte. Mais des études s’intéressant aux effets de l’écoulement d’un électrolyte au sein d’un milieu poreux saturé et chargé révèlent que des phénomènes électrochimiques ayant lieu à l’échelle du pore sont responsables d’événements visibles à l’œil nu tels que les performances électriques des piles à combustible [54], les fissures des structures en béton armé en façade maritime ou zone de déverglaçage [38] ou encore le gonflement des argiles [173, 135, 151, 141]. Étant donné que le tissu osseux présente des caractéristiques similaires à ces matériaux, des modèles multi-échelles, inspirés de ces travaux, ont donc été développés au sein du laboratoire pour mieux comprendre les phénomènes multiphysiques qui régissent in vivo les interactions entre le fluide interstitiel, la matrice solide et les cellules osseuses [140, 143, 137]. Ces modèles tiennent compte, à l’échelle du pore, de phénomènes couplés tels que la conduction hydraulique, l’osmose, l’électroosmose, la diffusion, la convection et l’électromigration ainsi que de la présence d’une double-couche électrique et de la matrice péricellulaire . Ces phénomènes sont décrits ci-après.

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Table des matières

1 Introduction
1.1 Le tissu osseux
1.1.1 Deux types d’os
1.1.2 Cellules osseuses
1.2 Le remodelage osseux
1.2.1 Déroulement
1.2.2 Deux types de remodelage : ciblé et non ciblé
1.3 Modèles existants : état de l’art
1.4 Nouveauté
1.4.1 Phénomènes couplés considérés dans nos modèles
1.4.2 Double couche électrique
1.4.3 Échanges chimiques
1.5 Conclusion
2 De l’échelle du pore à celle du canalicule
2.1 Modèle à l’échelle du pore
2.1.1 Électrostatique
2.1.2 Écoulement du fluide
2.1.3 Transport des ions
2.2 Solution virtuelle équivalente : introduction de propriétés de bulk
2.2.1 Électrostatique
2.2.2 Écoulement du fluide
2.2.3 Transport des ions
2.3 Homogénéisation
2.3.1 Forme sans dimension du problème à l’échelle du pore canaliculaire
2.3.2 Développement asymptotique
2.3.3 Variables lentes
2.3.4 Problèmes de fermeture
2.4 Modèle à l’échelle du canalicule
2.4.1 Prise de moyenne
2.4.2 Électrostatique
2.4.3 Écoulement du fluide
2.4.4 Transport des ions
2.5 Application du modèle
2.5.1 Équations
2.5.2 Analyse numérique
2.5.3 Valeurs des paramètres
2.5.4 Résultats
2.6 Conclusion
3 Étude paramétrique
3.1 Positionnement du problème
3.2 Équations
3.3 Variables indépendantes et dépendantes
3.3.1 Variables indépendantes
3.3.2 Variables dépendantes
3.4 Stratégie générale
3.4.1 Analyse Multi-Paramétrique (MPA)
3.4.2 Analyse de Sensibilité Multi-Paramétrique (MPSA)
3.5 Résultats et Discussions
3.5.1 Électrostatique
3.5.2 Écoulement du fluide interstitiel
3.5.3 Transport ionique
3.6 Conclusion
4 Importance de la chimie
4.1 Le calcium dans l’os : biologie et physio-pathologie
4.2 Ajout du calcium dans le modèle précédent
4.2.1 Équations
4.2.2 Résultats
4.2.3 Conclusion théorique
4.3 Expérience : impact d’un écoulement microscopique sur des cellules osseuses
4.3.1 Dispositif expérimental
4.3.2 Culture cellulaire
4.3.3 Résultats
4.3.4 Conclusion expérimentale
4.4 Échanges chimiques aux parois
4.4.1 Equations et valeurs des paramètres
4.4.2 Résultats
4.4.3 Conclusion
4.5 Conclusion générale du chapitre
5 Conclusion

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