La détermination de la responsabilité applicable
N’ayant jamais été définie, ni au niveau légal, ni au niveau constitutionnel, la notion de Responsabilité Sociale des Entreprises nous amène à nous questionner sur le terme « responsabilité » et les formes existantes dans le régime juridique français (I). Au vue de la qualification qui pourra être retenue de celle-ci, va également se poser la problématique de la sanction de cette responsabilité (II).
Les formes de responsabilité existantes
En droit français, il existe deux types de responsabilité qui doivent être distingués : la responsabilité délictuelle et la responsabilité contractuelle.
La responsabilité civile délictuelle est définie à l’article 1240 du Code civil. Elle condamne l’auteur d’un dommage matériel ou immatériel envers autrui à la réparer . Cette réparation peut avoir plusieurs formes puisqu’elle peut être en nature ou par un équivalent, tel que le paiement de dommages et intérêts. La responsabilité civile délictuelle s’oppose à la responsabilité pénale ayant une fonction punitive. Elle peut en principe être engagée dans toutes les situations autres que celles où il existe une relation contractuelle entre l’auteur et la ou les victimes. C’est ce qui la distingue en effet de la responsabilité contractuelle.
La responsabilité civile contractuelle, quant à elle, oblige une partie d’un contrat à verser des dommages et intérêts à une autre partie au contrat pour diverses raisons possibles :
– un retard dans l’exécution d’une obligation, sauf à justifier d’une cause exonératoire de responsabilité telle que, à titre d’exemple, la force majeure, événement imprévisible, irrésistible et extérieur.
– l’inexécution d’une obligation .
La détermination de la responsabilité applicable en matière de RSE se tourne logiquement vers la responsabilité délictuelle, à moins qu’il soit prouvé l’existence d’un « contrat implicite » entre débiteurs et créanciers. Cette solution semble toutefois véritablement contestable car il faut rappeler que la présence d’un contrat suppose le respect d’un ensemble d’obligations respectives, mises à la charge de chacune des parties. La présence d’un contrat implicite contreviendrait trop à la liberté d’entreprendre, liberté fondamentale caractérisant le monde des affaires d’une manière générale. Les dirigeants d’entreprise seraient même parfois tenter de conclure des contrats empêchant la reconnaissance d’un contrat implicite visant à la protection des enjeux liés à la RSE. C’est pourquoi, il est logique de considérer que la responsabilité délictuelle est celle à appliquer en l’espèce.
Dans ce cas, la responsabilité délictuelle applicable en matière de Responsabilité Sociale des Entreprises pourrait aboutir à une condamnation des créanciers de l’obligation en découlant dans le cas où les débiteurs victimes prouveraient l’existence de trois critères cumulatifs : un fait générateur, un dommage et un lien de causalité entre le fait générateur et le dommage. Le fait générateur de la responsabilité ne pose guère de difficulté en matière de RSE : il s’agirait, d’une manière assez simple, pour toute entreprise, de porter atteinte aux attentes de leurs parties prenantes et aux enjeux sociaux et environnementaux attachés à la notion. Il en va de même quant au dommage et au lien de causalité puisqu’une atteinte aux enjeux du développement durable causerait nécessairement un dommage aux populations détentrices des bienfaits y étant attachés, le lien de causalité se déduisant très logiquement ici.
Dans l’hypothèse où la responsabilité délictuelle s’applique en matière de litiges concernant la Responsabilité Sociale des Entreprises, se pose par conséquent la question de la sanction applicable.
La problématique de la sanction
Par principe, la qualification de la responsabilité délictuelle emporte une sanction de nature pécuniaire à savoir le paiement de dommages et intérêts par l’auteur du dommage aux victimes de celui-ci.
Toutefois, le concept de la faute lucrative interroge quant à la possibilité de condamner celles ci en application de la RSE. En effet, outre les problématiques liées au marketing utilisé par les entreprises pour promouvoir le respect du concept afin d’augmenter les profits sans en respecter les tenants, certains dirigeants d’entreprises peuvent parfois être tentés, par la réalisation d’un bilan coût-avantage, de commettre des actes dommageables pour réaliser des bénéfices, car la rémunération de ces actes aurait un coût toujours inférieur aux dommages réalisés.
Les auteurs ont des points de vue divergents sur la question de savoir s’il vaut mieux condamner au titre de la faute lucrative ou au titre des dommages et intérêts punitifs. Ces derniers sont très présents dans les pays du Common Law, mais le débat reste très ouvert en France et en Europe, car la doctrine s’accorde à considérer qu’ils tendent à avoir un caractère répressif dont leur sanction devrait s’organiser au niveau pénal, et non civil.
La Cour de cassation a tenté d’ouvrir la voie à la condamnation aux paiements de dommages et intérêts , mais sa solution a été vivement critiquée par la doctrine, en particulier afin de lutter contre un enrichissement sans cause potentiel de la victime ayant agi sur ce fondement.
C’est pourquoi, la faute lucrative semble avoir été préférée en France. Elle a déjà vu le jour dans de nombreuses matières du droit des affaires, notamment en droit de la concurrence puisqu’elle est condamnée par une amende civile en raison de la réalisation de pratiques anticoncurrentielles. Il en va de même en matière de contrefaçon avec la loi n°2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon.
Le projet de réforme de la responsabilité civile du 13 mars 2017 prévoit d’ailleurs dans son article 1266-1 qu’« En matière extracontractuelle, lorsque l’auteur du dommage a délibérément commis une faute en vue d’obtenir un gain ou une économie, le juge peut le condamner, à la demande de la victime ou du ministre et par une décision spécialement motivée, au paiement d’une amende civile. Cette amende est proportionnée à la gravité de la faute commise, aux facultés contributives de l’auteur et aux profits qu’il en aura retirés. […]
Cette amende est affectée au financement d’un fonds d’indemnisation en lien avec la nature du dommage subi ou, à défaut, au Trésor Public ».
La consécration de la faute lucrative en droit commun de la responsabilité civile lui donnerait donc une portée immense puisqu’elle serait condamnable au titre de tout dommage, peu importe sa nature. Ainsi, la sanction ne serait plus spéciale, applicable à certaines matières ou dans certains cas, mais générale. De plus, cette proposition de texte résoudrait la difficulté liée à l’enrichissement sans cause de la victime puisque les fonds récoltés seraient versés à des fonds d’indemnisation et/ou au Trésor Public pour répondre aux attentes de l’intérêt général.
Toutefois, il reste que la sanction de la faute lucrative resterait liée à l’engagement de la responsabilité délictuelle de l’auteur des dommages.
Appliquée à la Responsabilité Sociale des Entreprises, il est clairement facile de voir l’enjeu existant à l’extension possible de la faute lucrative à la matière. Cela permettrait de condamner les dirigeants d’entreprise qui, au nom des enjeux liés à la notion, mettraient en place des actions dommageables envers les débiteurs pour augmenter leur productivité et leurs richesses.
La recherche d’une définition de la Responsabilité Sociale des Entreprises, l’exposé de l’ensemble des droits fondamentaux pris en compte et la détermination de la responsabilité applicable permettent de comprendre l’enjeu lié au respect d’une telle notion. Il est possible d’appréhender sa portée au niveau de l’entreprise et de tous les acteurs adjacents. Pourtant, la RSE est notion très large qui nécessite, dans le cadre de ce mémoire, d’être délimitée, ce qui permettra d’évaluer son étendue au sein de l’entreprise.
Le domaine de la RSE
Au vue de la complexité de sa définition, le domaine de la Responsabilité Sociale des Entreprises doit être défini. Il s’agit là de se questionner pour savoir quels sont les acteurs de la notion et leurs attentes. Il convient donc d’étudier successivement les personnes qui composent la catégorie des créanciers de la RSE (section 1) puis celles intégrant la catégorie des débiteurs de la RSE (section 2).
Les créanciers de la RSE : les parties prenantes
Le créancier est le « titulaire d’un droit de créance », lui-même défini comme « le droit d’exiger la remise d’une somme d’argent ». Une créance est exigible dès lors qu’elle remplit trois conditions cumulatives :
– un caractère certain : la créance existe et n’est pas litigieuse, incontestable
– un caractère liquide : la créance est estimée en monnaie
– un caractère exigible : la créance est échue et donc n’est plus soumise à une condition suspensive.
Les créanciers de la RSE sont toutes les personnes amenées à interagir avec les entreprises, entretenir des relations, conclure des contrats, mais également subir les éventuels dommages qu’elles produisent. Ce sont tous les individus gravitant autour des entreprises. Cette présentation fait écho à la théorie des parties prenantes définie simplement, par certains auteurs , comme l’ensemble des personnes et groupes susceptibles d’être affecté ou d’affecter le déroulement de la stratégie d’entreprise. Se pose alors la question de savoir qui sont les personnes qualifiables de « parties prenantes » c’est-à-dire celles avec lesquelles les entreprises doivent envisager les politiques RSE.
Bien que de nombre auteurs aient travaillé sur la détermination des parties prenantes, il en ressort que la doctrine s’accorde à distinguer deux catégories de parties prenantes : les parties prenantes en relations d’affaires avec les entreprises, correspondant aux parties prenantes internes (I) et les parties prenantes sociétales représentant les parties prenantes externes (II).
Les parties prenantes internes
Les parties prenantes internes peuvent se définir comme tous les acteurs présents dans les entreprises et susceptibles d’intervenir, auprès des dirigeants de celles-ci, dans le cadre des politiques de Responsabilité Sociale des Entreprises. Il est possible d’identifier deux catégories de parties prenantes internes aux entreprises.
En premier lieu, les actionnaires et investisseurs des entreprises, comme les obligataires par exemple, peuvent être amenés à trouver un intérêt à la participation aux politiques RSE. En effet, de plus en plus d’individus se sentent concernés par la prise d’engagements durables liant performance économique et respect de l’éthique. Ainsi, la recherche d’investisseurs ou de nouveaux actionnaires dans le cadre, à titre d’exemple, d’augmentations du capital social afin de développer de nouvelles activités répondant aux objectifs liés à la RSE entrainent la nécessité de prendre en compte les attentes de cette catégorie-là.
En second lieu, les salariés de l’entreprise jouent un rôle considérable dans la réalisation des projets de RSE. En effet, au regard du développement de nouvelles techniques de travail, comme le télétravail, le co-working, ainsi que l’insertion du monde digital dans les postes exercés par les salariés, les chefs d’entreprise doivent trouver un compromis entre les méthodes d’organisation et de fonctionnement visant à garantir la productivité de leurs salariés et l’attachement de ces derniers à effectuer leurs prestations de travail de manière responsables.
Les salariés sont d’ailleurs souvent à la recherche d’une certaine harmonie entre leurs convictions personnelles, leur mode de vie privée et le travail qu’ils effectuent. La RSE est même parfois synonyme pour eux d’égalité et de lutte contre les discriminations.
Dans tous les cas, les salariés recherchent à agir « pour la bonne cause ». D’ailleurs, les chiffres parlent d’eux-mêmes puisque 70% des salariés se considèrent plus loyaux et plus fidèles envers l’entreprise pour laquelle ils travaillent dès lors qu’elle s’est investie dans une démarche responsable. La prise en compte de l’éthique est un atout majeur pour cela puisque « 51% des travailleurs déclarent ne pas vouloir travailler pour une entreprise qui n’a pas d’engagement social ou environnemental ».
Le développement de la Responsabilité Sociale des Entreprise est une préoccupation d’autant plus importante pour la jeune génération puisque 79% d’entre eux placent la RSE comme critère de recherche d’emploi et 76% comme critère prioritaire par rapport à celui du salaire. En
outre, le nombre des formations liées à l’environnement, au développement durable et plus largement à la RSE se développe et les candidats à ces formations sont de plus en plus nombreux. Par exemple, de 2008 à 2013, les inscriptions dans les formations visant la lutte contre la pollution et les questions énergétiques ont augmenté de 20%.
Il est aisé de comprendre que la sensibilité des consommateurs, quant au recours à des pratiques respectueuses de l’environnement, a un impact direct sur les salariés, eux-mêmes consommateurs. C’est pourquoi, de plus en plus d’entreprises tentent de faire intervenir les salariés dans les politiques mises en œuvre. D’ailleurs, de nombreux professionnels de la RSE et du développement affirment être les plus heureux au travail puisque « travailler dans le développement durable est la meilleure façon de rendre son job gratifiant, plus intéressant, et plus épanouissant moralement parlant ». Les businessmen sont de plus en plus conscients que la productivité de leurs salariés passe par l’existence de bonnes conditions de vie au travail ainsi que par la prise en compte des intérêts de leurs parties prenantes. 85% souhaiteraient même s’investir dans les démarches RSE de l’entreprise pour laquelle ils travaillent.
Toutefois, il existe encore, dans de nombreuses entreprises, des difficultés de mobilisation des salariés à l’importance de la mise en œuvre des politiques de Responsabilité Sociale des Entreprises. Par manque de communication, de formation et/ou d’investissement des équipes concernées par ces questions, l’application des politiques RSE est souvent cloisonnée aux activités ayant déjà attraits aux enjeux du développement durable et de l’énergie. C’est la raison pour laquelle il parait encore nécessaire, comme nous le verrons tout au long du mémoire, que le législateur intervienne davantage en la matière pour donner les clés et les outils aux entreprises permettant de créer et d’optimiser la mise en place des politiques RSE.
Notons toutefois que l’existence des pôles de ressources humaines dans de nombreuses entreprises est déjà un outil permettant de développer les engagements en la matière. En effet, le volet social est également très présent et plusieurs dispositifs peuvent être envisagés pour y répondre. Il peut s’agir, à titre non exhaustif, d’intégrer la Responsabilité Sociale des Entreprises comme enjeu central des ressources humaines notamment au niveau de la formation, mais aussi assurer une plus grande flexibilité dans la gestion vie privée/vie professionnelle pour garantir son développement.
La prise en compte des besoins et souhaits des parties prenantes internes apparait comme nécessaire et évidente. Toutefois, les investisseurs et les salariés ne sont pas les seules catégories de parties prenantes existantes.
Les parties prenantes externes
Les parties prenantes externes comprennent tous les acteurs extérieurs à l’entreprise. Ce ne sont pas les personnes qui interviennent dans le fonctionnement direct de celle-ci, mais qui pour autant, sont aussi importantes que les parties prenantes internes. En effet, elles permettent à l’entreprise de développer son activité économique, d’en créer de nouvelles et de répondre à l’objectif premier de recherche de profit. Il est possible de distinguer deux grandes catégories de parties prenantes externes.
Les clients et consommateurs constituent la partie prenante externe la plus importante. Ce sont eux qui permettent la réalisation de bénéfices et le développement ultérieur d’activités économiques. Ainsi, la prise en compte de leurs souhaits et désirs est d’autant plus indispensable. Pour s’assurer un avenir pérenne, les entreprises sont soumises à ceux-ci. Les consommateurs semblent être de plus en plus engagés dans la consommation responsable et engagée. Ils vouent un intérêt tout particulier aux produits respectueux de l’environnement et aux nouvelles valeurs de la société. Tel est le cas avec le développement du commerce équitable défini par le législateur français comme « le commerce équitable a pour objet d’assurer le progrès économique et social des travailleurs en situation de désavantage économique du fait de leur précarité, de leur rémunération et de leur qualification, organisés au sein de structures à la gouvernance démocratique, aux moyens de leurs relations commerciales avec un acheteur qui satisfont aux conditions suivantes :
– un engagement entre les parties au contrat sur une durée permettant de limiter l’impact des aléas économiques subis par ces travailleurs, qui ne peut être inférieur à trois ans.
– le paiement par l’acheteur d’un prix rémunérateur pour les travailleurs, établi sur la base d’une identification des coûts de production et d’une négociation équilibrée entre les parties au contrat.
– l’octroi par l’acheteur d’un montant supplémentaire obligatoire destiné aux projets collectifs, en complément du prix d’achat ou intégré dans le prix, visant à renforcer les capacités et l’autonomisation des travailleurs et de leurs organisations ».
Une définition plus commune considère le commerce équitable comme un partenariat commercial visant à assurer une plus grande équité dans le commerce. Fondé sur le respect et la transparence, il s’agit de répondre aux exigences du développement durable en assurant le respect de l’environnement, le respect des droits de chacun et un partage équitable des richesses envers les producteurs et travailleurs marginalisés. Cinq objectifs semblent se dégager du commerce équitable à savoir « assurer une juste rémunération du travail des producteurs et artisans les plus défavorisés, garantir le respect des droits fondamentaux des personnes,instaurer des relations durables entre partenaires, favoriser la préservation de l’environnement et proposer aux consommateurs des produits de qualité ».
La seconde catégorie des parties prenantes externes de la RSE se compose des fournisseurs.
Ils jouent, en effet, un rôle important dans le processus de fonctionnement des entreprises puisqu’ils interviennent à différents niveaux selon la ou les spécialités de l’entreprise concernée. De manière générale, les relations entreprises-fournisseurs sont des relations qui se développent sur le long terme et supposent la création de partenariats afin que chacune des parties soient favorisées dans les relations contractuelles les liant. Au titre du développement des enjeux liés à la RSE, il est clair que « pour diminuer son impact environnement, il faut travailler sur sa supply chain et avec ses fournisseurs ». Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement a d’ailleurs publié, en 2014, un rapport dit « Greening the Building Supply Chain » en expliquant que la création de politiques durables et responsables ne pouvait correctement se réaliser qu’à la condition qu’une collaboration durable avec les fournisseurs soit mise en œuvre.
Ceci se justifie d’autant que dans les très grandes entreprises et groupes, une majeure partie des activités de production sont déployées auprès de fournisseurs indépendants ou de filiales. Pour des raisons économiques à savoir, par exemple, la recherche d’une main d’œuvre abondante, de matières premières à moindre coût ou la volonté d’augmenter les profits, un véritable contentieux est apparu, par exemple avec l’entreprise Nike au début des années 2000.
L’augmentation des préoccupations sociales et environnementales nécessite un compromis entre recherche de profit à court terme et enjeux du développement durable sur le long-terme.
En effet, la pression des intérêts des parties prenantes a conduit l’entreprise à adopter des stratégies successives visant à atteindre « une responsabilité sociale et morale ». D’une phase d’inactivité, l’entreprise a admis son rôle dans le respect de l’éthique de ses entreprises soustraitantes pour finalement mettre en place des stratégies actives d’intégration des préoccupations dans son cycle de production et de commercialisation C’est pourquoi, il est assez logique de considérer qu’ « un partenariat constructif entre maisonmère et fournisseurs » est le seul capable de fournir « les améliorations les plus significatives » au titre de la Responsabilité Sociale des Entreprises.
La détermination des parties prenantes nous permet d’appréhender la qualité de créanciers de la Responsabilité Sociale des Entreprises et leurs attendus. Toutefois, afin d’avoir une analyse complète, il convient désormais de se questionner quant aux obligations découlant de la qualité de débiteurs de la RSE.
Les débiteurs de la RSE : les entreprises et l’Etat
Le débiteur peut être simplement défini comme la « personne tenue envers une autre d’exécuter une prestation » . Il s’agit de la personne tenue de l’ensemble des obligations contractées envers un créancier et qui peut être contrainte de les exécuter, si elle ne respecte pas les modalités de réalisation qui ont été convenues avec celui-ci. Appliquée à la définition de la RSE, il est aisé de comprendre que les entreprises en sont les principales débitrices (I). Toutefois, la doctrine s’accorde à considérer qu’elles ne sont pas les seules. Il existe, en effet, un débiteur secondaire dont l’intervention est nécessaire au bon fonctionnement de la Responsabilité Sociale des Entreprises (II).
La qualification des entreprises concernées
Bien que définie dans l’introduction, il existe différentes formes d’entreprise. Une double interrogation se pose quant aux formes concernées par les enjeux de la RSE et à l’applicabilité de celle-ci à ces entreprises. Pour se faire, il convient de distinguer les deux formes classiques existantes : les entreprises individuelles (A) et les entreprises sociétaires (B).
Les entreprises individuelles
Les entreprises individuelles font intervenir l’entrepreneur à la tête des affaires. Il s’agit d’une notion juridique qui pourrait être rapprochée de celle du fonds de commerce que l’on peut aisément définir comme une universalité de fait et de droit comprenant un ensemble de biens corporels et incorporels reposant sur l’élément essentiel que constitue la clientèle. En réalité, l’entreprise individuelle est une notion plus large puisqu’elle englobe le fonds de commerce, mais aussi les contrats, dettes, créances et immeubles pouvant s’y juxtaposer. Les entreprises individuelles s’opposent aux entreprises sociétaires en ce qu’elles ne font pas l’objet d’un contrat de société.
De nature civile, artisanale ou agricole, les entreprises individuelles peuvent prendre différentes formes, dont la plus connue reste l’Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée (ci-après EIRL). Régie dans le Code de commerce , l’entreprise individuelle et l’EIRL se voient appliquer un régime plutôt limité tendant principalement à protéger la résidence principale de la personne physique exploitante ainsi l’ensemble des biens mobiliers ou immobiliers non utilisés pour les besoins de l’entreprise dans le cadre de la création des patrimoines d’affectation.
Appliquée à la Responsabilité Sociale de Entreprises, il est assez facile de se rendre compte que les entreprises individuelles, bien que caractérisant très souvent de toutes petits structures, sont concernées par les enjeux que représente la notion. Exerçant à titre professionnel, les personnes physiques considérées comme « chefs d’entreprise » pourront voir engager leur responsabilité au nom de la RSE si elles venaient à contrevenir aux objectifs qu’elle poursuit.
Pourtant, il est assez logique de nuancer le propos car la prise en compte de ces objectifs peut avoir un coût assez conséquent pour ces petites structures. C’est pourquoi il serait possible de considérer que la RSE est une stratégie long terme à géométrie variable, qui se doit de prendre en compte les intérêts des parties prenantes à l’entreprise concernée, mais aussi les moyens matériels, financiers et techniques dont elle dispose.
Les entreprises sociétaires
Les entreprises sociétaires sont définies par l’article 1832 du Code civil qui dispose qu’« Une société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l’acte de volonté d’une seule personne. Les associés s’engagent à contribuer aux pertes ». Créées sous la forme classique pluripersonnelle ou unipersonnelle, les entreprises sociétaires peuvent être de nature civile ou commerciale. Ces dernières doivent être distinguées selon qu’elles sont à responsabilité limitée supposant que les associés engagent leur responsabilité à concurrence des actifs qu’ils détiennent dans celles-ci, ou à responsabilité illimitée, c’est-à-dire que leur responsabilité s’étende à l’ensemble de leur patrimoine.
Appliquée à la Responsabilité Sociale des Entreprises, il semble une nouvelle fois qu’il n’existe aucune incompatibilité entre les enjeux liés à cette notion et les différentes formes d’entreprises sociétaires existantes. Unilatérale ou non, de toute petite taille ou de très grande envergure, toutes permettent d’engager leur propre responsabilité et/ou celle de leurs représentants en cas de comportements anormaux portant atteintes à la RSE, autant du point de vue du développement durable que des stratégies à long terme mises en place en son nom.
La RSE reste donc une notion à géométrie variable qui doit s’adapter aux possibilités des détenteurs d’entreprises, qu’elles soient individuelles ou sociétaires. Toutefois, il existe une autre catégorie de débiteurs de la RSE qu’il est possible de qualifier comme secondaires, en ce qu’ils sont amenés à intervenir en amont ou en aval des entreprises.
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Table des matières
Introduction
Partie 1 : La notion de la Responsabilité Sociale des Entreprises
Chapitre 1 : L’objet de la RSE
Chapitre 2 : Le domaine de la RSE
Partie 2 : Le régime de la Responsabilité Sociale des Entreprises
Chapitre 1 : La cohabitation entre « soft law » et « hard law » dans les années 2000/2010
Chapitre 2 : L’accentuation du développement de la « hard law » à la fin des années 2010
Conclusion
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