Le regard de la critique française sur une écrivaine algérienne francophone : une représentation de l’altérité

La construction psychologique du personnage principal : Nadia un double de Cécile ?

Dès les premières pages de ces romans, la tonalité introspective est donnée. La narration est axée sur ce que la narratrice ressent. Céciledit ne pas avoir connu la tristesse « mais l’ennui, le regret, [et] plus rarement le remords. » Alors que Nadia a déjà fait l’expérience de celle-ci : « Je trouvais je ne sais quel goût amer à ce mois de juillet, et à cette plage épanouie comme une femme. Je n’aimais pourtant pas la tristesse, ni le vague à l’âme. Et je venais d’avoir vingt ans… »
De surcroît, elles se décrivent de la même manière trouvant étrange qu’à leur âge elles soient déjà sujettes à de telles lassitudes :
L’emploi en duo des termes « cynique » et « désabusé » tend bien à faire penser qu’il y a une filiation entre ces deux romans. Souvent, nous retrouvons l’usage d’un même vocabulaire pour rendre compte de leurs sentiments tel que « lasse », « solitude », « ennui », « tristesse », « remords ». Nous pouvons alors émettre l’hypothèse que ces deux personnages sont soumis aux mêmes émotions et partagent une même vision de la vie et du monde. D’une certaine façon, nous pourrions voir en la figure de Cécile un stade embryonnaire du personnage de Nadia. Plus jeune, plus insouciante et encore préservée jusque-là des tourments de la vie, elle est ce qu’auraitpu être Nadia trois ans plus tôt avant de connaître le sentiment de la tristesse. En effet, il y a un lien très fort entre ces deux héroïnes au niveau de leur comportement. Elles possèdent toutes les deux un goût prononcé pour l’argent, pour les balades en voiture de sport et la cigarette.
Traversant des épreuves : la mort d’un de leur proche, l’échec amoureux, chacune apprend à ses dépens les conséquences de ses actes. Ces récits mettent en relief en quelque sorte le passage de l’âge de l’insouciance à l’âge de la raison.
Parce que le personnage de Nadia est par de nombreux côtés proche de celui de Cécile, il nous est possible de dire qu’il y a eu une influence non négligeable de Bonjour Tristessesur l’écriture de La Soifmême si, toutefois, il est probable que cesoit, en réalité, plutôt le type de romans à la mode au moment de l’écriture de La Soif. Les années cinquante marquent en effet en France les débuts de la révolution de la femme et de son émancipation ce qui expliquerait pourquoi certaines œuvres de cette époque écrites par des femmes choisissent de mettre au cœur de leur intrigue des jeunes personnes exposant leurs relations amoureuses et sexuelles.
Nous pensons, notamment, aux Petits Chevaux de Tarquinia, roman écrit par Marguerite Duras en 1953. Pour autant, Assia Djebar reprend dansson écriture des procédés stylistiques déjà présents dans l’écriture de Françoise Sagan. Quels sont-ils ?

La proximité des styles.

La narration de Bonjour Tristesse est très souvent ponctuée de passages que nous pourrions qualifier de poétiques. Cette tonalité est, en quelque sorte, donnée dès les premières pages puisque le roman s’ouvre sur l’évocation du sentiment de tristesse faisant, dès lors, le lien avec le titre du roman, titre qui, par ailleurs, fait écho à un poème de Paul Eluard donné en épigraphe de l’œuvre.
L’incipitdu roman pourrait être le prolongement du poème d’Eluard. En effet, il y a comme des réminiscences de versification dans cette première phrase :
Sur ce sentiment inconnu / dont l’ennui, la douceur m’obsèdent, / j’hésite à apposer le nom, / le beau nom grave de tristesse.
Nous pouvons lire cette phrase comme des vers en octosyllabe. La syntaxe de la phrase s’y prête d’ailleurs à merveille et n’est en rien bouleversée par ce rythme.

Deux romans fort différents

Si la lecture de Bonjour Tristesseest à l’origine de l’écriture de La Soif, il est indéniable qu’Assia Djebar a également voulu se dégager dece modèle littéraire et créer une œuvre à part entière.
Les divergences les plus visibles entre ces deux ouvrages se situent au niveau de l’intrigue romanesque, de ses enjeux et dans la façon qu’a l’auteure de les représenter.
L’intrigue romanesque de La Soifest plus complexe que celle de Bonjour Tristesse. Les relations entre ses personnages sont beaucoup plus ambiguës et témoignent d’une certaine maturité comparées à celles dépeintes par Françoise Sagan. Tout d’abord, le nœud de l’intrigue réside dans la relation entre Nadia et son amie Jedla. Leur rapport est bien différent de celui d’Anne et de Cécile. En effet, il n’est pas question ici du rapport de mère à enfant, au contraire, Nadia et Jedla ont une relation sororale entremêlant rivalité et attirance . Au lycée, leur amitié s’était brisée car Nadia, découvrant l’impact de son charme sur les garçons, délaissait Jedla pour ces derniers . Celle-ci, quelque peu jalouse et, surtout, s’offusquant du comportement libéré de son amie, l’avait reniée . Leurs retrouvailles ne sont, par conséquent, pas vécues de la même façon, Nadia est heureusede retrouver Jedla alors que cette dernière paraît impassible, sans aucune émotion face au personnage de Nadia. Sans que la narratrice en soit consciente, le silence de Jedla, son attitude autoritaire lui permettent de reprendre sa position de dominante dans leur relation et de manipuler ainsi Nadia à son insu. La suite du roman, avec la mise en place du petit jeu cruel, n’en deviendra que plus malsaine. En effet, au début, c’est Nadia qui, désirant Ali, le mari de Jedla, décide de le séduire mais elle ne se rend pas compte qu’en réalité Jedla a tout perçu et fait en sorte qu’elle arrive à ses fins. Le pouvoir n’est pas détenu par celle qui aurait dû l’incarner. Ce retournement de situation complexifie considérablement l’intrigue et rend les liens entre les protagonistes de plus en plus poreux et incertains. Cette dimension là n’est aucunement présente dans Bonjour Tristesse, son intrigue est linéaire alors que celle de La Soifprocède par rebondissements. Nadia ne comprend que trop tard qu’elle n’est pas “maître du jeu”.
Le personnage de Jedla est un personnage ambivalent et destructeur. Elle cherche à se suicider, à éloigner d’elle l’hommequi l’aime, à avorter de l’enfant qu’elle a toujours désiré.
Tout est propice à la destruction et Nadia est entraînée dans ce tourbillon un peu malgré elle.
Dans ce roman, Jedla joue un rôle important carelle est le moteur du drame. L’atmosphère que crée le roman diffère complètement de celle de Bonjour Tristesseoù tout, jusqu’à la narration, se ressent de cette légèreté, de cette insouciance devivre. Une forme de gravité pèse ici sur les personnages.Le dénouement n’est pas simple comme l’est celui qui est imaginé par Françoise Sagan. Tout ne rentre pas dans l’ordre. Nouscomprenons que Nadia s’est mariée à Hassein par culpabilité et qu’elle est encore hantée par la mort de son amie. Le roman ne se clôt pas vraiment, il demeure en suspens, il semble que la narratrice ne retrouvera jamais le repos.

Un modèle littéraire choisi: Assia Djebar héritière du Bel Étéde Cesare Pavese ?

« Le Bel Été»est une nouvelle écrite en italien par Cesare Pavese et publiée dans le recueil portant le même titre en 1940. Elle est traduite en français en 1955. À cette époque, Assia Djebar se trouve en France pour ses études. Durant l’année 1957, les étudiants algériens de l’école normale supérieure font la grève des examens pour manifester leur désapprobation vis à vis des événements qui ont lieu en Algérie.Assia Djebar lit beaucoup. Cesare Pavese fait partie de ses lectures. A-t-il, dès lors, “nourri” son écriture ?
Cette nouvelle est relatée par un narrateur extra-hétérodiégétique qui nous expose les péripéties de Ginia au cours d’un été dans les années 1950 dans une petite ville italienne. Dès l’ouverture de cette nouvelle, nous retrouvons des éléments qui nous rappellent le roman La Soifd’Assia Djebar : la saison est la même, l’ambiance est légère et insouciante, le soleil brûlant, cruel et lourd. Pourtant, contrairement à La Soif, la narration se fait à la troisième personne, le narrateur, une jeune fille comme nousle laissent pensercertains indices, ne participe aucunement aux événements contés et reste sans cesse en retrait, commentant très peu les faits. Un certain nombre d’élémentspeuvent toutefois être rapprochés du roman d’Assia Djebar. Cesare Pavese fonde son intrigue sur la relation particulière qu’a son personnage principal, Ginia, avec une jeune femme,ce qui était déjà le cas dans l’intrigue de La Soif.

Une relation homoérotique : entre rivalité et attirance

« Le Bel Été»se focalise sur le personnage de Ginia, jeune fille de seize ans, orpheline vivant seule avec son grand frère Séverino. Cet été-là, elle fait la rencontre d’Amélia, de quatre ans son aîné, grande bruneséduisante qui “n’a pas froid aux yeux”. Ginia, malgré la haute opinion qu’elle a d’elle-même, est fascinée par Améliaet par la facilité qu’a cette dernière à assumer son corps et à séduire les hommes. Toutes deux tissent, petit à petit, des liens et deviennent amies. Dès lors, Ginia vadécouvrir la vie marginale d’Amélia. Modèle pour des peintres, celle-ci pose nue pour gagner sa vie. Ce mode de vie embarrasse Ginia, jeune fille pudique et encore préservée des garçons, qui a un rapport difficile avec le corps et la nudité. Peu à peu, Ginia se passionne pour le métier de peintre et les tableaux. Elle fera par la suite, grâce à Amélia, la rencontre de Guido, jeune peintre habitant un atelier au dernier étage d’un immeuble, qui deviendra son amant, lui offrira ses premiers émois physiques et dont elle tombera éperdument amoureuse. Mais, se superpose à cette première intrigue amoureuse une seconde, plus ambiguë et dissimulée : celle d’Amélia et de Ginia. En effet, même si cet amour n’est pas partagé, Ginia aime Guido et non Amélia, Amélia la trouble et un désir singulier naît de cette relation. Comme cela était lecas pour les deux personnages féminins de La Soif,une sorte de phénomène d’attraction mais aussi une certaine répulsion face à cette attirance s’installent entre ces deux protagonistes.
Amélia lui prit le menton et la força à s’arrêter. « Regarde-moi en face », dit-elle. Elles étaient dans l’ombre d’une porte cochère. Ginia n’opposa pas de résistance parce qu’il s’agissait de Guido, et Amélia lui donna sur la bouche un baiser rapide.
Elles se remirent à marcher, et Ginia souriait, épouvantée, sous les yeux d’Amélia.
Cet extrait montre que Ginia est soumise. Amélia agit de façon brutale, lui prenant le visage entre ses mains puis lui donnant un ordre. C’est Amélia qui est à l’origine du baiser, Ginia le subit, elle est passive. Une sorte de substitution semble s’opérer dans l’esprit de Ginia entre Guido et Amélia. En effet, Amélia vient d’aborder la relation qu’a Ginia avec Guido et plus précisément leurs relations intimes, c’est pourquoi Ginia « n’opposa pas de résistance » à ce baiser. Elle se fait surprendre par Amélia bien qu’il émanât de ses derniers propos une certaine jalousie envers Guido qui aurait du éveiller ses soupçons quant aux sentiments que ressent celle-ci à son égard.
Plus loin dans la narration, Ginia sera, de nouveau, manipulée par Amélia. Mais cette fois-ci, elle est celle qui agit.

Un personnage en quête d’un idéal

La Soifet « Le Bel Été»présentent, tous deux, un personnage féminin en construction. Cesare Pavese nous expose, à travers le personnage de Ginia, les difficultés à faire cohabiter ses idéaux avec la réalité. Ginia désire sortir de l’adolescence et devenir une femme mais, pour y accéder, elle est obligée dese chercher, de se “frotter” au monde extérieur. Cette nouvelle relate, en quelque sorte, son entrée dans le monde adulte, semée d’obstacles et de désillusions. Ginia a des idées arrêtées sur ce que doit être une femme et sur la façon d’y parvenir. Il semble que, pour elle, une jeune fille devient une femme dès l’instant où elle a des rapports sexuels avec un homme , mais ce dernier doit, toutefois, répondre à un certain modèle sociétal . Ginia a une vision de l’amour et de la sexualité très puritaine voire naïve. Elle croit au grand amour et au mariage. Elle est la figure type de la jeune fille innocente et pure.
Les premières pages de la nouvelle montrent bien la crédulité de cette dernière face aux comportements de ses jeunes camarades :
Penser qu’ils étaient allés tant de fois en barque, et que l’on blaguait, que l’on riait, qu’on se moquait des couples. Ginia, qui surveillait les autres n’avait pas remarqué qu’il y avait quelque chose entre Pino et Rosa. […] On n’entendait plus la voix d’Amélia qui avait entraîné tous les autres à sa suite. Ginia, idiote, s’imaginant qu’ils jouaient à cache-cache, n’était pas allée à leur recherche et était retournée dans la barque.
Lorsque Ginia comprend que la plupart de ses amies ont déjà eu des relations sexuelles, elle est irritée et blessée de ne pas avoir été mise au courant et surtout de ne pas avoir eu encore l’occasion de faire l’amour avec un garçon, bien qu’ellejuge que ces jeunes filles se sont perdues en ayant agi ainsi. Elle a d’autres ambitions pour elle-même et croit valoir mieux qu’elles.

De l’écriture de La Soifaux Alouettes naïves: le parcours intratextuel d’Assia Djebar

Après la parution de son premier roman, il faut attendre la publication desEnfants du Nouveau Monde pour véritablement voir et ainsi pouvoir apprécier des choix stylistiques et thématiques assumés et affirmés. Ce troisième roman est, par de nombreux aspects, en rupture avec les précédents ouvrages. Publié en 1962 mais achevé depuis le milieu de l’année 1961, il porte sur la guerre d’indépendance de l’Algérie et sur les répercussions qu’un tel phénomène a pu provoquer dans la société musulmane. Mais bien davantage que le témoignage d’une simple évolution thématique par le biais d’une intrigue centrée cette fois-ci sur la guerre et l’engagement politique, ce roman est remarquable par l’élaboration d’une écriture à voix multiples, sorte de symphonie musicale.
Les différences les plus flagrantes entre La SoifetLes Enfants du Nouveau Mondesont donc visibles dans la construction même du roman. Contrairement à la première œuvre monologique, Les Enfants du Nouveau Monde, dès l’exposition de sa table des matières, fait montre de cette pluralité de voix. Chaque chapitreporte le nom d’une femme ou d’un homme, ce qui laisse supposer que chacunedes parties se focalise sur un seul des personnages et relate son récit. En réalité, la composition de l’ouvrage est plus complexe. Bien qu’Assia Djebar s’applique à faire coïncider ses titres de chapitre avec des contenus thématisés, elle se permet des digressions, revenant sur des personnages déjà évoqués. Par ce procédé, elle arrive à relier les différents destins de ses protagonistes et à maintenir un fil conducteur.
Les Alouettes naïve sont, elles aussi, une architecture très “travaillée”. Si la structure tripartite de l’œuvre : « Autrefois », « Au-delà » et « Aujourd’hui », fait se succéder des périodes et brouille les repères temporels, des changements énonciatifs récurrents s’ajoutent à ce schéma ainsi que l’insertion de psycho-récits qui font de ce roman une sorte de chant collectif.
Cet écart entre les deux premiers et les deux derniers romans de ce qui apparaîtra comme un premier cycle romanesque atteste d’une progression dans l’écriture. Quelles sont les modifications et corrections thématiques et stylistiques opérées par Assia Djebar qui font de ces deux ouvrages des œuvres sur le chemin d’une “maturité” ?

La reprise et l’amplification de certains thèmes

Si Assia Djebar ne s’écarte pas radicalement de ses précédents écrits avec Les Enfants du Nouveau Mondenous pourrions dire qu’elles’applique plutôt à “libérer” son écriture en reprenant des motifs textuels déjà contenus à l’état de germe dans La Soifet Les Impatients pour en faire de véritables leitmotivequi traverseront, dès lors, entièrement son œuvre. Perpétuellement préoccupée par la femme musulmane et son devenir dans une société en pleine métamorphose, Assia Djebar s’attache à mettre en scène un ensemble de figures féminines, allant de la femme traditionnelle musulmane à l’occidentalisée, de l’“émancipée provocante” à la “maquisarde”. En dressant un tel tableau, elle ne cherche pas à blâmer un comportement en particulier, mais jette un regard, à un instant donné, sur la situation de l’ensemble des femmes en Algérie.
Assia Djebar est soucieuse d’explorer les rapports hommes/femmes et la question du couple dans le monde musulman : le couple en tant qu’éternelle confrontation, en tant que refuge indispensable à l’épanouissement d’un quelconque bonheur, le couple comme lieu de toutes les altérités, de tous les combats. C’est seulement avec Les Enfants du Nouveau Monde qu’il nous est possible de voir clairement développées et non plus esquissées ces thématiques au même titre que celles de la guerre et de l’engagement politique.

La femme

En tant que femme, qui plus est musulmane,Assia Djebar se sent concernée par les problèmes et les difficultés vécus par ses “sœurs” à une époque où la liberté des femmes est une question en plein essor en France. C’est pourquoi elle leur donne si souvent la parole et s’attache à retranscrire le plus fidèlement possible leur quotidien.
Même si dans La Soif et Les Impatients une jeune fille est au centre de l’intrigue, celle ci se présente comme nettement occidentalisée, alors que, sur ce point, Les Enfants du Nouveau Mondeinnovent, car tout en optant pour une narration à la première personne, sept femmes ont la parole , chacune d’elles incarnant un type de femmes spécifique. Ces dernières sont touchées “de plein fouet” par la guerre, ce qui n’était pas le cas des personnages de Nadia et Dalila qui évoluaient dans un monde protégé, hors actualité. Le livre de 1962 se propose bien de mettre en relief ces mutations.
Nous pouvons regrouper les différents protagonistes de ce roman en trois catégories : les traditionnelles, les « petit[s] produit[s] de fabrication mixte » et les “engagées”.
Chérifa et Amna, sa voisine, appartiennent à la première catégorie. Toutes deux se plient aux coutumes et aux traditions musulmanes. Femmes cloîtrées, elles sont soumises à leur maître : leur mari. Mais, cette passivité propre est en réalité présentée comme ébranlée. Chérifa se souvient de son premier mariage et de sa nuit de noces avec horreur.

L’évolution du couple

Une autre thématique est, elle aussi, plus largement développée dans ce troisième roman que dans les deux précédents : celle du couple et des relations entre hommes et femmes.
Le statut de la femme musulmane se modifiant, celle de la structure traditionnelle du couple également . Assia Djebar se penche donc sur la naissance de ces couples “ modernes”. Chérifa et Youssef, Lila et Ali dans Les Enfants du Nouveau Mondeet plus particulièrement Rachid et Nfissa dans Les Alouettes naïvessont, pour l’écrivaine, un véritable terrain d’expérimentation.
Le mariage traditionnel musulman a subi une évolution durant la période de la colonisation : l’amour a joué, petit à petit, un rôle primordial dans l’union de deux êtres. Le patriarche qui, auparavant, choisissait pour sa fille l’homme qu’elle épouserait a perdu de son autorité et l’on a vu de plus en plus régulièrement des jeunes filles décider elles-mêmes de l’homme avec qui elles voulaient vivre. Ces mariages d’amour qui voient peu à peu le jour en Algérie bousculent les relations entre hommes et femmes. Assia Djebar représente ce nouveau type de mariage : Lila se marie avec Ali par amour et il en est de même pour Chérifa et Youssef et Nfissa et Rachid.
Le regard des hommes change lui aussi sur les lois du mariage traditionnel. Youssef repense quelquefois, avec amertume, à sa jeune sœur, Zineb, à qui il a imposé son mari.

La guerre et l’engagement politique

La différence entre La Soif, roman en dehors de toutes considérations politiques comme l’a affirmé la critique de l’époque, et ce troisième ouvrage est évidente : Assia Djebar inscrit l’intrigue des Enfants du Nouveau Mondedans la guerre d’indépendance. C’est la première fois que l’Histoire algérienne est au cœur de son écriture. Pourtant, il se trouvait déjà dans La Soifquelques passages, certes très courts, témoignant d’une certaine conscience politique et surtout des stigmates du choc des cultures.
Le seul personnage qui incarne l’engagement politique dans ce livre est le journaliste Ali. L’extrait suivant nous laisse penser que le récit se déroule probablement après l’indépendance car ce que se propose de faire Ali est plutôt innovant et surprenant. Il est vrai que cette entreprise n’aurait pu en aucun cas voir le jour en temps de guerre.

Une esthétique en voie d’achèvement

Nous avons vu qu’Assia Djebar s’est constituée au fil du temps un matériau littéraire dont elle use régulièrement depuis la rédaction de La Soif. Si Les Enfants du Nouveau Monde traitent de sujets plus ou moins proches de ceux contenus dans Les Alouettes naïves, ils s’en distinguent néanmoins par leur écriture.
Nous nous consacrerons dans cette deuxième sous-partie à l’étude de trois phénomènes stylistiques qui, selon nous, se retrouvent presque systématiquement chez cette auteure à partir de La Soif. S’étant exercée à plusieurs reprises et à des degrés différents dans ses premiers romans à maîtriser l’art du roman polyphonique, du “roman poétique” et du roman autobiographique, Assia Djebar continuera d’explorer toutes les combinaisons qu’offre une telle triade dans la dizaine d’ouvrages qui composera ultérieurement son œuvre.

Dialogisme et polyphonie

Le dialogisme concerne le discours en général.Il désigne les formes de la présence de l’autre dans le discours : le discours en effet n’émerge que dans un processus d’interaction entre une conscience individuelle et une autre, qui l’inspire et à qui elle répond. Quant à la polyphonie, elle peut être sommairement décrite comme pluralité de voix et de consciences autonomes dans la représentation romanesque. Elle a donc, à l’origine, une acception plus strictement littéraire.
Assia Djebar a rédigé La Soif dans un style limpide et sobre bien loin de l’écriture des Enfants du Nouveau Mondedans lequel la narratrice est la porte-parole de différents personnages qui possèdent chacun leur propre langage. Celui-ci s’infiltre dans l’énoncé de la narratrice rendant, dès lors, la lecture du livre plus ardue. La Soif comportait néanmoins certains passages se rapprochant d’une écriture polyphonique. Plusieurs instances narratives coexistaient déjà dans le roman. En effet, la narratrice, Nadia, se replongeait dans ses jeunes années. En ce cas, deux voix étaient alors en présence : celle de Nadia au moment où elle se remémore cette période et celle de Nadia âgée de vingt ans. Le plus souvent ces deux instances énonciatives se superposaient : le récit restait donc monophonique. Mais, parfois elles entraient en dissonance.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières
Introduction 
Les modèles littéraires d’Assia Djebar : l’influence de Françoise Sagan et de Cesare Pavese sur l’écriture de La Soif
1 Un modèle littéraire imposé par la réception critique médiatique : La Soifd’Assia Djebar dans la lignée du romanBonjour Tristessede Françoise Sagan ?
1.1 Des thématiques et un schéma romanesque similaires
1.2 La construction psychologique du personnage principal : Nadia un double de Cécile ?
1.3 La proximité des styles
1.4 Deux romans fort différents
2 Un modèle littéraire choisi : Assia Djebar héritière du Bel Étéde Cesare Pavese ?
2.1 Une relation homoérotique : entre rivalité et attirance
2.2 Un personnage en quête d’un idéal
De l’écriture de La Soifaux Alouettes naïves: le parcours intratextuel d’Assia Djebar
1 La reprise et l’amplification de certains thèmes
1.1 La femme
1.2 L’évolution du couple
1.3 La guerre et l’engagement politique
2 Une esthétique en voie d’achèvement
2.1 Dialogisme et polyphonie
2.2 La prose poétique
2.3 L’écriture autobiographique
Le regard de la critique française sur une écrivaine algérienne francophone : une représentation de l’altérité
1 Une critique virulente: le premier regard sur Assia Djebar (1957-1962)
1.1 Le problème de la première personne etla question de l’autobiographie
1.2 L’absence d’ancrage historique : un retrait de la scène politique ?
1.3 Un désir d’appropriation métropolitaine
2 Le revirement de la critique : vers une reconnaissance du premier cycle romanesque (1962-1965)
2.1 Les critères de reconnaissance pour la critique médiatique française
2.2 Un nouveau regard sur ce premier cycle romanesque
3 Les conséquences de la réception critique sur l’ensemble de l’œuvre d’Assia Djebar
3.1 La réception critique des Alouettes naïves
3.2 Ce que dit Assia Djebar de ses quatre premiers romans et plus particulièrement des Alouettes naïves
3.3 La dépréciation des œuvres de jeunesse
Conclusion
Annexes 
1 Extraits de Bonjour Tristessede Françoise Sagan et du Bel Étéde Cesare Pavese
2 Extrait d’un article critique portant sur La Soifd’Assia Djebar
3 Article américain portant sur La Soifd’Assia Djebar, « Between Two Worlds » de Jean Campdell Jones et sa traduction française
4 Article critique de François Mauriac portant sur Bonjour Tristessede Françoise Sagan,
« Le Dernier Prix »
5 Liste des thèses portant sur les œuvres d’Assia Djebar entre les années 1980 et 2008
Bibliographie

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *