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La notion de conceptions ou représentations initiales
Tout d’abord, un point de vocabulaire : deux termes, « représentation » et « conception » sont utilisés pour exprimer la même idée. Cependant, le mot « représentation » peut prêter à confusion car il est utilisé dans de nombreux domaines pour désigner des éléments très variés. Pour ma part j’emploierai indifféremment les deux termes dans cet écrit.
« L’enfant n’est qu’une cire molle qu’il s’agit d’imprégner », disait Condillac au 18ème siècle. Il faut attendre 1938 avec Bachelard pour concevoir que « l’élève arrive en classe avec des connaissances empiriques déjà constituées : il ne s’agit pas d’acquérir une culture expérimentale, mais bien de changer de culture expérimentale, de renverser les obstacles déjà amoncelés par la vie quotidienne » (« Les origines du savoir », Giordan et De Vecchi). Piaget, comme Bachelard, met l’accent sur l’idée d’une structure conceptuelle à transformer.
Giordan, dans « L’enseignement scientifique : comment faire pour que ça marche », donne une définition complète du terme conception :
– Une conception correspond à une structure sous-jacente dont les remarques des élèves ne sont que l’émergence.
– Une conception est un modèle explicatif simple, logique et organisé qui peut être utilisé dans une situation pour poser ou résoudre un problème. Il s’agit d’une « véritable stratégie cognitive » que met en place l’élève pour « sélectionner les informations pertinentes pour structurer et organiser le réel ».
– Une conception dépend du niveau de connaissance, du vécu et du milieu socioculturel de l’apprenant.
Une conception est donc personnelle. Chaque individu possède une panoplie de conceptions qui lui permet d’expliquer le monde qui l’entoure.
Pourquoi prendre en compte les conceptions initiales des élèves ?
Ne pas tenir compte des élèves, c’est les considérer « comme absents du processus d’apprentissage, cela risque de les empêcher de construire leur propre savoir » (Giordan). Mais, pour prendre en compte les conceptions des élèves, il faut définir les caractères spécifiques qui les distinguent des autres concepts. Selon Astolfi et Demounem (« Didactique des sciences de la vie et de la terre »), les conceptions des élèves présentent un double statut :
– d’une part celui d’un écart au savoir savant : « à partir de réponses fausses des élèves que nous pouvons obtenir par un questionnaire, ces conceptions constituent le contrepoint du projet didactique et peuvent empêcher d’atteindre facilement en classe l’acquisition de savoirs scientifiques ». Dans ce statut, les enseignants de SVT doivent s’intéresser aux conceptions des élèves parce qu’elles occupent une place de même nature que le savoir scientifique dont ils visent l’acquisition.
– d’autre part celui d’explication fonctionnelle pour l’élève : « elles correspondent à un système d’interprétation cohérent des phénomènes scientifiques qu’il s’est construit de longue date ». Dans ce statut, les conceptions ne s’opposent plus à l’objectif mais sont au cœur des transformations que les enseignants de SVT s’efforcent de provoquer.
Les conceptions des élèves peuvent ainsi être un obstacle à l’intégration de connaissances. Elles peuvent aussi expliquer que les élèves ne soient pas intéressés par les problèmes traités en classe car ils pensent en connaître déjà la réponse.
C’est Bachelard qui a introduit l’idée d’obstacle en didactique des sciences, pour caractériser « une rupture séparant la pensée commune et la pensée scientifique ». Les obstacles sont des occasions de progrès intellectuels, l’enseignant devant les traiter, selon Astolfi et Peterfalvi (« Comment les enfants apprennent les sciences »), « non pas négativement comme ce qui empêche l’apprentissage, mais plutôt les considérer comme l’enjeu conceptuel », c’est-à-dire la clé de l’apprentissage.
Le recueil et l’analyse des conceptions des élèves permet donc de déterminer les obstacles à l’apprentissage et de proposer des activités permettant de transformer les représentations erronées. Si les conceptions des élèves ne sont pas prises en compte, elles « se maintiennent et les connaissances enseignées glissent à la surface des élèves sans les imprégner » (Giordan). Pour une prise en compte efficace des conceptions des élèves, Giordan conseille de « faire avec pour aller contre ». Pour cela, il est nécessaire de :
– Les entendre, par une écoute positive de ce que les élèves expriment.
– Les comprendre, en recherchant leur sens.
– Les faire identifier, car la première caractéristique des représentations est leur fonctionnement inconscient, la prise de conscience par chacun contribuant déjà à leur évolution.
– Les faire comparer, ce qui favorise la décentralisation des points de vue.
– Les faire discuter, en établissant dans la classe un vrai débat d’idée (déstabilisation).
– Les suivre, en surveillant leurs évolutions à court, moyen et long terme.
Ce processus doit permettre à l’élève d’être interpellé par ses conceptions erronées, d’accepter d’y renoncer, pour y substituer un nouveau réseau, remplissant les fonctions du précédant mais d’une façon encore plus satisfaisante.
Le recueil puis la confrontation des représentations initiales présentent ainsi de multiples intérêts aussi bien pour l’enseignant que pour l’élève. Recueillir les conceptions initiales de ses élèves permet au professeur de connaître leur niveau réel, de repérer les principaux obstacles qu’ils rencontrent, de définir les objectifs-obstacles qu’il va ensuite tenter de franchir avec eux, et d’adapter ses objectifs à leur niveau. Ce recueil permet aux élèves de prendre l’habitude de s’exprimer sur ce qu’ils pensent, de faire le point sur ce qu’ils savent, de se rendre compte de leurs limites et de dédramatiser leurs erreurs. Il peut également constituer un facteur de motivation puisque les élèves remarquent alors qu’on ne les prend pas pour des « idiots ».
La confrontation des conceptions initiales permet, elle, aux élèves de se rendre compte qu’ils ne pensent pas tous de la même façon. Cela les conduit à argumenter leur point de vue, à imaginer des moyens de vérifier ce qu’ils avancent ; ils apprennent également à respecter le point de vue parfois différent des autres. Cette confrontation constitue pour l’enseignant une occasion de faire naître un débat, de permettre aux élèves de se respecter et de s’écouter, de créer une émulation entre ceux qui ne pensent pas de la même façon. Il en apprend davantage sur les connaissances de ses élèves. Ces échanges peuvent donner du sens au travail de recherche (qui viendra en réponse aux questions posées, par exemple pour tester les hypothèses des élèves).
A partir de là, j’ai cherché quelles conditions réunir dans ma pratique professionnelle pour que les élèves comme moi trouvent un intérêt à la prise en compte des conceptions initiales.
Question de recherche et hypothèses
Le thème 3 : « Corps humain et santé : l’exercice physique », du programme de seconde, est particulièrement propice à la prise en compte des représentations initiales des élèves. Il fait en effet appel à des notions déjà abordées au cours de la scolarité des élèves. A l’école primaire, ils ont étudié les principes élémentaires de la digestion, de la respiration, de la circulation sanguine ainsi que du mouvement. Ces acquis ont été à nouveau mobilisés et ont fait l’objet d’approfondissements en classe de 5ème dans la partie « Fonctionnement de l’organisme et besoin en énergie ». Le recueil des représentations initiales des élèves dans le cadre du thème 3 en 2nde me permet d’évaluer ce que les élèves ont retenu de l’enseignement des classes antérieures. Par ailleurs, cela permet de vérifier si des conceptions-obstacles ne se sont pas mises en place lors de l’apprentissage en 5ème. J’ai choisi de me focaliser sur deux aspects traités au cours du thème 3 :
– d’une part, les besoins du muscle en activité,
– d’autre part, l’organisation de la circulation sanguine.
Je peux donc préciser ma question initiale de la manière suivante :
Comment prendre en compte les conceptions initiales des élèves de seconde sur la physiologie de l’exercice physique ? Cette prise en compte améliore-t-elle la motivation des élèves et favorise-t-elle l’élaboration de connaissances scientifiques durables ?
Voici mes hypothèses de travail. Les élèves possèdent des conceptions qui peuvent dans certains cas s’opposer à l’apprentissage au lieu de le faciliter. L’analyse de ces conceptions permet d’identifier les obstacles à la construction des savoirs. Cela conduit à concevoir puis mettre en œuvre des activités qui doivent permettre d’engager les élèves et de faire évoluer les conceptions erronées vers des savoirs scientifiques durables. Je suppose également que ce travail sur leurs représentations initiales peut modifier la façon dont les élèves perçoivent l’apprentissage.
Cadre méthodologique
Pour tester mes hypothèses, j’ai mis en place une étude sur mes deux classes de seconde (208 et 217), chacune comportant 35 élèves.
J’ai recueilli les conceptions initiales de mes élèves sur les besoins des muscles et l’organisation de la circulation sanguine lors d’un pré-test. Après leur prise en compte lors d’activités menées en classe, je les ai à nouveau évaluées lors d’un post-test. En comparant les résultats du pré-test et du post-test, j’ai essayé de montrer que la prise en compte des conceptions des élèves transforme de manière positive les conceptions erronées. Cette comparaison peut s’effectuer grâce à une grille de ce type, où les représentations sont classées en catégories :
Le pré-test
Comment recueillir les conceptions des élèves ?
André Giordan, dans « L’enseignement scientifique : Comment faire pour que ça marche » (p. 63-69), décrit une somme d’outils à disposition de l’enseignant pour lui permettre de faire émerger les représentations de ses élèves :
– Le questionnaire écrit (directif, semi-directif, à questions ouvertes ou fermées, à choix multiples…)
– Le schéma, dont l’enseignant se propose de faire une interprétation
– Le dessin, mode d’expression bien adapté à notre époque et plus accessible que le discours
– Le questionnement oral
– L’entretien semi-directif en petits ou en grands groupes qui permet aux jeunes de pouvoir exprimer plus d’idées et qui favorise aussi un échange plus libre
– Toutes les situations de classe qui incitent l’élève à s’exprimer : jeux d’écriture, « remue-méninge » (dites ce qui vous passe par la tête quand vous pensez à…), les jeux de rôle, etc.
J’ai sélectionné deux de ces techniques pour faire émerger les conceptions de mes élèves : le « remue-méninges » et le schéma.
Le recueil des conceptions des élèves au sujet de l’apprentissage
Pour recueillir les conceptions de mes élèves concernant l’apprentissage, je leur ai demandé : « Que signifie pour vous « apprendre » ? Comment pourriez-vous définir ce terme ? ». Ce questionnement répondait à un double objectif. Il s’agissait pour moi d’accéder à la représentation que mes élèves se font de l’apprentissage, tant au niveau du sens qu’ils lui donnent que de la façon dont ils le perçoivent et des moyens qu’ils emploient pour apprendre. Cette question donnait également l’occasion aux élèves d’exercer une activité mentale leur permettant de percevoir et de comprendre comment ils exercent leur pensée, et contribuait donc à développer des capacités métacognitives : « Développer un processus métacognitif chez un apprenant, c’est chercher à ce qu’il comprenne ce qu’est apprendre et comment il apprend. » (Lafortune, Jacob, Hébert). Les élèves disposaient de quelques minutes pour noter par écrit les résultats de ce « remue-méninges ».
Le recueil des conceptions des élèves sur les besoins du muscle et la façon dont ils sont assurés
Après la formulation de la problématique du thème « Corps humain et santé : l’exercice physique », un document d’appel sur l’épuisement de marathoniens a permis de poser le problème du premier chapitre : « Comment les besoins énergétiques liés à l’effort physique sont-ils assurés ? ». Cette question a conduit à une évaluation diagnostique. Les élèves devaient répondre aux questions suivantes : « De quoi le muscle en activité a-t-il besoin ? Comment peut-il satisfaire ces besoins ? » en complétant le plus précisément possible un schéma (annexe 2) et en le légendant.
Le cadre inférieur du schéma devait permettre de représenter les échanges entre le muscle et le sang, tandis que la silhouette pouvait être complétée par des éléments anatomiques (appareil digestif, appareil respiratoire, système cardio-vasculaire, appareil excréteur, système nerveux …) et fonctionnels (échanges de gaz respiratoires et de nutriments, circulation d’air, d’aliments, de sang, etc.). Les élèves éprouvant des difficultés à schématiser pouvaient traduire leurs idées sous forme d’un texte. La classe disposait d’une quinzaine de minutes pour réaliser ce travail.
Le recueil des conceptions des élèves sur l’organisation de la circulation sanguine
L’évaluation diagnostique précédente m’a donné une première idée des représentations des élèves au sujet de la circulation sanguine. Celles-ci ont donné lieu à une évaluation diagnostique plus ciblée dans la suite du chapitre. Après avoir étudié les besoins des muscles à l’effort et avant d’aborder les modifications de l’activité cardiovasculaire et ventilatoire, j’ai mobilisé les représentations de mes élèves avec la consigne suivante : « Représentez par un schéma la circulation du sang entre les quatre organes suivants : cœur, poumons, muscle, intestin. Vous relierez ces organes par des vaisseaux sanguins contenant du sang riche en dioxygène (flèches rouges) ou appauvri en dioxygène (flèches bleues). Représentez également la circulation du sang dans le cœur en conservant le même code couleur.». La classe disposait d’une dizaine de minutes pour réaliser ce travail.
La prise en compte des représentations initiales des élèves
Afin d’amener les élèves à faire évoluer leurs représentations initiales, il est absolument nécessaire de les confronter les unes aux autres. C’est cette confrontation de conceptions divergentes qui entraîne chez l’élève une déstabilisation, conduisant à la recherche d’un nouvel équilibre construit autour de nouveaux savoirs. Les travaux de groupe sont particulièrement appropriés pour atteindre cet objectif. J’ai ainsi amené mes élèves à travailler par groupe de quatre ou cinq, autour des besoins des muscles dans l’une de mes classes de 2nde et sur l’organisation de la circulation sanguine dans mon autre classe.
Les travaux de groupe sur les besoins des muscles
Dans mes deux classes de seconde, après le recueil des conceptions sur les besoins des muscles et la façon dont ils sont assurés, j’ai donné un exercice (annexe 4) permettant de déterminer les besoins des muscles grâce à l’analyse de données expérimentales. Ces rappels de la classe de 5ème étaient complétés par la remobilisation d’une notion étudiée lors du chapitre sur le métabolisme cellulaire : la respiration. Cet exercice a abouti à un bilan écrit : « Au cours de l’exercice physique, les muscles produisent un travail (contraction) qui augmente leurs besoins en énergie. Ils prélèvent davantage de nutriments et de dioxygène dans le sang. Les nutriments sont dégradés en présence de dioxygène : c’est la respiration, qui fournit l’énergie nécessaire à la contraction musculaire. »
Dans ma classe 208, de niveau globalement faible, j’ai voulu ensuite vérifier que ces notions avaient été correctement assimilées. J’ai donc proposé dans cette classe des travaux de groupe reposant sur une confrontation des représentations des élèves sur les besoins du muscle ; ma classe 217 a servi de classe témoin.
Après analyse des schémas complétés par les élèves, j’ai classé leurs représentations en catégories, selon que les muscles ont, selon les élèves, besoin de dioxygène, de nutriments, ou des deux. J’en ai sélectionné une de chaque catégorie parmi les productions de la classe 217, pour éviter les jugements de valeur. Les élèves devaient déterminer si le muscle pouvait ou non fonctionner dans chacun des trois cas, en justifiant la réponse (annexe 5). La production attendue était un texte argumenté (éventuellement accompagné d’un schéma). Les élèves, qui n’avaient pas droit à leur cahier (pour éviter de recopier le bilan précédent), travaillaient par groupe de 4 ou 5, pendant environ une demi-heure, leurs échanges oraux étant enregistrés. Chaque élève devait rédiger, et j’ai ramassé à la fin une production au hasard au sein de chaque groupe. Ce travail permettait de travailler des capacités en lien avec le raisonnement, l’argumentation, et la communication ; il contribuait à développer les attitudes suivantes : travailler en groupe et exercer son esprit critique. Il a donné lieu à une auto-évaluation des élèves grâce aux critères de réussite fournis, ainsi qu’à une évaluation formative de ma part.
Les travaux de groupe sur l’organisation de la circulation sanguine
J’ai pris en compte dans ma classe 217 les représentations des élèves sur l’organisation de la circulation sanguine, ma classe 208 servant alors de témoin.
Après analyse des schémas réalisés par les élèves lors du pré-test, j’ai sélectionné quatre schémas particulièrement intéressants du point de vue de la réflexion qu’ils suscitent en termes de fermeture du circuit sanguin, de relations entre le cœur et les poumons ou le muscle ou l’intestin, et de disposition relative des différents organes (série ou dérivation). J’ai ajouté à ces quatre schémas un document présentant les conceptions du médecin grec Galien afin de faire un peu d’histoire des sciences (annexe 8). Les élèves devaient déterminer laquelle des cinq propositions correspondait à une irrigation sanguine efficace des muscles (c’est-à-dire assurant à ces derniers un apport suffisant de nutriments et de dioxygène). La production attendue était un texte argumenté justifiant ce qui ne convenait pas dans les autres propositions. Là encore les élèves travaillaient par groupes de 4 ou 5, leurs échanges oraux étant enregistrés, mais chaque groupe n’étudiait que 3 des 5 documents. Les compétences travaillées étaient les mêmes que celles décrites pour les travaux sur les besoins du muscle, et le mode d’évaluation également identique. Les élèves disposaient d’une demi-heure pour réaliser ce travail.
Le post-test
Afin d’évaluer les représentations des élèves en fin de séquence, j’ai donné une évaluation sommative commune aux deux classes (annexe 10). Ce devoir surveillé comportait un exercice sur les besoins du muscle (partie 3), amenant l’élève à raisonner à partir d’informations tirées d’un tableau de valeurs et de ses connaissances. Un autre exercice (partie 4) permettait d’évaluer la compréhension de l’organisation de la circulation sanguine : les élèves devaient raisonner pour compléter un schéma de la double circulation et mobiliser leurs connaissances pour produire un texte expliquant les intérêts de l’organisation de l’appareil circulatoire. Le devoir comportait également deux exercices (parties 1 et 2) de restitution de connaissances sur d’autres aspects du chapitre (sens de circulation du sang dans le cœur notamment).
Analyse des travaux de groupe en 208
Lors des travaux de groupe en 208, j’ai été agréablement surprise par la motivation des élèves, supérieure à celle habituellement observée lors d’une travail sur documents papier. Des élèves timides, assez effacés, et d’autres en situation d’échec, se sont investis dans ce travail, ce qui a été pour moi source de satisfaction.
Les trois documents proposés permettaient de dégager les notions suivantes sur les besoins des muscles. Sur le schéma A, il manque les nutriments. De plus c’est le dioxygène et non l’air qui passe dans le sang (sinon, comme l’ont souligné les élèves, on meurt). Sur le schéma C, il manque le dioxygène. Par ailleurs, ce schéma a permis de rappeler la position exacte des différents organes représentés (appareil digestif, cœur, reins). Enfin, les nutriments, issus de la digestion des aliments, passent dans le sang au niveau de l’intestin. Pour finir, sur le schéma B, les muscles consomment des nutriments et du dioxygène et produisent des déchets (dioxyde de carbone et urée), ce qui est correct. Il manque toutefois la représentation des échanges avec le milieu extérieur (poumons/air ; tube digestif/aliments).
Les productions des élèves témoignent du fait que la moitié des groupes semble avoir compris que les muscles ont besoin à la fois de nutriments et de dioxygène (l’évaluation de la compétence « raisonner » a conduit à 18 « vert » (acquis) et 16 « jaune » (en cours d’acquisition)) (annexe 6). En revanche, pas un groupe n’a mentionné la notion d’énergie, alors qu’il s’agissait de l’idée essentielle faisant le lien entre nutriments, dioxygène, et fonctionnement musculaire. Lors de la mutualisation, j’ai donc particulièrement insisté sur cette notion, en essayant de la rendre palpable : j’ai comparé la combustion contrôlée ayant lieu dans la cellule, et dégageant de la chaleur et de l’énergie permettant au muscle de se contracter, à la combustion du bois (combustion complète qui dégage de la chaleur). Cette activité a débouché sur un bilan écrit : « Rappels sur les besoins du muscle : la respiration est un mécanisme de dégradation des nutriments en présence de dioxygène. Elle libère de l’énergie. Une partie de cette énergie sert à la contraction musculaire et l’autre partie est dissipée sous forme de chaleur. Lors d’un effort physique, les muscles ont besoin de plus d’énergie, ce qui se traduit par une augmentation de la consommation de nutriments et de dioxygène. »
L’organisation de la circulation sanguine
Analyse des conceptions recueillies sur l’organisation de la circulation sanguine
Les conceptions initiales recueillies sous forme de schéma sur l’organisation de la circulation sanguine ont été classées en différentes catégories selon la représentation des relations entre le cœur et le muscle, le cœur et les poumons, et selon la disposition relative des organes (intestin et muscle), en série ou en dérivation.
L’idée d’un circuit fermé semble acquise pour la plupart des élèves : ceux ayant représenté un trajet unidirectionnel, sans retour, du sang sont minoritaires. Les productions montrent des confusions importantes au niveau des relations cœur/muscle (chez 17 élèves sur 31 en 217 et 20 sur 32 en 208), que le muscle reçoive du sang directement des poumons ou de l’intestin, ou qu’il en renvoie vers un de ces organes et non vers le cœur, ou que le sens de circulation ait été inversé (arrivée de sang pauvre et départ de sang riche en dioxygène). On retrouve ces confusions au niveau de la relation cœur/poumons (18 élèves sur 31 en 217 et 26 sur 32 en 208), avec bien souvent une arrivée de sang riche et un départ de sang pauvre en dioxygène au niveau des poumons (annexe 7 C). Ceci montre que la notion de recharge du sang en dioxygène au niveau des poumons n’a pas été intégrée par bon nombre d’élèves. Quant à la position de l’intestin dans l’appareil circulatoire, elle constitue une énigme pour la plupart des élèves (annexe 7 B) : cet organe bien souvent ne consomme pas de dioxygène, et émet du sang riche en dioxygène à destination des muscles. Cela traduit une confusion entre richesse en dioxygène et richesse en nutriments du sang.
La plupart des élèves (28 sur 31 en 217, 20 sur 32 en 208) ont représenté une disposition en série du muscle et de l’intestin (annexe 7 A et C). En effet, beaucoup raisonnent de la façon suivante : le sang riche en dioxygène reçoit des nutriments au niveau de l’intestin puis va approvisionner le muscle. L’élève prend un élément (le dioxygène, les nutriments) et lui fait faire un trajet : c’est une histoire
« randonnée ». Ce raisonnement séquentiel, ou par mise en histoire, fournit aux élèves un modèle explicatif simple, mais constitue un obstacle à la compréhension du modèle scientifique de la circulation générale, qui est disposé en dérivation et non en série. Cet obstacle, qui empêche de penser à la réalisation simultanée de processus, peut trouver son origine par exemple dans le jeu du petit train ou le jeu des dominos, qui dès l’enfance incitent à mettre les éléments les uns à la suite des autres, à la queue-leu-leu.
Analyse des travaux de groupe en 217
Ces travaux de groupe en 217 ont eu lieu après avoir étudié la ventilation pulmonaire (et donc la recharge du sang en dioxygène au niveau des poumons) ainsi que l’organisation et le fonctionnement du cœur (dont la circulation à sens unique du sang imposée par les valvules). Comme en 208, le travail par groupe a globalement bien fonctionné : les élèves étaient motivés par cette activité et ont produit des textes argumentés de qualité satisfaisante (évaluation de la compétence « raisonner » : 24 « vert » et 10 « jaune ») (annexe 9A). Les productions d’élèves de niveau très faible, même si elles comportent des erreurs, témoignent d’un réel effort intellectuel sur cette activité (annexe 9 B). Les productions écrites comme les échanges oraux enregistrés montrent bien la réticence de certains élèves à admettre une organisation de la circulation générale en dérivation, car elle est contre-intuitive (comme expliqué précédemment). Le travail de groupe a été suivi d’une phase de mutualisation permettant de dégager les caractéristiques remplies par la circulation : circuit fermé, sang artériel apportant nutriments et dioxygène aux organes (muscle et intestin), intestin et muscle en dérivation, poumons et autres organes disposés en série. Un schéma-bilan de la circulation a ensuite été complété. En 208, cette thématique a été traitée sous forme d’un exercice reposant sur l’analogie entre circuit sanguin et circuit électrique.
Analyse des résultats du post-test : l’évolution des conceptions des élèves
L’évolution des représentations des élèves a été évaluée par un schéma de la double circulation à compléter avec les vaisseaux sanguins. Les résultats ont été largement supérieurs en 217, par rapport à ceux obtenus en 208 (11,6 vs 4,6/20 pour cet exercice) (voir tableau 1). Concernant les relations cœur/poumons, elles ont été représentées correctement par 25 élèves sur 31 en 217 contre 13 sur 32 en 208 ; les relations cœur/muscle par 23 élèves sur 31 en 217 contre 4 sur 32 en 208. Seuls 5 élèves de 217 ont représenté la circulation générale en série (et 3 ont branché les organes directement sur la circulation pulmonaire), contre 22 en 208. Nombreux sont les élèves de 217 à être passés d’une conception erronée à une conception juste (12 pour les relations cœur/poumons, 13 pour les relations cœur/muscle, 19 pour la disposition de la circulation générale). On peut donc en conclure que la prise en compte des conceptions initiales des élèves sur l’organisation de la circulation sanguine a eu un impact très positif sur leur apprentissage.
Là encore, ces résultats peuvent être mis en relation avec le profil d’apprentissage de la classe (annexe 12 B). Même si certains élèves rencontrent des difficultés, le niveau global de la classe en SVT est tout à fait satisfaisant. Si l’on retrouve, comme en 208, le fait que pour presque la moitié des élèves« apprendre » signifie acquérir des connaissances, retenir, les occurrences des termes « comprendre » et « découvrir » augmentent entre le pré-test et le post-test. Pour deux élèves, apprendre c’est savoir faire de nouvelles choses, on apprend donc en pratiquant ; ce que l’on peut peut-être mettre en lien avec l’importance accordée aux activités, notamment pratiques, et à l’évaluation par compétences. Ce qui dénote surtout par rapport aux résultats obtenus en 208, c’est qu’une part non négligeable de la classe (environ 40% lors du pré-test et 20% lors du post-test) a spontanément indiqué un but à l’apprentissage. Même s’il reste majoritairement perçu comme difficile, il permet d’engranger des connaissances permettant de se cultiver. Pour certains, il permet même de s’ouvrir au monde, de réussir sa vie, de réfléchir par soi-même et d’être autonome. On peut donc considérer qu’une partie des élèves de cette classe a bien compris le but ultime de l’apprentissage, à savoir le transfert. Cette aptitude des élèves à s’approprier les connaissances et à raisonner pour les remobiliser dans un contexte nouveau peut expliquer la réussite plus effective de la prise en compte des conceptions initiales dans cette classe, par rapport à mon autre classe.
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Table des matières
1. Introduction
2. Cadre théorique
2.1 Qu’est-ce qu’apprendre ?
2.2 La notion de conceptions ou représentations initiales
2.3 Pourquoi prendre en compte les conceptions initiales des élèves ?
3. Question de recherche et hypothèses
4. Cadre méthodologique
4.1 Le pré-test
4.1.1. Comment recueillir les conceptions des élèves ?
4.1.2. Le recueil des conceptions des élèves au sujet de l’apprentissage
4.1.3. Le recueil des conceptions des élèves sur les besoins du muscle et la façon dont ils sont assurés
4.1.4. Le recueil des conceptions des élèves sur l’organisation de la circulation sanguine
4.2 La prise en compte des représentations initiales des élèves
4.2.1. Les travaux de groupe sur les besoins des muscles
4.2.2. Les travaux de groupe sur l’organisation de la circulation sanguine
4.3 Le post-test
5. Analyse des résultats obtenus
5.1 Les besoins des muscles
5.1.1. Analyse des conceptions recueillies sur les besoins des muscles
5.1.2. Analyse des travaux de groupe en 208
5.1.3. Analyse des résultats du post-test : l’évolution des conceptions des élèves
5.2 L’organisation de la circulation sanguine
5.2.1. Analyse des conceptions recueillies sur l’organisation de la circulation sanguine
5.2.2. Analyse des travaux de groupe en 217
5.2.3. Analyse des résultats du post-test : l’évolution des conceptions des élèves
6. Conclusion
7. Discussion
8. Bibliographie
. Annexes
1A. Schéma du modèle socioconstructiviste
1B. Modèle allostérique de la construction du savoir
2. Schéma à compléter lors du pré-test sur les besoins du muscle
3. Exemples de représentations initiales recueillies sur les besoins du muscle
4. Exercice sur les besoins des muscles
5. Activité de prise en compte des conceptions sur les besoins du muscle
6. Exemple de production d’un groupe d’élèves sur les besoins des muscles
7. Exemples de représentations initiales recueillies sur l’organisation de la circulation sanguine
8. Activité de prise en compte des représentations initiales sur l’organisation de la circulation sanguine
9. Exemples de productions de groupes d’élèves sur l’organisation de la circulation sanguine
10. L’évaluation sommative (post-test)
11. Tableaux présentant l’évolution des conceptions initiales des élèves
12. Résultats de l’enquête : « Que signifie pour vous apprendre ? »
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