Le ravissement de Lol V. Stein la traduction suédoise

Dans ce mémoire, nous allons étudier la traduction en suédois du roman Le ravissement de Lol V. Stein de Marguerite Duras. Ce roman qui a été écrit en 1964 a été traduit pour la première fois en suédois en 1988 et une nouvelle édition de la traduction a été publiée en 2007. Katarina Frostenson, une poète réputée en Suède et à l’étranger, a fait les deux traductions. Nous nous demandons comment la traductrice a procédé pour transmettre le style particulier de Marguerite Duras en suédois, si les différences entre les deux versions, la française et la suédoise, changent la réception et la représentation de Lol pour le lecteur suédophone. Question qui s’est montrée d’autant plus intéressante en regardant les différences entre les traductions de 1988 et de 2007. Nous supposons que la deuxième traduction ressemble plus au style de Frostenson. Vingt ans ont passé après la première traduction, le temps pour Frostenson de définir sa voix en tant que poète et écrivaine. Nous trouvons probable qu’elle ose des tournures plus libres et de s’éloigner de l’original pour une fidélité autre. Ainsi, entre cette première traduction et la deuxième se pose aussi la question de l’équivalence en termes de style : y a-t-il une des deux versions (1988 ou 2007) qui ressemble plus au « style » de Marguerite Duras ?

Dans nos lectures premières de Lol V. Steins Hänförelse nous avons remarqué un lien fort entre la traductrice et l’écrivaine Marguerite Duras. Initialement à travers des résumés de Lol V. Steins Hänförelse, où les critiques font des commentaires comparatistes à propos du style de Marguerite Duras et celui de Katarina Frostenson. Kristian Lundberg écrit par exemple que : « Les ressemblances entre les deux écrivaines sont frappantes. Les voix. La cruauté innocente. L’équilibre entre dénuement et perfection. L’expression existentielle devient charnelle, pour ne pas dire christique. » (Lundberg : 2007, notre traduction .) Jenny Tunedal écrit à son tour que Lol dans Lol V. Steins hänförelse lui fait penser à un poème de Katarina Frostenson :

Damnée elle erre entre des cours de tennis et des parcs-jardins, cette femme au foyer douce et muette dans la maison parfaite, ce qui me fait toujours penser à quelques lignes dans Korallen (le Corail), de Katarina Frostenson « Elle se faisait infiniment ouverte et se ferma / et ça c’est le mouvement. » (Aftonbladet le 10 novembre 2007, notre traduction) .

Nous trouvons ces comparaisons assez curieuses : elles se ressembleraient donc, l’auteur et la traductrice en tant qu’écrivaines ? Bien entendu, qu’elles écrivent de façon similaire, reste une possibilité. Ou bien, est-ce le style de Katarina Frostenson qui se reflète à travers sa traduction de Marguerite Duras ? Et à tel point que le lecteur confonde traducteur et auteur ?

Christina Gullin a montré que « la voix » du traducteur peut, même si c’est difficile à démontrer, se refléter dans un texte traduit ; par l’écriture même, le jargon ou la syntaxe. Ainsi montre-t-elle dans Översättarens röst (2002) qu’il serait possible d’entendre dans la traduction suédoise de Nadine Gordimer et Anthony Burgess, les voix de leurs traducteurs respectifs, Else Lundgren et Caj Lundgren. De la même manière, nous allons étudier si la voix de Katarina Frostenson « son style » s’entrevoit dans sa traduction de Marguerite Duras. Mais nous sommes aussi curieux de regarder dans le sens inverse, si Marguerite Duras aurait laissé des traces sur le style propre de la traductrice. Si nous pouvons, pour ainsi dire, entendre Marguerite Duras à travers la poésie de Katarina Frostenson. En même temps nous nous réservons car, parler à la fois de la voix du traducteur et de son style comme d’une seule entité nous semble malgré tout quelquefois problématique. Il serait ainsi préférable de parvenir à distinguer « style d’écriture » et « voix » dans la traduction. Par la suite, toutes les citations et exemples tiré du roman Le ravissement de Lol V. Stein seront marqués « LVS : pages », et les citations et exemples tiré de la traduction seront marqués « LVH-07 » ou « LVH-88 : pages ».

Déroulé

Sous le chapitre « Théorie et méthode » nous abordons la notion de style en relation avec la traduction et présentons notre méthode d’analyse. Ensuite nous regardons le style de Marguerite Duras essentiellement comme il se présente dans son livre Le ravissement de Lol V. Stein. Nous continuons avec le style de la traductrice Katarina Frostenson. Ensuite suit l’analyse de la traduction. Nous regardons les éléments qui diffèrent entre l’original  et la traduction et entre la traduction de 1988 et celle de 2007 : mots, syntaxes, omissions et ajouts. Que se passe-t-il entre original et traduction et entre les deux traductions ? Des réponses à ces questions seront proposées dans la discussion qui suit avec la conclusion.

Théorie et méthode 

Études antérieures 

Nous avons mentionné Christina Gullin qui avec Översättarens röst (2002) soulève la question en particulier entre voix d’auteur et voix de traducteur en examinant la participation artistique de la part du traducteur dans la littérature anglophone traduite en suédois. A partir d’une perspective narratologique Gullin étudie comment la voix du traducteur apporte des changements de style entre original et traduction. Elle examine chaque traduction sous des angles différents selon les genres des livres et les stratégies utilisées par les traducteurs. Dans la traduction de Judys People de Nadine Gordimer par Else Lundgren elle analyse surtout des ajouts en forme d’explications et d’explicitations. Elle montre également comment le choix d’un mot peut influencer le style et le sens, et comment les dialogues, reproduits avec une langue plus formelle dans cette traduction, peut changer le style et en quelque sorte l’identité des personnages dans le récit. Pour les traductions de Caj Lundgren, qui a également travaillé en tant que journaliste et poète, Gullin s’intéresse à la langue et au style particulier du traducteur. Elle démontre par exemple comment les mots composés, souvent utilisés par Caj Lundgren dans sa poésie, deviennent un phénomène omniprésent dans sa traduction du roman Earthly Powers d’Anthony Burgess. Les nouveaux-mots inventés par le traducteur ainsi que sa facilité à utiliser des expressions idiomatiques ajoutent une richesse au livre et aux personnages, ce qui semble apporter une nouvelle dimension à ce livre dans la traduction suédoise. En revanche, dans le roman de Saul Bellow Bellarosa, aussi dans une traduction de Caj Lundgren, la langue devient plus informelle, plus parlée que dans l’original avec des ajouts qui semblent renforcer les attitudes du narrateur dans la traduction. Dans une troisième traduction de Caj Lundgren Possession de A.S Byatt, Gullin évoque des changements de style qui influencent encore le rôle du narrateur et les descriptions des personnages. De façon très générale nous pouvons dire que cette étude nous présente deux  types de traducteurs : l’un a tendance à utiliser une langue neutralisante, et l’autre a tendance à utiliser une langue très créative et inventive. La créativité de Caj Lundgren convient parfois à merveille et parfois un peu moins. Cela montre aussi qu’il y a des textes et des traducteurs qui vont mieux ensemble que d’autres. Gullin met la lumière sur les personnes qui traduisent, Else Lundgren et Caj Lundgren. Elle décrit leurs caractères, leurs situations différentes et les activités qu’ils occupent en dehors de, ou en parallèle avec la traduction. Elle montre ainsi que des facteurs extérieurs, liés à l’identité personnelle sont importants pour comprendre le style individuel de chaque traducteur, que des principes et des idéaux bien différents guident et façonnent leur travail.

Charlotte Bosseaux s’intéresse également à la voix du traducteur et plus précisément à l’effet de lecture entre un original et une traduction. Dans How does it Feel? Point of View in Translation (2007) Bosseaux analyse les différentes traductions françaises de deux romans de Virgina Woolf : To the Lighthouse et The Waves. Bosseaux explore et développe une méthode d’analyse des traductions fondée dans la narratologie en examinant « le point de vue » à l’aide des outils d’analyse informatisée de corpus. Elle montre et explore l’utilité d’un outil informatique pour décrire les variations narratologiques entre les différentes traductions et leur original. Avec l’outil informatique et le corpus, elle peut tirer des conclusions générales sur les variations linguistiques entre les différentes traductions en analysant à la fois le déictique, la modalité, la transitivité et le discours indirect libre. Par exemple, pour analyser la façon dont le discours indirect libre (DIL) a été traduit en français dans To the Lighthouse, elle utilise l’outil Multiconcord pour chercher des mots indicateurs d’un DIL : comme l’exclamation yes. Multiconcord trouve chaque occurrence d’un yes dans le texte d’origine et Bosseaux trie ensuite manuellement les phrases contenant un yes pour trouver combien d’entre elles sont réellement concernées par le DIL. Ensuite elle vérifie si ces phrases sont également des DIL dans les traductions françaises. Elle découvre que les traducteurs ont tendance à choisir des façons différentes pour traduire yes, et/ou de l’omettre ce qui résulte en général en un changement au niveau du sens et du « feel » (le ressenti) dans la traduction. Son étude montre que chaque traducteur utilise des stratégies différentes devant chaque choix de traduction.

Les approches narratologiques utilisées par Gullin et Bosseaux pour étudier et analyser les changements entre l’original et la traduction sont proches, Gullin empruntant le concept de « focalisation » introduit par Gérard Genette et développé par RimmonKennan tandis que Bosseaux utilise le concept similaire de « point de vue » pour étudier le ressenti du texte, un terme qu’elle a emprunté à Paul Simpson(Language Ideology and Point of View,1993) (2007 : 27). Néanmoins, leurs méthodes d’analyses sont très différentes. Gullin détaille le travail des traducteurs en utilisant une méthode descriptive et manuelle où le texte d’arrivée est au centre de son intérêt. (2002 : 49) Le résultat que Gullin nous présente sous forme d’exemples variés et nombreux est le fruit de ses observations et ses analyses, scientifiques mais aussi subjectives, puisque les exemples à partir desquels elle tire ses conclusions ont été observés et choisis par elle-même. L’étude de Bosseaux est comparatiste, faite à partir des résultats de données de recherches d’un corpus, ce qui rend le résultat plus homogène, peut-être plus objectif mais surtout plus exhaustif. Bosseaux gagne « avec un clic du doigt » accès à des informations qui vont bien au-delà d’un exemple, voire tout son corpus. Néanmoins, même si l’étude de Bosseaux peut paraitre plus scientifique, Bosseaux elle-même admet l’aspect subjectif de la recherche :

The software tools thus proved useful in locating these linguistic items only up to a certain point: they display information about the texts but it is the researcher who carries out the analyses, selects the interesting patterns and interprets them.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

1 Introduction
1.1 Déroulé
2 Théorie et méthode
2.1 Études antérieures
2.2 Style
2.2.1 Style et traduction
2.3 Méthode d’analyse
2.3.1 Lecteur et traduction
2.3.2 Répétitions et traductions
2.3.3 La retraduction ou la traduction inversée
3 Marguerite Duras
3.1 Le style de Marguerite Duras
4 Katarina Frostenson
4.1 Le style de Katarina Frostenson
5 Frostenson et Duras
6 Le ravissement de Lol V. Stein & Lol V. Steins hänförelse
6.1 Réception, couverture et titre
6.2 Structure de la narration
7 L’Analyse
7.1 L’introduction
7.2 Le bal
8 Discussion
Conclusion

8.1 L’analyse à travers les répétitions
8.2 La différence entre la traduction de 1988 et de 2007
8.3 La langue durassienne en suédois
8.4 La représentation de Lol
8.5 Les voix de Katarina Frostenson et de Marguerite Duras
Bibliographie

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *