Introduction
L’hypertension artérielle
L’hypertension artérielle (HTA) est la première pathologie chronique dans le monde.
C’est l’un des principaux facteurs de risque cardio-vasculaire. Elle représente un enjeu majeur de santé publique du fait des risques d’accident vasculaire cérébral (AVC), d’insuffisance cardiaque, d’infarctus du myocarde (IDM), de syndrome démentiel d’origine vasculaire et d’insuffisance rénale chronique (1).
Elle est définie par une pression artérielle systolique (PAS) supérieure ou égale à 140 mmHg et/ou une pression artérielle diastolique (PAD) supérieure ou égale à 90 mmHg lors de la prise de pression artérielle (PA) au cabinet. Ce seuil est admis comme celui à partir duquel les bénéfices d’un traitement antihypertenseur surpassent les risques (2).
L’HTA concerne 1,28 milliard de personnes entre 30 et 79 ans (3) et représente le premier motif de consultation en soins primaires (4) dans le monde.
En France, en 2019, 10,3 millions de personnes de plus de 35 ans étaient traitées par au moins un antihypertenseur et on estime que 5 millions présentaient une HTA non diagnostiquée ou non traitée. De plus, on estime que 50 % des patients hypertendus traités ne sont pas contrôlés. En 2019, dans la Manche, la prévalence des personnes traitées par au moins un antihypertenseur était de 11, 7% pour une moyenne nationale à 10,9 % (5). En 2019, en France, Le coût des antihypertenseurs pour les régimes de sécurité sociale représentait 4 milliards d’euros (6).
La Haute Autorité de Santé (HAS) et l’European Society of Cardiology (ESC) recommandent de proposer des mesures hygiéno-diététiques à tous les patients hypertendus car « elles contribuent à la réduction des chiffres tensionnels et font partie intégrante de la prise en charge ». Ces mesures constituent d’ailleurs la première ligne de prise en charge chez les patients ayant une HTA de grade 1 (PAS comprise entre 140 et 159 mmHg et/ou PAD comprise entre 90 et 99 mmHg lors d’une prise de PA au cabinet médical) et à risque cardio-vasculaire (RCV) bas ou modéré . L’introduction d’un traitement antihypertenseur ne se fait alors qu’après 3 à 6 mois de mesures hygiéno-diététiques bien suivies (1) (2).
Ces mesures hygiéno-diététiques comprennent :
• la pratique d’une activité physique régulière et adaptée, 30 minutes par jour, au moins 3 fois par semaine, en endurance. L’ESC recommande même de pratiquer 30 minutes d’une activité physique dynamique modérée en aérobie (marche rapide, course à pied, vélo, natation) 5 à 7 jours par semaine, et mentionne la possibilité d’associer à cette pratique des exercices contre résistance. Chez les personnes en bonne santé, cette durée peut être augmentée progressivement jusqu’à 300 minutes d’activité modérée ou 150 minutes d’activité intense par semaine (2).
• la réduction du poids en cas de surcharge pondérale. Chez les patients en surpoids, chaque kilogramme (kg) perdu diminue le RCV. En effet, une méta-analyse de 2003 démontre qu’il existe une relation entre perte de poids et diminution de la PA (diminution de 4,4 mmHg de PAS et 3,6 mmHg de PAD pour une diminution de 5,1 kg de poids corporel) (7). Cette relation se retrouve dans la recommandation de l’ESC de maintenir un indice de masse corporelle (IMC) entre 20 et 25 kg/m² chez les personnes de moins de 60 ans ainsi qu’un périmètre abdominal inférieur à 94 cm pour les hommes et à 80 cm pour les femmes pour prévenir ou diminuer la PA. La grande variabilité du poids rend cependant très aléatoire l’efficacité à long terme de cette mesure. En effet, une étude de 2001, démontrant une relation entre perte de poids et diminution de la PA, retrouve une non persistance de cette perte de poids au bout de 3 ans de suivi, malgré un suivi tous les 6 mois (8).
• la suppression ou réduction de la consommation d’alcool. L’ESC recommande aux personnes souffrant d’HTA de limiter leur consommation d’alcool à 14 unités par semaine pour les hommes et 8 unités pour les femmes (2).
• la normalisation de l’apport sodé (6-8 g/jour de sel au maximum). En effet, la consommation de plus de 5 g de sel par jour augmente la prévalence de l’HTA. En France, la consommation de sel est de 9 g/jour pour les hommes et 7 g/jour pour les femmes, d’après un rapport de l’Agence Nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (ANSES) de 2017. Dans une méta-analyse de 2013, chez des patients consommant de 9 à 12 g de sel par jour, une réduction d’environ 4 g de sel par jour est associée à une diminution respective pour la PAS et la PAD de 4,2/2,1 mmHg, même si cet effet semble diminuer dans le temps du fait de la faible persistance des bonnes habitudes alimentaires (9). L’ESC recommande une consommation quotidienne de 2 g de sodium soit approximativement 5 g de sel par jour, mais relève que cet enjeu de santé publique ne peut être traité qu’au travers d’une concertation entre l’industrie agro-alimentaire, les États et la population, car 80 % des apports en sel sont apportés par les produits transformés.
• l’arrêt du tabac, plus comme facteur supplémentaire de risque de maladie cardio vasculaire que pour ses effets propres sur la pression artérielle.
• une alimentation privilégiant la consommation de fruits, légumes et aliments peu riches en graisses saturées. L’ESC recommande de se rapprocher le plus possible du régime méditerranéen, reconnu pour diminuer le RCV. Les modifications alimentaires reconnues pour diminuer significativement la PA sont le régime méditerranéen et le régime DASH (Dietary Approach to Stop Hypertension), qui consiste à privilégier les fruits et légumes, les aliments laitiers pauvres en matière grasse, le poisson et la volaille, les noix ainsi qu’à éviter les viandes rouges, les aliments riches en sucre et diminuer l’absorption de sel à moins de 2 à 3 g/jour. Il faut, en outre, éviter la consommation de café et de caféine et privilégier la consommation de thé, vert ou noir qui ont un effet significatif de diminution de la PA. Les boissons sucrées sont à déconseiller puisque pourvoyeuses de surpoids et diabète de type 2 (DT2). Maintenir ce type d’alimentation à long terme peut être difficile pour certains patients.
Il est recommandé d’associer toutes ces mesures afin de diminuer la pression artérielle, ce qui suggère une approche multidisciplinaire afin de conseiller le patient sur la méthode la plus adaptée pour lui. Une méta-analyse de 2019 conclut que les changements de mode de vie peuvent améliorer la pression artérielle. L’amélioration significative induite par les modifications alimentaires se trouve majorée lorsque ces dernières sont associées à une perte de poids et des programmes d’exercices. Cette réduction serait de 6,5 mmHg pour la PAS, 0,9 mmHg pour la PAD (10).
L’enjeu est donc de prévenir l’apparition d’une HTA mais également de retarder l’introduction d’un traitement antihypertenseur en cas d’HTA de grade 1 ou de potentialiser l’effet des traitements antihypertenseurs grâce à l’instauration et au maintien de mesures hygiéno-diététiques. De multiples stratégies ont d’ores et déjà ététestées, du simple rappel des recommandations aux médecins traitants (11) à des accompagnements par une infirmière diplômée d’État (IDE) de santé publique, médiés par téléphone, consultations (12), applications d’aide à la prise en charge (13), télémonitoring ou télésurveillance (14). Ainsi, si les mesures à mettre en place sont consensuelles, les moyens pour maximiser leur effet sur les patients font encore l’objet d’études.
Un changement d’habitudes de vie demande au patient un effort quotidien et à son médecin traitant un accompagnement régulier et une formation à l’éducation thérapeutique que peu possèdent. C’est tout l’enjeu des transferts de compétence et des nouveaux modes d’exercice inscrits dans l’article 51 de la loi Hôpital, Patient, Santé, Territoire (HPST) du 21 juillet 2009.
Les protocoles de coopération
L’article 51 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) légalise la possibilité d’une coopération entre professionnels médicaux et paramédicaux, avec un transfert d’actes de soins ou d’activités défini par un protocole. Les professionnels concernés doivent demander aux agences régionales de santé (ARS) de valider le protocole de coopération après avis conforme de la HAS. L’arrêté d’autorisation du protocole délivré par l’ARS intervient dans les deux mois suivant la réception du protocole (15).
Une fois que la HAS a émis un avis favorable, chacune des 22 ARS peut décider de l’appliquer dans sa région afin que des équipes y adhèrent et le mettent en œuvre (après vérification que le protocole répond à un besoin de santé au niveau régional).
Depuis 2014, par le décret n°2014-919 du 18 Août 2014, un collège de financeurs étudie le modèle économique et rend son avis à ce sujet.
Il est composé des :
– directeur de la sécurité sociale ou son représentant ;
– directeur général de l’offre de soins ou son représentant ;
– directeur général de la santé ou son représentant ;
– directeur de l’Union nationale des caisses de l’assurance maladie.
La présidence et le secrétariat du collège sont assurées par la direction de la sécurité sociale.
Il se réunit au moins quatre fois par an sur convocation du président (16).
Il comporte en plus, depuis 2018, le directeur de la HAS ou son représentant (17).
Au 31 décembre 2014, 38 protocoles avaient reçu un avis favorable de la HAS. La majorité des protocoles concernaient des activités hospitalières. Les thèmes de ces protocoles concernaient la prise en charge de pathologies chroniques (protocole Action de Santé Libérale En Équipe (ASALEE)), l’échographie et l’ophtalmologie. Ils concernaient principalement des délégations médecins – professionnels de santé paramédicaux mais également entre autres professionnels de santé (par exemple une délégation IDE – aidesoignant en EHPAD).
Le protocole Action de SAnté Libérale En Équipe (ASALEE)
L’association d’action de santé libérale en équipe (ASALEE) a été fondée en 2004 par le docteur Jean Gautier à Brioux-sur-Boutonne, dans les Deux-Sèvres. Elle est effective depuis 2006 et s’est étendue progressivement sur l’ensemble du territoire national. En 2009, l’association ASALEE était présente dans 9 départements appartenant à 4 régions.
En 2014, 487 professionnels dans 112 cabinets médicaux adhéraient à ce protocole.
Actuellement, le nombre de médecins au sein du dispositif est de 6510 médecins généralistes (MG) et pédiatres pour 1487 IDE. Initialement axé sur les maladies chroniques et principalement le DT2, le dispositif a évolué en 2012, en demandant à intégrer les nouveaux modes d’exercice de l’article 51.
Actuellement, son action consiste en une coopération entre MG et IDE déléguée à la santé publique avec des actes dérogatoires au sein d’un cabinet pour l’éducation thérapeutique des patients atteints de pathologies chroniques :
• Dépistage et suivi du DT2 (prescription d’examens biologiques, électrocardiogramme (ECG), examen du pied, monofilament) ;
• Suivi des patients à risque cardio-vasculaire (prescription d’examens biologiques, réalisation d’ECG) ;
• Dépistage de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) et suivi des patients tabagiques (prescription de substituts nicotiniques et réalisation de spirométrie) ;
• Repérage des troubles cognitifs (prescription et réalisation de repérage à domicile) ;
• Participation aux campagnes collectives de dépistage des cancers du sein et du colon.
La part de pathologies prises en charge en 2022 est de 25 % pour le RCV, de 25 % pour le DT2, de 1 % pour la BPCO, de 4 % pour le dépistage des troubles cognitifs, de 12 % pour l’accompagnement au sevrage tabagique, de 3 % pour le suivi des personnes atteintes du COVID, de 17 % pour des consultations collectives (remise en mouvement, ateliers..) et enfin 15 % de consultations pour d’autres raisons. Lors de l’évaluation du protocole en 2014, il était noté une PA inférieure ou égale à 140/90 mmHg pour environ 50 % des patients inclus après la première consultation et pour 49 % après la troisième consultation, sans données sur le pourcentage de patients équilibrés avant les consultations par l’IDE ASALEE (18).
Les IDE qui souhaitent intégrer le protocole doivent compléter leur formation.
Financée par ASALEE, elle comporte :
• Des modules dérogatoires (anatomophysiologie, pathologie, éléments de suivi, conditions d’exécution du volet dérogatoire) ;
• Un module Éducation Thérapeutique du Patient (ETP) (cycle de 40 heures dispensé en deux modules par un formateur agréé) ;
• Un module compagnonnage (tournée initiale de 3 jours sur des sites déjà expérimentés)
• Un module système d’information (utilisation du logiciel de gestion de cabinet en contexte ASALEE, formation à l’outil de suivi ASALEE).
Le temps de travail d’une IDE ASALEE se partage théoriquement ainsi : 1/3 aux consultations, 1/3 à la gestion des dossiers et environ 1/3 pour la formation et les temps d’échange avec le médecin. En effet, le point fondamental du dispositif est la création de binômes MG – IDE qui fonctionnent sur une base théorique mais diffèrent par la mise en pratique en fonction des attentes de chacun afin d’établir la meilleure relation possible dans l’intérêt du patient. Si l’IDE gère son planning en autonomie, elle est dépendante des actes que le médecin accepte de lui transférer. Un temps d’échange hebdomadaire est, en théorie, prévu (rémunéré pour le médecin) afin de faire le point sur des dossiers de patients et d’établir la suite de leur prise en charge. L’inclusion des patients peut prendre plusieurs formes en fonction des choix du binôme. J’ai pu observer surtout une présentation du dispositif par le médecin traitant lors d’une consultation et choix laissé au patient de contacter l’IDE après lui avoir donné ses coordonnées. Si l’IDE est contactée par le patient, elle propose une consultation initiale dont elle fait une synthèse inscrite dans le dossier médical et organise les consultations suivantes.
Tous les frais liés à l’IDE ASALEE sont pris en charge par l’association, y compris le matériel de suivi des patients (électrocardiogrammes, spiromètres,…) (19).
L’association ASALEE a bénéficié d’un budget d’environ 21,36 millions d’euros en 2017, couvrant principalement les salaires et charges des IDE, l’indemnisation des temps de concertation pour les médecins et l’animation support de médecins, IDE et ingénieurs.
L’adhésion à ce protocole peut cependant représenter une contrainte car il n’est alors plus possible de mettre en place des protocoles financés par l’État pour les pathologies prises en charge.
Afin d’informer les professionnels en amont de la demande d’adhésion, ASALEE a mis en place un guichet unique joignable par mail (contact.50@asalee.fr pour la Manche) (20).
Le protocole de suivi des patients à risque cardio-vasculaire
L’inclusion dans le protocole peut faire suite à une consultation chez le médecin traitant ou un médecin du même cabinet pour les patients à RCV (HTA, hypercholestérolémie, tabac, traitement anticoagulant) ou par repérage dans la base de données du logiciel métier du médecin traitant par l’IDE ASALEE. Les critères de repérage sont la présence soit de deux facteurs de risque (FDR) dont 1 modifiable, soit de trois FDR ou plus parmi les suivants :
• Âge > 45 ans pour les hommes, > 55 ans pour les femmes ;
• Antécédents cardio-vasculaires familiaux ;
• Tabagisme actif ou arrêt de moins de 3 ans ;
• HTA certifiée ;
• IMC > 28 kg/m² ;
• Hyperlipidémie ;
• Hypertrophie ventriculaire gauche électrique si patient hypertendu.
L’IDE, lors de la première consultation, évalue le RCV au moyen du score de Framingham et établit un diagnostic éducatif. Elle peut également surveiller la tension, le poids, la conformité de la surveillance biologique avec les recommandations HAS, la compliance au traitement et son observance. Elle propose ensuite au patient des actions en lien avec sa pathologie et un suivi si nécessaire et souhaité par le patient. Elle peut également être amenée à réaliser, sur acte dérogatoire, un ECG qu’elle se chargera de faire interpréter par un médecin.
L’une des actions fréquemment proposées est la réalisation d’automesures tensionnelles. Pour cela, l’IDE peut prêter un appareil de mesure tensionnelle si besoin.
Évaluation du dispositif
Les protocoles de coopération sont soumis à une évaluation par un organisme indépendant afin de savoir si le dispositif peut être pérennisé, notamment par l’attribution de fonds supplémentaires. Pour le dispositif ASALEE, l’évaluation a été confiée à l’Institut de Recherche et de Documentation en Économie de la Santé (IRDES).
Cette évaluation a commencé en 2010 mais c’est en 2014 qu’a été lancée l’étude DAPHNEE (Doctor and Advanced Public Health Nurse Experiment Evaluation). Elle comprend plusieurs axes :
• « une analyse qualitative sur le déploiement du dispositif et sur les pratiques infirmières, médicales et des patients ;
• Une analyse exploratoire par enquête déclarative auprès des médecins généralistes et des infirmières, pour construire une typologie sur leur coopération ;
• des évaluations d’impact du dispositif ASALEE sur l’activité des médecins, le suivi et les parcours de soins des patients » (22).
Le dernier axe va surtout permettre d’évaluer si le dispositif permet de libérer du temps médical et comment il est utilisé par les médecins, s’il y a une amélioration de la qualité du suivi – notamment par conformation aux recommandations de la HAS – et s’il y a un impact sur la consommation de soins des patients (23).
En 2010, l’IRDES a publié une étude cas-témoin sur des données rétrospectives de 2004 et 2005, pour l’évaluation du dispositif publiée en 2008. Elle retrouvait une amélioration du suivi recommandé chez les patients diabétiques de type 2 bénéficiant de l’intervention d’une IDE ASALEE. Cela est à pondérer puisqu’il n’y a une probabilité d’amélioration de l’HbA1c que chez les patients ayant une HbA1c initiale > 8 % au bout d’un an de suivi. L’étude ne retrouve pas de différence significative de coût entre un suivi par un MG et un suivi par MG + IDE (24).
En 2019, l’IRDES publie une étude cas-témoin ayant pour objectif d’évaluer l’influence de la coopération MG – IDE ASALEE sur le temps de travail et l’activité des médecins. Il en ressort que cette manière de travailler en équipe n’entraîne pas un surcroît significatif de jours travaillés, avec un accroissement significatif de la file active (+58 patients/trimestre en moyenne) et des patients ayant déclaré un médecin traitant (+30 patients/trimestre en moyenne), ce qui amène les auteurs à conclure à un probable gain de temps médical compensé par un accroissement de la patientèle, en accord avec les objectifs fixés. Cette augmentation se retrouve surtout pour des médecins situés dans des zones où les soins sont plus difficiles d’accès et pour des binômes MG -IDE très impliqués dans le transfert de tâches.
En 2019, le protocole ASALEE concernait environ 700 infirmières et 3 000 médecins répartis sur l’ensemble du territoire avec de grandes inégalités géographiques surtout liées au fait que l’extension se fait de proche en proche au niveau départemental. Les 2/3 des cabinets sont situés dans des zones sous-dotées définies par l’IRDES comme des « espaces périurbains avec une moindre accessibilité aux soins » et des « marges rurales peu attractives aux populations fragiles » (Figure 1). En 2015, les modes d’exercice dans les binômes étaient très disparates, allant du binôme très actif avec délégation de tâches et rôle de l’IDE centré sur l’éducation thérapeutique au sein d’un cabinet médical où l’IDE travaille à temps plein en collaboration avec plusieurs médecins, à des binômes dans lesquels les médecins collaborent avec une ou plusieurs IDE ASALEE travaillant en temps partiel ASALEE associé à une activité principalement libérale, temps partiel qu’elles utilisent pour de l’ETP, de la gestion de dossier ou de la formation (26).
Le but de cette étude était donc d’étudier l’effet de l’éducation thérapeutique réalisée par une infirmière ASALEE chez les patients hypertendus (traités ou non) et suivisen soins premiers.
Méthodes
Conception de l’étude
Devant l’importance d’une prise en charge globale de l’HTA, notamment par une approche multidisciplinaire, les binômes MG – IDE ASALEE semblent être une solution pour sensibiliser les patients aux règles hygiéno-diététiques, favoriser l’observance du traitement et permettre un suivi rapproché ponctuel. J’ai donc souhaité mener une étude afin d’évaluer leur impact sur les patients ayant un antécédent d’HTA ou chez qui la pathologie hypertensive vient d’être diagnostiquée.
Il s’agit d’une étude observationnelle rétrospective de patients hypertendus traités ou non et ayant bénéficié d’au moins une consultation avec une IDE ASALEE au cours de laquelle une action d’éducation thérapeutique a été menée. Ces patients sont suivis en soins premiers et ont été recrutés au sein de deux cabinets médicaux, l’un à Tourlaville, l’autre à La Glacerie dans la Manche. Ils sont issus de 10 patientèles différentes (6 MG à Tourlaville, 4 MG à La Glacerie), accompagnées par 2 IDE ASALEE.
Cette étude étant une étude rétrospective avec utilisation de données préexistantes, le consentement des patients n’était pas obligatoire. Une information a été mise en place par un affichage en salle d’attente expliquant le but de l’étude, les données recueillies, et les moyens pour les patients de signaler leur opposition à l’utilisation de leurs données personnelles.
Pour identifier les patients recrutables, il a fallu obtenir le numéro de dossier ASALEE correspondant au numéro de dossier des patients dans le logiciel médical, chaque IDE ASALEE étant affiliée à un seul cabinet médical. Pour Tourlaville, j’ai pu accéder à la liste des patients suivis par l’infirmière et enregistrés sur le serveur d’ASALEE. Pour La Glacerie, j’ai obtenu la liste des patients suivis par l’IDE ASALEE grâce à son agenda.
Pour Tourlaville, le recueil de données s’est étendu du 06/04/2021 au 15/10/2021 pour un début d’activité de l’IDE ASALEE en mars 2018.
Pour La Glacerie, il s’est étendu du 05/05/2021 au 20/10/2021 pour un début d’activité de l’IDE ASALEE le 02/05/2018.
L’identification des patients à inclure s’est faite par la recherche des motifs de consultation infirmière pour chaque patient dans les dossiers médicaux.
Le contrôle tensionnel a été défini comme une moyenne tensionnelle sur 1 an inférieure ou égale à 140/90 mmHg sur des prises tensionnelles par le médecin traitant ou son remplaçant au cabinet. Les différentes comorbidités possibles du patient ainsi que l’objectif tensionnel afférent n’ont pas été pris en compte.
Population de l’étude
Les critères d’inclusion étaient :
– patients de 2 cabinets médicaux de La Glacerie et Tourlaville dans la Manche ;
– hypertendus traités ou non ;
– chiffres tensionnels stables (sans majoration de dose ou changement de traitement) au cabinet pendant 1 an avant intervention ;
– au moins une consultation avec une IDE ASALEE avec action d’éducation thérapeutique.
Les critères d’exclusion étaient :
– hypertension d’origine secondaire ;
– résultat d’automesure tensionnelle (AMT) inférieur ou égal à 135/85mmHg.
Critères de jugement
Le critère principal de jugement était l’évolution de la moyenne tensionnelle sur un an avant et après la première consultation avec l’IDE ASALEE, le critère de jugement secondaire était l’évolution de la prise de traitement antihypertenseur sur la même période de suivi.
Recueil des données
Le logiciel médical utilisé dans les 2 cabinets médicaux était ALMAPRO®.
Les données recueillies étaient : les mesures tensionnelles au cabinet par le médecin traitant ou son remplaçant pendant 1 an avant et jusqu’à 1 an après la première intervention de l’IDE ASALEE, la date d’intervention, l’âge du patient à la date d’intervention, le sexe du patient, la valeur de paramètres biologiques [High Density Lipoprotein (HDL), Low Density Lipoprotein (LDL) et hémoglobine glyquée (HbA1c)] pendant l’année précédant et suivant l’intervention, la présence ou non d’un tabagisme, les antécédents cardio-vasculaires, les FDR cardio-vasculaires ou favorisant l’HTA, lesantécédents de cancer, et les traitements antihypertenseurs.
Limitation des biais
Afin de limiter le biais de recrutement, les données ont été recueillies dans 2 cabinets différents, proches géographiquement.
En ce qui concerne le suivi, l’IDE ASALEE de Tourlaville a longtemps exercé en cardiologie et est sensibilisée aux problématiques du suivi des patients à RCV. Elle a tutoré l’infirmière de La Glacerie, ce qui entraîne une similarité dans les méthodes de consultation et dans l’organisation, par exemple, de groupes de marche. Les patients étaient libres de consulter puis de revoir l’IDE ASALEE, et choisissaient de participer ou non aux groupes de marche.
Les 10 binômes ont un type de fonctionnement similaire. Les patients étaient, pour beaucoup, adressés pour réalisation d’une AMT. Le suivi a, pour la grande majorité des patients, consisté en une consultation au cours de laquelle le diagnostic éducatif était fait, l’AMT expliquée et des conseils hygiéno-diététiques donnés. Parfois des patients revenaient pour les résultats de l’AMT, des conseils alimentaires, des questions complémentaires mais il n’y a pas eu de suivi au long cours.
Analyse statistique
Les moyennes et écarts-types des variables quantitatives, analysées par un test de Student, ont été calculés. Les variables qualitatives ont été comparées par un test de Chi² de Mc Nemar ou un test exact de Fisher si les conditions de validité n’étaient pas respectées. Toutes les analyses ont été réalisées au risque alpha de 5 %. Les tests ont été réalisés avec le logiciel Biostatgv® disponible sur internet (https://biostatgv.sentiweb.fr/).
Lors du calcul des âges moyens et des écarts-type, l’arrondi a été fait à l’unité.
Éthique
Un avis favorable pour cette étude a été rendu par le Comité d’éthique de recherche en santé de Caen le 13 avril 2021.
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Table des matières
I.Introduction
A. L’hypertension artérielle
B. Les protocoles de coopération
C. Le protocole Action de SAnté Libérale En Équipe (ASALEE)
D. Le protocole de suivi des patients à risque cardio-vasculaire
E. Évaluation du dispositif
II. Méthodes
A. Conception de l’étude
B. Population de l’étude
C. Recueil des données
D. Limitation des biais
E. Analyse statistique
F. Critères de jugement
G. Éthique
III. Résultats
IV. Discussion
V. Conclusion
VI. Bibliographie