INTRODUCTION
L’industrie du produit de luxe se situe aujourd’hui, après l’industrie agro-alimentaire, au deuxième rang français des exportations . Du fait de la volonté de préserver l’image du produit de luxe, les juridictions françaises et européennes tolèrent une politique contractuelle parfois en opposition avec les règles de libre concurrence et de libre circulation des marchandises. En effet, le droit offre une certaine protection au produit de luxe, permettant de déroger à certains principes de droit de la concurrence, tel que celui du refus de vente, en réduisant la concurrence intra-marque par l’exclusion des revendeurs non agréés ne respectant pas un certain nombre de critères de sélection préétablis. C’est cette volonté de préservation de l’image de marque du produit de luxe qui a très tôt donné lieu à des arrêts justifiant la validité de ces critères de sélection. Ainsi, le Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes (TPICE), dans deux arrêts Yves Saint Laurent et Givenchy de 1996, énonçait le principe selon lequel « il est dans l’intérêt des consommateurs recherchant des cosmétiques de luxe que l’image de luxe de tels produits ne soit pas ternie, faute de quoi, ils ne seraient plus considérés comme des produits de luxe » . Il résulte de cela que le système doit « être ouvert à tous les revendeurs potentiels capables d’assurer une bonne présentation à l’utilisateur dans un cadre approprié, et de préserver l’image de luxe des produits concernés. »
Le produit de luxe se distingue par sa rareté, sa notoriété, sa qualité ou encore par sa valeur vénale. Son univers est assez varié, et concerne aussi bien la haute couture, que l’horlogerie, la joaillerie, la parfumerie, les cosmétiques, et bien d’autres domaines. La question du mode de distribution de ce type de produits s’est donc rapidement posée, dans la mesure où ils ne peuvent faire l’objet d’une distribution « classique », par souci de protection de l’image de haute qualité que leur spécificité leur apporte. Le choix du réseau de distribution est laissé au producteur, également appelé fabricant ou fournisseur, qui choisira généralement entre un réseau de distribution exclusive, un réseau de franchise ou bien un réseau de distribution sélective. Certains producteurs, choisissent toutefois d’installer des boutiques en propre, à travers des succursales. C’est le cas par exemple de Hermès et de Louis Vuitton. Le choix de la succursale est judicieux puisqu’il permet au producteur de contrôler « en interne » son image, en choisissant lui-même ses vendeurs et son cadre de vente, ce qui lui permet également d’avoir une meilleure visibilité sur sa production. En ne vendant que dans des boutiques en propre, le consommateur est confronté uniquement à la marque du producteur et cela lui permet d’avoir un conseil et une garantie plus adaptés à ses besoins. Néanmoins, le choix de distribuer uniquement à travers des succursales est un choix couteux, c’est pourquoi le producteur doit parfois étendre sa distribution, c’est le cas par exemple de MontBlanc et de Cartier qui, en plus de leurs boutiques en propre ont intégré des réseaux de distribution et vendent leurs produits chez des distributeurs qu’ils sélectionnent eux-mêmes.
Afin de préserver l’image de marque de son produit de luxe, le producteur pourra donc choisir entre plusieurs types de réseaux à travers des contrats de distribution conclus intuitu personae, c’est-à-dire en fonction des qualités du distributeur, en conséquence de quoi est garantie la qualité des produits ainsi que celle du service après-vente.
Le fournisseur peut tout d’abord choisir la distribution exclusive, peu coûteuse, qui permet de commercialiser le produit dans des conditions appropriées puisque la vente a lieu dans un point de vente précis avec un personnel qualifié. La distribution ou concession exclusive est un mode de distribution qui permet au producteur de confier l’exclusivité de la distribution de son produit à un distributeur. Cette exclusivité s’accompagne le plus souvent d’une limitation territoriale, permettant de la sorte au distributeur, appelé concessionnaire d’avoir l’exclusivité de la vente du produit de luxe dans un périmètre précis comme une ville, ou un arrondissement. La concession exclusive profite principalement aux marques qui souhaitent bénéficier d’un réseau étendu ainsi que d’un important service après-vente et permet le contrôle à la fois du point de vente et de la disponibilité du produit. La rareté du produit de luxe étant l’une de ses principales caractéristiques, le fait que celui-ci ne puisse être trouvé que dans des boutiques bénéficiant d’une exclusivité augmente la demande ainsi que la fidélité du consommateur. Ainsi par exemple, Rolex qui ne possédait au départ aucune succursale mais distribuait ses montres uniquement à travers un réseau de distribution exclusive de très haute qualité composée de réparateurs agréés, est parvenue à devenir l’une des premières marques d’horlogerie de luxe.
LE CHOIX PERTINENT DE LA DISTRIBUTION SELECTIVE
Bien qu’il soit particulièrement adapté au produit de luxe, le contrat de distribution sélective n’est pas le seul contrat de distribution pour ce genre de produits. Il conviendra, s’agissant des produits de luxe d’aborder les spécificités juridiques du contrat de distribution sélective par rapport aux autres types de contrat de distribution dans le commerce traditionnel (A.) puis d’envisager la confrontation entre la distribution sélective et la revente sur internet (B.) à travers la question de l’interdiction générale de revente sur internet.
Les spécificités de la distribution sélective par rapport aux autres modes de distribution dans le commerce traditionnel
Le contrat de distribution sélective, tout comme le contrat de concession exclusive et le contrat de franchise impliquent une sélection intuitu personae du distributeur, c’est-à-dire en fonction des qualités du distributeur. L’intuitu personae est nécessaire dans le secteur du luxe, puisque cela permet de sélectionner le distributeur ou bien de lui concéder une exclusivité territoriale, ou une exclusivité sur la vente du produit. Dans ces trois types de contrats on retrouve une sélectivité du distributeur puisque les franchisés doivent répondre à des critères démontrant qu’ils sont capables de distribuer les produits conformément aux exigences du franchiseur et que les concessionnaires font l’objet de normes et de contrôles afin de montrer leur aptitude à vendre certains produits.
Dans le cadre de la concession exclusive, le fournisseur concède ainsi au concessionnaire une exclusivité sur la vente de ses produits pour une durée limitée, sur un territoire délimité. Si au départ la distribution sélective était dénommée « concession libre » c’était en raison de l’absence d’exclusivité d’approvisionnement et d’exclusivité territoriale, par contraste avec la concession exclusive. Dans la distribution sélective, le distributeur sélectionné est donc un commerçant indépendant qui ne bénéficie d’aucun monopole de revente ou de prestation de services, ni d’exclusivité territoriale. Il réserve seulement une partie de son point de vente et de son activité à la revente des produits du fournisseur en faisant profiter le consommateur de ses compétences. Le fournisseur peut quant à lui multiplier les distributeurs agréés sur un même territoire, bien que dans le secteur du luxe, il aura plutôt tendance au contraire à les limiter. De plus, « la distribution sélective peut être combinée avec une distribution exclusive sous réserve que les ventes actives et les ventes passives ne soient nulle part limitées. Le fournisseur peut donc s’engager à n’approvisionner qu’un seul distributeur ou un nombre limité de distributeurs sur un territoire donné ». On parle alors de « délimitation territoriale » et non d’exclusivité. Il s’agit là d’un choix plus que d’une obligation, et de nombreux fournisseurs choisissent ainsi de limiter le nombre de distributeurs sur un territoire donné. La concession exclusive présente quelques désavantages notamment le fait que, en ne comportant qu’un seul point de vente sur un territoire donné, cela soit insuffisant pour maintenir une image de marque. De plus, cela peut ne pas satisfaire certaines marques lorsque la concurrence voisine est trop importante. L’intérêt de la distribution sélective par rapport à la concession exclusive tient à la solidité du réseau de distribution dans la mesure où les distributeurs sélectionnés ont interdiction de revendre les produits hors réseau, interdiction prévue par le nouvel article L. 442-2 du Code de commerce 20(ancien article L. 442-6, I, 6°).
Cela assure la pérennité de l’image de marque du produit de luxe et la préservation de la qualité du produit par le distributeur qui a été agréé selon des critères spécifiques, objectifs et non discriminatoires.
La franchise se caractérise par la volonté de réitération d’un succès grâce à la transmission d’un savoir-faire. Cette notion de transmission du savoir-faire est propre à la franchise et n’existe pas au sein de la distribution sélective. Dans la distribution sélective, le distributeur est plus indépendant vis-à-vis du fournisseur que l’est le franchisé vis-à-vis du franchiseur.
En effet, ces deux types de contrats ont le même but, celui de favoriser la préservation de l’image du produit de luxe, qu’elle soit véhiculée à travers une marque comme dans la distribution sélective, ou bien à travers une enseigne comme dans la franchise. Mais contrairement au distributeur agréé et au concessionnaire, le franchisé ne peut vendre de produits concurrents, ce qui rend la distribution sélective et la concession exclusive moins restrictives de concurrence. Le distributeur agréé est choisi en fonction de ses compétences professionnelles qu’il mettra au service du consommateur, ce qui est plus adapté pour le produit de luxe que la franchise. En outre, dans la franchise, la nature du produit n’est pas aussi essentielle que dans la distribution sélective, et, selon Amédée-Manesme, la franchise « repose moins sur des produits de haute technicité que sur l’existence d’un système identifié et homogène reconnu par le consommateur » . C’est pourquoi, la nature spécifique du produit de luxe rend le choix de la distribution sélective plus pertinent pour maintenir l’image de marque du produit de luxe.
Bien qu’il ne soit pas spécifique au produit de luxe et qu’il convienne à toutes sortes de produits ou service, le contrat de distribution sélective apparaît donc comme le mode de distribution les plus adapté à ce type de produit notamment du fait de sa nature spécifique.
Selon les lignes directrices sur les restrictions verticales de 2010 il faut que « la nature du produit nécessite de recourir à la distribution sélective afin d’en assurer le bon usage » . La jurisprudence communautaire a pu admettre le recours à la distribution sélective dans le domaine des produits pharmaceutiques et parapharmaceutiques, des parfums, des cosmétiques ou encore des équipements dentaires . Mais aussi dans des domaines plus larges comme les journaux et revues de presse , les systèmes de son hi-fi, ou bien les billets d’avions . Plus flexible que la franchise ou la concession exclusive, la distribution sélective permet au fournisseur de sélectionner ses distributeurs selon des critères qualitatifs, non discriminatoires qu’il a lui-même établi, et qui permettent de commercialiser le produit de luxe dans des conditions propices au prestige que la marque donne à son produit. Elle permet également de préserver la rareté et la qualité du produit. Le droit de la concurrence a évolué vers une plus grande souplesse notamment en ce qui concerne la mise en place de ces critères de sélection. De la sorte, le règlement n°330/2010 du 20 avril 2010 concernant l’application de l’article 101 paragraphe 3 (101§3) du TFUE aux catégories d’accords et pratiques concertées et les lignes directrices sur les restrictions verticales du 19 mai 2010, viennent exempter la prohibition des ententes anti-concurrentielles, prévue à l’article 101§1 du TFUE.
Les autorités de la concurrence ont ainsi rendu de nombreuses décisions concernant les cosmétiques et les parfums qui sont les produits de luxe les plus accessibles pour le consommateur « classique ». Ces litiges ont conduit les juridictions communautaires suivies par les juridictions françaises à statuer sur les fondements et la légitimité de la distribution sélective. L’enjeu de ces litiges était de déterminer la nature du bien justifiant le refus d’agréer un distributeur, ayant pour conséquence de dire que l’exemption dont bénéficie le produit de luxe lui confère une reconnaissance juridique en tant que bien de nature spécifique. C’est ainsi que la jurisprudence communautaire a établi, depuis l’arrêt Metro I, de 1977 (cf. supra,7-) que le recours à la distribution sélective n’était pas contraire à l’article 101§1 du TFUE, dès lors que trois séries de conditions étaient remplies : les propriétés du produit doivent nécessiter un système de distribution sélective ; le choix des revendeurs doit s’opérer en fonctions de critères objectifs de nature qualitative fixés de manière uniforme et appliqués de façon non discriminatoires ; et enfin les critères définis ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire . En outre, la distribution sélective bénéficie de l’exemption catégorielle en dessous des seuils de parts de marché prévus par le règlement n°330/2010 et ce, indépendamment de la nature du produit en question.
Depuis les années 2000, avec la montée en puissance d’internet et l’émergence du commerce en ligne ou e-commerce, la question de la commercialisation des produits de luxe s’est posée.
En effet, la distribution sur internet s’adressant à une clientèle des plus larges, elle paraît à première vue contraire au prestige véhiculé par le produit de luxe de par l’instantanéité et la facilité de l’achat sur les sites internet. Si dans le cadre de la distribution sélective, le distributeur agréé par le fournisseur a l’interdiction de revendre ses produits « hors réseau », c’est-à-dire à un distributeur non agréé, en est-il de même pour la revente sur internet ?
La confrontation entre la distribution sélective et la revente sur internet
Dans le cadre de la vente sur internet, aucune distinction ne paraît être faite entre le produit de luxe et les autres produits. Alors que dans le commerce traditionnel, depuis l’arrêt Metro I de 1977, les grandes marques peuvent établir des critères de sélection, elles sont soumises à un contrôle rigoureux des clauses contractuelles limitant la revente sur internet, car elles peuvent avoir un effet restrictif de concurrence. Cet effet restrictif de concurrence doit en premier lieu être établi par l’appréciation du caractère restrictif de la clause selon trois critères : le contenu de la clause, l’objectif qu’elle poursuit et le contexte économique et juridique dans lequel elle s’inscrit. En second lieu, après l’examen de ces trois critères, la clause sera considérée comme restrictive de concurrence si elle n’est pas objectivement justifiée par la nature du produit. En effet, le point 52 des lignes directrices sur les restrictions verticales énonce le principe selon lequel « tout distributeur doit être autorisé à utiliser internet pour vendre ses produits » , ce qui rompt avec le principe même de la distribution sélective. La Commission, dans ce point 52, considère quatre types de clauses comme restrictives de concurrence. Premièrement, les clauses qui empêchent « les clients situés sur un autre territoire (exclusif) de consulter son site internet ou les renvoie automatiquement vers les sites du fabricants ou du distributeur (exclusif) » . Deuxièmement, les clauses qui conviennent que « le distributeur (exclusif) mette un terme à une opération de vente par internet lorsque les données de la carte de crédit du client révèlent qu’il n’est pas établi sur son territoire (exclusif) » . Troisièmement, les clauses qui conviennent que « le distributeur limite la part de ses ventes réalisées par internet » . Et enfin, quatrièmement, les clauses qui conviennent que le distributeur paie un prix plus élevé pour des produits destinés à être revendus par internet que pour des produits destinés à être revendus dans le commerce traditionnel.
Une protection dans l’intérêt du fabricant
La préservation de l’image de marque du produit de luxe, comme vu précédemment, est un motif légitime de conclusion d’un contrat de distribution sélective. Afin que le réseau de distribution soit licite, il convient de démontrer le caractère luxueux du produit, pour le distinguer d’un produit de consommation classique. Le produit de luxe se distingue par son image de prestige, prestige qui est « décisif dans l’acte d’achat » . En préservant cette image de prestige, on préserve les intérêts du titulaire de la marque, le fabricant. C’est pour cette raison que la jurisprudence admet aujourd’hui ce fondement pour légitimer le refus d’agréer certains distributeurs. En effet, la Cour d’appel de Paris a estimé dans un arrêt du 11 octobre 2000 que l’image de marque d’un produit était de nature à légitimer le recours à un système de distribution sélective . La même Cour a par ailleurs jugé qu’il ne suffisait pas de commercialiser les produits sous une marque de luxe pour que leur soit conférée la qualification de « produits de luxe » justifiant le recours à la distribution sélective . C’est pourquoi il est nécessaire de justifier que les propriétés inhérentes aux produits de luxe correspondent bien à cette image de marque, ce qui reste difficile, dans la mesure où l’on ne n’a pas de réelle définition de l’« image de marque » . Ainsi, la Cour d’appel d’Aix-enProvence justifie l’absence de définition en exposant les raisons pour lesquelles les produits de luxe nécessitent un système de distribution spécifique et estime que « le principe même de la distribution sélective est conforme à la législation interne qui, à l’instar du droit communautaire admet des restrictions qualitatives liées à des critères objectifs concernant la qualification du personnel et les installations sous certaines conditions, et des restrictions quantitatives notamment lorsque la nature du produit exige des relations étroites entre le producteur et le revendeur, ce qui est le cas des parfums, produits de luxe dont le dépérissement nécessite une rotation rapide des stocks compromise par un nombre trop important de distributeurs sur un même secteur ».
Outre la préservation de l’image de marque des produits de luxe, d’autres critères justifient le recours à la distribution sélective, tel que la notoriété, la qualité ou encore le prix des produits. C’est en ces termes que la Commission Européenne évoque par exemple les produits de marque Yves Saint-Laurent en les qualifiant de « produits de haute qualité, au prix relativement élevé et commercialisés sous une marque de prestige » . Dans un arrêt du 15 septembre 1995, la Cour d’appel de Paris a notamment justifié le recours à la distribution sélective et le contrôle de la qualité des candidats dans ce réseau pour les produits de marques Kenzo, estimant que la marque bénéficiait d’une notoriété suffisante pour les qualifier de produits de luxe . Enfin, la Cour d’appel a pu justifier le recours à la distribution sélective par la notion d’usage commercial, dans un arrêt du 10 janvier 1991 ou selon elle « la Société Rolex fait assurer la distribution de ses produits par un réseau de distributeurs agréés, ce qui est habituel et conforme aux usages commerciaux s’agissant de la vente des produits de luxe justifiant un contrôle strict et attentif du mode de distribution » . Par conséquent, justifiée par plusieurs critères, la distribution sélective, encadrée par un contrat de distribution, protège l’image, la notoriété, ainsi que la haute qualité et technicité du produit de luxe dans l’intérêt du titulaire de la marque, et celui du consommateur.
L’encadrement de la distribution du produit de luxe par le contrat
Le contrat de distribution sélective encadre la distribution du produit de luxe. Il doit contenir des clauses assurant la licéité et l’étanchéité du réseau de distribution (1.) et doit établir des critères de sélection (2.) objectifs, de nature qualitative, fixés de manière uniforme et appliqués de façon non discriminatoire.
Les clauses assurant la licéité et l’étanchéité du réseau
S’agissant d’une part des clauses assurant la licéité du réseau de distribution sélective, la sélection du distributeur est strictement encadrée par le droit de la concurrence de façon à ce qu’il n’y ait pas d’effet anti-concurrentiel. C’est la raison pour laquelle les critères de sélection doivent répondre aux conditions prévues par l’arrêt Metro I (cf. supra, 16-). Lorsque l’on est soumis à un contrat de distribution sélective, la CJCE prévoit qu’il convient d’une part d’apprécier les avantages économiques et sociaux de l’entente, et d’autre part, de vérifier que l’entente en cause ne porte pas atteinte à la construction communautaire . Bien que soient prohibées les ententes verticales en vertu de l’article 101§1 TFUE, la Commission Européenne prévoit dans le règlement n°330/2010 que sont conformes au droit de la concurrence les accords verticaux dès lors que les parts de marché détenues par le fournisseur est inférieure à 30% du marché pertinent sur lequel il commercialise les biens et produits concernés.
Dans le secteur du luxe, sont sanctionnées les ententes sur les prix, c’est pourquoi, il y a prohibition des prix imposés, ceux-ci ne pouvant être que conseillés. C’est ainsi que le conseil de la concurrence a pu sanctionner l’ensemble de l’industrie de la parfumerie de luxe pour entente verticale sur les prix en condamnant treize sociétés détentrices de marques de luxe ainsi que trois chaînes de distribution . Pour que le réseau de distribution soit licite, il faut donc que les trois conditions cumulatives prévues au point 175 des lignes directrices de 2010 soient réunies (cf. supra, 6-), tout en s’assurant de ne pas écarter le principe de liberté contractuelle. La licéité des critères de sélection fait l’objet de divers contrôles par les autorités de la concurrence, en particulier un contrôle des effets anticoncurrentiels et un contrôle d’une application discriminatoire des critères de sélection. Le caractère non substituable du produit de luxe est également pris en compte. Ces contrôles sont effectués sur le fondement de l’interdiction des pratiques discriminatoires, de l’interdiction des abus de domination et par recours au droit commun de la responsabilité en cas d’abus de droit.
Une protection dans l’intérêt du fabricant
La préservation de l’image de marque du produit de luxe, comme vu précédemment, est un motif légitime de conclusion d’un contrat de distribution sélective. Afin que le réseau de distribution soit licite, il convient de démontrer le caractère luxueux du produit, pour le distinguer d’un produit de consommation classique. Le produit de luxe se distingue par son image de prestige, prestige qui est « décisif dans l’acte d’achat » . En préservant cette image de prestige, on préserve les intérêts du titulaire de la marque, le fabricant. C’est pour cette raison que la jurisprudence admet aujourd’hui ce fondement pour légitimer le refus d’agréer certains distributeurs. En effet, la Cour d’appel de Paris a estimé dans un arrêt du 11 octobre 2000 que l’image de marque d’un produit était de nature à légitimer le recours à un système de distribution sélective . La même Cour a par ailleurs jugé qu’il ne suffisait pas de commercialiser les produits sous une marque de luxe pour que leur soit conférée la qualification de « produits de luxe » justifiant le recours à la distribution sélective . C’est pourquoi il est nécessaire de justifier que les propriétés inhérentes aux produits de luxe correspondent bien à cette image de marque, ce qui reste difficile, dans la mesure où l’on ne n’a pas de réelle définition de l’« image de marque » . Ainsi, la Cour d’appel d’Aix-enProvence justifie l’absence de définition en exposant les raisons pour lesquelles les produits de luxe nécessitent un système de distribution spécifique et estime que « le principe même de la distribution sélective est conforme à la législation interne qui, à l’instar du droit communautaire admet des restrictions qualitatives liées à des critères objectifs concernant la qualification du personnel et les installations sous certaines conditions, et des restrictions quantitatives notamment lorsque la nature du produit exige des relations étroites entre le producteur et le revendeur, ce qui est le cas des parfums, produits de luxe dont le dépérissement nécessite une rotation rapide des stocks compromise par un nombre trop important de distributeurs sur un même secteur ».
|
Table des matières
INTRODUCTION
I. LE CHOIX PERTINENT DE LA DISTRIBUTION SELECTIVE
A. Les spécificités de la distribution sélective par rapport aux autres modes de distribution dans
le commerce traditionnel
B. La confrontation entre la distribution sélective et la revente sur internet
II. LE PRODUIT DE LUXE EN TANT QU’OBJET DU CONTRAT DE DISTRIBUTION SELECTIVE
A. La protection du produit de luxe apportée par la distribution sélective
1. Une protection dans l’intérêt du consommateur
2. Une protection dans l’intérêt du fabricant
B. L’encadrement de la distribution du produit de luxe par le contrat
1. Les clauses assurant la licéité et l’étanchéité du réseau
2. Les critères de sélection établis par le contrat
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIERES
Télécharger le rapport complet