Le processus fibrosant : conséquences et besoins cliniques

Le processus fibrosant : conséquences et besoins cliniques

Quatre phases se succèdent lors de la réponse fibrosante. La première est l’initiation de la réponse, influencée par l’agression de l’organe ou du tissu. La seconde phase est l’activation des cellules effectrices et la troisième correspond à la synthèse de matrice extra-cellulaire ; le dépôt actif (et la résorption insuffisante) de matrice extracellulaire provoque la progression de la fibrose et finalement l’insuffisance d’organe.

Le fait que différentes maladies touchant divers organes se caractérisent par la présence d’une fibrose suggère des mécanismes pathogéniques communs. Cette réponse fibrosante est orchestrée par différents types cellulaires et des voies moléculaires spécifiques. Les composants cellulaires incluent les cellules inflammatoires (par exemple macrophages et lymphocytes T), les cellules épithéliales, les cellules endothéliales et les cellules dites « effectrices ». Ces dernières regroupent les fibroblastes, les myofibroblastes, les fibrocytes et possiblement des cellules derivées des tissus épithéliaux (après transition épithélio mésenchymateuse). Au-delà des types cellules, certaines voies moléculaires sont centrales : par exemple la voie du transforming growth factor beta (TGF-β) est cruciale quel que soit le type de fibrose. Bien que nous identifiions de plus en plus les mécanismes fibrosants, il existe très peu de thérapeutiques effectives, et encore moins ciblant de façon spécifique la fibrogenèse. La compréhension de la physiopathologie de la fibrose apparait donc comme essentielle pour traiter cette complication terminale grevée d’une importante morbi-mortalité (Longo et al., 2015).

Interactions entre le système immunitaire et le processus fibrosant

Le système immunitaire intervient dans la régulation de la fibrose (Figure 2), notamment par de nombreuses interactions entre le fibroblaste/myofibroblaste et :

– Les cellules de l’immunité innée : neutrophiles, macrophages, éosinophiles, mastocytes et plaquettes
– Les cellules de l’immunité adaptative : lymphocytes Th1, Th2, Th17, Treg et lymphocytes B (Van Linthout et al., 2014).

Place du lymphocyte B

Le rôle du système immunitaire humoral dans le processus fibrosant est encore peu connu. Néanmoins, il a été montré que le fibroblaste pouvait sécréter le facteur activant des lymphocytes B (B-cell activating factor : BAFF). En réponse, le lymphocyte B sécréterait des cytokines pro-fibrosantes telles que le TGF-β et l’interleukine-6 (IL-6) (Sanges et al., 2017). Le rôle pathogénique des anticorps est encore largement méconnu, bien que certains travaux suggèrent un effet direct sur le fibroblaste (Van Linthout et al., 2014).

La sclérodermie systémique : un modèle prototypique de fibrose ?

La sclérodermie systémique (ScS) est une maladie auto-immune systémique. Il s’agit d’une pathologie rare dont la prévalence est estimée entre 7 et 489 par million d’habitants et son incidence entre 0.6 et 122 par million d’habitants et par an (Chifflot et al., 2008). Elle est caractérisée par une atteinte vasculaire, une atteinte fibrosante et la présence d’une auto-immunité. Comme dans les autres connectivites les manifestations cliniques sont variées : sclérose cutanée plus ou moins étendue, reflux gastro-œsophagien, phénomène de Raynaud, ulcères digitaux, pneumopathie interstitielle diffuse, hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), calcinose, arthrite, myosite. Ces atteintes d’organes ne sont pas présentes chez tous les patients, ou à des degrés divers. Certaines d’entre elles peuvent engager le pronostic vital.

Atteintes cliniques

De nouveaux critères de classification de la ScS ont été publiés en 2013 sous l’égide de l’American College of Rheumatology (ACR) et de l’European Scleroderma Trials and Research Group (EUSTAR) (Van den Hoogen et al., 2013). Un patient est classé comme ayant une ScS si le score est ≥ 9 . Ces critères permettent de d’associer le diagnostic de ScS avec une sensibilité de 91% et une spécificité de 92%.

En 1988, LeRoy et al. ont proposé une classification des patients en deux sousgroupes (Figure 3) en fonction de l’atteinte cutanée (LeRoy et al., 1988) :
– ScS cutanée limitée : caractérisée par une atteinte cutanée distale des membres, une évolution lente avec une survenue de la maladie plusieurs années après le début du phénomène de Raynaud, peu d’atteintes sévères d’organes en dehors d’un risque tardif d’HTAP. Ces patients ont été caractérisés par une fréquence élevée d’anticorps anti-centromère.
– ScS cutanée diffuse : associée à une évolution plus agressive, avec atteinte rapide du tronc et des segments proximaux des membres, un risque élevé et précoce d’atteintes sévères d’organes (pulmonaire, rénale, cardiaque, intestinale…). Dans cette forme cutanée, la mise en évidence d’anticorps anti-centromère était très peu probable .

La ScS est une pathologie associée à une morbi-mortalité significative. D’après une méta-analyse réalisée par Rubio-Rivas et al. entre 1964 et 2005, le ratio de mortalité standardisée des patients sclérodermiques comparés à la population générale a été estimé à 2.72 (IC 95% : 1.93-3.83). La survie cumulée à partir du premier phénomène hors Raynaud a été estimée à 84.1% à 5 ans et 75.5% à 10 ans (Rubio-Rivas et al., 2014). Les complications responsables de mortalité ont évolué ces dernières décennies. En comparant deux périodes de 5 ans débutant respectivement en 1972 et 1997, Steen et al. ont montré un changement notable dans les causes de mortalité des patients avec ScS (Figure 4). En effet, la crise rénale sclérodermique était responsable de 42% des décès en 1972-6 contre 6% en 1997-2001. A l’opposé, la fibrose pulmonaire causait le décès de 6% des patients en 1972-6 contre 33% en 1997-2001 (Steen et al., 2007).

Interactions entre système vasculaire, auto-immunité et fibrose

L’origine de la ScS n’est pas connue mais elle implique probablement des facteurs environnementaux sur un fond génétique de susceptibilité. La physiopathologie est dominée par des lésions microvasculaires précoces responsables de lésions endothéliales avec la production de nombreux médiateurs favorisant une réponse inflammatoire et un remodelage vasculaire. De nombreux arguments impliquent des phénomènes d’auto-immunité dans l’entretien du processus pathologique. Les lésions de fibrose sont liées à l’accumulation de composants de la matrice extracellulaire en raison de perturbations de l’équilibre synthèse/dégradation de nombreuses substances, une activation et une différenciation de cellules mésenchymateuses liées à des facteurs autocrines et paracrines (Figure 5) (Allanore et al., 2016). Il existe de nombreux modèles animaux de ScS (Tableau 3). Chacun présente des avantages et limites dans l’étude des grands mécanismes physiopathologiques de la ScS. Cependant aucun ne rassemble complètement les trois piliers physiopathologiques que sont l’atteinte vasculaire, l’auto-immunité et la fibrose ; il n’est donc pas possible de transposer directement les mécanismes observés chez l’animal à la complexité de la maladie humaine. Ainsi, la caractérisation précise de la pathologie humaine par l’intermédiaire d’études cliniques ou translationnelles garde toute sa place.

Hétérogénéité des phénotypes cliniques

Classification historique

La classification diffuse/limitée proposée par LeRoy et al. s’est révélée utile en pratique clinique quotidienne, et robuste. En effet, les atteintes d’organes décrites sont retrouvées dans les sous-groupes et la forme diffuse a été associée à une mortalité plus élevée (Hazard Ratio 2.40 (IC95% 1,73-3,32)) (Komocsi et al., 2012). Ainsi, une grande partie de la littérature suggère que ces deux sous-groupes diffuse/limitée diffèrent en terme d’atteintes cliniques, de profils biologiques et de pronostic (Medsger et al., 2003). Cependant, cette distinction a été récemment remise en question par des études issues de grandes cohortes internationales, quiont mis en évidence une hétérogénéité clinique probablement sous-estimée. Ces études suggèrent qu’il n’existe probablement pas de parallélisme clair entre la sévérité des atteintes d’organe et le degré d’extension cutanée.

• Dans une étude de 398 patients consécutifs suivis pendant 15 ans, Nihtyanova et al. ont montré que la présence d’atteintes d’organes était un indicateur puissant du pronostic, dans les deux formes cutanées de ScS. De façon intéressante, les courbes de survie étaient similaires entre les formes diffuse/limitée lorsqu’il existait une atteinte d’organe (Nihtyanova et al., 2014).
• Une étude du groupe canadien de recherche sur la sclérodermie s’est intéressée aux caractéristiques cliniques et à la survie des patients ayant une forme limitée avec anticorps anti-Scl70 et des patients ayant une forme diffuse avec anticorps anti centromère. Les caractéristiques démographiques et les atteintes viscérales étaient associées au statut sérologique plus qu’à la forme cutanée (Srivastava et al., 2015).
• Plus récemment, Kranenburg et al. ont aussi montré que les atteintes d’organes et la survie étaient différentes entre les patients avec une forme limitée et des anticorps anti-Scl70, et les patients avec une formée limitée sans anti-Scl70 ou avec une forme diffuse et anti-Scl70 (Kranenburg et al., 2016).

Ces travaux amènent à penser qu’une classification des patients en sous-groupes basés sur les auto-anticorps en plus de la forme cutanée, pourrait mieux prédire l’évolution clinique que la forme cutanée ou la sérologie seule.

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Table des matières

INTRODUCTION
Partie I – Contexte scientifique
I.1 Fibrose et auto-immunité
I.1.1 Le processus fibrosant : conséquences et besoins cliniques
I.1.2 Interactions entre le système immunitaire et le processus fibrosant
I.1.3 Place du lymphocyte B
I.2 La sclérodermie systémique : un modèle prototypique de fibrose ?
I.2.1 Atteintes cliniques
I.2.2 Interactions entre système vasculaire, auto-immunité et fibrose
I.3 Hétérogénéité des phénotypes cliniques
I.3.1 Classification historique
I.3.2 Autres classifications proposées
I.4 Place des auto-anticorps dans la classification de la ScS
I.4.1 Biomarqueurs diagnostiques et pronostiques
I.4.2 Rôles pathogéniques potentiels
Partie II – Objectifs de la thèse et exposé des travaux
II.1 Analyse en cluster de la cohorte européenne EUSTAR
II.2 Intérêt du dosage des chaines légères libres sériques dans la ScS
II.3 Prévalence des anticorps anti-ARN polymérase de type III dans la ScS
II.4 Anticorps anti-U1RNP et HTAP des connectivites
Partie III – Conclusion générale et perspectives
CONCLUSION
Références bibliographiques

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