Le processus de décomposition des litières

Le processus de décomposition des litières

Les enjeux de la sylviculture intensive

Les systèmes de sylviculture intensive connaissent un essor, car ils permettent d’obtenir un bois de qualité tout en ayant une durée de croissance courte et une grande productivité. De plus, dans le contexte boréal canadien, les plantations peuvent constituer un bon moyen pour lutter contre la surexploitation des forêts naturelles en diminuant la pression de coupe sur celles-ci tout en augmentant la production de fibre sur une plus petite surface du territoire (Hartley, 2002). Ces plantations peuvent également être intéress antes dans un contexte d’accroissement du C02 atmosphérique, car elles semblent favoriser le stockage du carbone (Laganière et al., 2010c). Depuis le début de la sylviculture, un débat sur le type d’aménagement optimal des plantations oppose l’am énagement mono -et plurispécifique (Knoke et al., 2008). Malgré des effets antagonistes possibles sur la productivité, les plantations mixtes garderaient des avantages pour des questions de propriétés du sol, de stabilité environnementale et financière, mais aussi de maintien de la biodiversité et de la valeur esthétique (Hartley, 2002; Knoke et al., 2008). En effet, une forêt mixte serait plus résistante aux dommages causés par les insectes ou les catastrophes naturelles, tout en permettant une meilleure diversité d’habitats et d’organismes et une optimisation de 1 ‘utilisation des ressources (Hartley, 2002; Knoke et al., 2008). Mais, au-delà de ces aspects quel est l’effet d’un aménagement mixte sur les processus et la biodiversité du sol et la croissance des espèces? Des plantations expérimentales à croissance rapide ont été mtses en place afin d’étudier plus en détailles mécanismes sous-jacents à la mixité des espèces (Benomar et al., 20 13). Les premiers résultats montrent en général que la croissance initiale du peuplier hybride et de l’épinette blanche est plus importante dans les plantations mixtes. En effet, durant les six premières années de croissance, le diamètre basal et la hauteur des épinettes blanches (Picea glauca (Moench) Voss) et des peupliers hybrides (clone 915319: P opulus maximowiczii x P. balsamifera) étaient plus élevés dans les parcelles plantées en mélange en comparaison des parcelles monospécifiques (Benomar et al., 20 13). Il devient donc intéressant de se pencher sur le fonctionnement de ces écosystèmes pour mieux comprendre ces résultats.

La dynamique du processus de décomposition
Le processus de décomposition se déroule grâce à l’action de différents acteurs :
i) L’eau, qui permet le lessivage, c’est-à-dire l’entraînement par l’eau des composés solubles, engendrant une importante perte de masse au début du processus de décomposition. ii) Les macrodétritivores, qui vont avoir un rôle de fragmentation primaire de la litière; de plus les boulettes fécales qu’ils déposent dans la litière possèdent une meilleure qualité chimique et une meilleure rétention en eau que la litière non transformée, ce qui améliore le développement microbien (Coûteaux et al., 2002; Garcia-Pausas et al., 2004). iii) Les microarthropodes, orgamsmes appartenant à la mésofaune, tels que les collemboles et les acariens, vont réaliser une fragmentation plus fine de la matière végétale (Gobat et al., 2010). Ils sont d’importants r égulateurs des populations microbiennes en les consommant directement et, par leur déplacement dans la litière, permettent un microbrassage de la matière végétale. iiii) Les microorganismes effectuent la majeure partie des transformations él émentaires à l’origine des flux de matière et d’énergie da ns les écosystèmes. C’est donc un des compartiments essentiels dans le fonctionnement de l’écosystème . On distingue les mycètes, qui, en général, peuvent assimiler les composés végétaux les plus récalcitrants tels que la lignine, les pectines et le s tanins (Criquet, 1999) ou les transformer en composés plus simples, et les bactéries qui as similent les composés déjà plus ou moins oxydés. Les microorganismes ont également un rôle important dans la détoxification des litières par la dégradation des métabolites secondaires (Bonanomi et al., 2005). Il n’existe pas réellement de séparation dans le temps de ces différents acteurs au cours du processus de décomposition, au contraire tous ces acteurs interagissent ensemble. Malgré tout, le lessivage domine généralement la première phase de décomposition . La composition du substrat évolue avec le processus de décomposition, car les composés labiles sont plus rapidement lessivés ou dégradés que les composés récalcitrants. Les glucides simples sont alors les premiers à disparaître, sous l’action des microorganismes ou par lessivage. L’hémicellulose et la cellulose sont ensuite minéralisées. La matière organique va peu à peu se concentrer en composés récalcitrants à la décomposition, tels que la lignine et les polyphénols. Ces composés organtques restants vont s’agglomérer en macromolécules, de plus en plus complexes, de nature colloïdale et de couleur foncée, dont 1 ‘ensemble constitue l’humus, on parle alors du processus d’humification de la matière organique (Duchaufour, 1997).

Les facteurs influençant le processus

Différents facteurs influencent le processus de décomposition, mais ils ne peuvent pas réellement être dissociés, car des boucles de rétroactions les relient et influencent le processus de décomposition par l ‘intermédiaire de l’activité des décomposeurs. Les facteurs environnementaux Un des déterminants essentiels du processus de décomposition est le climat, i.e. la température et l’humidité (Aerts, 1997; Meentemeyer, 1978). Il explique une portion importante du taux de décomposition d’une part, car il détermine la composition des communautés végétales, et donc la qualité de la matière organique. D’autre part, le climat influence la disponibilité en eau déterminante pour l’activité des décomposeurs par le biais de l’humidité et de la température (Poinsot-Balaguer, 1996). On peut également citer les caractéristiques pédologiques (e.g. type de sol, topographie) qui peuvent également influencer la composition des communautés végétales ainsi que la disponibilité en eau du sol et donc agir sur l’activité des org anismes et le processus de décomposition (Jonsson and Wardle, 2008). La qualité de la litière La notion de qualité fait référence aux caractéristiques physiques (i.e. capacité de rétention en eau, dureté de la feuille) ou chimiques de la litière, et la notion de « bonne » ou de « mauvaise » qualité n’est qu’arbitraire et correspond à la difficulté de dégradation de la litière par le s organismes décomposeurs. Le processus de décomposition est fortement dépendant de la composition biochimique de la litière. Les débris végétaux peuvent contenir des composés labiles (e.g. sucres), des composés réfractaires à la décomposition ( e.g. lignine) et des composés inhibiteurs des décomposeurs (e.g. composés phénoliques). La proportion relative de ces composés dans la litière influence sa vitesse de décomposition, car les organismes décomposeurs ont des capacités différentes à dégrader chaque type de composés (Cortez et al., 1996). Les litières de « bonne » qualité ont généralement une teneur en nutriments élevée avec une importante teneur en azote, identifiées par un faible ratio C/N. Au contraire, un C/N élevé dénote une forte proportion de composés difficiles à dégrader et pauvres en azote tels que les composés structuraux et les métabolites secondaires, caractéristiques d’une litière de « mauvaise » qualité. La mixité des litières De nombreux chercheurs se sont intéressés à la décomposition de litières monospécifiques et à l’impact de différents facteurs tels que l’humidité, la température, le pH sur celle-ci. Cependant, dans le milieu naturel, la litière d’une espèce ne se décompose pas de façon isolée, mais en mélange avec les débris végétaux de l’ensemble de la communauté végétale. Dans les années 90, certains chercheurs se sont donc intéressés à 1’ effet de la mixité des litières sur le processus de décomposition. Les résultats ont montré plusieurs types de réponses (Blair et al., 1990; Jonsson and Wardle, 2008; Wardle et al., 1997), synthétisées par Gartner et Cardon en 2004 (synthèse de 30 études) : Un effet additif: chaque espèce se décompose à la même allure en situation monospécifique et en mélange plurispécifique. Cette réponse a été observée dans 30 % des mélanges étudiés. Un effet non-additif: on observe une amélioration (synergie) ou une diminution (antagonisme) du processus par rapport à la moyenne des résultats des litières monospécifiques. Environ 50 % des mélanges de litières se sont décomposés de manière non-additive syn ergique, et 20 % des mélanges se sont quant à eux décomposés de manière non-additive antagoniste.

Influence des espèces végétales et de la qualité de leur litière sur la décomposition et le stockage de carbone

La comparaison de la composition chimique de feuilles sénescentes des différentes espèces étudiées a tout d’abord permis de définir la « qualité » de leur litière respective : les aiguilles d’épinette présentent un ratio C/N élevé ainsi qu’une grande proportion de composés phénoliques. De plus, il est connu que cette litière possède une forte teneur en lignine (32%, Johansson 1984) impliquant une importante stabilité structurale. Les feuilles de peuplier possèdent un ratio C/N inférieur, mais possèdent tout de même une forte teneur en composés phénoliques, similaires à celle des aiguilles d’épinette. Et enfin les herbacées présentent un ratio C/N encore plus faible ainsi qu’une faible teneur en composés phénoliques, confirmant leur forte propriété labile. Les résultats obtenus après 2 ans de décomposition dans nos diverses expérimentations ont confirmé le fait que la qualité de la litière était un des facteurs déterminants de la décomposition, avec une décomposition plus rapide de la litière d’herbacées, suivie du peuplier et de l’épinette (moyenne de 69%, 45% et 39% de perte de masse respectivement après 2 ans de décomposition). La qualité initiale de la litière est un facteur important pour la décomposition, mais il faut également prendre en compte la biodisponibilité des composés chimiques qu’elle contient et leur capacité à être lessivés. L’étude en laboratoire  nous permet de dire que le s composés présents dans la litière de peuplier et d’herbacées, tout au moins les composés phénoliques, sont plus lessivables que les composés contenus dans la litière d’épinette. La litière de peuplier pourrait ainsi se « détoxifier » par le sivage, ce qui pourrait expliquer la plus grande colonisation de cette litière par les champignons et les acariens détritivores (Chomel et al., 20 14b ). De plus la litière de peuplier était colonisée par des microorganismes possédant une plus grande activité et diversité catabolique en comparaison avec la litière d’épinette, ce qui a induit une décomposition plus rapide, et donc un relargage de C et de N plus important après 2 ans de décomposition . L’étude en microcosmes a montré que les lixiviats de litière de peuplier, plus chargés en composés phénoliques que ceux de la litière d’épinette, ont eu un effet très néfaste sur une espèce cible de collemboles (Folsomia candida) provoquant rapidement 100% de mortalité au cours de l’expérimentation.

Des espèces seules aux mélanges d’espèces : effet de la mixité forestière

Contrairement à nos hypothèses de départ, la diversité des communautés de décomposeurs et la vitesse de décomposition n’ont généralement pas été stimulées par le mélange des arbres ou des litières de peuplier et d’épinette. En revanche le mélange avec les herbacées a généralement apporté une amélioration du processus de décomposition. Il y avait toutefois des différences se lon les litières prises en compte; Lorsque les litières ont été séparées individuellement dans les mélanges, nous avons observé que la décomposition de la litière d’épinette n’a pas été améliorée par l’apport d’herbacées, et sa décomposition a même été ralentie par l ‘ apport de peuplier. La théorie du « priming effect », i.e. l’augmentation de la vitesse de décomposition d ‘un mélange de litières avec un apport de litière labile, n’est donc pas vérifiée pour la litière d’épinette, litière la plus récalcitrante. Il a été proposé que le « priming effect » résultait de l’intensité de compétition entre des microorganismes à 163 stratégie-r (à fort taux de croissance, utilisant des formes de C riches en énergie), et des microorganismes à stratégie-k utilisant les formes récalcitrantes duC (Fontaine et al., 2003). Ainsi nous pouvons penser que dans les mélanges avec la litière d’épinette, des microorganismes à stratégie-r sont attirés par la litière plus labile (les herbacées ou le peuplier) et supplantent les microorganismes à stratégie-k, adaptés à décomposer la litière d’épinette. Ainsi ces organismes colonisant le mélange seraient moins efficaces dans la dégradation de 1 ‘épinette, et donc au lieu d’une amélioration de sa décomposition nous n’observons pas d’effet ou un effet négatif du mélange avec une litière labile. Nos expérimentations in situ ont en effet montré que les microorganismes colonisant la litière d’épinette avaient une plus faible diversité catabolique, mais que leur activité était plus basée sur la dégradation des polymères en début du processus de décomposition, contrairement aux microorganismes qui colonisent les herbacées ou le peuplier. En revanche, la décomposition de la litière de peuplier et du mélange peuplier 1 épinette a fortement été accélérée par l’ajout d’herbacées. Les herbes n’augmentaient pas forcément l’humidité dans nos expérimentations, mais elles attiraient une grande abondance d’organismes, ce qui signifie que cette différence d’abondance était réellement due à la qualité chimique de la litière. De plus, les microorganismes qui colonisaient la litière d’herbacées ou le s mélanges de litières avec les herbacées avaient une activité et une diversité cataboliques plus élevées que les litières d’arbres seuls à 7 mois de décomposition, ce qui reflète le caractère opportuniste de ces organismes, qui sont capables de dé grader rapidement une grande diversité de composés. Les collemboles étaient même plus abondants dans les mélanges avec les herbacées que dans le s herbacées seules. Il a été démontré qu’un régime alimentaire mixte pouvait augmenter la fitness des collemboles (Scheu and Simmerling, 2004), et notre étude en microcosmes a permis de démontrer que le s herbacées augmentaient la reproduction de F.

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Table des matières

CHAPITRE I: INTRODUCTION GÉNÉRALE 
1.1 Contexte et problématique
1.2 Les plantations
1.2.1 Les enjeux de la sylviculture intensive
1.2.2 Les essences concernées
1.3 Le processus de décomposition des litières
1.3 .1 Un processus écosystémique clé
1. 3 .2 Les constituants de la li ti ère
1.3.3 La dynamique du processus de décomposition
1.3.4 Les facteurs influençant le processus
1.4 Interactions entre les compartiments aérien et souterrain .
1.4.1 Le réseau trophique du sol (« brown food chain »)
1.4.2 Rétro-action : le home field advantage
1.4.3 Remise à disposition des nutriments
1.4.4 Le stockage de carbone
1.5 Objectifs de l’étude
1.6 Méthodologie
1.6.1 Présentation de 1′ écosystème étudié
1.6.2 Expérimentation de décomposition
1.6.3 Expérimentation en laboratoire
1.6.4 Stockage de carbone
CHAPITRE II:PLANTATION MONOSPÉCIFIQUE OU MIXTE DU PEUPLIER ET DE L’ÉPINETTE: EFFET DE L’HABITAT SUR LE PROCESSUS DE DÉCOMPOSITION 
2.1 Introduction
2.2 Materials and methods
2.3 Results
2.4 Discussion
2.5 Conclusion
CHAPITRE Illa :EFFETS DE LA QUALITÉ DE LA LITIÈRE ET DE LEUR MÉLANGE SUR LE PROCESSUS DE DÉCOMPOSITION 
3a.1 Introduction
3a.2 Materials and methods
3a.3 Results
3a.4 Discussion
3a.5 Conclusion
CHAPITRE Illb :EFFETS DE LA QUALITÉ DE LA LITIÈRE SUR LES COLLEMBOLES EN
MICROCOSMES 
3b.1 Introduction
3b.2 Materials and methods
3b.3 Results
3b.4 Discussion
3b. 5 Conclusion
CHAPITRE IV :EFFETS DES HERBACÉES SUR LE PROCESSUS DE DÉCOMPOSITION 
4.1 Introduction
4.2 Materials and methods
4.3 Results
4.4 Discussion
4.5 Conclusion
CHAPITRE V :EFFETS DE LA MIXITÉ SUR LE STOCK AÉRIEN ET SOUTERRAIN DE CARBONE
5.1 Introduction
5.2 Materials and methods
5.3 Results
5.4 Discussion
5.5 Conclusion
CHAPITRE VI :DISCUSSION GÉNÉRALE
6.1 Influence des espèces végétales et de la qualité de leur litière sur la décomposition et le stockage de carbone
6.2 Des espèces seules aux mélanges d’espèces : effet de la mixité forestière
6.3 Synthèse générale et enjeux pour l’aménagement forestier
6.4 Perspectives
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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