LE PROCESSUS DE CRÉATION D’UNE PRISON

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Sujet à débat mais également source de méfiance qu’on retrouve dans les médias

La représentation fictive n’est pas la seule à nous faire part de ce qu’est la prison. En effet, nous pouvons trouver le Musée d’histoire de la justice des crimes et des peines, exclusivement numérique et librement accessible qui réunit un éventail de données pour « explorer la justice et son histoire » (CRIMINO CORPUS, 2016) l’univers carcéral a de multiples facettes et celles-ci sont souvent sources de réflexion et de débats très présents dans les médias car la notion de prison et celle de justice impliquent un positionnement politique.
Un des lieux où nous retrouvons également le sujet du pénitentiaire est donc celui des médias. En effet on entend souvent parler des prisons françaises pour diverses raisons. Dans son interview, Mme Apégi déplore que les médias ne s’intéressent aux prisons que pour relater des événements dramatiques (APIJ, p. 4, l. 23). Lorsqu’on entend parler de ce sujet dans les médias c’est souvent soit pour une peine de prison soit pour un événement marquant de ce milieu : un nouvel établissement qui vient d’être érigé, un débordement synonyme de violences, un abus de pouvoir des surveillants ou un événement tragique tel qu’un suicide de détenu. Ces événements sont donc des événements qui sortent de l’ordinaire. En effet, ils ne nous font pas part du quotidien de la prison mais bien d’un événement qui, justement, sort du quotidien.
Mme Apégi le dit bien et trouve cela dommage car outre les films et les fictions que l’on peut voir, le retour que l’on a du pénitentiaire est dans la plupart du temps associé à un événement dramatique. Le mot « dramatique » utilisé par l’APIJ serait pour parler d’événements graves, tragiques mais également susceptibles d’émouvoir le spectateur. Les médias tiennent donc un rôle important dans la vision que l’on se fait de l’univers carcéral.
Un autre support est également utilisé par les médias, celui du documentaire dont M. Tectarchy nous parle (ARCHI, p. 10, l. 36). Cependant les documentaires ayant pour sujet la prison sont produits dans le but d’attirer de l’audience et relatent donc également une réalité trafiquée. Les titres de ces documentaires témoignent bien de cette volonté d’attirer de l’audience. Nous trouvons par exemple, sur le site internet Youtube, des titres accrocheurs tels que : « des images interdites… », « La pire prison de… », « La plus dangereuse… », « La prison atypique… ».
Loin d’être inintéressants, ces documentaires mettent l’accent sur des événements particuliers pouvant interpeller les personnes dans l’unique but d’obtenir de l’audience. Comparés aux films qui tentent de représenter un espace le plus fidèle possible pour qu’il paraisse vrai, les documentaires partent d’un environnement réel et tentent d’y créer l’événement pour le rendre intéressant.
Ils utilisent pour cela la mise en scène afin d’attirer l’attention et créer un fait captivant. Une voix off décrivant ce que le spectateur ne peut comprendre alliée à l’utilisation de la musique sont autant de choses qui racontent une histoire et provoquent des émotions chez le spectateur. Les médias tentent de toucher l’audience et de ce fait on peut se demander si un documentaire qui prétend nous informer sur quelque chose de réel n’est pas en réalité une simple mise en scène.
On peut également contester la véracité des documentaires car malgré une volonté de présenter un environnement existant, la présence des caméras lors du tournage peut retirer complètement le naturel des réactions. Il est évident que ces caméras modifient le comportement des personnes filmées que ce soit celui des gardiens ou celui des prisonniers. Les gardiens peuvent être soucieux de ne pas commettre d’erreurs et les prisonniers peuvent profiter de cette occasion pour faire réagir le cameraman qui représente le monde extérieur ou bien encore provoquer le personnel de la prison.
La question du système judiciaire est également bien présente dans les médias, et notamment la peine de prison. On en parle très souvent car elle implique un positionnement politique et est donc une source de débat. Il y a également polémique lorsqu’une personne évite la prison et paie parallèlement une forte somme d’argent. La justice et la peine de prison sont des thèmes courants dans les médias. Un exemple récent est la question de la légalisation de la vente de cannabis, sujet souvent abordé dans les médias. En effet, cette légalisation a déjà eu lieu dans certains états des USA mais pas encore dans l’Occident, si on ne compte pas les pays bas. Le système judiciaire français qui actuellement condamne à des peines de prison pour différents types de délits touchant au cannabis est de plus en plus discuté et le sujet est dans les médias comme dans les esprits. La France est un des seul pays de l’Europe de l’Ouest à condamner la possession de cannabis (Wikipédia, 2017). Cette intransigeance est contestée et notamment quand l’État déplore une surpopulation carcérale.
Que ce soit dans des films, des séries ou des bandes dessinées, la prison qu’on y voit est un environnement fictif, malgré le fait qu’il soit inspiré du réel. Les documentaires quant à eux se basent sur un environnement réel mais leur réalisation en ressort manipulée. Dans les médias également, la présence du sujet pénitentiaire est transformée. Les événements sortant de l’ordinaire sont les seuls éléments qui décrivent les prisons et non leur vie quotidienne. L’expérience que l’on peut se faire des prisons dépend donc de retours indirects sur celles-ci et le degré de véridicité est, pour tous ces supports, discutable. On peut donc se demander si la seule expérience que l’on a sur ce milieu est en réalité une fausse expérience que l’on partage tous. Et pourtant nous devons « faire avec ».

Une évolution de la justice qui entraîne le système pénitentiaire avec lui

L’évolution du système pénitentiaire est très fortement liée à la justice. En effet, au travers des époques, les milieux carcéraux n’ont cessé d’évoluer suite aux changements apparaissant dans les actions de la justice. Ces dernières évoluent continuellement et notre génération n’échappe pas aux changements qui sont en train d’apparaître.
Nous pouvons citer comme exemple de modification du système judiciaire celui de la peine de mort. Les exécutions étaient d’usage courant avant que cette sentence ne soit abolie. Le droit de vie ou de mort sur les prisonniers est en effet contesté dans plusieurs endroits du monde même s’il perdure dans certains pays. Dans plusieurs systèmes judiciaires dont celui de la France les condamnations se sont modifiées à une peine moins barbare, l’incarcération. Nous pouvons continuer ce raisonnement et nous dire que l’incarcération n’est toujours pas « la » solution.
Nous retrouvons cette réflexion dans le mémoire de Soukaïna Phojo, étudiante en architecture à l’ensa Bretagne, elle nous explique que l’incarcération n’est pas meilleure que la peine capitale car « les détenus ne sont plus tués » comme ils l’étaient avec une condamnation à mort mais ils sont enfermés dans « un lieu où ils se tuent eux-mêmes » (PHOJO, 2016, p. 65). En effet ceci est un sujet qui revient également dans les médias comme nous en parlions précédemment.
Le taux de suicide dans les prisons françaises ne cesse de faire polémique. En 2017, depuis le premier janvier, 20 suicides ou morts suspectes ont été relevés, ce qui équivaudrait à un décès tous les 3 jours (BAN PUBLIC, 2017). En 2014, le conseil de l’Europe remit également un rapport sur le taux de suicide des détenus dans les pays membres de ce conseil (BOËTON, 20.14). La France se plaçait en 41e position sur 47 pays. Son taux de suicide était de 15,6 pour 10 000 détenus, alors que la moyenne de tous les pays membres du conseil était de 7,7. Deux ans plus tard, en 2016, l’Observatoire National du Suicide publie également un rapport sur le taux de suicide dans le personnel pénitentiaire masculin qui était de 21 % supérieur à la population générale (ONS, 2016, p. 453).
Le sujet de l’incarcération est donc un réel problème car, les chiffres le montrent, il n’est pas une solution parfaite. L’évolution dans le système répréhensible est un éternel débat, que ce soit dans la forme de la sanction pénale ou dans l’objet des condamnations comme nous l’avons vu avec le sujet du cannabis. Le système judiciaire est décisif dans la forme que prend l’emprisonnement. Nous évoquions précédemment le sujet de la peine capitale. Celleci une fois abolie, les prisons ont subi des modifications. Nous pouvons penser aux couloirs de la mort, aux chambres d’exécution par injection létale et, plus anciennement, aux places réservées pour les exécutions à la guillotine. Ceci est un exemple de l’impact que le système judiciaire peut avoir sur les formes du système pénitentiaire. Les moeurs sont liées à la philosophie de la peine de leur époque, elles sont donc liées à l’évolution de l’emprisonnement et aux formes des prisons.
Dans le monde, la peine capitale est de plus en plus abrogée, tout comme la réclusion criminelle à perpétuité. M. Halissat nous l’explique dans son article publié dans le journal Le Monde (HALISSAT, 2016). D’après lui seulement trois détenus français sont actuellement condamnés à une peine de prison à vie. Pour expliquer cela il faut rechercher dans l’histoire du code pénal français. En 1810 Napoléon Bonaparte mit en place le code pénal que nous connaissons et utilisons encore actuellement (NAPOLEON.ORG, 1810). Celui-ci prévoyait pour les condamnations à perpétuité la possibilité d’un aménagement de peine ou d’une libération conditionnelle. Ceci eu pour effet de que malgré une sentence maximale, le condamné pouvait dans tous les cas espérer être libéré un jour ou l’autre. C’est seulement depuis 1994 que la condamnation à perpétuité dite « réelle » existe. Ces peines ne peuvent être aménagées. Pourtant ce sont des sanctions très rarement utilisées comme nous le témoigne ce chiffre de trois détenus ayant été réellement condamnés « à perpette ». Les condamnés ne terminant pas leurs jours derrière les barreaux ou n’étant plus exécutés, le retour à la vie hors de la prison est inévitable.
La question de la réinsertion est donc le nouvel objectif visé par les systèmes pénitentiaires partout dans le monde. En effet, il ne s’agit plus de priver de liberté quelqu’un pour des actes qu’il a commis, il s’agit de le sanctionner tout en envisageant son retour à la communauté libre. Ceci n’étant pas si simple, la réinsertion est un réel sujet du système pénitentiaire de notre époque. M. Dieu et M. Mbanzoulou dans Architecture carcérale. Des mots et des murs expliquent que, d’après leurs investigations dans le milieu carcéral, le mal-être est encore plus présent dans les prisons récentes et que la réinsertion des détenus en est compromise (DIEU-MBANZOULOU, 2012). Selon eux le contraste avec la vie extérieure étant trop élevé, la prison ne peut réussir son objectif de réinsertion. Ce livre datant de 2012, il n’est peut-être plus à jour.
Nous allons voir que l’évolution des prisons s’est effectivement poursuivie depuis, toutefois la question de la réinsertion reste un sujet très actuel. Il y a moins d’un an, M. Grayling, Ministre d’État pour l’emploi britannique, confirme lors d’un discours que la question de la réinsertion est très problématique (WEAVER, 2016). Il explique l’importance du travail pour les détenus en prison pour pouvoir réussir la réinsertion et assurer une non-récidive de ces délinquants ou criminels. Autour de ce terme de la réinsertion se trouve tout un tas d’infrastructures et d’organisations présentes dans les prisons pour mener à bien cette idée, telles que des salles de travail ou des ateliers. Nous voyons donc bien que l’évolution des moeurs de la population tout comme l’évolution du système judiciaire entraînent avec eux le système pénitentiaire qui se modifie et se transforme au fil des époques.
L’enjeu de notre génération est donc entier.

Une diversité carcérale due à un fonctionnement propre à chaque pays

Tous les pays sont « pénitentiairement » parlant différents.
Même si dans ce mémoire nous allons nous focaliser sur le cas de la France, il ne faut pas pour autant ignorer ce qui se passe au-delà de nos frontières.
En effet, le système pénitentiaire évolue aussi dans d’autres pays et nous montre que les mêmes questionnements se retrouvent pour tous. Dans l’article paru dans The Guardian, M. Weaver nous parle de l’importance du travail pour les prisonniers en Angleterre (WEAVER, 2016). Selon lui, un prisonnier qui travaille a plus de chance d’éviter la récidive qu’un prisonnier qui subit seulement sa condamnation de prison ferme.
Nous retrouvons cette importance du travail au sein du système pénitentiaire dans le cas de la Norvège. En effet ce pays est reconnu comme étant l’un des modèles de l’évolution de la vie pénitentiaire en elle-même. À travers un article, M. James, britannique, nous présente l’avis de plusieurs prisonniers de la prison de Bastoy (JAMES, 2013). Cette prison norvégienne a été mise en place pour favoriser la réinsertion de ses détenus. Les personnes placées dans cette prison sont des condamnés arrivant à la fin de leur peine, maximum cinq ans avant leur libération. Cet établissement pénitentiaire n’est pas un édifice, c’est en réalité une île. Les détenus vivent normalement sur celle-ci et non comme des personnes ayant reçu une peine de privation de liberté. Ce système que l’on retrouve en Norvège semble complètement à l’opposé de ce que l’on pourrait trouver dans notre système français et semblerait paradoxalement être une solution que l’on pourrait envisager.
Un autre exemple que nous pouvons regarder est celui de la Suisse. Mme Aimeau nous en parle lors de son entretien et nous explique que le système pénitentiaire Suisse se situerait entre celui de la France et celui de la Norvège au niveau de la liberté accordée aux prisonniers (AMOMA, p. 6, l. 35). Cependant la Suisse tenterait actuellement d’évoluer vers un système pénitentiaire se rapprochant de celui de la France dans le but de faire évoluer son domaine carcéral vers des milieux plus durs comme le dit l’AMO.
Ses paroles ne sont pas juste un avis personnel, l’assistante en maîtrise d’ouvrage ayant en effet participé au projet d’une prison avec une agence d’architecture suisse.

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Table des matières

INTRODUCTION AU MÉMOIRE
1. Problématique
2. Méthodologie
PARTIE I – QU’EST-CE QU’UNE PRISON ?
1. Un milieu que l’on ne connaît que par représentation
1.1 La prison : un environnement fictif
1.2 Sujet à débat mais également source de méfiance qu’on retrouve dans les médias
2. Une infrastructure liée au fonctionnement de nos sociétés
2.1 Une évolution de la justice qui entraîne le système pénitentiaire avec lui
2.2 Une diversité carcérale due à un fonctionnement propre à chaque pays
3. Un monde qui, en France, est en renouvellement
3.1 Le système carcéral français
3.2 Des problèmes révélateurs d’une évolution nécessaire
3.3 Une activité immobilière intense et une notion architecturale en essor
PARTIE II – LE PROCESSUS DE CRÉATION D’UNE PRISON
1. Les enjeux qui entourent un tel projet
1.1 L’urgence dans la demande pénitentiaire
1.2 La complexité d’un tel projet demandeur de qualifications
1.3 Le choix de la conception/réalisation
2. La Conception/Réalisation
2.1 Un jeu d’acteur simple mais efficace
2.2 La préparation au concours : phase de programmation
2.3 Le concours : entrée en action de l’architecte
2.4 L’après concours : le chantier, les tests et la livraison
3. Un cas particulier : le PPP
3.1 Un processus bénéfique pour qui ?
3.2 Une contrainte de plus pour l’architecte
3.3 Un retour possible du PPP sous une autre forme ?
PARTIE III – LA PLACE DE L’ARCHITECTE DANS UN TEL PROCESSUS
1. L’expérience, enjeu majeur pour l’architecte de prison
1.1 Un milieu inexpérimenté par l’architecte
1.2 Une expérience nécessaire pour pouvoir prétendre à un concours d’un centre pénitentiaire
1.3 Une expérience physique indirecte qui serait donc suffisante
2. Une tâche aux responsabilités complexes
2.1 L’architecture, une expression physique de la peine des détenus
2.2 La prison, une véritable fourmilière d’occupants
2.3 L’architecture, un concept que le programme d’une prison ne paralyse pas totalement
3. L’architecture carcérale, une mission qui prend de l’ampleur
3.1 Une plus-value reconnue
3.2 Une évolution des mentalités et des acteurs
3.3 Une évolution architecturale du système carcéral
CONCLUSION
ANNEXES
1. Remerciements
2. Bibliographie
3. Index des images
4. Interviews
2.1 Interview n°1 : APIJ – Mme Apégi
2.2 Interview n°2 : AMOMA – Mme Aimeau
2.3 Interview n°3 : ARHTC – M. Tectarchy

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