Processus de conception intégrée
Le processus de conception intégrée (PCI) est une nouvelle approche voulant favoriser l’optimisation continue et la collaboration multidisciplinaire. Le PCI a été conçu pour changer le processus de conception traditionnel (PCT) qui se concentre sur l’optimisation de la conception par discipline. Le PCI est classé hors des modes de réalisation précédente. En effet, selon AIA (Aia, 2007) les principes du PCI peuvent être appliqués à de multiples modes de réalisation. Le PCI vise à interroger l’adéquation des solutions par rapport aux objectifs afin de favoriser la recherche continue d’optimisation des solutions (Reed, 2009). Tous les intervenants collaborent et participent, contrairement au PCT où le travail est en silo, sans partage des hypothèses, et les décisions de conception sont limitées (Busby Perkins et Will Stantec Consulting, 2007).
Le cadre du PCI appelle à l’intégration de personnels professionnels de diverses entreprises participantes, l’utilisation de toutes les technologies disponibles, des structures organisationnelles et hiérarchies alternatives, et de nouvelles méthodes pour la génération de profits (Aia, 2007). Plusieurs études se sont intéressées aux différences entre PCI et PCT. Aia (2007) a réalisé une comparaison divisée en six thèmes entre le PCI et le PCT, présenté en Tableau 1.1. Matthews et Howell (2005) ont noté les impacts sur quatre fronts : « la créativité de la conception, la coopération, l’innovation et la collaboration ». Principalement, ces études ont mis en lumière le manque de collaboration et de synergie du PCT par rapport au PCI.
PCI et TIC
Dans la littérature, plusieurs recherches ont étudié l’utilisation de la technologie au service du PCI. Par exemple, une méthodologie qualitative en deux étapes comportant des entrevues de l’industrie et un questionnaire subséquent de l’enquête a été proposée par Kent et BecerikGerber (2010). Cette méthode a permis de mieux comprendre les attitudes et les perceptions au sujet du PCI. Leurs conclusions indiquent que : (1) le PCI n’est pas encore largement utilisé dans l’industrie; (2) la confiance, le respect, et de bonnes relations de travail entre les membres de l’équipe sont la clé et un facteur de succès; et (3) ceux ayant une expérience en PCI ont également une plus grande expérience avec le building information modeling (BIM) (Kent et Becerik-Gerber, 2010, p. 824). La troisième constatation est la preuve d’un potentiel de synergie entre la technologie et la stratégie du PCI, qui peut entraîner des résultats de projet améliorés.
TIC et collaboration
Aujourd’hui, les multiples outils des nouvelles technologies comme le BIM sont des outils qui permettent de soutenir les aspects essentiels de la collaboration et donc d’aider la mise en place d’une méthode de PCI. Ils permettent par exemple la visualisation facilitée du projet et un échange de communications plus aisées. Cette amélioration de la communication favorise l’interaction entre les membres d’une équipe multidisciplinaire (Korkmaz et Messner, 2010). Dans les réunions traditionnelles, les plans à jour ne sont pas forcément disponibles ou visibles par tout le monde. Le discours n’est alors pas compréhensible et accessible à tous les participants et les annotations sont faites sur un exemplaire unique jamais diffusé. Les « Smartboards » ou table tactile permettant de visualiser, parcourir et annoter les plans à la vue de tous les membres d’une réunion. Aujourd’hui, ces Smartboards apportent une solution à ces problèmes. Elles fournissent une visualisation des plans ou autres documents à jour et les annotations sont disponibles pour tous.
En outre, l’application de ces technologies supporte le développement d’environnements virtuels intégrés, permettant aux membres de l’équipe d’être plus innovants et créatifs (Izam Ibrahim, Costello et Wilkinson, 2013). Ces technologies de l’information favorisent aussi le partage des connaissances ainsi que la compréhension des objectifs du projet (RuizDominguez, 2005).
Les technologies comme l’infonuagique (Cloud) permettent une accessibilité des documents de projets à tous les intervenants, favorisant ainsi leur connaissance de l’intégralité des objectifs du projet. Ces nouvelles technologies semblent donc de formidables outils améliorant les projets de construction et notamment les processus innovants comme le PCI. En effet, la plupart des tâches d’un projet consistent à produire et à partager de l’information, à décrire le produit souhaité et à établir les instructions pour le réaliser. Les TIC permettent alors de pallier cette fragmentation (Forgues, Frenette et Tahrani, 2014). Selon des recherches récentes, la difficulté pour accéder rapidement à l’information est l’une des causes de l’écart important de productivité entre la construction et les autres industries (Löfgren, 2007 ; Hewage, Ruwanpura et Jergeas, 2008). Les TIC sont donc l’une de clés pouvant permettre l’augmentation de la production dans l’industrie de la construction. Cependant, les nouvelles technologies semblent avoir du mal à s’implanter dans cette industrie.
Les freins aux nouvelles technologies Partout dans le monde, l’industrie de la construction accuse sur les autres industries un retard dans les nouvelles technologies dû à un certain nombre de freins à leur adoption. L’industrie de la construction possède en effet de façon reconnue un processus d’intégration lent et une attitude réfractaire aux changements (Bowden et al., 2005a). Nous pouvons citer plusieurs exemples concernant les technologies précédentes, notamment l’utilisation d’internet et des ordinateurs. Ainsi, au début du siècle en dépit d’une croissance explosive de l’utilisation d’internet dans de nombreuses industries, l’industrie de la construction ne l’avait pas adopté (Brandon, 2000 ; Abduh et Skibniewski, 2003). De même, alors que les ordinateurs étaient présents dans toutes les entreprises, celles-ci continuaient cependant à s’échanger les plans et devis par format papier malgré l’utilisation de logiciels complexes comme le dessin assisté par ordinateur (Rivard, 2000).
Barrières du cadre légal Bien que ces technologies aient des avantages potentiels, des barrières existent (Becerik, 2004). La littérature est riche en études sur les freins aux TIC. Ceux-ci sont révélés par des études spécifiques aux freins à l’implantation des TIC, mais aussi au sein de recherches plus générales et des études de cas. Tout d’abord, des barrières légales sont observées (Aranda‐ Mena et al., 2009). Ces barrières se traduisent par une norme imposée aux professionnels responsables et certifiés du projet (Allen et al., 2005). Cette norme impose le format juridique légal des documents de conception en format papier. Tout document électronique doit être imprimé et signé afin qu’il possède une valeur lorsqu’il est sorti de la firme émettrice. De plus, les questions contractuelles sont actuellement considérées comme le principal obstacle à l’adoption et l’intégration du BIM et du « cloud computing » (Redmond et al., 2012). L’utilisation des TIC doit faire face à des problèmes de droits d’auteurs et de responsabilités légales (Allen et al., 2005). En effet, les décisions sont collaboratives et tous les intervenants d’un projet peuvent modifier un document grâce aux TIC. Les TIC font face aussi à un concept incertain où les documents 3D et plans électroniques ne sont pas sujets au scellement comme les supports papier.
En outre, des incertitudes sur la propriété des données partagées et des insuffisances dans les relations contractuelles existent. Au Québec, l’industrie de la construction est très réglementée, ce qui complexifie les relations entre les acteurs. « Les codes de déontologie professionnels qui régissent les pratiques, ainsi que les contrats normatifs utilisés au Québec pour la réalisation de projet, encouragent une conception linéaire et fragmentée, instaurant une rigidité dans les relations entre les parties prenantes » (CERACQ, 2015, p. 3). Ainsi le cadre légal québécois est une barrière à la bonne utilisation des TIC .
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LITTÉRATURE
1.1 Relation entre les acteurs
1.1.1 Processus de conception intégrée
1.1.2 L’utilisation de la technologie au service du PCI
1.1.2.1 PCI et TIC
1.1.2.2 Building information modeling
1.1.2.3 TIC et collaboration
1.2 Les freins aux nouvelles technologies
1.2.1 Facteurs de succès
1.2.2 Barrières du cadre légal
1.2.3 Facteur culturel et relations entre les acteurs
1.2.4 Freins financiers
1.2.5 Faible maturité
1.2.6 TIC au Québec
1.3 Analyses de réseaux sociaux
1.3.1 Applications
1.3.2 Avantages et inconvénients de l’analyse des réseaux sociaux
1.4 L’entretien
1.5 La juridiction des métiers
1.5.1 Impacts de la juridiction des métiers
1.6 Les dynamiques de projet
1.7 La théorie de la dynamique des systèmes
1.7.1 Applications de la dynamique des systèmes
1.7.1.1 Étude de l’efficacité de la construction
1.7.1.2 Outil d’aide à la décision
1.7.1.3 Récapitulatif
1.7.2 Obtention des données pour la dynamique des systèmes
1.8 Les reprises des travaux de construction
1.9 Productivité des ouvriers
1.10 Pertinence des travaux de la littérature
1.10.1 Pertinence des travaux pour les nouvelles technologies
1.10.2 Pertinence des travaux pour la juridiction des métiers
CHAPITRE 2 MÉTHODOLOGIE
2.1 Méthodologie sur les nouvelles technologies
2.1.1 Objectif et hypothèse
2.1.2 Méthode de recherche
2.1.3 Analyse des documents légaux
2.1.4 Interviews
2.1.4.1 Échantillon
2.1.4.2 Déroulement
2.1.4.3 Questions
2.1.5 Observations de réunions
2.1.6 Analyse
2.2 Méthodologie sur les impacts de la juridiction des métiers
2.2.1 Choix de la méthode de recherche
2.2.2 Hypothèses
2.2.2.1 Période d’assimilation des nouveaux ouvriers (H1)
2.2.2.2 Problème de mobilisation des sous-traitants (H2)
2.2.2.3 Gestion importante des S-T (H3)
2.2.2.4 Gestion de la sécurité (H4)
2.2.2.5 Conflits juridiques et spatiaux (H5)
2.2.2.6 Évènements impliquant plusieurs sous-traitants (H6)
2.1 Méthode de recherche de chantier
2.1.1 Méthode d’agréation des données
2.1.1.1 Méthode d’observation
2.1.1.2 Journée d’observation au chantier
2.1.1.3 Fiches de notes et définition du vocabulaire utilisé
2.1.1.4 Évènements impliquant plusieurs sous-traitants
2.1.1.5 Calcul de la productivité
2.1.1.6 Résumé de la méthode d’observation sur les chantiers
2.1.2 Modélisation
CHAPITRE 3 RÉSULTATS
3.1 Résultats de l’analyse des documents légaux et contractuels
3.1.1 Impression des documents
3.1.2 Signature et sceau
3.1.3 Connaissances et compétences
3.1.4 Demandes pour soumission et honoraires
3.1.5 Répartition des missions et collaboration
3.1.5.1 Freins à la collaboration
3.1.5.2 Incitatifs à la collaboration
3.1.5.3 Incertitude sur le rôle de l’architecte
3.1.6 Confidentialité des documents
3.1.7 Composition des équipes de projet
3.1.8 Points mal définis dans les contrats
3.2 Résultats des entrevues
3.2.1 Résultats qualitatifs
3.2.1.1 Maturité des entreprises et freins
3.2.1.2 Freins du cadre légal
3.2.2 Réponses aux questions
3.2.2.1 Collaboration réelle entre les acteurs
3.2.2.2 Confiance entre les acteurs
3.2.2.3 Visions communes entre les acteurs
3.2.2.4 Sentiment de partage d’objectifs
3.2.2.5 Moyens de communication
3.2.2.6 Efficacité des communications
3.2.2.7 Formats échangés
3.2.2.8 Vision de l’interopérabilité
3.2.3 Entretiens au sujet des nouvelles technologies
3.3 Résultats des observations de réunions
3.4 Résultats des observations sur chantier
3.4.1 Présentation générale des chantiers observés
3.4.2 Mise en place du processus d’observation pendant la période de test
3.4.2.1 Résultats de la période de test
3.4.2.2 Ajustement de l’analyse de la productivité
3.4.3 Résultats de l’étude de cas 1
3.4.3.1 Résultats qualitatifs
3.4.3.2 Communications (H3)
3.4.3.3 Gestions (H3, H4)
3.4.3.4 Déficiences (H5)
3.4.3.5 Retardements (H2)
3.4.3.6 Évènements impliquant plusieurs sous-traitants (H6)
3.4.3.7 Productivité des sous-traitants (H1)
3.4.3.8 Journée d’observation au chantier (H3)
3.4.4 Résultats de l’étude de cas 2
3.4.4.1 Résultats qualitatifs
3.4.4.2 Communications (H3)
3.4.4.3 Gestions (H3, H4)
3.4.4.4 Déficiences (H5)
3.4.4.5 Retardements (H2)
3.4.4.6 Évènements impliquant plusieurs sous-traitants (H6)
3.4.4.7 Productivité des sous-traitants (H1)
3.4.4.8 Journée d’observation au chantier (H3)
3.4.5 Résultats de l’étude de cas 3
3.4.6 Résultats de l’étude de cas 4
CHAPITRE 4 ANALYSE DES RÉSULTATS
4.1 Analyse des entretiens
4.1.1 Présentation générale de l’analyse
4.1.2 Collaboration réelle entre les acteurs
4.1.3 Confiance entre les acteurs
4.1.4 Visions communes entre les acteurs
4.1.5 Sentiment de partage d’objectifs
4.1.6 Moyens de communication
4.1.7 Efficacité des communications
4.1.8 Formats échangés
4.1.9 Vision de l’interopérabilité
4.1.10 Général
4.2 Analyse des observations de réunions et des documents légaux
4.2.1 Bilan de l’étude des documents légaux et contractuels
4.2.2 Analyse des observations de réunions
4.3 Analyse des résultats des observations sur chantier
4.3.1 Période d’assimilation des nouveaux ouvriers
4.3.2 Problème de mobilisation des sous-traitants
4.3.3 Gestion importante des S-T
4.3.4 Gestion de la sécurité
4.3.5 Conflits juridiques et spatiaux
4.3.6 Évènements impliquant plusieurs sous-traitants
4.4 Interprétations des données grâce à la dynamique des systèmes
4.4.1 Période d’assimilation des nouveaux ouvriers
4.4.1.1 Étude des dynamiques du modèle d’Abdel-Hamid (1989)
4.4.1.2 Adaptation du modèle d’Abdel-Hamid (1989) aux observations
4.4.2 Communications et gestions
4.4.2.1 Modélisation du temps de gestion initial
4.4.2.2 Modélisation des erreurs
4.4.2.3 Modélisation de l’effet de la gestion sur la productivité
4.4.3 Gestion de la sécurité
4.4.4 Mobilisation des sous-traitants et nombre d’ouvriers
4.4.5 Simulations
4.4.5.1 Chantier de taille moyenne
4.4.5.2 Chantier de petite taille
4.4.5.3 Mise à disposition du modèle
CHAPITRE 5 DISCUSSION
5.1 Synthèse
5.1.1 Contexte freinant l’implantation des TIC
5.1.2 Contexte incitant l’implantation des TIC
5.1.3 Frein à l’implantation des TIC
5.1.4 Impacts de la juridiction des métiers
5.2 Implications pour l’industrie de la construction et le cadre légal
5.3 Implications des impacts de la juridiction des métiers
5.4 Limitation
5.5 Directions futures
CONCLUSION
ANNEXE I LISTE DES DOCUMENTS LÉGAUX ÉTUDIÉS
ANNEXE II GUIDE D’ENTRETIENS
ANNEXE III RÉSULTATS DES ENTRETIENS AVEC LES ACTEURS
ANNEXE IV COMPTES RENDUS DES RÉUNIONS OBSERVÉES
ANNEXE V SOUS-TRAITANTS DES CHANTIERS OBSERVÉS
ANNEXE VI FEUILLES DE NOTES DE CHANTIERS
ANNEXE VII RÉSULTATS DES OBSERVATIONS SUR LES CHANTIERS 1 ET 2
ANNEXE VIII PRODUCTIVITÉ DES SOUS-TRAITANT
ANNEXE IX ÉQUATIONS DU MODÈLE DE DYNAMIQUE DES SYSTÈMES
ANNEXE X RÉSULTATS GRAPHIQUES DES SIMULATIONS
ANNEXE XI MODÈLE ITHINK (CD)
LISTE DE RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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