Le procédé sol-gel, matériaux hybrides et mésostructuration
Le procédé sol-gel
Aspects généraux
Le procédé sol-gel est une voie de préparation d’oxydes comme des verres, ou des céramiques à partir de précurseurs en solution (Figure 1) par opposition à des techniques classiques partant de précurseurs solides comme le kaolin par exemple. Le procédé sol-gel en lui-même se déroule à des températures modérées (en général entre 0 et 100°C) le rendant compatible avec la présence de groupements organiques qui peuvent être greffés sur les oxydes ou simplement incorporés au mélange. Historiquement, le premier oxyde produit par le procédé sol-gel a été la silice, dont la fabrication dans des conditions douces a été une innovation aux applications intéressantes, notamment grâce à la possibilité de s’affranchir de la température de fusion élevée de la silice pure, ainsi que pour la possibilité qu’elle offre d’incorporer des organosilanes dans le matériau lui conférant des propriétés différentes de la silice seule .
Le procédé sol-gel utilise des précurseurs de réseau inorganique présents en solution, cependant la nature de ces précurseurs est multiple. Ils sont en souvent regroupés en deux catégories : les précurseurs inorganiques et les précurseurs métallo-organiques. Les précurseurs inorganiques sont des sels métalliques correspondant au réseau préparé (chlorures, nitrates, acétates…) ou, dans le cas de la silice, des silicates comme par exemple le silicate de sodium . Les synthèses sol gel inorganiques sont réalisées dans la majorité des cas en solution aqueuse et les matériaux finaux obtenus sont majoritairement sous la forme de particules de tailles micrométriques ou nanométriques, même si la synthèse de gels de silice à partir de silicates existe dans la littérature . L’utilisation de précurseurs métallo-organiques utilise des alcoxydes de silicium ou de métaux de transition comme le titane . Ces précurseurs peuvent porter quatre fonctions alcoxydes ou une ou plusieurs chaines carbonées portant éventuellement des fonctions spécifiques. Les alcoxydes métalliques ayant pour la plupart une réactivité importante avec l’eau, les synthèses sont réalisées en milieu organique, le contrôle de la quantité d’eau présente étant importante vis-à-vis de la forme du matériau obtenu. La voie organométallique présente l’avantage de permettre un meilleur contrôle sur la réactivité des précurseurs et donc facilite l’obtention de gels ou de sols stables ou encore de clusters, c’est-à-dire des groupements de quelques atomes de structure et de taille bien définie .
Les réactions d’hydrolyse-condensation
Le principe de la synthèse d’un matériau par le procédé sol-gel est la réaction des précurseurs entre eux afin de former des polymères inorganiques réticulés qui donneront naissance à un réseau d’oxyde. Cette réaction se fait en deux étapes : tout d’abord, le précurseur s’hydrolyse, que ce soit par dissociation d’un sel dans l’eau ou par substitution d’un alcoxyde par un hydroxyde. Le précurseur gagne ainsi en réactivité et réagit avec un autre précurseur engendrant ainsi la croissance de particules d’oxydes. Dans le cas où la réaction d’hydrolyse est présente, le procédé est qualifié de sol-gel hydrolytique, par opposition à une variante du procédé sol-gel dit nonhydrolytique qui se fait en l’absence d’eau et qui ne fait donc pas appel à une activation du précurseur par hydrolyse. Dans le cadre de ces travaux, le procédé de synthèse étudiée sera exclusivement de type sol-gel hydrolytique car il présente moins de contraintes et est particulièrement adapté à la synthèse de films mésostructurés.
Durant la synthèse d’un oxyde par sol-gel hydrolytique, c’est l’hydrolyse de l’alcoxyde qui augmente sa réactivité et permet les réactions de condensation. L’hydrolyse se résume au remplacement d’un des groupements alcoxydes par un groupement hydroxyde par substitution nucléophile de type SN2 .
La réaction d’hydrolyse a pour but de permettre la réaction de condensation en augmentant la nucléophilie des précurseurs qui vont alors réagir entre eux selon plusieurs réactions pour former des liaisons métal-oxygène-métal (M-O-M). Ces liaisons se forment par deux réactions distinctes : l’oxolation qui consiste en la réaction de deux groupements hydroxydes et le départ d’eau ; l’autre réaction étant l’alcoxolation qui elle entraine l’élimination d’alcool suite à la réaction d’un hydroxyde avec un alcoxyde (Figure 2). Ces réactions se font simultanément et le nombre d’oxolation par rapport à la quantité d’alcoxolation dépend du taux d’hydrolyse du précurseur. Dans le cas d’alcoxydes de silicium, la cinétique des réactions d’hydrolyse est très lente, comme par exemple pour le tetraéthoxysilane (TEOS) ; cette faible réactivité est causée à la fois par une coordinance satisfaite de l’atome de silicium ainsi que par son faible caractère électrophile. La présence d’un catalyseur est donc nécessaire pour réduire les temps de réaction à des durées acceptables (inférieures à plusieurs jours) ; il existe plusieurs voies de catalyse possible dans le cas du silicium : les acides, les bases et les fluorures. Le type de catalyseur utilisé ayant une influence sur la morphologie du réseau inorganique final.
Une catalyse acide vise à rendre l’alcoxyde un meilleur groupe partant favorisant ainsi les réactions d’hydrolyse ; à l’inverse une catalyse basique va exacerber la nucléophilie des hydroxydes métalliques formés et va donc favoriser les réactions de condensation. La morphologie des gels obtenus varie grandement en fonction du type de catalyse utilisé. Une catalyse acide formera majoritairement des chaines longues et réticulées issus d’une croissance lente de ces dernières qui donneront des gels transparents. Tandis qu’une catalyse basique favorisera la nucléation et donc la croissance de particules d’oxydes qui donneront des gels diffusants. Dans le cas du procédé sol-gel avec des précurseurs de silice, le pH du sol aura donc un impact important sur la morphologie du gel obtenu.
Les mécanismes de ces réactions demeurent les mêmes quels que soient les alcoxydes utilisés. Cependant, le silicium a une réactivité particulière par rapport aux métaux de transition, ce qui explique que la silice soit le premier matériau dont la synthèse sol-gel fut bien maitrisée. Or, les configurations électroniques des métaux de transition donnent aux matériaux produits des propriétés bien plus intéressantes et font miroiter des applications plus variées que celles de la silice.
Cas des oxydes de métaux de transition
Différences par rapport à la silice
Le passage de la silice à des oxydes de métaux de transition pose néanmoins plusieurs problèmes vis-à-vis de la réactivité de ces derniers et nécessite de modifier les conditions de préparation des sols. Les métaux de transition sont en effet beaucoup plus réactifs vis-à-vis des réactions d’hydrolyse et de condensation que le silicium. Ce comportement découle de deux aspects différents. Tout d’abord, les métaux de transitions utilisés pour le sol-gel (Ti, Zr, Zn, Al…) sont plus électropositifs que le silicium et donc bien plus sensibles aux attaques de nucléophiles comme l’eau ou un hydroxyde métallique. De plus, ces métaux ont des nuages électroniques plus étendus et peuvent donc étendre leur sphère de coordination à plus de 4 ligands en formant par exemple des pontages entre eux par des réactions d’addition nucléophile. Ce dernier phénomène modifie donc grandement les réactions d’hydrolyse et de condensation par rapport à la polymérisation inorganique des précurseurs de silice.
Cette augmentation de réactivité est telle que certains alcoxydes métalliques, laissés à l’air libre vont condenser sous l’influence de la seule humidité ambiante. Leur utilisation en tant que précurseurs sol-gel est donc particulièrement difficile, étant donné que la moindre trace d’eau peut entrainer une précipitation incontrôlée. Ce comportement est commun à tous les alcoxydes de métaux de transition. Néanmoins, dans la suite, les méthodes de résolution de ce problème seront abordées dans le seul cas des alcoxydes de titane, les autres éléments de transition n’étant pas abordés dans le cadre de ce travail.
Stabilisation des précurseurs de TiO2
Comme mentionné précédemment, la réactivité des alcoxydes de titane avec les réactifs nucléophiles est extrêmement importante. Il est impossible d’obtenir des sols stables tant que de l’eau subsiste dans le milieu réactionnel, même en quantités faibles. En effet, le phénomène de coordinence insatisfaite abordé dans la partie précédente exacerbe la réactivité des alcoxydes de titane.Les alcoxydes de titane forment même entre eux des oligomères dont la taille dépend de l’encombrement stérique du groupement l’alcoxyde présent (Figure 4). L’isopropoxyde ou le terbutoxyde de titane sont par exemple sous forme de monomères alors que le n butoxyde de titane formera des trimères et que les formes méthoxy ou éthoxy existeront sous forme de tétramères. Enfin, les différences de comportement de l’éthoxyde en fonction du solvant sont notables. Ceci met en évidence l’importance du rôle de la présence de molécules possédant des groupements polaires même si ces dernières ne participent pas aux réactions sol-gel.
C’est effectivement l’utilisation de molécules tierces qui a permis de résoudre les problèmes posés par la réactivité des précurseurs de TiO2 : certaines possèdent en effet la capacité de stabiliser les alcoxydes de titane en réduisant leur réactivité avec l’eau. La première d’entre elles est l’acétylacétone (Acac) qui substitue un des ligands alcoxydes monodentates présents sur le titane et complexe le centre métallique à l’aide d’un des doublets non liants de l’oxygène de façon bidentate. Le métal est donc doublement stabilisé, d’une part par la perte d’une fonction réactive et d’autre part par une augmentation de la coordinance du titane (de 4 à 5) plus stable (Figure 5) ; d’autres b-dicétones que l’Acac peuvent être utilisées mais ce dernier demeure le plus courant.
La stabilisation d’un alcoxyde de titane ne passe cependant pas forcément par l’utilisation d’une bdicétone. La stabilisation peut en effet être atteinte en utilisant un acide carboxylique comme l’acide acétique (Figure 5). Le mécanisme de la stabilisation passe ici également par une augmentation de la coordinence du titane, passant de 4 à 6, par la substitution des ligands alcoxydes par des groupements carboxylates pontants conduisant à la formation de dimères et diminuant la réactivité du métal. Le stabilisant le plus utilisé reste l’acide acétique mais l’utilisation d’autres molécules reste possible comme l’acide trifluoroacétique.
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Table des matières
I. Introduction
II. Le procédé sol-gel, matériaux hybrides et mésostructuration
1. Le procédé sol-gel
a- Aspects généraux
b- Les réactions d’hydrolyse-condensation
2. Cas des oxydes de métaux de transition
a- Différences par rapport à la silice
b- Stabilisation des précurseurs de TiO2
c- Mise en forme
3. Matériaux hybrides
a- Différents types d’hybrides
b- Stratégies de synthèse des matériaux hybrides
4. Evaporation Induced Self-Assembly (EISA)
a- Principe
b- Paramètres critiques et mésophases
c- Traitements thermiques et devenir de la composante organique
5. Techniques d’analyses utilisées
a- Diffraction des rayons X
b- Diffusion des rayons X aux bas angles
c- Microscopies électroniques
d- Microscopie à force atomique (AFM)
III. Obtention des diagrammes de phases
IV. Diagramme de phase avec des monomères incorporés
1. Objectif
2. Thiophène 3-acide acétique (TAA)
3. Thiophène 3-éthanol (TE)
4. Bithiophène (BT)
5. 3-hexyl-thiophène (3HT)
6. Thiophène
V. Cristallisation à basse température du TiO2
VI. Conclusion
VII. Références
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