Le problème des déchets nucléaires
Dans le contexte économique et politique actuel, les problèmes posés par les déchets nucléaires revêtent une importance capitale. La France a engagé un vaste programme électronucléaire dont le développement doit encore se poursuivre sur 20 ou 30 ans, sinon plus. Ce choix a permis non seulement de réduire la dépendance énergétique, mais également la pollution atmosphérique et l’effet de serre engendrés par les rejets produits par les combustions traditionnelles. En contrepartie, il a entraîné l’apparaition et l’accumulation de déchets radioactifs.
Ceci a amené le parlement français à voter la loi du 30 décembre 1991 (loi n°91-1381 ou loi « Bataille »), stipulant les conditions pour la mise en oeuvre d’une politique de gestion des déchets à vie longue. Cette loi définit trois axes (Schapira, 1997) :
• Réduire le volume et la nocivité des déchets radioactifs à vie longue (en les séparant et en les transmutant en éléments non radioactifs ou à vie courte),
• Etudier le stockage en formation géologique profonde avec l’option de réversibilité (possibilité de reprendre les colis de déchets dans l’éventualité où de nouveaux moyens de traitement seraient mis au point),
• Développer les techniques de conditionnement (pour assurer un confinement durable) ainsi que les méthodes d’entreposage de longue durée.
C’est autour de ces thèmes que les recherches doivent être conduites en vue de présenter, devant le parlement en 2006, les principales options de gestion de ces déchets. Dans ce contexte, des programmes nationaux ont été initiés pour contribuer à ces recherches. Ainsi, le présent travail a été effectué dans le cadre du GdR « PRACTIS » CNRS-CEA-EDF-ANDRA (Groupement de Recherche « Physico-Chimie des Actinides et autres Radioéléments en Solution et aux Interfaces »).
Le stockage en formation géologique profonde : enjeu de l’étude des mécanismes de sorption aux interfaces solide-liquide
L’une des options envisagées en France est le stockage des déchets radioactifs à vie longue en sites géologiques profonds (deuxième axe de recherche défini par la loi de 1991). Les recherches doivent permettre à la fois de concevoir de tels sites (choix des emplacements, norme de construction…) mais également et avant tout, d’assurer leur sûreté à long terme, c’est à dire sur plusieurs millions d’années. On doit donc prévoir l’éventualité que les eaux souterraines parviennent à dissoudre les colis de déchets et à libérer les radionucléides, qui pourraient alors migrer vers la biosphère. La sûreté des sites est fondée sur le concept de barrières multiples représentées par la matrice de stockage des déchets, l’enveloppe métallique des colis, les barrières ouvragées (ou artificielles) composées de matériaux absorbants, et enfin la barrière naturelle constituée des roches et sédiments entourant le site géologique. Le principal phénomène retardateur de la migration dans la barrière naturelle et les barrières ouvragées est fondé sur leur capacité à fixer par sorption les radionucléides dissous dans les eaux souterraines.
Dans ce contexte, la caractérisation des propriétés physico-chimiques des surfaces et des mécanismes de sorptions aux interfaces solide-liquide revêt une importance primordiale. Dans un premier temps, il s’agit de passer en revue l’ensemble des systèmes envisageables afin d’établir des bases de données fiables concernant les propriétés de rétention des matériaux. Le deuxième objectif consiste à mieux comprendre les différents mécanismes de sorption mis en jeu à l’échelle atomique avec pour objectif final l’élaboration de modèles quantifiant les données de sorption et représentant le mieux possible l’ensemble des processus qui interviennent. Ces modèles doivent ensuite être introduits dans les calculs prévisionnels du transport des radionucléides dans les différentes barrières. Ils sont donc déterminants pour la prévision de la sûreté à long terme des centres de stockage. Enfin, dans un troisième temps, des vérifications portant sur la pertinence de ces calculs devront être effectuées ‘in situ’ dans différents laboratoires souterrains. Notons que l’élaboration de bases de données ainsi que la connaissance des mécanismes de sorption sont non seulement nécessaires dans le cadre du stockage de déchets nucléaires mais également dans le cadre de la migration ou du stockage d’éléments toxiques pour l’environnement tels que Hg, Cd, Pb…
La gestion des déchets radioactifs
Origines des déchets nucléaires
Les utilisateurs de sources radioactives, producteurs de déchets, sont nombreux et variés, à la fois dans le domaine scientifique (laboratoire de recherche, radiochimistes..), médical (scintigraphie, traitement de cancers, diagnostics, mesures physiques…) ou encore agroalimentaire (alternative à la pasteurisation…). Néanmoins, la majorité des déchets radioactifs est issue des activités entourant la production d’énergie dans les centrales nucléaires, tant au niveau de l’extraction de l’uranium, des procédés d’enrichissement du minerai que du fonctionnement des réacteurs eux-mêmes (Schapira, 1997).
Pour se faire une idée, la production française de déchets nucléaires par habitant et par an correspond à environ 1 kg (avec seulement 20 g de déchets de haute radioactivité), ce qui est peu comparé à l’ensemble des déchets produits (y compris les déchets industriels) soit 2500 kg (Leconte, 2002). Lors de l’extraction de l’uranium (l’uranium naturel contient 235U à hauteur de 0,7 %), des déchets apparaissent à partir du minerai extrait. Après extraction chimique, selon un procédé généralement fondé sur une solubilisation sélective de l’uranium dans un acide à chaud, la totalité de l’uranium non extrait, soit quelques %, et de ses descendants se retrouvent sous forme de résidus insolubles. Ces déchets se caractérisent par une faible activité (quelques mCi d’émetteurs alpha par tonne) et par une durée de vie très longue, gouvernée par la période de 77000 ans du thorium 230Th. Ces déchets sont classés parmi les déchets type B. La solution adoptée pour leur gestion est un stockage nécessitant à la fois une stabilisation du site, une surveillance ainsi qu’une couverture par un matériau de faible perméabilité (argile) pour empêcher les émanations de radon 22Rn. En effet, l’inhalation de ce gaz, dont les descendants peuvent être fixés au niveau des poumons, représente le principal risque radiologique lié à ce type de déchet.
Des déchets, résidus de faible activité à vie très longue, apparaissent également lors du procédé d’enrichissement isotopique de l’uranium. Le procédé le plus répandu reste le procédé par diffusion gazeuse (hexafluorure d’uranium).
Quant au fonctionnement du réacteur lui-même, quelques dizaines de tonnes de combustible enrichi (composition 235U 3%, 238U 97%) sont chargées chaque année pour son fonctionnement. Ce combustible voit sa composition fortement modifiée suite aux réactions nucléaires se produisant dans le réacteur. La quasi-totalité de la radioactivité engendrée se retrouve alors dans le combustible usé.
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Table des matières
INTRODUCTION
LE PROBLEME DES DECHETS NUCLEAIRES
LE STOCKAGE EN FORMATION GEOLOGIQUE PROFONDE : ENJEU DE L’ETUDE DES MECANISMES
DE SORPTION AUX INTERFACES SOLIDE-LIQUIDE
CHOIX DES SYSTEMES ETUDIES
OBJECTIFS ET METHODES
PLAN DU MEMOIRE
1 LA GESTION DES DECHETS RADIOACTIFS
1.1 ORIGINES DES DECHETS NUCLEAIRES
1.2 LES DIFFERENTES CLASSES DE DECHETS
1.3 LA GESTION DES DECHETS NUCLEAIRES HAUTEMENT RADIOACTIFS A VIE LONGUE
1.4 STOCKAGE EN FORMATION GEOLOGIQUE PROFONDE
1.5 CONCLUSION
2 SORPTION AUX INTERFACES SOLIDE-LIQUIDE
2.1 ENJEU DE L’ETUDE DES PROCESSUS DE SORPTIONS
2.2 SURFACE ET INTERFACE : DEFINITIONS
2.3 SORPTION OU ADHESION : DIFFERENTES APPROCHES
2.3.1 Sorption
2.3.2 Adhésion
2.4 LES DIFFERENTS MECANISMES DE SORPTION AUX INTERFACES SOLIDE-LIQUIDE
2.4.1 Précipitation / dissolution et précipitation de surface
2.4.2 Modèle d’échange d’ions
2.5 MODELES DE SORPTION PAR COMPLEXATION DE SURFACE
2.5.1 Définition de la charge de surface
2.5.2 Point de charge nulle (PZC ou PCN), Point isoélectrique (PIE)
2.5.3 Equilibres de complexation de surface
2.5.3.1 Différents types de correction coulombienne
2.5.3.2 Différents types de complexes de surface
2.5.3.3 Différents types de modélisation des sites réactifs
2.5.3.4 Conclusion et remarques
2.5.4 Méthodes de détermination des propriétés cido-basiques de surface
2.6 CONCLUSION
3 CHOIX DES SYSTEMES MATERIAUX SORBANTS – ELEMENTS SORBES : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
3.1 LES APATITES
3.1.1 Généralités
3.1.2 Structure cristallographique de l’hydroxyapatite et de la fluoroapatite
3.1.3 Caractérisation des interfaces apatite-solution et propriétés acido-basiques de surface des apatites
3.1.4 Propriétés de sorption des apatites
3.2 OXY-HYDROXYDES DE FER ET D’ALUMINIUM
3.2.1 Généralités
3.2.1.1 Oxy-hydroxydes de fer
3.2.1.2 Oxy-hydroxydes d’aluminium
3.2.2 Structure cristallographique, morphologie et sites de surface
3.2.2.1 Goethite et hématite
3.2.2.2 Alumine-γ
3.2.3 Dissolution et spéciation en solution des oxy-hydroxydes de fer et d’aluminium
3.2.4 Acido-basicité de surface des oxy-hydroxydes de fer et d’aluminium
3.2.5 Propriétés de sorption des oxy-hydroxydes de fer
3.3 LE SELENIUM ET LE CADMIUM
3.3.1 Le sélénium
3.3.2 Le cadmium
4 TECHNIQUES ET METHODES EXPERIMENTALES
4.1 PHMETRIE ET TITRAGE POTENTIOMETRIQUE
4.1.1 Principe des mesures en pHmétrie
4.1.1.1 Matériel
4.1.1.2 Electrodes de pH et notion d’activité
4.1.1.3 Principe des mesures de pH
4.1.1.4 Interaction entre électrodes et suspensions
4.1.1.5 Conclusion
4.1.2 Les titrages potentiométriques
4.1.2.1 Matériel
4.1.2.2 Méthode
4.1.2.3 Description de la méthode de traitement des courbes de titrage
4.2 ZETAMETRIE
4.2.1 Principe
4.2.2 Matériel et méthode
4.3 EXPERIENCES DE SORPTION EN BATCH ET METHODE D’ANALYSE PAR SPECTROMETRIE D’EMISSION AU PLASMA (ICP/OES)
4.3.1 Les expériences en ‘batch’
4.3.2 Principe des mesures réalisées par ICP/OES
4.3.3 Capacités et avantages de la méthode d’analyse par ICP/OES
4.3.4 Matériel et méthode
4.4 METHODE D’ANALYSE EN SPECTROSCOPIE DE PHOTOELECTRONS INDUITS PAR RAYONS X : XPS
4.4.1 Capacités et avantages de la méthode
4.4.2 Principe de base
4.4.3 Traitement des spectres obtenus par XPS
4.4.4 Matériel et méthodes
4.4.5 Déplacement chimique
4.4.6 Quantification en XPS
4.5 AUTRES TECHNIQUES D’ANALYSE
4.5.1 Mesures de surface spécifique et de porosité
4.5.2 Granulométrie
4.5.3 Mesures par analyse thermique différentielle et analyse thermo-gravimétrique (ATD/ATG)
4.5.4 Imagerie en microscopie électronique à balayage (MEB) et en microscopie électronique à transmission (MET)
4.5.5 Mesures par diffraction de rayons X (XRD)
4.5.6 Spectrométrie infra-rouge en transmission (IR)
CONCLUSION