Le premier mouvement: l’imposition d’un nouvel ordre territorial 

Pourquoi des enjeux territoriaux?

Le contexte dans lequel se sont déroules les &placements de population est celui du Kenya des années 1990. Pour comprendre la situation dans laquelle s’intègre ces &placements, il est important de revenir sur les éléments qui font la vie politique et sociale du Kenya d’aujourd’hui.
Le Kenya est un pays fortement peuple oïl les bonnes terres sont rares. L’histoire politique du pays a été marquée par une lutte incessante pour l’acquisition de la propriété de ces terres.
La culture politique kényane, fortement empreinte de la culture angle-saxonne etablik une gestion du territoire qui elle aussi a tenu un rôle important dans les &placements de population.
Pour comprendre pourquoi il y a des &places au Kenya A l’heure actuelle, il faut donc revenir sur plusieurs problèmes.
La gestion du territoire par l’Etat qui peuple une région puis l’évacue en fonction de la politique de son gouvernement contribue A rendre touj ours un peu plus instable tine population grandissante de paysans sans terre . il faudra A ce titre revenir sur la philosophie du territoire au Kenya.
Les enjeux de pouvoir entre les différentes composantes de la société et les conflits ethniques qui les ont suivis ont eux aussi entraîne des &placements de population. II faudra A ce titre revenir sur les conflits ethniques qui se sont déroules entre 1990 et 1994, et essayer ce comprendre pourquoi us se sont produit et quelle ampleur il ont eu.

La lutte pour l’appropriation de la terre

Les conflits ethniques et les &placements de population s’organisent autour de la question de la terre. En effet c’est pour elle qu’on se bat. Le manque de terres cultivables est un des facteurs qui explique la crise foncière que connait aujourd’hui le Kenya. Mais il est insuffisant pour expliquer A lui seul l’ampleur de la crise. Les différents statuts fonciers mis en place au cours de l’histoire expliquent également pourquoi le problème de la terre est devenu une question si explosive. L’histoire du statut de la propriété s’articule autour d’un moment clé: la colonisation britannique.
A) Le statut foncier des sociétés pré-coloniales.
L’occupation de la terre au Kenya par les africains était un véritable kaléidoscope de régulations qui variait en fonction des groupes ethniques et du type de terre occupée.
Les peuples nomades n’avaient pas un territoire prive, car us allaient, librement avec leurs troupeaux, sur de larges espaces et un individu ne possédait pas une part de terrain plus qu’une autre.
Les peuples de cultivateurs avaient des droits sur une terre particulière, mais ces droits ne pouvaient en aucun cas empêcher d’autres personnes d’accéder a cette terre. Meme si cela ressemblait a une forme de propriété prive (comme chez les Kikuyu par exemple) les frontières terriennes restaient ouvertes, de sorte que, quand une terre devenait surpeuplée, on pouvait en acquérir une autre.

L’arrivée des européens et son effet sur les différentes ethnies

Au départ, le peuplement des terres européennes en pays Kikuyu (sur les Hautes-Terres centrales entre le Mont Kenya et les Aberdares) devait se faire sous forme d’interpénétration, c’est A dire que les fermes européennes devaient s’implanter en contact avec les fermes africaines. C’est ce qui se fit, mais un rush sur les terres africaines s’en suivit. L’administration coloniale mit en place une procédure d’acquisition des terres par les blancs ( qui rachetèrent toutes ces terres a un prix dérisoire, sachant que le propriétaire afi-icain était dans l’obligation de vendre). Ainsi ces anciens propriétaires devinrent des squatter sur ce qui avait ete leur terre. Beaucoup d’entre eux restèrent et servirent de main d’oeuvre aux fermiers blancs.
En 1903, le haut commissaire de rest afi-icain britannique s’est attaque au probleme du recrutement des colons blancs, en leur reservant des lots de terre de 500 A 5000 hectares dans les Highlands, afin d’encourager l’immigration. En 1906, la population blanche se chiffi-ait a environ 1800 individus et revendiquait l’attribution des terres fertiles des Highlands aux seuls colons blancs. Des lors, le territoire kenyan, qui n’existait que comme lieu de passage obligatoire vers l’ocean pour l’exportation de la production ougandaise, va attireitun nombre croissant de colons, en leur offrant le privilege de cultiver les meilleurs terres du pays. On a alloue des reserves aux Kikuyu et on mit A disposition des Maasai les deux territoires de Laikipia au nord et de Narok au sud, relies entre eux par un couloir. Cependant en 1908, le corridor &ail déjà occupe par des colons et les Maasai furent regroupes dans l’unique reserve A peine agrandie de Narok.
En 1915, les colons trouvant leurs droits sur la terre trop precaires, exigerent par de nouvelles reformes d’une part que les reserves soient aussi declarees propriete de la couronne et leurs habitants locataires au gre du bailleur, et d’autre part de leur conceder des baux de 999 ans avec un loyer de 20 cents par acre pendant les trente premieres annees. Les terres officiellement reservees aux afficains n’etaient donc plus garanties inalienables, et le gouvernement du protectorat en usa a sa guise selon ses besoins et interets. En 1918, la Resident Native Ordinance interdit l’affermage des terres blanches A des africains, et decreta que tout resident indigene ou « squatter » sur des terres europeennes devait 180 jours de travail par an A son proprietaire.
La loi de 1938 agranditt- la superficie des Hautes-Terres reservees aux blancs a 43 250 lcm2, annula tout droit africain sur cette partie du Kenya, et ne leur offra aucune compensation. Mais en retour les europeens avaient toute liberte de penetrer dans les reserves et de requisitionner des travailleurs. La plupart des reserves dont les limites etaient desormais definies se situaient sur des terres impropres a la culture. Or 9 % seulement des terres occupees par les europeens furent mises en culture.
Les travailleurs indigenes etaient peu disposes a participer A Peconomie salariale. L’impot d’habitation et de capitation qui frappa la population africaine, servit surtout assurer des revenus constants A la colonie et, indirectement a contraindre les africains travailler la terre des blancs pour gagner de l’argent et ainsi pouvoir payer leurs impots. Toujours dans cet esprit, l’administration qui avait besoin de main d’oeuvre pour realiser des travaux publics instaura une sorte de travail force puisque tout homme valide pouvait etre recrute pour une duree de 60 jours. La seule fawn d’être exempte etait de travailler trois mois chez un fermier blanc.
On arriva donc a un systerne foncier double avec:
– d’un cote les « White Highlands » qui occupaient toutes les terres a haut potentiel agricole. Les africains avaient interdiction de posseder la terre sur celles-ci et devaient posseder un passeport pour y rentrer.
– de l’autre les reserves oil les africains etaient parques, situees dans des zones A faible potentiel agricole.
C’est de la qu’est ne le probleme des squatters. De fait la terre n’appartenait plus aux africains, mais aux blancs. Les europeens en instaurant cette apartheid ont bouleverse l’organisation preexistante par le fait que le terre devenait une propriete privee: celle du blanc. De plus les africains devaient travailler pour eux, mais en cas de changement de proprietaire ce demier n’avait aucune obligation de les garder.

A l’indépendance, l’appropriation prive des terres

Le jeune Etat kenyan a garde exactement la ‘name conception de la propriete de la terre. En effet sous la colonisation il y avait des squatters car la terre n’appartenait pas aux afi-icains mais aux blancs. Or apres l’independance, la terre n’appartenait toujours pas aux kenyans mais a l’Etat qui la redistribuait A qui il voulait bien le faire.
Le gouvernement britannique introduit officiellement le regime de la propriete privee dans les reserves afi-icaines A la fin des annees 1950.
A l’independance les programmes de privatisation de terres se poursuivent. Le president aime A se faire photographier en train de remettre des titres de propriete A des paysans. Le regime unique de la propriete prive s’etend, presente comme un facteur de developpement. Ii ne semble connaitre aucune limite.
L’immatriculation des terres fige un rapport de force entre les differents clans. Seuls certains parviennent a faire valoir leurs droits sur la terre. Elle met fin A un acces negocie A la terre en transformant les regles traditionnelles. On est chasse sans preavis. En proie a l’appropriation prive, les territoires pastoraux semblent amenes a disparaitre completement. Non seulement l’Etat a introduit des reformes visant a promouvoir l’elevage sur des ranchs individuels, mais encore l’agriculture empiete de plus en plus sur le domaine de l’elevage.
Dans un premier temps, la propriete collective, concue comme la transition vers la propriete prive individuelle, a ete introduite chez les societes pastorales de la Vallee du Rift. Cela represente une entrave A la mobilite pour les Maasai car ces proprietes ne tiennent pas compte de leurs territoires et des changements de climats. Cette organisation camoufle dans bien des cas la creation de ranchs prives preleves sur les meilleures terres. Les Maasai avaient l’habitude de se &placer sur des grandes &endues A la recherche d’eau et de paturages pour leurs troupeaux, en fonction des saisons. La restriction de leurs paturages A une echelle beaucoup plus petite bouleverse et detruit ce mode de vie.
Pour les agiiculteurs comme pour les eleveurs la demarcation des terres fige un territoire auparavant negocie. Avant, une section territoriale pouvait en accueillir une autre en cas de besoin. Avec le trace des limites de ranchs, un seul groupe est considere comme legitime. Et finalement l’immatriculation des terres est a rapprocher du cloisonnement administratif, a une autre echelle. Elle semble aboutir a la meme logique d’exclusion.

Le phénomène « squatter »

De ce probleme de la term est ne le phenomene « squatter » qui a pour double cause la surpopulation face au manque de terres arables et la politique de l’Etat. Ce phenomene est present au niveau urbain et rural.
Apres l’independance, un manque de bonnes terres cultivables forca une categorie de plus en plus importante de la population a migrer vers les centres urbains. Le chomage augmenta rapidement du fait de la crise economique et des politiques d’educationk infnictueuses. Les bidonvilles se developperent a grande vitesse et une partie de la population se refugia dans le secteur informel pour survivre.
Mais malgre un taux de croissance urbaine tits eleve (7% par an), plus de 90% de la population kenyane est encore rurale. Or seulement 17,4% de la terre est a bon potentiel agricole, le reste etant constitue de zones arides et semi-arides. La moitie des terres fertiles est control& par un petit nombre de grands fermiers et de compagnies etrangeres.
Les squatters sont nes de la colonisation britannique. Ne pouvant posseder la terre, ces petits cultivateurs se sont inseres dans le nouveau circuit economique mais sans grande chance de reussir. Sauf quelques exceptions, les squatters n’avaient pas le droit de cultiver le café, le the et les autres cultures commerciales a part le Inds. Aussi us ne pouvaient pas se payer de pesticides et n’avaient pas acces aux credits banquiers. De cette inegalite des chances est née une inegalite de developpement. De plus le controle des mouvements de population (avec l’etablissement du passeport interne par exemple), la creation de frontieres raciales et l’acquisition des terres par les blancs creerent une large paysannerie de « sans terre ». Ces gens etaient surtout des Kikuyu exclus des Hautes Terres par les blancs.
Entre 1960 et 1963, une triple strategie fat mise en place pour regler le probleme des squatters du fait de la revolte des Mau-Mau.
Des reformes foncieres furent intensifiees pour, tout en maintenant les interets des proprietaires britanniques, ameliorer les conditions de vie de ces populations locales. Deux choses furent realisees:
– les reglementations de vente et d’achat de la terre furent simplifiees pour permettre A des petits agriculteurs de posseder une terre.
– la productivite de la terre fat amelioree A travers la modernisation des techniques agricoles.
La seconde strategie fut de neutraliser la base de la KANU en lui enlevant ses supporters, les « sans-terre » Kikuyu. Ceci fat fait en acquerant des nouvelles ten-es ou en rachetant A des europeens qui partaient, puis en les subdivisant et en les distribuant aux « sans-terre ».
La troisieme strategie flit de transferer la propriete fonciere des europeens vers les africains.
Malheureusement ces politiques ne changerent pas grand chose. En effet la discrimination raciale fat endiguee, mais elle flit automatiquement remplacee par une discrimination ethnique et economique. Les squatters n’ont rien obtenu car les terres furent redistribuees A des elites locales (souvent des Kikuyu).
Depuis le statut foncier n’a pas evolue. La ten-e reste un outil politique dont on se sert A Pechelle nationale ou locale pour recompenser des amis ou condamner des ennemis. Recemment encore la reponse du gouvernement A la crise fonciere a ete la repression. Dans des centres urbains, des bidonvilles entiers ont ete rases par des bulldozers pour « nettoyer la ville de ces taudis ». La destructions en quelques heures de quartiers entiers est couverte par le gouvernement sous pretexte de mesures d’hygiene et de protection de Penvironnement.

Le cloisonnement territorial entre les hommes, les animaux et le, nature

La destruction du territoire naturel et la construction d’un territoire administratif

C’est la colonisation britannique qui introduit au Kenya cette philosophie de la gestion du territoire en imposant de fawn systematique des divisions et des separations. En effet au niveau humain et politique, les britanniques introduisent la notion de reserve. Pour eviler tous les problemes, on separe de fawn tres hermetique les europeens des afiicains (ce que l’on a appele en Afrique du Sud l’apartheid). On retrouve la merne philosophie de l’environnement quant a la gestion des rapports entre les hommes et la nature. Les reserves naturelles ont ete mises en place sous la colonisation britannique puisque c’est en 1946 que fut ouvert le Parc National de Nairobi suivi rapidement par les reserves de Tsavo et Maasai-Mara.
Mais cette politique a ete amplifiee par l’Etat kenyan sous l’influence de la culture (par l’intermediaire d’organismes de protection de l’environnement bien souvent) et des conseillers britanniques. Ainsi on a pour obsession permanente de bien separer les hommes des animaux, les animaux de la vegetation, les hommes de la vegetation…Car cette dictature ne s’impose pas qu’aux hommes L’Etat s’interpose par le biais des frontieres. C’est ainsi que sont flees les reserves animalieres et forestieres. On en compte aujourd’hui plus de cinquante qui representent environ 10% du territoire national.
Ii existe aujourd’hui deux types de reserves animalieres: les « game reserves » qui dependent des gouvernements locaux et les pares nationaux sous la responsabilite de l’Etat. Dans le premier cas, les populations ont un acces limite a certaines ressources des parcs comme l’eau. Dans le second, cues sont totalement exclues des limites de la reserve. Mais bien souvent meme dans les « game reserves » ce droit d’entree limite n’est pas respecte. Ce cloisonnement de l’espace semble aller contre nature: les animaux eux ne respectent pas la loi?! En effet, si acces des reserves aux populations locales est interdit, sous pretexte de lutter contre le braconnage ( et les rangers charges de la lutte contre le braconnage ne plaisantent pas. Es ont pour ordre « shoot to kill »), il est difficile de confiner les animaux dans les limites des parcs. Certaines conununautes agricoles voient ainsi, impuissantes, leur recoltes detniites par des animaux et se plaignent du comportement de l’administration plutot en faveur des animaux qui representent un apport de devises important. Le plus grand paradoxe de cette politique de separation des hommes et des animaux est illustre par le cas des eleveurs Maasai qui disent avoir cohabite avec les animaux sauvages pendant des siecles. Les elephants sortent des reserves pour suivre la trace des massais qui bralent l’herbe afin de fournir une nourriture enrichie a leurs troupeaux, nourriture dont beneficiaient egalement les elephants et dont us raffolent touj ours aujourd’hui. La creation de reserves naturelles a exclu du territoire de certaines sections Maasai des paturages et des ressources en eau importantes. Cette logique de cloisonnement des espaces ne semble pas prete de prendre fin, la presse se faisant leech° de la possibilite de creation d’une autre reserve au Mont Suswa, une nouvelle source de revenus pour le County Council de Narok.
En fait deux logiques differentes s’affrontent. Celle des residents africains qui veulent vivre sur leur territoire. Et celle de l’Etat, qui pour recuperer l’argent du tourisme (cf.: le prix d’entrer d’un parc) augmente sans cesse la superficie des parcs. Ii en exclu les habitants pour proteger les animaux. Ce ne sont pas les animaux qui prevalent sur les hommes C’est l’argent qui prevaut sur le reste. Cette logique d’Etat se dans l’espace par le cloisonnement qui en resulte. L’Etat exclu les populations de leur milieu naturel. Ii en resulte un espace marque par des zones cloisonnees: d’un cote vivent les hommes, de l’autre la nature.
Le cas des reserves forestieres est similaire. Dans l’esprit des communautes riveraines elles appartiennent a l’Etat, et par consequent elles ne se sentent plus liees a leur destin. C’est l’Etat qui est a l’origine de cette representation a force d’en controldacces et d’interdire des usages limites de celles-ci. Toutes les mesures territoriales de protection de l’environnement s’apparentent a des mesures de gestion d’un domaine prive au profit d’une classe dirigeante. Beaucoup de ces reserves ont etjent financees par des organismes internationaux voulant promouvoir le developpement de la recherche sur la faune et la fore. Par exemple la creation de Kora National Park dans les =lees 1970 fut financee par l’Universite da Cambridge pour le developpement de la recherche. Ce parc devint célèbre grace A Georges Adamson, l’ami des lions. Or sa creation reduit considerablement les terres de paturages pour les semi-nomades Somalis et Boran, qui, par consequent, fluent persecutes pour mouvements illegaux. La protection de l’environnement a justifie l’eviction de milliers de squatters sans aucune politique de relocalisation.

La gestion des ressources forestieres

C’est dans cette logique de cloisonnement et de gestion du territoire que l’on peut interpréter la crise que vivent des populations forestieres. En effet du jour au lendemain, le gouvernement a decide d’interrompre, ou de reduire l’exploitation forestiere et les populations qui y contribuaient ont tout simplement ete expulsees.
Ce sont les europeens, qui au lendemain de la seconde guerre mondiale, ont decide de mettre en place l’exploitation des forets A des fins industrielles de facon intensive. Pour se faire, us ont pense a juste titre, que la meilleure maniere d’arriver a un rendement maximum, etait d’implanter des populations de travailleurs au milieu meme de la foret inoccupee. Par inoccupegiil faut comprendre que les zones forestieres, par exemple dans la region des Hautes-Terres centralesetaient peuplees par des populations pastorales A majorite Maasai, qui venaient temporairement faire paitre leurs troupeaux en altitude, pendant la saison des pluies. Pour les britanniques, ces terres n’appartenaient donc personnes et us pouvaient par consequent mettre en place un front de migrations pour mener a bien leur proj et.
Hs mirent en place un systeme de stations forestieres. Pour chaque foret A exploiter et en fonction de son &endue, ils installerent un village equipe d’infrastructures scolaires, sanitaires… Des populations A majorite Kikuyu venant de la region ,centrale a la recherche d’une terre, furent ainsi transplantetspour former ces nouvelles populations forestieres qui travaillaient pour l’Etat en tant que fonctionnaires. Ensuite, le Kenya independant poursuivit cette strategie d’exploitation.
Mais a partir du milieu des annees 1980, deux elements vinrent freiner la production forestiere du pays:
des organisations ecologiques internationales s’eleverent contre la deforestation de ces zones (peut-etre sans identifier correctement les responsables), et demanderent l’evacuation progressive des coupeurs de bois, pour faire de la fora une zone protegee.
la Banque Mondiale, dans le cadre sa politique de reduction de la dette demanda au gouvernement de reduire les depenses publiques du ministere des ressources naturelles, auquel appartenait le departement de la fora.
Pour repondre a ces attentes, le gouvernement decida d’expulser les populations forestieres des villages qu’ils occupaient depuis pres de quarante ans. Ainsi il se separait de fonctionnaires soit disant trop coilteux et reduisait la cadence de l’exploitation forestiere. Ii est evident que cette solution ne reglait en rien les problemes souleves. &AV
Tout d’abord car les depenses excessives du ministere etai% plus hoes au phenomene de corruption a la tete du ministere, qu’a une surcharge en fonctionnaires. De plus et nous y reviendront plus loin, car la presence de populatiomdans la foret etait peut-etre le seul gage de sa survie.
L’eviction des populations forestieresa ate d’autre part un moyen pratique pour l’Etat de resoudre le probleme de l’occupation illegale de certaines terres de la fora par des squatters. Nous sommes donc ici en presence d’une gestion du territoire tout a fait arbitraire et autoritaire. L’Etat peuple puis nettoie son territoire a la maniere d’un jardin prive.

Le cloisonnement territorial entre les ethnies

Le premier mouvement : l’imposition d’un nouvel ordre territorial

La colonisation britannique introduit le premier maillage administratif au Kenya et invente cet Etat dans ses frontieres actuelles. Lie A une conquete imperiale, l’encadrement territorial au Kenya sert en premier lieu A exercer une domination. Sa fonction est de controler les mouvements de population. La colonisation britannique impose un espace fortement cloisonné ou territorialise. Le resultat est aujourd’hui une distinction entre l’espace ethnique et le territoire administratif ( Medard, 1994).
Dans le cadre de l’Etat kenyan, l’espace est cloisonné au mepris des formes territoriales anciennes. La repartition geographique des populations a certes ete respectee, mais le cadre territorial est nouveau. Ce cadre a ete defini A l’independance au cours d’un travail purement administratif sans tenir compte des parametres culturels.
Le territoire ethnique correspondait A un genre de vie (aires differentes), alors que le territoire etatique correspond aujourd’hui A une domination politique.
La creation de reserves ethniques se fait suivant les conceptions territoriales de l’administration: A chaque communaute son territoire. On modifie les frontieres en fonction des ethnies. Mais certaines ethnies ne semble pas meriter un territoire du fait de leur faible occupation de l’espace. Aussi lorsque une communaute vit en minorite sur un tenitoire domine par une autre communaute d’un point de vue demographique, on la transporte avec les siens, de gre ou de force.
Une autre inegalite importante repose sur le fait que les traces des reserves ethniques se sont faits selon le critere de l’occupation des terres. Ce critere fait plus reference au mode de vie des cultivateurs, car il fait appel A rid& de propriete individuelle de la terre. De ce fait, les populations agro-pastorales ont ete lesees. On peut prendre A ce titre l’exemple des territoires Maasai. Ceux-ci couvraient de vastes domaines de la Vallee du Rift et des Hautes-Terres (cf. Nyahururu). Ils ont ete reduits A une aire relativement aride au sud de la voie ferree qui relie Mombasa A Kisumu en passant par Nairobi. Cela excluait les paturages d’altitude pourtant indispensables en saison seche. Les mouvements de transhumance sont entraves. Parmi les huit provinces du Kenya, trois (la province centrale, la province de l’ouest et la province de Nyanza) sont dominees par une ethnie majoritaire (respectivement les Kikuyu, les Luhya et les Luo). Les autres provinces apparaissent plutot comme une moseque ethnique, malgre les efforts du groupe Kalenjin pour apparaitre comme un groupe unifie et majoritaire dans la province de la Vallee du Rift. Le district et les locations representent dans certains cas des unites spatiales plus homogenes, et encore. Parmi les districts de la Vallee du Rift, certains sont homogenes, en particulier les anciennes reserves Kalenjin. Mais d’autres commie par exemple les districts de Nakuru ou de Trans Nzoia, les anciennes « White Highlands », ont constitue un front agricoles pour differents groupes ethniques depuis l’independance. En effet, a ce moment la la logique de l’homogeneisation du territoire semble l’emporter sur la tradition britannique du cloisonnement. Cependant la question du caractere ethnique de la terre reapparait avec force sous le regime de Moi A partir de 1978, en grande partie en reaction A l’extension du domaine foncier Kikuyu sous Kenyatta.

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Table des matières

Remerciements
Introduction 
Premiere partie: Pourquoi des enjeux territoriaux? 
I) La lutte pour l’appropriation des terres 
Le statut foncier des societes pre-coloniales
L’arrivee des europeens et son effet sur les differentes etl-mies
A l’independance, l’appropriation prive des terms
Le phenomene « squatter »
II) Le cloisonnement territorial entre les hommes, les animaux et la nature
La destruction du territoire naturel et la construction dun territoire administratif
La gestion des ressources forestieres
III) Le cloisonnement territorial entre les ethnies 
Le premier mouvement: l’imposition d’un nouvel ordre territorial
Le second mouvement: la reterritorialisation des territoires ethniques
Le Majimboisme ou regionalisme
La creation de nouveaux districts
IV) Les conflits ethniques de 1990-1994 
A) Le multipartisme et !es Kalenjin
Pluralisme politique et evolution de la raison autoritaire
Les aleas du nationalisme Kalenjin: les incidences politiques d’une identité evanescente
B) Les troubles ethno-regionaux p31
L’element mobilisateur: le pretexte foncier
Les troubles
L’instrumentalisation politique de la violence ethnique
L’absence d’opposition
Deuxierne partie: La relocalisation des &places 
I) Des deplaces dans des bidonvilles ruraux
A) La situation anterieure: l’harmonie entre les hommes et la nature
Les stations forestieres
La foret de Marmanet
B) Un processus d’appauvrissement
La relocalisation geographique de ce populations forestieres
L’impossible reorganisation economique
L’aspect positif: les liens communautaires
Cl Un terroir qui meurt?
La pauvrete et le passage a la clandestinite
La deforestation perpetuelle
La marginalisation politique et la frustration
II) Des &places dans la jungle urbaine 
A) Le bidonville: un refuge pour des gens tres differents
La ville de Nyahururu
Maina Village
B) Les &places de la for& dans le bidonville
Une presence imposante
La comparaison avec les deplaces des kangas
C) Les &places politiques dans le bidonville
1) Le parcours migratoire des deplaces
Une vie en marge du bidonville
L’accueil par les populations locales et les liens qu’ils ont tisse depuis
D) Une vie a cheval entre le rural et l’urbain
III) Des &places en couveuse 
A) Le camp: une aberration geographique et politique?
B) L’assistanat complet: la perte de l’esprit d’initiative et de l’amour propre
La construction du camp
La presentation du camp
L’activite economique dans le camp
Des gens qui tournent en rond
C) La peur des autres et de l’exterieur
Un monde pas comme les autres
L’enfer c’est l’autre
Troisieme partie: Les mentalites et la situation actuelle 
I) Pourquoi ne se sont-ils pas revoltes? 
Des causes d’ordre strategiques
Des causes d’ordre plus culturelles
II) La presence des eglises 
A) Les eglises independantes: le repli sur la sphere familiale et le manicheisme
Des sectes protestantes
Les effets sur les fideles
B) L’eglise catholique: l’implication politique et le mythe du martyre
III) Mais ce pacifisme masque aussi des haines plus profondes
Le sentiment de superiorite des Kikuyu
Un processus politique difficilement controlable
Conclusion
Bibliographie

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