La connaissance fine des territoires est, à ce jour, l’un des éléments central dans le domaine de la gestion et de l’organisation des territoires. Cette démarche de connaissance fine des territoires s’est développée au cours du XXème siècle, marquée plus précisément par des avancées majeures dans le domaine de l’aménagement ainsi que par la multiplication de la production d’outils au service de cette connaissance.
Diagnostics territoriaux, observatoires des territoires ou encore portraits de territoire, se sont révélés, en seulement quelques années, de véritables instruments clés principalement employés par les professionnels du domaine de l’aménagement, de l’urbanisme ou plus généralement du développement territorial. L’ensemble de ces outils au service du développement des territoires sont aujourd’hui regroupés dans ce que l’on nomme l’ « ingénierie territoriale », laquelle est définie comme « […] l’ensemble des concepts, outils et dispositifs mis à la disposition des acteurs du territoire pour accompagner la conception, la réalisation et l’évaluation de leurs projets de territoire » (Lardon, Pin, 2007).
Dans le présent mémoire, nous porterons principalement notre attention sur l’un de ces outils utilisés et la manière dont il est mobilisé dans le domaine de l’aménagement notamment en matière de connaissance territoriale. Il s’agit du « portrait de territoire ».
« Le portrait de territoire de la commune de… », « Celui de l’intercommunalité de…», il semblerait qu’en quelques années, l’outil ait réussi à se faire une place centrale, quelle que soit l’échelle des territoires, considéré aujourd’hui comme un outil stratégique pour aider à la construction et surtout au développement des territoiresvia la maîtrise et la connaissance de leurs caractéristiques. Or malgré ce phénomène de « mode » ou cette heure de gloire que connaît l’outil, c’est notamment la faiblesse des données à son propos au niveau de la sphère scientifique, mais également les missions de base qui m’auraient dû être confiées lors de la réalisation de mon stage(cf. avant-propos) qui m’ont poussé à me questionner sur cet outil que représente le portrait de territoire et sa mobilisation systématique.
Tenter de définir ce qu’est le portrait de territoire était la première chose à faire. Or, dès les premières recherches, l’affaire s’est révélée plus complexe qu’elle n’y paraissait. Il est en effet difficile de trouver une définition spécifique pour le « portrait de territoire ». Si on s’en remet aux définitions proposées par le dictionnaire français Larousse concernant chacun des deux termes de l’expression (« portrait » et «territoire »), voici ce que l’on peut en déduire. Le portrait est défini comme une «représentation exacte de quelque chose » et le territoire comme une « portion de l’espace terrestre dépendant d’un État, d’une ville, d’une juridiction ; espace considéré comme un ensemble formant une unité cohérente, physique, administrative et humaine ». Sur cette base, on pourrait définir le portrait de territoire comme un outil permettant de réaliser une représentation la plus réelle possible d’un espace donné, à savoir une représentation visant à en reproduire ou à en interpréter les traits et éléments caractéristiques.
Mais, le portrait de territoire ne s’arrête pas là. Comme nous allons le voir à travers le présent mémoire, c’est un outil complexe dont l’analyse va nous permettre d’identifier et comprendre à la fois les évolutions dans la manière de concevoir et penser les territoires mais également, de manière plus générale, l’évolution de l’aménagement en France dont il se révèle être une sorte d’outil témoin. En effet, les quelques résultats obtenus à partir de la recherche sur la définition de cette expression, nous renvoient à des notions associées bien plus larges que sont le diagnostic de territoire, l’observatoire des territoires, ou encore la connaissance desterritoires.
Ceci nous a amené à affiner nos recherches à partir de ces différentes notions afin de comprendre les distinctions ou similarités entre le portrait de territoire, analysé ici, et les autres outils au service de la connaissance que représentent le diagnostic de territoire et l’observatoire des territoires.
➔ Pour ne pas confondre : la distinction entre observatoire des territoires, diagnostic territorial et portrait de territoire .
Un observatoire est, selon une définition très générale, « un dispositif mis en œuvre par plusieurs partenaires pour suivre l’évolution d’un ou plusieurs phénomènes, dans l’espace et dans le temps » (Moine A., 2006). Il représente comme le portrait de territoire un outil de connaissance territoriale, permettant de faciliter la prise de décision politique. En effet, celui-ci se construit généralement sur la base de données et d’informations précises qui seront, à la restitution, synthétisées le plus possible. Les observatoires territoriaux ont émergé dans un contexte marqué par un profond désir et besoin de la part de l’Etat d’avoir une connaissance fine de l’ensemble du territoire national notamment après la Seconde Guerre Mondiale. Or, aujourd’hui, ces observatoires des territoires se sont multipliés à tel point que ceux-ci ne forment plus uniquement une compétence « régalienne » mais bien une compétence clé à des échelles moindres (régions, départements, communes…). Malgré la décentralisation de la plupart de ses compétences à des échelles plus fines, l’Etat français a tout de même fait le choix de conserver, depuis 2004, ce que l’on dénomme « l’Observatoire des territoires » actuellement placé sous la tutelle du Ministre en charge de l’aménagement du territoire. Véritable lieu d’innovation et d’expertise, il a pour principale mission d’analyser et de diffuser les données en lien avec tout ce qui concerne les dynamiques ou disparités territoriales. Celui-ci met également au point un certain nombre d’outils adaptés à la comparaison des territoires à toutes les échelles : du niveau communal au niveau international.
Emprunté au langage courant du domaine scientifique ou médical, le terme de diagnostic renvoie généralement aux analyses et raisonnements visant à identifier, à partir de symptômes observés, les causes de la maladie du corps.
C’est ainsi que la DATAR définit le diagnostic territorial de la manière suivante : « État des lieux qui recense, sur un territoire déterminé, les problèmes, les forces, les faiblesses, les attentes des personnes, les enjeux économiques, environnementaux, sociaux (…) Il fournit des explications sur l’évolution du passé et des appréciations sur l’évolution future ».Le diagnostic territorial est donc un outil clé dans le domaine de l’aménagement (des territoires) et de l’urbanisme puisqu’il permet d’apporter la connaissance à propos d’un territoire défini, d’en identifier ses forces, faiblesses ainsi que les potentielles opportunités. Le diagnostic territorial, permet de cette manière d’éclairer la décision ou d’orienter les actions tout en favorisant l’instauration constante du dialogue entre les différents acteurs.
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Table des matières
INTRODUCTION
LE PORTRAIT DE TERRITOIRE, UN OUTIL EN LIEN AVEC L’HISTOIRE DE L’AMENAGEMENT
1. DES ANNEES 1950 A 1980 : LA PERIODE FASTE DE L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE
1.1. Les déséquilibres du territoire français
1.2. Les objectifs et moyens mis en œuvre pour contrer « Paris et le désert français »
2. DES ANNEES 1980 A 2003 : DE L’HORIZONTALITE A LA TRANSVERSALITE DANS LA MANIERE DE PENSER LES RAPPORTS
ENTRE LES TERRITOIRES ET L’ETAT
2.1. Le tournant de l’année 1982 : le I erActe de la décentralisation
2.2. De la décentralisation vers le développement territorial
2.3. La reconnaissance de l’ingénierie territoriale : outil central dans le domaine de l’aménagement
3. A PARTIR DES ANNEES 2000 : PARTIR DU LOCAL POUR PENSER LE GLOBAL
3.1. Le début des années 2000 : la France face à de nouveaux enjeux
3.2. La conséquence de ces enjeux à l’échelle du domaine de l’aménagement
Conclusion : la place du portrait de territoire dans ce contexte en évolution
LE PORTRAIT DE TERRITOIRE, UN NOUVEL INSTRUMENT DE L’INGENIERIE TERRITORIALE
1. LES ORIGINES DU PORTRAIT DE TERRITOIRE
1.1. Réflexions et hypothèses sur l’émergence des portraits de territoire
1.2. Tentative de définition de l’outil et éclaircissement autour de sa composition
2. LES DIFFERENTES ORIENTATIONS ET FINALITES DU PORTRAIT DE TERRITOIRE
3. LES LIMITES DE L’OUTIL
CONCLUSION : LE PORTRAIT DE TERRITOIRE, UN OUTIL EN DEVENIR
LES NOUVEAUX ENJEUX AUTOUR DU PORTRAIT DE TERRITOIRE : VERS LA COOPERATION ?
1. VERS PLUS DE MUTUALISATION ENTRE LES ACTEURS AU CŒUR DE LA REALISATION DES PORTRAITS DE TERRITOIRE
2. LA PLACE EMERGENTE DE L’HABITANT DANS LA PRODUCTION DES PORTRAITS DE TERRITOIRE
CONCLUSION
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