Le métier des ouvriers dockers est une profession indépendante au niveau d’un port. Dans les ports modernes comme ceux de la France, une législation spécifique régit le travail portuaire des ouvriers dockers. Parmi les textes réglementaires, le décret n°92-1130 du 12 octobre 1992 portant modification du livre V du code des ports maritimes (deuxième partie Réglementaire) relatif au régime du travail dans les ports maritimes définit les statuts des ouvriers dockers. Les dispositions de l’article 1er règlementent, par exemple l’exclusivité d’intervention des ouvriers dockers dans le travail portuaire, ainsi stipulé ceci : « Les opérations de chargement et de déchargement des navires et des bateaux aux postes publics sont effectuées par des ouvriers dockers titulaires d’une carte professionnelle. Il en est de même pour les opérations effectuées dans des lieux à usage public (terre-pleins, hangars ou entrepôts) situé à l’intérieur des limites du domaine public maritime, et portant sur des marchandises en provenance ou à destination de la voie maritime. » D’autres dispositions adoptées consistaient notamment à protéger la profession en instituant des conditions d’emploi prioritaires, voire exclusives, et des formules d’indemnisation du non emploi. Ce texte était élaboré suite à la mise en cause, surtout à partir du début des années 70 du statut protecteur des ouvriers portuaires. De plus et toujours en France, c’est la loi n° 92-496 du 9 juin 1992 qui a reformé le régime de la manutention portuaire : elle conserve le principe d’une priorité d’embauche au profit de la main-d’œuvre spécialisée, elle généralise la mensualisation des dockers professionnels, organise la disparition des dockers professionnels intermittents et on confie la gestion aux autorités portuaires locales. L’effectivité de ces textes permettait aux ouvriers dockers d’avoir des statuts des véritables travailleurs d’un groupe professionnel qui est soit une société intérimaire ou une coopérative. À Madagascar, même si les ouvriers dockers sont considérés comme des salariés d’une entreprise portuaire, ils ne jouissent guère leurs droits en tant que tels. L’entreprise portuaire à Madagascar y compris le Port de Toamasina n’a aucun souci quant au traitement de leurs problèmes humains et sociaux car ils ne font pas partie de ses ressources humaines. Leur gestion au sein de la société s’assimile à celle des matériels et leur rémunération a été comptabilisée au compte « Personnel extérieur à l’entreprise » et non au compte « Charges du personnel ». Par rapport à la situation des ouvriers dockers dans les ports modernes, comme ceux de la France, beaucoup d’efforts devront être à déployer pour le cas de Madagascar si l’on veut mettre aux normes internationales la profession des ouvriers dockers portuaires malgaches, non seulement au niveau de la législation mais aussi au niveau de la revalorisation de ce métier. Pour concrétiser une telle intention, l’élaboration d’un projet des statuts de la profession « ouvriers dockers » répondant à ces normes internationales doit s’imposer. Comme tout projet, sa mise en œuvre va incontestablement générer des coûts pour l’entreprise. C’est la raison pour laquelle qu’un thème relatif à ce sujet nous intéresse et nous intitulons notre mémoire de maîtrise : « Coûts de la normalisation de la profession des ouvriers dockers – Cas du Port de Toamasina ».
LE PORT DE TOAMASINA AVANT L’INDÉPENDANCE
LA VEILLE DE L’ÉPOQUE COLONIALE
Toamasina prit la prédominance sur les autres stations de la Côte Est malgré sa rade foraine toujours battue par la mer houleuse, rigoureusement occupée de l’intérieur par ses lagunes et ses marais, totalement dépourvue de grands estuaires qui sont à la fois des abris et des voies de pénétration vers l’hinterland. Ces remarques illustrent bien les caractéristiques de la rade de Toamasina avant la création du port que nous connaissons aujourd’hui. Malgré cette hostilité de la nature dans cette frangée de récifs, la rade de Toamasina présentait quand même un intérêt maritime non négligeable : celui d’un relatif abri que lui conféraient ses deux récifs, à savoir le récif Hastie au sud et le grand récif au large. Si le premier atténue la force des houles du sud, sud-est, le second sert de barrière contre les lames apportées par le vent de Nord-est. Entre le XVIè et XVIIIè siècle, des navires portugais, hollandais, français et anglais mouillèrent dans cet abri tout fait par la nature. De 1804 à 1811, la baie formée par les deux récifs servait à abriter les opérations commerciales : on y embarquait du riz et des travailleurs pour les Iles Mascareignes, et on y débarquait des armes venant de l’Europe. Les opérations étaient effectuées avec des barques légères et à dos d’homme.
LE PORT DE TOAMASINA DURANT LA PÉRIODE COLONIALE
Dès 1897, on constatait que la rade de Toamasina telle que la nature l’a faite, présentait des inconvénients de par les passes qui en ouvrent l’entrée : la passe Nord, bien protégée entre le grand récif et la terre ferme, et la passe Sud par laquelle les vagues de la grande houle du Sudest pénètrent dans la rade. C’est ainsi qu’à l’aube même de la colonisation, plus précisément le 11 Août 1897, le Général Gallieni adressait des instructions au Chef de bataillon Roques, alors Directeur du Génie et des Travaux Publics pour trouver les moyens d’améliorer les conditions de travail au Port de Toamasina. Ces instructions précisaient particulièrement :
« La mission du Génie est d’établir un projet d’organisation du Port de Toamasina. Ce projet comprendra deux parties :
• Les moyens à employer pour améliorer la situation actuelle tout en permettant, avec une dépense aussi faible que possible, d’effectuer en tout temps les opérations d’embarquement et de débarquement
• Les dispositions à adopter pour la création de bassins en eau tranquille permettant l’accostage des navires aux quais ».
A cette époque, le port n’avait qu’un appontement en bois. En 1902, l’appontement en bois était remplacé par un wharf métallique En 1925, le Port de Toamasina comprenait les installations suivantes :
• Un quai de batelage établi à la Pointe Hastie, constitué par une file verticale de pieux jointifs en béton armé avec quelques éléments en maçonnerie ou en charpente, et dont une faible partie seulement était praticable par suite de manque de profondeur à son pied. La longueur de quai était de 200 m ;
• Un appontement en charpente de 20 m de long et 5 m de large pour l’embarquement et le débarquement des passagers ;
• Quelques magasins édifiés sur un hectare environ de superficie, sur le terre-plein, en arrière du quai ;
• Un wharf métallique, sur pieu à vis, de 300 m de long établi en pleine rade ;
• Une voie ferrée reliant les magasins du port à la gare située en ville.
Cette architecture du premier port nous donne un aperçu de la situation qui prévalait et par la même occasion, démontrer les problèmes qu’ont dû affronter les promoteurs du projet pour la création d’un nouveau port dont la construction est jugée d’intérêt général. On peut donc retenir qu’au début de la colonisation, la rade foraine formée par une incurvation de la côte qui ne présentait qu’un abri insuffisant de son étendue peu considérable partait de la pointe Hastie à la pointe Tanio, d’une part, et d’autre part la construction de Toamasina sur un sol sablonneux le qualifiait d’une agglomération vétustes qui n’était pas digne d’un port de commerce satisfaisant à des opérations avec de cases aux toits en feuille de ravinala. Aussi, la ville de Toamasina était continuellement soumise à l’alternance des moussons et des alizés, elle était dépourvue de tout mouillage naturel en eau profonde. Le port de Toamasina, depuis la colonisation, était la tête de ligne de 368 kilomètres de chemin de fer de Toamasina et des hauts plateaux. Mais son mouillage n’était pas sûr ; de plus ce port n’avait qu’un faible développement de quais pour chalands, ce qui ralentissait considérablement le chargement des bateaux. Un warf de batelage avait bien été construit pour remédier à ces inconvénients, mais le cyclone de 1927 l’avait détruit. De ce désastre, grâce à la volonté de ces habitants et à l’aide en particulier de l’île Maurice qui fit un don de trente millions, une ville neuve coupée de larges avenues allait réapparaître. En moins de quatre ans, des bâtiments administratifs, le tribunal, la gare des Manguiers, la cité Dupleix remplace les ruines. Devant la nécessité de doter d’une infrastructure moderne, le Port de Toamasina, qui à lui seul assurait un tiers de commerce extérieur de l’île, le gouvernement général arrêta en 1926 un programme de travaux dont la première étape devait donner au batelage de Toamasina la sécurité indispensable à ses opérations. Le Ministre des Colonies consulta divers constructeurs allemands qui remirent leurs offres le 15 octobre 1927. Les maisons F.H. Schmidt d’Hambourg et Flohr de Kiel, qui s’étaient associés pour soumissionner, firent les meilleures propositions. Après des études complémentaires, le Ministre demanda, le 16 juin 1928, aux deux groupes de tête, celui de la Compagnie Générale des colonies et le groupe Schmidt – Flohr de remettre de nouvelles propositions pour la passation de marché de gré à gré pour la construction d’un seul Port de Toamasina. Pour ce faire, les maisons Schmidt et Flohr s’associèrent à un groupe formé de la Société des Batignolles et de Salvador Ottino, entrepreneur à Antananarivo. Ce Consortium franco-allemand fit en commun de nouvelles offres le 9 juillet 1928 qui furent acceptées par l’administration le 17 décembre. Dans cette association, il fut décidé que la gérance serait assurée conjointement par un comité directeur, les Batignolles recevaient la charge de toutes les opérations en francs concernant les paiements des fournitures et des salaires , ainsi que de la comptabilité générale, tandis que le groupe Schmidt s’occupait des opérations en marks-or pour les fournitures de la maind’œuvre allemande. Le manque de main d’œuvre a quelque peu contribué au ralentissement de l’exécution des travaux de construction du Port de Toamasina. A son arrivée à Madagascar en qualité de Gouverneur Général de la colonie, Marcel Olivier institutionnalisa le Service de la Main d’Œuvre d’Intérêt General (SMOTIG). Pour la réalisation de l’ensemble des travaux publics qu’il pensait exécuter, le successeur de Marcel Olivier, le Gouverneur Général Léon Cayla n’hésita pas à mettre les hommes du SMOTIG sur les chantiers du Port de Toamasina. Il tint cependant à ce qu’il y eût des atténuations à la dure réglementation antérieures. C’est ainsi qu’il organisa par voie de recrutement libre, des sections de travailleurs auxquels furent donnés des garanties et des avantages de nature à les attirer et à les retenir tels que l’établissement d’un contrat fixant les obligations réciproques, la constatation médicale préalable des aptitudes physiques. Dans le même temps, une des nombreuses conférences tenues à Genève décidait qu’en cas d’insuffisance de main d’œuvre libre, il pourrait être fait appel à la main d’œuvre obligatoire pour l’exécution des travaux d’intérêt public. L’arrêté local pris à Antananarivo précédait toutefois de plusieurs semaines la publication du décret pris en conformité des décisions de Genève, et qui favorisait cette dérogation à des principes absolus, si bien que les travailleurs sur les chantiers du Port de Toamasina n’étaient pas à vrai dire soumis aux principes de SMOTIG. Les travaux de construction ont effectivement commencés en 1929 et furent terminés et remis officiellement en 1935. Il a donc fallu attendre 6 ans avec de durs travaux pour que Toamasina ait enfin son véritable port, le plus beau, le plus grand et le plus performant de la Grande Ile. Ce véritable port, dès sa finition comprenait, à l’issu de travail méthodique et vigoureux :
• deux môles d’accostage (môle A et môle B);
• des grues puissantes;
• des hangars de béton à l’élégance sobre;
• des terre-pleins immenses;
• une électrification et adduction d’eau;
C’était à cette époque que le Port de Toamasina est venu embellir cette cité côtière et devenu la porte de Madagascar donnant vers l’extérieur. Quant au premier ouvrage de protection de la pointe Hastie, il fut terminé en septembre 1931. Il fut ensuite procédé au remblaiement des terre-pleins de la pointe Hastie, puis l’on édifia le deuxième ouvrage, c’est-à-dire la digue extérieure de protection de la rade. Le 28 mai 1932, on procédait à la réception officielle du phare de l’Ile aux Prunes. Le 11 octobre 1933 le « MARECHAL JOFFRE » fut le premier navire qui accostait au môle B pour débarquer directement à terre la première fois des voyageurs. Le 12 janvier 1936, en présence du Gouverneur Général Cayla, le navire « PORTHOS », long courrier des messageries maritimes inaugura les installations portuaires. A juste titre Toamasina est appelé « le Poumon de Madagascar » En sa qualité de société, on peut citer quelques évènements :
• En 1921, le Port de Toamasina avait le statut de Société et était dirigée par Emmanuel JUDE ;
• En 1934, il changea de dénomination et devint Société anonyme de Manutention.
• A partir de 1943, il fut rattaché aux Chemins de Fer de Madagascar.
• En 1954, le Port de Toamasina est rattaché au Réseau National des Chemins de Fer Malgache et était dirigé :
➤ En 1954 par BHON ;
➤ De 1955 à 1961 par LEROY
LE PORT DE TOAMASINA DEPUIS L’INDÉPENDANCE
LE PORT DE TOAMASINA AVANT LA REFORME PORTUAIRE DE 2004
C’était la période que l’Etat malgache confiait la direction du Port de Toamasina à des nationaux. Il désignait successivement des directeurs généraux suivants :
• 1961 à 1965 en la personne RAJAOBELINA Hubert Maxime en tant que Directeur Général ;
• 1965 à 1967, RANAIVOARIVELO Raymond était le Directeur Général du Port de Toamasina ;
• 1967 à 1970, BE Dijoux était désigné Directeur Général ;
• 1970 à 1972, l’américain JHON Holt prenait la barre de direction du Port Autonome de Toamasina, une nouvelle disposition adoptée par l’Etat malgache ; il était assisté par ANDRIAMIARISON Edmond en tant que Directeur Général Adjoint ;
• 1972 à 1975, ANDRIAMIARISON Edmond devenait Directeur Général jusqu’à l’adoption d’un nouveau statut portant création de la Société d’Exploitation du Port de Toamasina ;
• 1975 à 1986, RAKOTOVAO fût le premier Directeur Général de la Société d’Exploitation du Port de Toamasina, un établissement public à caractère industriel et commercial, régie par le droit commun des sociétés anonymes ;
• 1986 à 1991, MAROLAHY Pierre remplaçait RAKOTOVAO au poste de Directeur Général. Il est désigné pour accomplir les missions relatives au plan de redressement suite à la situation déficitaire laissée par son prédécesseur. Il était chargé de la gestion de fonds octroyé en 1986 par la Caisse Française pour le Développement qui s’élevait à 43,256 milliards de Francs Français destinés au financement de :
➤ La réhabilitation des hangars et magasins ;
➤ L’acquisition des matériels de manutention ;
➤ L’assistance technique et mise en place du schéma directeur informatique ;
➤ La formation du personnel.
Ce crédit s’étalait de 1987 à 1994. Cette période était marquée par la sortie d’une série de régimes juridiques relatifs aux statuts particuliers du Port de Toamasina depuis l’indépendance jusqu’à l’avènement de la Loi portuaire de 2003.
|
Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I LE PORT DE TOAMASINA ET LA SCIENCE DE TRAVAIL
CHAPITRE I- LA VIE SOCIALE DU PORT DE TOAMASINA
SECTION I- HISTORIQUE DU PORT DE TOAMASINA
SECTION II- LE PORT DE TOAMASINA, EN TANT QU’ENTREPRISE
CHAPITRE II- LA SCIENCE DE TRAVAIL
SECTION I- LA NOTION DE TRAVAIL
SECTION II- LE TRAVAIL ET LE DROIT
PARTIE II LE PROJET DE NORMALISATION DE LA PROFESSION DES OUVRIERS DOCKERS
CHAPITRE I – LES STATUTS EXISTANTS DES OUVRIERS DOCKERS
SECTION I- HISTORIQUE
SECTION II – LES STATUTS AU NIVEAU DES PORTS MODERNES EUROPÉENS
CHAPITRE II – L’ÉLABORATION DU PROJET
SECTION I- LA DESCRIPTION DU PROJET
SECTION II- L’ÉVALUATION DU PROJET
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
LISTE DES TABLEAUX
TABLE DES MATIÈRES
Télécharger le rapport complet