LE PORC BOUCANE REUNIONNAIS
Problématiques autour du boucané traditionnel
Question de la qualité Le travail de thèse d’L Poligné a permis d’identifier un risque sanitaire au niveau du boucané traditionnel, tel qu’il est vendu par les artisans charcutiers. En effet, la production artisanale est réalisée en foyer direct, c’est-à-dire que les produits sont en contact direct avec les fumées chaudesproduites. Les particules se déposent ainsi directement sur les pièces de viande. Ce type de traitement confère aux produits les qualités organoleptiques recherchées par les consommateurs et qui font toute leur authenticité, mais entraîne également une diminution de la qualité sanitaire avec des teneurs en hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) très largement supérieures à la recommandation. Certains HAP sont mutagènes et cancérigènes, le plus connu étant le benzo(a)pyrène, qui est également utilisé dans les modèles animaux de cancérogenèse. Ces composés se forment au niveau des fumées et constituent donc un risque pour le fumage des produits carnés ou fumés. La recommandation en vigueur pour les produits carnés fumés conseille de ne pas dépasser une teneur en benzo(a)pyrène de l µg/kg de produit. Or les boucanés traditionnels présentent généralement des teneurs six à sept fois supérieures à cette recommandation, en relation avec le fumage par foyers directs. Un problème de santé publique a donc été mis en évidence au cours de l’étude des procédés de fabrication du boucané traditionnel. Ceci est pourtant à nuancer car les produits étant dessalés dans une eau à ébullition avant leur consommation, la teneur en HAP résiduelle effective est donc nettement inférieure. Cependant, la recommandation tend actuellement à évoluer en tant que norme européenne et sera applicable à tous les produits carnés fumés dans leur état de mise en vente. Aussi les produits artisanaux ne pourront donc plus être commercialisés ; le boucané traditionnel est ainsi amené à disparaître, laissant le marché totalement ouvert aux boucanés de type industriel, d’une qualité sanitaire effective mais sans typicité marquée. D’autres enjeux de qualité entrent également en jeu, et font preuve d’inquiétude marquée de la part des consommateurs. Contrairement au boucané industriel dont le mode de production, bien que méconnu, paraît irréprochable, les consommateurs s’inquiètent de la façon dont est réalisé le boucané chez l’artisan. Il est donc fréquent qu’ils privilégient un charcutier « digne de confiance » et préfèrent ne pas en changer. Les inquiétudes sont de plusieurs ordres o qualité de la matière première : cette inquiétude, justifiée dans les années 70/80 où les viandes traitées pouvaient être avariées ou contenir des kystes, n’est actuellement plus fondée. o respect du procédé de fumage : cette incertitude provient du fait que certains fabricants sont soupçonnés d’utiliser des bois de mauvaise qualité pour fumer la viande, comme des bois traités ou peints, des cartons. o hygiène générale de l’atelier de transformation et/ou vente: cette incertitude joue sur les conditions générales d’hygiène ; aussi les consommateurs n’achèteront pas chez un charcutier dont la salle de vente paraît sale. Ces inquiétudes peuvent être justifiées, notamment en ce qui concerne l’utilisation abusive de bois défectueux pour le fumage.
Typicité d’essences de bois de l’île de la Réunion
Choix des essences Le boucané traditionnel est généralement fumé avec des essences locales, utilisées à la fois pour cuire, sécher et fumer les produits. Le choix du bois s’établit bien souvent en fonction des coûts de cette matière première, sachant que les bois recherchés sont à la fois des bois durs, c’ est-à-dire à l’écart des résineux peu adaptés au fumage, et des bois de chauffe, satisfaisants pour une cuisson en boucan. Les artisans charcutiers ont généralement une « recette » qui leur est propre. Ils peuvent varier les essences de bois selon la saison, l’apport, les coûts ou plus simplement l’habitude, faire des mélanges ou bien encore utiliser des épices pour parfumer les produits. Mr Morel, notre partenaire charcutier, utilise quant à lui du bois de filaos. Ce dernier est reconnu pour sa qualité de bo bois de chauffe, et est très courant sur le littoral réunionnais, ce qui facilite l’approvisionnement. Par ailleurs, le pêcher est très apprécié des charcutiers car il a la réputation de conférer une belle couleur et un bon fumage à la viande, ainsi qu’une saveur parfumée très agréable. Cependant, il s’agit d’un bois assez rare, contrairement au filaos ou à l’acacia, et il reste donc peu utilisé, réservé pour des petites productions (notamment au niveau familial). Dans le cadre de notre étude, nous avons ainsi choisi de retenir 5 essences de bois locaux o Le filaos o Le pêcher o Le tamarin o Le letchi o Les baies roses Le tableau 12 présente les caractéristiques de chaque essence. Ces bois sont relativement faciles à se procurer, notamment en période d’élagage où l’on peut récupérer les branchages. La sciure est réalisée directement à l’aide du broyeur à bois. Enfin, les procédés classiques de fumaison de produits camés, typiquement des produits de charcuterie de porc, utilisent des sciures « industrielles » produites en Europe : ce sont, en général, de sciures de hêtre, parfois de chêne. Le hêtre, essence classique de fumage, est réputé pour apporter un goût « neutre » et peu typé à la viande. Les boucanés de type industriel produits sur l’île sont ainsi fumés au hêtre. Pour compléter notre étude, nous avons donc également choisi de travailler avec cette essence.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. LE PORC BOUCANE REUNIONNAIS
A. LE CONTEXTE REUNIONNAIS
1- Le boucané
a) Présentation du produit, consommation
b) Principes de fabrication, le boucan
c) Différentes catégories
2- Les filières et procédés de fabrication
a) Filières traditionnelles : productions artisanale et familiale
b) Filière industrielle
c) Comparaison des procédés de fabrication
3- Problématiques autour du boucané traditionnel
a) Question de la qualité
b) Maîtrise du procédé de fabrication, rendements
c) Point de vue des consommateurs
B. LE PROCEDE DE FABRICATION ARTISANAL
1- Salage
2- Séchage, cuisson et fumage
a) Différents protocoles artisanaux
b) Actions du fumage
c) Formation, dépôt et transfert des composés de la fumée
II. MATERIEL & METHODES
A. LE PILOTE DE SECHAGE/ FUMAGE ARTISANAL
1- Présentation de l’innovation
a) Principes d’élaboration et objectifs
b) Principe de fonctionnement et schémas
c) Améliorations techniques mises en place pour la version définitive du
pilote
2- Intérêts
a) . Séparation des circuits b) Gestion des fumées chaudes et froides
c) Validation des objectifs pour le produit fini
B. ESSENCES DE BOIS DE FUMAGE
1- Broyeur à bois
2- Essences de bois
a) Sciures industrielles
b) Approvisionnements en bois
c) Caractérisation des sciures
C. MATIERES PREMIERES
1- Poitrine de porc
a) Fournisseurs
b) Caractéristiques
2- Ingrédients
D. METHODES
1- Process
a) Saumurage
b) Enregistrement des données expérimentales
2- Analyses physicochimiques
a) Echantillonnage
b) Dosage de l’humidité
c) Dosage du chlorure de sodium
d) Mesure de l’activité de l’eau (Aw)
e) Dosage des phénols totaux
3- Mesures calorimétriques
4- Analyse sensorielle
a) Outils, matériel, salle, jury
b) Présentation & traitement des produits
c) Outil de statistiques
III. RESULTATS & DISCUSSION
A. CARACTERISATION TECHNIQUE DU PROCEDE INNOVANT
1- Impact des procédés de séchage et de fumage sur les produits
a) Profils thermiques
b) Cinétiques de perte en eau et perte en matière grasse
c) Cinétique de gain en phénols
d) Evolution de la couleur des parties grasse et maigre
2- Caractérisation aéraulique du process
a) Evaluation de la performance du séchage
b) Estimation des fuites
c) Flux des fumées froides en phase fumage
d) Comparaison des flux inter-compartiments
B. ETUDE DE L’IMPACT D’ESSENCES DE BOIS LOCAUX SUR LE FUMAGE ET LA QUALITE DU
BOUCANE
1- Typicité d’essences de bois de l’île de la Réunion
a) Choix des essences
b) Mise en place d’études préliminaires
c) Détermination du point optimal de fumage
2- Mise en place des productions
a) Evaluation des temps de fumage pour l’étude des différentes essences
b) Comparaisons techniques des productions
c) Validation de la stabilité et du fumage des produits finis
3- Analyse sensorielle
a) Présentation des séances de dégustations
b) Comparaisons qualitatives des boucanés fumés à partir des 6
essences
c) Appréciation hédonique
d) Limites de la dégustation
IV. DEVELOPPEMENT ET INSTALLATION DU PROCEDE AU
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A. BILAN FONCTIONNEL DU PROTOTYPE
1- Atouts
2- Limites
B. INSTALLATION CHEZ LE PARTENAIRE CHARCUTIER
1- Déroulement de l ‘implantation du pilote
2- Transfert de la technologie
C. PERSPECTIVES
1- Version optimisée du fumoir
2- Démarche de certification produit
CONCLUSION
Bibliographie
Liste des tableaux et figures
Annexes
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