La réduction de la mortalité maternelle est un objectif prioritaire en santé de la reproduction surtout dans les pays en voie de développement. En effet, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 585000 femmes décèdent chaque année dans le monde d’une cause liée à la grossesse, à l’accouchement ou au post-partum, et 99% d’entre elles sont issues des pays en voie de développement [40]. Cette répartition de la mortalité est inégale entre le Nord et le Sud:1020/100000 naissances vivantes en Afrique de l’ouest alors qu’elle 27/100000 naissances vivantes dans les pays développes. Elle était dominée dans plus 80% des cas par les métrorragies dont 95% seraient évitables selon l’OMS [39, 40,52]. Au Sénégal, la mortalité maternelle reste élevée, 392 pour 100000 naissances vivantes et les hémorragies obstétricales sont responsables de 40% de la mortalité avec une proportion très élève pour les métrorragies de fin de grossesse [23]. La prise en charge des métrorragies du troisième trimestre constitue un indicateur de qualité des soins obstétricaux et néonataux d’urgences (SONU). Elle nécessite un diagnostic rapide pour apprécier leur gravité et leurs conséquences materno-fœtales afin de mettre en œuvre des mesures d’urgences nécessaires. Ces principales causes étaient représentées par l’hématome retro- placentaire, le placenta prævia, la rupture utérine. Dans le cadre de l’Initiative d’une Maternité Sans Risque, beaucoup d’efforts ont été consentis dans le diagnostic et la prise en charge de ces différentes pathologies. Cependant, leur caractère brutal, l’insuffisance et/ou le manque de suivi prénatale, le retard et/ou l’absence de diagnostic, l’insuffisance ou l’absence de produits de réanimations (sang et produits dérives) confèrent aux métrorragies du troisième trimestre toute leur gravité. L’urgence est d’abord d’apprécier le saignement et son retentissement materno-fœtal; et de procéder à la stabilisation de l’état général avant de rechercher une étiologie. Ainsi, nous avons mené une étude descriptive transversale au Centre Hospitalier de NDIOUM dont les objectifs étaient :
o de définir le profil épidémiologique des patientes présentant une métrorragie du 3ème trimestre ;
o d’évaluer leur prise en charge ;
o d’évaluer leur pronostic maternel et fœtal.
GENERALITES
Définition
Les métrorragies du troisièmes trimestre de la grossesse correspondent à des saignements provenant de l’utérus de la 28ème semaine d’aménorrhée (SA) à l’accouchement. Elles peuvent survenir soit avant le travail soit pendant le travail et gardent alors toute leur gravité.
Intérêt
o Epidémiologie
Les métrorragies du troisième trimestre compliquent environ 5% des grossesses [2, 4, 5, 14, 15,26].Cette fréquence varie des pays développes où elle avoisine 1%; dans les pays en voie de développement elle est sensiblement plus élevée. Au Sénégal, l’incidence est de 5% des grossesses [19,36 ,49].
o Gravite
C’est une urgence obstétricale majeure responsable d’une mortalité élevée. Les métrorragies constituent la première cause de mortalité maternelle dans le monde [40]. Au Sénégal, elles représentent environ 40% de la mortalité maternelle [19, 36,37]. La mortalité périnatale est très élevée, elle varie d’une cause à l’autre, de l’ordre de 80 à 95% pour l’hématome retro placentaire et la rupture utérine [19, 20,21, 27].
o Pronostic
Le retard au diagnostic et à l’évacuation constitue un facteur de mauvais pronostic materno-fœtal. Au Sénégal, 62% des évacuations sont tardives, non médicalisés [8,30, 47]. Les étiologies sont dominées par l’hématome rétro-placentaire, le placenta prævia et la rupture utérine.
o Thérapeutique
Même si les thérapeutiques sont bien codifiées, et malgré l’augmentation des indications de césarienne sur l’amélioration globale du pronostic materno-fœtal, la prise en charge des hémorragies du troisièmes trimestre est pour beaucoup tributaire de la disponibilité du sang et de ses dérivés. Cependant, ces produits font souvent défaut, sans compter les risques liés à la transfusion (infection virales, choc) dont il ne faut pas négliger la fréquence [19].
Modifications physiologiques de la femme enceinte
Modifications cardiovasculaires et hémodynamiques chez la mère
La fréquence cardiaque maternelle augmente de 10 à 20% en moyenne et oscille entre 80-90 battements par minute. La plupart des travaux montre une diminution physiologique de la pression artérielle systolique et une baisse plus importante de la pression diastolique. Ces variations sont liées à plusieurs facteurs:
o diminution des résistances vasculaires périphérique permettant l’augmentation du débit cardiaque en relation avec l’augmentation de la volémie;
o création d’une circulation à basse résistance dans l’utérus gravide à partir du milieu de la gestation;
Le débit cardiaque maternel augmente durant les 10 premières semaines de 1,5 litre par minute, soit une augmentation environ de 25% pour atteindre 45 à 50% en fin de gestation. Apres la délivrance, ce débit augmente du fait de la rétraction utérine entrainant une autotransfusion et une surcharge hémodynamique. Il faut en tenir compte lors de l’instauration du traitement de l’état de choc.
Cette augmentation du débit cardiaque résulte de l’accélération cardiaque, l’accroissement de la fraction d’éjection du ventricule gauche et de la diminution des résistances vasculaires périphériques, conjugués à l’augmentation de la volémie. La chute du débit cardiaque observée chez les parturientes en décubitus dorsal à partir de la 28ème semaine d’aménorrhée (SA) est due à une compression de la veine cave inférieure. En fin de grossesse, la position de la femme influence le débit cardiaque. Chez toutes les femmes en décubitus dorsal, la veine cave et l’aorte sont comprimées, mais généralement une circulation collatérale qui passe par les veines para vertébrales et péridurales puis par le système azygos permet d’éviter le choc postural. La pression veineuse centrale n’est pas modifiée par la grossesse d’où une absence de variation des pressions de remplissage du ventricule droit. La pression veineuse centrale n’est cependant pas un reflet de la recharge du ventricule gauche.
Modifications de la volémie
L’inflation de la volémie débute au premier trimestre entre la 6ème et la 12ème semaine. Elle se majore rapidement pendant le deuxième trimestre puis lentement au cours du troisième pour culminer à 32 semaine d’aménorrhée (SA) avec une élévation totale de 1250ml, soit 40 à 50% de plus par rapport à la volémie antérieure à la grossesse. Cette augmentation contribue pour l’essentiel à l’accroissement du débit cardiaque. Le retour à des valeurs antérieures se fait 6 à 8 semaines après l’accouchement. Cette augmentation de la volémie permet à l’organisme maternel de tolérer les pertes considérées comme physiologiques jusqu’à 500ml lors d’un accouchement par voie basse, 1000ml pour une césarienne. Au moment de l’accouchement, les contractions permettent une autotransfusion d’environ 300 à 500ml de sang.
Le volume globulaire augmente moins que le volume plasmatique, ce qui explique la relative anémie de la grossesse; anémie qui est souvent majorée par une authentique carence martiale.
Modifications gravidiques de l’hémostase
L’organisme maternel se prépare à l’hémorragie physiologique d l’accouchement et tend vers une hypercoagulabilité. Au cours de la grossesse, tous les facteurs de la coagulation sont augmentés sauf les facteurs XI et XIII. Le taux de fibrinogène s’élève par augmentation de la synthèse à partir du deuxième trimestre pour atteindre à terme environ 4 à 6 g/l. Le taux se normalise 4 semaines après l’accouchement. Les taux de facteur VIII et de facteur Von Villebrand s’accroissent par augmentation de la production endothéliale ou placentaire. Les inhibiteurs comme l’antithrombine III sont stables ou chutent faiblement. La protéine C augmente d’environ 30% à partir du deuxième trimestre. La protéine S diminue et atteint son niveau le plus bas à partir du deuxième trimestre. Tous ces facteurs se normalisent quelques jours à une semaine après l’accouchement. Pour les plaquettes, certains mentionnent une légère thrombocytopenie, dont la fréquence est évaluée aux environs de 8%. Cette thrombopénie se corrige le plus souvent après l’accouchement. Les fonctions plaquettaires ne sont pas modifiées. L’activation tissulaire du plasminogène augmente, son inhibiteur spécifique augmente et un inhibiteur synthétisé par le placenta, le PAI2 (plasminogène activation-inhibitor 2), apparait.
Ce déséquilibre physiologique aboutit à une élévation progressive de marqueurs d’activation de la coagulation comme les D-dimères dont les valeurs moyennes, appréciées par la technique Elisa (enzyme-linked immunosorbent assai), sont de 362+/-157 mg/ml au premier trimestre, puis de 509+/-238 mg/ml au deuxième trimestre pour atteindre 953+/-262 mg/ml au dernier trimestre de la grossesse.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : LE POINT SUR LES METRORRAGIES DU TROISIEME TRIMESTRE DE LA GROSSESSE
1-GENERALITES
1-1-Définition
1-2-Intérêt
2-MODIFICATIONS PHYSIOLOGIQUES DE LA FEMME ENCEINTE
2-1- Modifications hémodynamiques et cardiovasculaires chez la mère
2-2- Modifications de la volémie
2-3- Modifications gravidiques de l’hémostase
3-DIAGNOSTIC DES METORRAGIES DU TROISIEME TRIMESTRE
3-1-Diagnostic positif
3-1-1 Circonstances de découverte
3-1-2 Examen clinique
3-1-3 Examens paracliniques
3-2 Diagnostic différentiel
3-2-1 Autres hémorragies génitales
3-2-2 Urgences abdominales hémorragique
3-2-3 Hémorragies d’origine rénale
3-3 Diagnostic étiologique
3-3-1 Hématome rétro placentaire
3-3-2 Placenta prævia
3-3-3 Rupture utérine
4-PRISE EN CHARGE
4-1Buts du traitement
4-2 Moyens du traitement
4-3 Indications
5-PRONOSTIC
5-1 Mortalité
5-2 Morbidité
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
1-MATERIEL ET METHODE
1-1-Cadre d’étude
1-2-Type d’étude
1-3-Echantillonnage
1-4- Critères d’inclusion
1-5- Critères de non-inclusion
1-6- Variables étudiées
1-7- Collectes et analyses des données
2- RESULTATS DE L’ETUDE
2-1- Fréquence
2-2 Résultats descriptifs
2-2-1-Caractéristiques socio-démographiques
2-2-2-Données cliniques
2-2-3 Aspects pronostiques
3- DISCUSSION
3-1 Fréquence
3-2 Aspects épidémiologique et socio-démographiques
3-3 Données cliniques
3-4 Prise en charge thérapeutique
3-5 Aspects pronostiques
CONCLUSION
REFERENCES
ANNEXES