Véritable courroie de transmission des forces intra et inter-arcades, le point de contact inter-dentaire (PCI) joue un rôle prépondérant dans la dentition temporaire comme dans celle définitive. Il constitue est un élément incontournable des relations entre les dents et entre la dent et son tissu de soutien, le parodonte dont il représente un facteur important pour le maintien de l’intégrité tissulaire [11]. En effet, la surface continue formée par les faces occlusales contiguës des dents, offre une protection remarquable des tissus mous de l’espace inter proximal. La papille gingivale remplit elle-même un rôle protecteur vis-à-vis des tissus plus profonds (cément, ligament alvéolodentaire, os alvéolaire). La disparition du contact, en favorisant la lésion de cette papille entraîne une parodontite locale.
Les points de contact assurent aussi la répartition des forces de mastication et représentent un facteur important de la stabilité longitudinale de l’arcade. En dehors des positions d’occlusion, des auteurs comme Kasahara [33] ont suggéré qu’il n’existe pas de contact inter-dentaire à proprement parler, mais plutôt des espaces allant de 3 à 21 μm et même inférieurs à environ 1,3 μm d’après Boice [6]. Ces mesures représentent des épaisseurs de cales passant sans aucune résistance entre deux dents voisines situées sur une même arcade. D’autres auteurs [54] ont même montré que les espaces inter-dentaires sont plus étroits à la mandibule qu’au maxillaire, toujours au repos. Les contacts inter-dentaires semblent aussi dépendre de la posture, leur force augmentant quand l’individu passe de la position allongée à la position debout [35]. Ils dépendent également du moment de la journée où ils sont évalués, leur force atteignant leur maximum à midi [20]. Cet aperçu de la complexité et de la variabilité du point de contact inter-dentaire nous amène au quotidien, soit à nous inquiéter du respect de son intégrité, soit à nous attacher à sa reconstitution la plus fidèle à son anatomie initiale. Nombre de pathologies mettent en péril ce point de contact inter-dentaire, de la carie à la maladie parodontale, ou bien encore certaines parafonctions à type de bruxisme. Le facteur principal de ces pathologies dentaires, carieuses ou parodontales, est la plaque bactérienne. L’espace interdentaire, zone idéale d’accumulation de micro organismes, en est le site préférentiel. Lors d’une restauration proximale, il est primordial de posséder de bonnes connaissances anatomiques et biologiques de cette région complexe. Toute intervention thérapeutique doit prendre en considération la relation étroite qui existe entre dentisterie restauratrice et parodontie.
ANATOMIE
Le point de contact interdentaire ou PCI peut être défini comme étant l’intersection des surfaces distinctes de deux dents voisines sur une même arcade dentaire [27]. Ces dents voisines sur une même arcade se touchant par la portion coronaire de leurs faces proximales (dans des conditions non pathologiques), c’est à l’anatomie de ces faces qu’il faut s’intéresser.
POINT DE CONTACT INTERDENTAIRE
Pour mieux réussir sa reconstitution, il est nécessaire de connaitre l’anatomie du PCI, sa situation, ainsi que celle des espaces et structures qui l’entourent.
Quand on examine un PCI vestibulairement ou lingualement ( ou palatinement) à l’aide d’un miroir, on peut voir une faible zone de contact entre deux sphères, les surfaces proximales étant convexes. Selon Black [5], il peut être assimiler à un point, mais il s’agit le plus souvent d’une surface en fonction de la forme des dents et de l’âge du patient. Ce contact punctiforme au début, évolue petit à petit vers une conformation surfacique et présente la limite incisale de l’embrasure gingivale et délimite apicalement l’embrasure occlusale. Marmasse [48] indique que chez le sujet jeune dont les faces occlusales ne présentent pas d’usure, le point de contact est situé au niveau du tiers vestibulaire dans le sens vestibulo-lingual et au tiers occlusal dans le sens occluso-cervicale, y compris la hauteur des cuspides .
La situation du PCI varie suivant plusieurs paramètres que sont les dents et le sujet en lui même. L’ensemble des points de contact d’une même arcade forme une ligne idéale de nature hyperbolique, et cette ligne est pour ainsi dire parallèle à la ligne d’occlusion .
La forme proximale de la dent ne suit pas la même tendance quasi exclusivement convexe que les faces vestibulaires et palatines (ou linguales) et dévoile les profils concaves, nécessaires à l’établissement de la papille interdentaire et à la constitution des crêtes marginales. Le PCI est sensé se trouver à l’intersection de ces concavités.
● Bloc incisivo-canin
La zone de contact entre les incisives se situe très près du bord libre, et tend à s’en éloigner jusqu’à la face distale de la canine qui présente avec la première molaire un contact situé dans la portion occlusale du tiers coronaire moyen .
● Prémolaire et molaire
Le PCI se situe dans le tiers moyen des faces proximales au plan physiologique [40]. D’un point de vue général, les PCI postérieurs mandibulaires semblent toujours se situer sur la ligne reliant la pointe cuspidienne de la cuspide vestibulaire au point cervico-mésial ou cervico-distal .
Dans le sens apico-coronaire, plus le point de contact est coronaire plus la hauteur de la papille est importante, et inversement s’il est apicale. D’autre part la surface de cette zone de contact est variable selon les dents. Elle est plus importante dans le sens vestibulo-palatin ou lingual au niveau des molaires et prémolaires qu’au niveau des incisives, lorsque le contact est situé trop haut sur les faces occlusales, un espace peut être laissé vacant entre le sommet de la gencive et la zone de contact. Si les forces de contact entre deux dents adjacentes sont élevées, cela peut alors engendrer des compressions, des syndromes douloureux et aboutir à une situation inflammatoire .
ESPACE INTER-PROXIMAL
Deux dents voisines étant en contact, on appelle espace inter-proximal « ou zone inter-proximale » l’ensemble anatomique et fonctionnel constitué par les fossettes, et les crêtes marginales, les faces proximales, la surface de contact inter-dentaire, la papille gingivale et le septum alvéolaire. Milcent [49] indique que l’espace inter proximal constitue en quelque sorte un sous-organe dentaire .
FOSSETTE ET CRÊTE MARGINALE
La crête marginale présente deux versants, séparés par une arête marginale :
❖ L’un occlusal se termine dans la fossette marginale
❖ L’autre proximal est limité par la surface de contact Ils relient entre eux les cuspides vestibulaires et linguales des prémolaires et les cingulum des incisives et canines.
Pour les dents antérieures il s’agit d’une élévation linéaire sur les faces palatines ou linguales qui limitent en mésial et en distal et relient les bords proximaux au cingulum. Pour les dents cuspidées, elles relient les cuspides vestibulaires aux cuspides linguales (ou palatines). Lautrou [40] indique que les crêtes marginales adjacentes présentent un développement identique en hauteur et en volume. Elles déterminent par leur juxtaposition une surface marginale en forme grossièrement losangique dans l’alignement de la gouttière mésio-distale. Les crêtes marginales occupent une position progressivement plus occlusale dans le sens mésio-distal à cause de la réduction de l’acuité cuspidienne. Il peut ainsi disparaitre soit physiologiquement, soit par modification, ou par manque de reconstitution des crêtes marginales, et entrainer alors un phénomène de bourrage alimentaire [3]. Les crêtes sont des poutres de résistance, quant aux fossettes marginales, elles naissent de l’intersection du sillon principal mésio-distal avec la crête [1].
FACE PROXIMALE
Elle est convexe dans son ensemble bien que relativement plate, pourtant au niveau du collet elle représente une petite zone médiane concave (Figure 11). Cette concavité est l’espace inter-dentaire gingivale répondant à l’embrasure gingivale et limitée par ligne de transition virtuelle [1].
SURFACE DE CONTACT INTER-DENTAIRE
Elle est habituellement assimilée à un « point de contact » entre les convexités des deux faces proximales. La mobilité des dents durant la mastication (laxité ligamentaire) fait naître un frottement qui se transforme rapidement en une surface. Au fur et à mesure du vieillissement, cette surface de contact s’étend et peut présenter des espaces différents selon les dents. L’examen des arcades dentaires permet de constater que les surfaces de contact sont à peu près situées d’une part au niveau du tiers occlusal de la hauteur coronaire, et d’autre part au tiers vestibulaire dans le sens vestibulolingual.
PAPILLE GINGIVALE
Elle occupe l’espace inter-proximal chez le sujet jeune et le libère progressivement par rétraction chez le sujet âgé. Elle a une forme pyramidale avec quatre faces : une vestibulaire, une linguale, et deux proximales, et un sommet sur lequel au niveau des prémolaires et molaires elle est subdivisée en «deux papilles vestibulaire et linguale séparées par une dépression (le col inter-papillaire), elle-même plissée d’une crête médiane à direction bucco-linguale» [30].
La papille est une structure tissulaire de petite taille, fragile, faiblement vascularisée par un réseau artéro-veineux terminal, sa composante conjonctive occupe une grande partie de son volume, recouverte et protégée par le tissu épithélial, sa morphologie est déterminée en plus des dents adjacentes par la crête osseuse sous jacente, la structure anatomique de la papille explique sa fragilité. Il est important de souligner que sa présence ou sa réduction volumétrique dépend de l’anatomie du septum osseux qui la soutient .
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Table des matières
INTRODUCTION
I- RAPPELS ANATOMO-PHYSIOLOGIQUES
1.1 RAPPELS ANATOMIQUES
1.1.1 Point de contact interdentaire
1.1.2 Espace inter-proximal
1.1.2.1 Fossette et crête marginale
1.1.2.2 Face proximale
1.1.2.3 Surface de contact inter-dentaire
1.1.2.4 Papille gingivale
1.1.2.5 Septum alvéolaire
1.1.2.6 Espace interdentaire
1.2 RAPPELS PHYSIOLOGIQUES
1.2.1 Evolution du point de contact
1.2.2 Physiologie
1.2.2.1 Chez le patient jeune
1.2.2.2 Chez le patient âge
1.2.3 Rôles des points de contact
II – PATHOLOGIES DE L’ESPACE INTER-PROXIMAL ET PERTURBATION DU POINT DE CONTACT INTERDENTAIRE
2.1 PATHOLOGIE CARIEUSE
2.2 SYNDROME DU SEPTUM
2.3 PATHOLOGIE PARODONTALE
2.3.1 Destruction tissulaire
2.3.2 Apparence radiographique
2.3.3 Mobilités / migrations dentaires associées
2.4 MALPOSITIONS
2.4.1 Gressions
2.4.2 Rotation dentaire
2.4.3 Chevauchement dentaire
2.5 TRAUMATISMES OCCLUSAUX
2.6 EDENTEMENTS NON COMPENSES
2.7 PARAFONCTIONS ET DYSFONCTIONS
2.7.1 Pulsion et interposition linguale
2.7.2 Tics d’interposition
2.8 ANOMALIES SECONDAIRES ACQUISES
2.8.1 Fractures coronaires
2.8.2 Usures coronaires
2.9 FACTEURS IATROGENES
III – RECONSTITUTION DU POINT DE CONTACT INTER-DENTAIRE
3.1 TECHNIQUE DIRECTE
3.1.1 Choix du matériau d’obturation
3.1.2 Préparation de la cavité buccale
3.1.3 Protocole de réalisation de cavité proximale
3.1.3.1 Pose du champ opératoire
3.1.3.2 Exérèse des tissus pathologiques
3.1.3.3 Réalisation des limites de contour
3.1.3.4 Aides à la reconstitution des faces proximales
3.1.3.5 Mise en place et dépose de la matrice et des coins inter- dentaires
3.2 TECHNIQUE INDIRECTE
3.2.1 Indications
3.2.2 Avantages et inconvénients
3.2.3 Protocole opératoire
3.2.3.1 Prise d’empreinte
3.2.3.2 Pose de la prothèse
3.2.3.3 Inlays composites
3.2.3.4 Inlays/onlays/couronnes en céramique
3.2.3.5 Inlays/onlays/couronnes en or
3.2.3.6 Inlays/onlays/couronnes métalliques
3.3 CRITERES D’EVALUATION
3.3.1 Critères fonctionnels
3.3.1.1 Déflection du bol alimentaire
3.3.1.2 Hygiène inter-dentaire
3.3.2 Critères esthétiques
CONCLUSION