la naissance et les origines de Cheikh Ahmadou Bamba
Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké naquit en 1270 de l’Hégire correspondant à l’an 1853 de l’ère chrétienne. Il faut souligner qu’on ne s’accorde pas sur la date exacte de la naissance du Cheikh, car d’autres avancent comme date : 1272 de l’Hégire / 1855 de l’ère chrétienne. Après avoir consulté quelques ouvrages parlant de la date de naissance du Cheikh, nous donnons la date qu’avance Serigne Bassirou Mbacké dans son ouvrage qui est indiqué en haut. Pour ce qui est de sa généalogie, il est Muhammad fils de Muhammad fils d’Habib Allah (Mame Balla) fils de Muhammad Al- Khayr (Mame Maharam) fils d’Habib Allah (Mame Balla l’homonyme et grand-père du premier Mame Balla) fils de Muhammad AlKabir fils de Sa’id fils de ‘Usmân. Ces figures, qui furent des Toucouleur, leur grand père s’appela Al- Hadji Cheikh Mbacké, il vivait à « Fouta-Toro » dans une tribu qui s’appela âlu môdi nalla. Lorsque les membres de sa famille embarquèrent en direction des pays anglais, ce patriarche, Al- Hadji Cheikh Mbacké, quitta le Fouta pour aller à Diolof dans une bourgade qui s’appela « Nguénène ». Ses activités furent marquées par l’enseignement et la culture des champs. Devenant une source intarissable, il recevait des foules assoiffées du savoir qui vinrent se rassasier auprès de lui. Alors, de « Nguénène » que Habib Allah (Mame Balla le grand), l’un des petits fils d’Al- Hadji Cheikh Mbacké, s’exila pour venir s’installer à Nianguène près de Guébbal. Sa mission lui aussi dans ces territoires se limitait à l’enseignement et la culture des champs. Ayant de bonnes relations avec le roi de ces territoires, ce dernier lui donna en mariage sa propre fille qui s’appela Arame Niang. De cette union que naquit Muhammad Al- Khayr (Mame Mahram) vers 1111 de l’hégire qui mémorisa, plus tard, le Coran sous la férule de son père. Mais juste après sa mémorisation du Coran, son père, Habib Allah (Mame Balla le grand), décéda. Après le décès de son père, Muhammad Al- Khayr (Mame Mahram) décida de sortir pour approfondir ses connaissances. Alors, il quitta Djolof pour aller à Cayor chez un célèbre savant qui se nommait Mame Massamba Thiam dans son village, « Tabbi Lang ». Mame Mahram rencontra dans cette école quelqu’un qui s’appela Malamine Sarr. C’est par cette relation que la famille Mbacké s’implantera à Mbacké Baol. Durant son séjour chez le maître, Mame Massamba Thiam, Mame Maharam alliait l’apprentissage et le travail pour son maître au point qu’il se chargeait des dépenses de la concession. À la fin de ses études, Mame Maharam reçut les bénédictions de son maître en ces termes : « la baraka [bénédiction] va avec les Mbacké ». Après ses études, Mame Mahram revint à Djolof où il érigea son village, Mbacké SaNiangka. C’est ainsi qu’il épousa sa cousine, Awa Niang, ils ont eu un garçon : Ibrahima Awa Niang et deux filles : Astou Mbacké mère Ahmadou Asta Mbacké qui fonda Afé et Sokhna Mbacké, la grand-mère de Qâdî Madiakhaté Kala. Il a été raconté que cette dame enseignait le Coran avec son mari. Mame Maharam épousa également une femme qui s’appela Farimata Seck de cette union que naquirent Ahmadou Farimata et Thierno Farimata (Thierno Farimata est le père de Maty Diossy Mbacké, mère d’Ousmane Sy, père de Cheikh al-Hajj Mâlick Sy). Il épousa une femme qui s’appela Sokhna Bousso, mère d’Ahmadou Sokhna Bousso et Saër Sokhna Bousso. En effet, Ahmadou Sokhna Bousso est le grand-père de Mame Diarra Bousso. C’est ainsi que Mame Maharam partit à « Mbayène Thiasdi » où il épousa une femme qui s’appela Sokhna Mbaye ; ils ont eu un garçon : Mame Abdou Sokhna Mbaye. Puis il épousa Sokhna Ndiaye mère de Seynabou Mbacké, il épousa Sokhna Aïcha Kane qui lui donna dix bouts de bois de Dieu. Mais ils sont tous décédés, sur la pointe des pieds, sauf un garçon : Habib Allâ (Mame Balla le petit64). Ainsi, Mame Maharam épousa Khadi Diop, la mère de Cheikh Ahmad Khadi. La famille de Maharam s’est installée à Mbacké Baol « il est important de rappeler à ce niveau que l’établissement de la famille de Maharam à Mbacké Bawol est dû au conflit consécutif au meurtre du marabout Malamine Sarr. En effet, cet ancien condisciple de Maharam avait ouvert une grande école après sa sortie de ce centre de formation pour diffuser les connaissances religieuses ; le nombre de ses disciples qui augmentait de plus en plus ne manquait pas d’inquiéter le Damel Amary Ngoné qui sentait son prestige menacé qui supposait que cette influence pourrait tourner à la subversion de son pouvoir. Ainsi, il n’y avait aucune autre solution aux yeux du Damel que de mettre fin à la vie de ce maitre ou de l’exiler. C’est ce qu’il décida de le faire en chargeant Fara Kaba, Massamba Fabé, la mission d’aller assassiner ce marabout. Le missionnaire se déguisa à un disciple afin de mieux parvenir à ses fins. Au bout d’une année le Fara Kaba passa à l’acte en assassinant le célèbre précepteur. Aussitôt après les faits, le meurtrier rejoignit le Damel à Lambaye pour l’informer de son acte ; et celui-ci pour le stipendier, le nomma gouverneur de Kaba ». À cause de cet évènement tragique, les marabouts décidèrent de livrer une bataille contre le Roi. Appelé à y prendre part, Maharam refusa, et son refus se justifie par le fait que cette guerre ne devait pas avoir lieu, selon son propre jugement. Ainsi, les marabouts rencontrèrent le roi, mais ce dernier leur écrasa ; une partie de des marabouts tuée l’autre partie captivée. Vu ses relations avec Malamine Sarr66 qui datent depuis leur séjour chez le maitre, Massamba Thiam, Mame Maharam décida d’aller, après un an de la guerre, présenter ses condoléances auprès de la famille de Malamine Sarr. Ce fut « en 1194/1780, un an après cet évènement déjà résolu et révolu, Maharam prit la décision d’aller présenter ses condoléances à la famille de Malamine Sarr. Il eut, à cette occasion, une audience avec le Damel Amary Ngoné qui lui réserva un accueil très chaleureux et lui demanda ensuite l’objet de sa visite. Maharam lui fit savoir que sa tournée avait deux visées :
– présenter ses condoléance à la famille de Malamine Sarr ;
– obtenir la libération des marabouts incarcérés ou assujettis.
« Le Damel lui remercie de cette initiative et envoya auprès des Kangam pour leur demander de relaxer immédiatement les marabouts prisonniers. C’est ainsi que ces derniers ont recouvré leur liberté. Pour récompenser son combat en faveur de la paix, le Damel lui proposa un village dans le Bawol (ce sera Mbacké Bawol). Très attaché à sa terre natale, Maharam, qui ne voulait pas vivre ailleurs qu’au Jolof, donna ordre à son fils ainé, Ahmad Farimata de s’y établir ».
La formation morale et scientifique de Cheikh Ahmadou Bamba
En effet, le père du Cheikh, Mame Mor Anta Saly, vivait ainsi à Mbacké Baol, village fondé par son grand père Maharam. Cheikh Ahmadou Bamba aussi y était. Mais plus tard Mame Mor quitta Mbacké pour aller s’installer à Ndia Kane, une localité près de Mbacké, chez son oncle maternel. Pendant ce temps, le Cheikh était jeune, une personne auréolée de toutes les vertus et qualités. Il y eut des signes avant-coureurs qui prédisaient le grand personnage qu’il sera plus tard. Sa sainte et pieuse mère, Mame Diarra, a beaucoup participé à l’éducation de sa progéniture. Elle prodiguait des enseignements et des orientations basés sur l’Islam à ses enfants qui n’atteignaient même pas l’âge adulte. Cheikh Ahmadou Bamba a appris beaucoup d’elle alors qu’il n’allât pas encore à l’école. À ce propos, Serigne Bassirou Mbacké raconte ceci « Elle80 éduquait ses enfants de manière à développer en eux la bienveillance, le sentiment religieux et la pureté morale. Souvent elle leur racontait les histoires des pieuses gens afin de leur inciter à suivre leur exemple ». L’auteur nous dit comment Cheikh Ahmadou Bamba recevait ces bonnes paroles émanant de sa sainte mère : « Doué d’une intelligence étonnante et d’une nature pure, notre Cheikh écoutait attentivement ces histoires et les apprenait par cœur. En plus, il se mettait à imiter les saints hommes avant même qu’il n’atteignît l’âge de la maturité » A ce sens, cette anecdote relatée par l’auteur retient notre attention. Il dit : « Un parent digne de confiance m’a raconté qu’il [Ahmadou Bamba] avait entendu Diarra dire qu’il était dans les habitudes des pieuses gens de prier durant la nuit… Ayant appris cela, notre Cheikh se mit à prier dès que la nuit tombait, et sortit sur la place du village pour méditer dans l’obscurité de la nuit, comme le font les dévots ». Cheikh Ahmadou Bamba a ainsi grandi, dans un milieu où il se différencia des autres enfants. La fréquentation des lieux de culte, s’il n’était pas en train de d’apprendre ses leçons, était sa passion. De même, il n’aurait jamais commis une quelconque injustice à l’encontre d’autrui. Sa nourrice raconte que le Cheikh n’avait pas le comportement des enfants : il ne pleurait pas même quand la faim le troublait. Depuis le temps de son allaitement, il avait l’habitude, chaque fois qu’on l’amenait vers des endroits où des jeux ou pratiques prohibées par la loi religieuse avaient lieu, de montrer une répugnance et de s’emporter si violemment qu’on craignait qu’il n’en revint plus. Mais son comportement redevenait normal dès qu’il était éloigné de ces lieux. Cela se produisait si fréquemment que tout le monde le savait. Dixit Serigne Bassirou Mbacké. Ce jeune prodigieux, après son allaitement, n’aurait jamais couché avec sa mère dans un même lit ; il restait pendant de longues heures dans le lieu de prière. Il gardait son calme quelle qu’en soit la situation ; ni une querelle ni une dispute ne l’auraient jamais opposé à ses semblables. En se rendant compte de ce caractère exceptionnel, son père a pris les devants pour donner à son fils une bonne formation scientifique. Lorsque Cheikh Ahmadou Bamba se formait sous la direction de son père, celui-ci, bien qu’il fût un pédagogue chevronné et aguerri, dispensait ses cours tellement rapide que certains élèves n’arrivaient pas à comprendre la leçon tout de suite. Mais, Cheikh Ahmadou Bamba, qui comprenait immédiatement sa leçon se mettait à aider ses camarades. En effet, « Leur école était une des écoles les plus célèbres et les plus fréquentées. J’ai une fois entendu le Cheikh parler ainsi de son passage en cette école : « Personne dans cette école ne pouvait m’égaler dans mon effort d’acquérir la science, à l’exception d’un homme de Lappé, nommé Balla Mame Touré. En effet, cet homme était aussi intéressé à l’étude que moi. Mais j’étais plus scrupuleux que lui » Ainsi, selon Serigne Bassirou Mbacké, son père l’envoyait tantôt chez son grand père Serigne Mbacké Ndoumbé, frère de son grand-mère Mame Asta Walo, tantôt chez Serigne Mboussobé, son oncle maternel. L’histoire retient bien l’attitude de Maba Diakhou Ba pour ses services au profit de l’Islam. En cette étape du parcours de Cheikh Ahmadou Bamba, il serait une obligation d’évoquer ce grand personnage. À Jolof, Maba Diakhou Ba combattit les Ceddo et les souverains qui essuyèrent une défaite cinglante face à lui. Cependant, Maba sollicita tous les marabouts et savants à exiler vers le Saloum, où non seulement ils seront à l’abri des vengeances de leurs ennemis vaincus, mais aussi, selon ses intentions, ils pourront établir là-bas, à Saloum, un royaume de l’Islam. Ainsi, Maba alla consulter tous les chefs religieux y compris Habîb Allah (Mame Balla), grand père de Cheikh Ahmadou Bamba. « Par ailleurs, en conduisant les hommes vers le Saloum, Maba se rendit à Signy, localité située à l’extrémité du Saloum du côté du Baol et où vivaient avec sa famille Habîb Allah, le grand-père du Cheikh, âgé alors de près de quatre-vingt-dix ans, mais considéré et obéi par ses compatriotes. À cause de son âge, Habîb Allah s’excusa auprès de Maba qui voulait l’amener à Saloum où il avait auparavant mené son fils Muhammad, fils de Habîb Allah, le père de notre cheikh » Nous voulons ici signaler que ces évènements se déroulèrent à une période où Cheikh Ahmadou Bamba fut au début de sa formation scientifique. Serigne Bassirou Mbacké dit : « Notre Cheikh m’a appris que, pendant ce temps, il était au Jolof chez le grand exégète du Coran, Mbacké Ndoumbé, l’oncle maternel de sa mère auprès duquel le cheikh père88 l’avait envoyé lorsqu’il se fut installé à Ndia KANE, après avoir quitté Mbacké, son village natal ». Donc, aussitôt que Cheikh Ahmadou Bamba débuta ses humanités sous l’autorité de son père Mame Mor Anta Saly à Mbacké, celui-ci quitta Mbacké pour venir s’installer à Ndia KANE comme nous venons de le voir. Mais nous voulons nous arrêter, un peu, sur ce point pour montrer ce qu’il y a comme divergence entre nos deux auteurs principaux : Serigne Bassirou Mbacké et Serigne Mouhammadou Lamine Diop Dagana sur les premiers maîtres de Cheikh Ahmadou Bamba. En effet, Serigne Bassirou Mbacké soutient que le Cheikh fut, après avoir été initié à Ndia KANE par son père, confié en premier lieu à Serigne Mbacké Ndoumbé. Après la mort de ce dernier, il alla chez Serigne Mboussobé94 (Muhammad Bousso) comme il l’a bien expliqué dans la citation précédente.
L’avènement du Mouridisme.
Après la disparition de son père, Cheikh Ahmadou Bamba s’est, exclusivement, mis à se former par lui-même en ce qui concerne la mystique musulmane. Alors, il commença à chercher tous les ouvrages qui traitent cette discipline. À cet effet, Serigne Bassirou nous dit : « Entre temps, il réunit un grand nombre des ouvrages d’Al-Kounti et de son fils sur la voie kadirite – la première voie dont il utilisa le wird – et sur l’ensemble de la mystique, ainsi que les ouvrages des Shâdhilites leurs ahzâb, tels les livres de Ibn Abbâd, de Zarrȗk (1442- 1493) et de Ibn Ata Allâh (mort en 1309), ainsi que les livres des tijanites tels les « jawâhir al-ma’ânî » (les Perles des Sens), les « Rimâh » (les lances), le « jayche » (l’armée) et la « Bugya » (l’objet désiré), « tous sur les wird des tijanites et sur la mystique, à côté d’autres livres écrits par eux (les auteurs précédents) ou par d’autres, tels Al- Yadâli, Ibn Muttâli et leurs prédécesseurs parmi ceux qui formèrent la voie mystique, comme l’auteur du Kȗt (la nourriture), l’auteur du Madkhal (l’introduction), celui de l’Ihyâ (la revivification…) et d’autres ainsi que les traditions de Junayd (mort en 874) et des traditionnalistes cités dans la Risala (le Message) et de la Hilya (la Parure) ». Après avoir pénétré la science de la mystique, il continua à enseigner, mais cette foisci avec un nouveau système qui consista à haranguer les apprenants, les réciter l’histoire des élus et les affirmer qu’il est bon de suivre une éducation livresque, mais l’avantage sera avec ceux qui se mettront à imiter les hommes de Dieu. Il faisait allusion, ainsi, aux Soufis qu’il aimait d’autant plus qu’il aura effectué des périples chez les vivants de son époque tout comme auprès des mausolées des disparus. « C’est pendant ce temps qu’il commença à effectuer des voyages dans le Sénégal et en Mauritanie où il se rendait aux saints alors vivants ou morts auprès de qui il cherchait l’autorisation et la consécration. Il partit à Saint-Louis chez le marabout, As Kamara, (m 1889), disciple de Cheikh Sidiyy ; puis en Mauritanie chez la famille même de Cheikh Sidiya Baba, Cheikh Sidiya Baba (m 1924), successeur de Cheikh Sidiya, le reçut dans la Zawiya de Boutilimit. Il se perfectionnait ainsi en sciences religieuses et notamment en Soufisme auquel il accordait une grande importance. C’est ainsi qu’il put disposer d’un très grand nombre d’ouvrages traitant en particulier la mystique islamique ». Suite à cette pérégrination et cette quête assidue des rudiments du Tassawouf, il pensa à créer un nouvel ordre qui est le Mouridisme. Cette création eut lieu dans un contexte particulier marqué par une âpre rivalité entre les marabouts et les Ceddo. En effet, Cheikh Ahmadou Bamba voulait sauver l’Islam en lui redonnant son image réelle ; ce fut l’objectif principal de cette confrérie. « A l’âge de 30 ans, c’est-à-dire vers 1880 Cheikh Ahmadou Bamba fonda le Mouridisme à une époque particulièrement bouleversée de l’histoire du Sénégal, alors divisée entre les forces déclinantes du passé et celles montantes du colonialisme. À cette époque du 19ème siècle, l’Islam était discret pour ne pas dire inexistant au Sénégal. Dans une telle conjoncture, on devine aisément les difficultés que le fondateur du Mouridisme a dû rencontrer dans l’accomplissement de sa tâche ». Le Mouridisme commença le jour où Cheikh Ahmadou Bamba fit sa déclaration historique à Mbacké Cayor. Ce jour-là, la plupart des apprenants partirent et peu de personnes restèrent. Le Cheikh déclara ce qui suit : « Quiconque nous avait rejoint pour uniquement se faire instruire est libre de partir là où il puisse trouver sa satisfaction ; mais quiconque a les mêmes aspirations que nous, est invité à suivre notre chemin et à exécuter nos ordres ». Cette déclaration a été jalonnée par un ordre du prophète de conduire ses disciples vers la droiture. L’ordre est : « Donne à tes disciples une éducation spirituelle et ne leur donne plus une éducation livresque ». Alors, le Cheikh commença à dispenser un type d’enseignement inspiré des pratiques des Soufis. C’est ce que nous raconte Serigne Mouhamadou Lamine Diop : « Ahmadou Bamba ayant reçu l’ordre de promouvoir l’éducation spirituelle et obtenu l’approbation de ses disciples, leur faisait subir des exercices de mortifications telle la faim, les travaux fréquents, le dhikr fréquent consistant à la répétition de la formule « il n’y a point de Dieu que Dieu » et la déclamation de ses poèmes, le maintien de la propreté rituelle et l’isolement notamment se tenir à l’écart des femmes. Grace à ces pratiques, ils surpassèrent leurs semblables au point de pouvoir sacrifier biens et âmes pour complaire à Dieu». En réalité, à quoi consiste l’appel de Cheikh Ahmadou Bamba ? Autrement dit, c’est quoi le Mouridisme ? L’auteur susmentionné a tenté de nous édifier sur cette question en disant : « Il s’agit en fait de la sincérité qui constitue l’âme de toute l’œuvre religieuse et qui résulte de la connaissance gnostique et qui rend possible « l’arrivée » signifiant le dévouement total du serviteur à Dieu, dévouement s’attestant dans ses gestes, dans son repos, ses croyances, ses paroles, ses actes et ses états manifestes et cachés. Cette sincérité ne saurait être acquise grâce à l’enseignement. Car la tâche de l’enseignant se limite dans l’explication des textes. C’est ensuite au disciple de s’évertuer à vivre en conformité avec les connaissances transmises par l’enseignant». Loin de toute appartenance ethnique ou raciale, Cheikh Ahmadou Bamba choisit comme appellation mourid (celui qui aspire à accéder aux étapes les plus élevées de la piété) faisant allusion à ses adeptes, qui donne également naissance au mouvement du Mouridisme ou la Mourîdiyya pour désigner cette confrérie. En effet, nous allons tenter de décortiquer l’étymologie du terme (mourid) à partir de la question et la réponse de cet auteur. « Qui sont les adeptes d’une confrérie, d’une Tariqa, les mourides ? « On sait que ce mot (mourid, pluriel cas direct et indirect : mouridina) désigne, dans la mystique musulmane, l’aspirant ou postulant le novice ou disciple. C’est, dans la hiérarchie des confréries, le commençant ou « moubtadi ». Il y a, dans le contenu sémantique du mot mourid, une certaine idée de volition, la forme verbale arâda, d’où vient murid, signifie en effet : « vouloir, désirer quelque chose », la racine primaire (râda) signifiant seulement « demander quelque chose, ou chercher sa nourriture ». La confrérie mouride naquit alors qu’il existait d’autres confréries musulmanes très ancrées dans le continent africain. Bien qu’il soit le fondateur de la confrérie mouride, Cheikh Ahmadou Bamba a fait des études pratiques et pointues sur les anciennes confréries et sur leurs fondateurs. De même, ses grands-parents, tout comme lui, ont eu à pratiquer les Wird des autres Tariqa les plus connus à cette époque-là. Peu de temps après avoir créé cette nouvelle voie, Cheikh Ahmadou Bamba quitta Mbacké Cayor, le berceau du mouridisme, pour aller s’installer à Mbacké Baol, sa terre natale. En 1884, Cheikh Ahmadou Bamba arriva à Mbacké Baol, suivi d’environ cinq cents disciples, mais cette terre lui était très étroite, car les habitants furent habités par l’incompréhension face à l’influence de ce nouveau mouvement fondé par lui-même. Quant aux premiers disciples, ils ont subi toute sorte d’exactions. Le Cheikh les haranguait et, pour leur faire oublier cette souffrance, leur recommandait de prendre les compagnons du prophète comme exemples. La côte de popularité du Cheikh, en ce moment-là, fut à son paroxysme. Par conséquent, une grande affluence a été notée devant ses portes. Alors, l’administration coloniale suivit, de très près, la situation. Notre auteur, Fernand Dumont, soutient que le prosélytisme des premiers disciples avait deux aspects : religieux et social.
Les écrits de Cheikh Ahmadou Bamba dédiés au Prophète
Parmi les thèmes de la littérature arabe, ce qu’on appelle le Rişâ’ ou l’élégie funèbre en français. Les poètes arabes se sont distingués à employer l’oraison funèbre dans leurs poèmes. Il s’agit de d’évoquer les gloires et exploits de la personne morte ; notamment quand celle-ci est issue d’une tribu noble. Entre temps, avec la venue de l’Islam, le prophète, paix et salut sur Lui, fit l’objet d’énormément d’éloges de la part de célèbres poètes tels que Hassân ben şâbit, Ka’b ben Mâlik, ‘Abul-Lâhi ben Rawâha. Il faut souligner qu’à cette période-là, on ne parlait plus du Rişâ’, mais plutôt Madhu ou panégyrique en arabe. Cela aura, par la suite, inspiré les mystiques qui composèrent des milliers de vers à l’endroit du prophète. Après avoir acquis une connaissance étendue dans toutes les matières qui ont trait à la langue arabe de la part de ses éminents maîtres (de son père, de son grand père, de son oncle et d’autres à Saloum et à Patar), Cheikh Ahmadou Bamba aura laissé à la postérité un lègue précieux consistant à des écrits qui traitent la vie du prophète, notamment sur le plan moral. Sur ce, il se présente devant tous les poètes susmentionnés avec un titre particulier : (Khâdimur-Rasūl), le Serviteur du Prophète. Amar Samb nous dit : Dès l’abord, Cheikh Ahmadou Bamba a voulu prendre la succession de Hassân Tâbit (553-673) comme chantre du prophète Muhammad. Il l’avait souhaité comme le prouve le vers suivant : « Tu m’as donné un royaume où je gouverne en guide bienfaisant et où pour chanter le prophète, je deviens l’héritier de Hassân». Comme il l’a montré dans beaucoup de ses poèmes, Cheikh Ahmadou Bamba se considère, à travers ses écrits, comme un éducateur qui a comme mission d’orienter sa génération sur la voie de son Maître, le prophète, contrairement aux poètes qui vécurent avant lui. En effet, il dit : « À Toi ma langue, ainsi que mon cœur, je ne compose pas en devinette, à l’instar des poètes ». Inestimables, il serait fastidieux d’exhumer les différents poèmes de Cheikh Ahmadou Bamba en faveur de son Maître, le Prophète, paix et salut sur Lui. Mais, nous pouvons dire que la plupart des sujets principaux de ses belles productions tournent autour de la morale et du physique du Prophète : il parle des qualités et vertus du Prophète qui peuvent servir d’exemple pour la nation islamique, de sa création parfaite qui émerveille, notamment, ceux qui n’ont pas le privilège de le voir en vie. Parmi ses panégyriques les plus volumineux ceux qui suivent :
I Hadâ’iq el-Fadâ’il (vergers des faveurs) 356 vers181, pour des prières et invocations.
II Sa’âdât el-Murîdîn (les bonheurs des disciples) 425 vers182, pour des conseils moreaux mêlés de panégyriques sur le Prophète.
III Mafâtih el-Biśr (les clés de la joie) 407 vers183, pour évoquer les bénédictions du Prophète.
Pour ce qui est des panégyriques les plus célèbres, ceux qui suivent :
Muqaddamâtu-l amdâh (les prémices des éloges) 192 vers.
Midâdî (mon encre) 66 vers.
Mawâhibun- Nâfi’ (les dons du Profitable) 166 vers.
Mîmiya’ (un rime anonyme en « Mim ». 200 vers.
Djazbu-l qulūb (l’attirance des cœurs) 185 vers.
Il faut retenir que pendant la nuit de la naissance du Prophète, paix et salut sur lui, ces poèmes, susmentionnés, sont les mieux récités, comme cela se faisait depuis Cheikh Ahmadou Bamba.
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Table des matières
Introduction
PREMIERE PARTIE : La vie et l’œuvre de l’auteur : Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké
Chapitre 1 : Aperçu sur la vie de l’auteur : Cheikh Ahmadou Bamba
Section1 : la naissance et les origines de Cheikh Ahmadou Bamba
Section 2 : la formation morale et scientifique de Cheikh Ahmadou Bamba
Section 3 : l’avènement du Mouridisme
Chapitre 2 : les thématiques principales dans les écrits de Cheikh Ahmad Bamba
Section 1 : les écrits de Cheikh Ahmad Bamba consacrés au Coran
Section 2 : les écrits de Cheikh Ahmadou Bamba dédiés au Prophète
Section 3 : les écrits de Cheikh Ahmadou Bamba consacrés aux sciences religieuses
DEUXIEME PARTIE : Traduction et étude du poème, Ayyasa minni-l lâhu
Chapitre 1 : traduction et annotation du poème
Chapitre 2 : analyses et commentaires
Section 1 : Les passages du poème faisant allusion aux étapes du Sénégal
A/Diéwal
B/ Kokki
C/ Louga
D / Saint-Louis. (Ndar)
E / Dakar
Section 2 : Les passages du poème faisant allusion aux étapes de la route du Gabon
A/ Conakry
B/ Grand Bassam
C/ Bénin (Dahomey)
Section 3 : Les passages du poème faisant allusion aux étapes du Gabon
A/ Libreville
B/ Mayumba. (Wir-Wir)
C/ Lambaréné. (Chez les Galva)
Section 4 : Les vers et versets magnifiant les apports divins de son exil
A/ Les vers
B/ Les versets
Conclusion
Annexes
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