Le plan national d’éducation et de formation (PNEF)

Le plan national d’éducation et de formation (PNEF)

Le concept de diglossie

Le concept de diglossie fait l’objet d’une abondante littérature et alimente un large débat, surtout dans les pays de la créolité, en particulier dans les Antilles françaises. Avant le 19e siècle, les concepts de bilinguisme et de diglossie étaient utilisés indifféremment dans la littérature scientifique. En fait, le terme «diglossie » signifie bilinguisme en grec, c’est-à-dire l’usage ou la maîtrise de deux langues. Nynyoles (1976) rappelle qu’il faut faire la distinction entre le bilinguisme, pratique individuelle, et la diglossie qui est une situation sociale. Cette distinction est acceptée par d’autres chercheurs comme Mackey (1976, 1989) et Holmes (1992, p36), pour qui la diglossie correspond à un bilinguisme sociétal ou institutionnalisé (« describes societal or intitutionalized bililingualism »).L’un des premiers chercheurs à avoir proposé une définition du concept de diglossie est Ferguson, dans un article intitulé “Diglossia”, paru dans la revue Word en 1959. Pour ferguson, la diglossie référait essentiellement à la distribution fonctionnelle des variétés haute (H) et basse (B) d’une langue, entraînant ainsi l’inégalité statutaire des variétés de la même langue en usage dans une société. Du point de vue social, ferguson ne fait que signaler la distribution hiérarchique des dialectes d’une même langue au sein d’une société. Depuis, la conception fergusonienne du rapport entre les langues a fait l’objet de nombreuses critiques de la part de plusieurs chercheurs, sur un certain nombre de points tels que: la hiérarchisation des variantes en cause, la certitude de la parenté des langues, la faiblesse des exemples avancés pour illustrer la définition proposée (Labov, 1976; Fishman, 196$, 1972; Chaudenson, 1979).
Il faut donc convenir que le concept de diglossie ne se laisse pas définir facilement. Ferguson, selon Saint-Gennain (1928), a le mérite d’avoir identifié, dans son étude sur le créole haïtien, un certain nombre de variables sociolinguistiques ou critères qui permettent de le rendre opérationnel. Ils sont au nombre de neuf: 1) la fonction spécialisée des LH et LB à des situations spécifiques et non-interchangeables; 2) la considération, ou le statut perçu comme étant plus élevé de la LH; 3) l’héritage littéraire marquée de la LH en la quasi absence de codification de la LB; 4) le mode d’apprentissage formel de la LH versus l’acquisition informelle de la LB dans le foyer; 5) le peu d’effort de standardisation de la LB au niveau local; 6) la stabilité dans le temps du phénomène diglossique; 7) la complexité perçue de la grammaire de la LH par rapport au processus de simplification des structures grammaticales de la LB; 8) le lexique, surtout des termes familiers, départagé entre la LH et la LB; 9) la phonologie dénuée de rapports directs entre la LH et la LB. Cependant, Vaidman (1984) a remis en question le critère grammatical et le critère fonctionnel, de même que les modalités d’acquisition envisagées par Ferguson. Valdman soutient que le français et le créole haïtien sont deux langues distinctes, que la complémentarité fonctionnelle dans les domaines d’utilisation est inexistante et que, pour la minorité bilingue, les deux langues peuvent s’acquérir simultanément à la maison et pas nécessairement dans un contexte formel de scolarisation. D’autres chercheurs, tels que Déjean (1975, 1983) et Prudent (1999) ont souligné l’incapacité de ces critères à rendre compte de situations plus complexes, voire contradictoires, apparaissant dans une société donnée.
C’est dans ce même esprit que fishman (1968), compte tenu de la difficulté des  linguistes à différencier clairement les concepts de langue et de dialecte, a proposé  d’étendre le champ d’application du concept de diglossie au-delà des phénomènes dialectaux. Ce chercheur a proposé une redéfinition du concept en l’assimilant à la répartition de deux langues dans une société, répartition susceptible de se traduire  différemment selon le milieu envisagé. Chaudenson (1979), de son coté, pour enrichir la définition proposée par ferguson, tient compte des situations sociohistoriques et politiques différenciées qui sont à la base de l’émergence des parlers créoles. Il s’agit de situations où plusieurs langues ou variétés de langues européennes coexistent avec un créole ou une autre LB, alors qu’elles n’ont souvent aucun lien de parenté. Pour Chaudenson (1989b), la diglossie est tout simplement la coexistence inégalitaire de deux langues au sein d’une même communauté linguistique. Tout compte fait, selon de récentes recherches en microsociolinguistique, recherches portant sur la gestion de répertoires pluriels des membres de sociétés complexes, le concept de diglossie se définit comme un hyperonyme qui servirait à chapeauter un ensemble de situations caractérisées par une ressemblance de «famille ‘> aussi bien que par des différences mesurables sur plusieurs axes de variation (Ltidi, 1995).
D’un autre coté, les travaux portant sur la notion de bilinguisme dans les communautés créolophones ont démontré que la répartition des deux variétés d’une langue ne correspond pas nécessairement à des pôles sociaux (langue haute/élite — langue basse/masse populaire), mais qu’elle présente plutôt une gradation, une continuité des variétés en usage (Reinecke, 1988; Mackey, 1989; Chaudenson, 1979-1995; Prudent, 1999). Ce point de vue rappelle le modèle initial du continuum adopté par Bickerton (1973) qui, en décrivant la structure hiérarchique des langues dans une société, souligne que le continuum est constitué par l’ensemble des variétés d’une langue ou de plusieurs langues, apparentées ou non, mais attestées dans une communauté linguistique. Le continuum de Bickerton se décrit comme une échelle bipolaire, situant le basilecte du  peuple au pôle inférieur, le mésolecte en position médiane et l’acrolecte de l’élite au pôle supérieur. Pour d’autres chercheurs, comme Bernabé (1983), les degrés de cette échelle ne se limiteraient pas à trois niveaux, ce qui mettrait en lumière le caractère dynamique des modèles proposés. En effet, les situations diglossiques ne sont guère statiques. Tout comme l’environnement culturel, elles évoluent.
Ainsi depuis les travaux de ferguson, le concept de diglossie a subi un grand nombre de mutations. Plus près de nous, Rolmes (1992, p37), dans la lignée de Ferguson, le définit en ces termes
« The term diglossia is generalised to cover  any  situation where two tanguages are used
for djfferentfunctions in a speech commun  ftp,especially where one language is usedfor Hfunctions and the other for L functions. There is a division of labour between the langitages».
Aujourd’hui, malgré certains chercheurs comme Déjean (1979) et Laguerre, (1991) qui préfèrent le présenter comme un sous-produit d’un «conflit linguistique », le concept de diglossie, semble être balisé, stabilisé. La plupart des chercheurs admettent qu’il y a situation de diglossie quand, dans une même communauté, la répartition statutaire et fonctionnelle de deux langues est inégalitaire. Dans le cadre de cette étude, sur la base des travaux réalisés par plusieurs chercheurs en sociolinguistique, le concept de diglossie réfère à la distribution matérielle (statutaire, fonctionnelle) et immatérielle (idéologique, symbolique) inégalitaire des langues haute et basse, français et créole, en présence dans la société haïtienne.
Il faut toutefois comprendre que le concept de diglossie ne fonctionne pas toujours seul dans le champ social. Il s’accompagne généralement d’un ensemble d’attitudes, de représentations sociales qui lui confèrent une configuration particulière à l’intérieur d’un espace social.

Le concept d’idéologie diglossique (lB)

De quoi parle-t-on précisément quand on parle d’ID? Définir le concept d’ID est une entreprise délicate, puisque le concept d’idéologie est, en général, un terme dont la polysémie fait problème. Lorsqu’il se trouve associé au concept de diglossie, il est  encore plus difficile de le cerner.
Le concept d’idéologie est entré dans le vocabulaire français à la fin du 18e  siècle. Destutt de Tracy a été le premier à y recourir, pour nommer une nouvelle science qui aurait pour objet l’étude des idées, de leurs lois, de leur origine (Destutt de Tracy, 1970). Le concept a été longtemps affecté d’une connotation péjorative.Par la suite, ce concept a désigné tout système de représentations considéré comme une totalité plus ou moins cohérente. À la fin du 19e siècle, il a été récupéré par la philosophie marxiste pour désigner l’ensemble des idées, des croyances et des doctrines propres à une époque, à une société ou à une classe sociale. Pour sa part, Heller dans Éléments d’une sociolinguistique critique (2002, p.28) entend par idéologie… «Tout simplement les croyances que l’on apar rapport à un phénomène, des croyances sur sa nature, ses origines, sonfonctionnement, sa raison d’être, ses caractéristiques, son importance, et ainsi de suite».
Toutefois, c’est à Baechler (1976, p. 21, 34) que nous devons une définition plus complète du concept. Dans son ouvrage intitulé «Qu ‘est-ce que 1 ‘idéologie », il fait ressortir les enjeux de pouvoir et l’irrationalité que véhicule le concept. Pour lui, l’idéologie, ce sont des: «états de conscience liés à l’action politique, et principalement ceux qui se représentent sous laforme de mots et phrases. un discours lié à la politique […J. Et comme I ‘enjeu ultime de la politique est te pouvoir, I ‘idéologie est l’ensemble des représentations accompagnant les actions qui, dans une société donnée, visent la conquête ou la conservation dupouvoir. Au total, une idéologie est uneformation discursive polémique, grâce à laquelle une passion cherche à réaliser une valeur par / ‘exercice du pouvoir dans une société ».Le concept d’idéologie est donc un concept lourd de sens et chargé d’affect. Il fait référence à deux ordres d’états contradictoires : le matériel et l’immatériel. Peuvent s’y greffer, d’une part, les concepts de savoirs et d’intérêts, d’autre part, des concepts plus abstraits comme les concepts de valeurs, de croyances, d’affects, de présupposés, d’attitudes. De plus, considérant la multiplicité des ancrages théoriques qui servent à soutenir ce concept d’idéologie, il convient de reconnaître que les tentatives de définition avancées jusqu’ici n’ont pas su faire l’économie de l’examen du concept connexe de représentation. Ce dernier vient mettre en lumière la complexité de la nature physique et psychique de l’humain. Le concept d’idéologie, tout comme le concept de représentation,  s’élabore à partir d’un pôle matériel ou cognitif représenté par les connaissances
antérieures (Deford, 1985) et à partir d’un pôle affectif constitué de présupposés qui guident l’organisation des connaissances (Chouinard, 1999). L’interprétation qui découle de cette appréhension du réel sert à mouler et à renforcer la conscience individuelle et/ou collective. Dans les deux cas, il s’agit de phénomènes abstraits qui s’observent dans le discours à travers le langage ou dans la pratique, à travers des comportements que ces phénomènes guident ou génèrent dans des contextes spécifiques.
En fait, le concept d’idéologie est à la fois rigide et évolutif. Rigide, il l’est par l’enracinement des connaissances sur lesquelles il s’appuie. Évolutif, il le devient lorsqu’il se manifeste en contexte interactif. Dans ce dernier cas, il se caractérise par la spontanéité, la nouveauté, voire l’imprévisibilité qui entraîne des changements, des ajustements lents à des attitudes, des prises de position ou des comportements. Cependant, l’idéologie tend à conserver la lourde carapace qui lui permet, non pas de se modifier à la première contrainte, mais de tenter de réorganiser le réel, de le schématiser, voire de le déformer, de le distordre, selon les connotations susmentionnées, ou selon un contexte donné, de façon à mieux le cerner. Il s’ensuit qu’une idéologie ne peut être ni prouvée ni réfutée, car elle ne peut être ni vraie ni fausse. Elle ne peut être qu’efficace ou  inefficace, cohérente ou incohérente.Il est donc manifeste que la notion d’idéologie tout comme celle de diglossie, sous-entend que toute représentation entretient un rapport complexe, souvent dual et/ou bidirectionnel avec la réalité qui la suscite et la matérialise. Ainsi, toute lecture de la vie sociale est fonction de la position qu’occupe un individu dans une société, cest-à-dire de ses préjugés, de ses représentations ou, en terme bourdieusien, des ethos/habitus résultant de l’éducation reçue dans la famille ou à l’école, de son appartenance à une classe sociale déterminée, etc. Ce caractère tenace de l’idéologie porte à croire qu’elle est aux sociétés modernes ce que les mythes ont été aux sociétés traditionnelles (Dictionnaire encyclopédique de psychologie, 1980). Saint-Germain (1997, p.636) se situe dans une optique analogue:
« … comme toute problématique linguistique, ta situation d’Haïti est complexe. La situation historique et l’image mentale d’une personne éduquée comme étant celle qui peutparlerfrançaisfont en sorte qu‘on se retrouve dans une situation, chez les unilingues créolophones, de diglossie mentale ».Pour traduire la même réalité, Saint-Germain préfère à l’expression ID l’expression diglossie mentale, selon laquelle l’unilingue créolophone associe le fait de savoir parler français à être savant, ce qui sous-entend que la représentation inverse est possible. Ce type de représentation est également identifié par Nynoles (1976) qui envisage plutôt le concept d’ID comme un ensemble de croyances et d’attitudes tendant à maintenir la hiérarchie des langues en conflit. Cette définition met en relief l’aspect irrationnel du concept, malgré le caractère évolutif de la diglossie haïtienne. En fait, pour reprendre L’idée de Gumperz (1989), l’ID renvoie à une certaine conception de soi, à une certaine attitude basée sur des stéréotypes, des préjugés amenant à l’autodénigrement que s’infligent les dominés de la société (diglossique).
Dans le cadre de cette recherche, le concept d’ID réfère à: un système d’idées chargé d’affects et de valeurs variables qui structure la perception d’infériorité entretenue notamment, mais pas exclusivement, par l’unilingue créo]ophone haïtien. Il utilise ce système pour interpréter sa réalité sociale et parvenir ainsi à construire des discours qui se reflètent dans des comportements sociaux conformes aux idées caractéristiques de ce système.Cette conception de l’ID renvoie à une question qui se situe au coeur même de la sociolinguistique critique: comment sont vécues les inégalités sociales, c’est-à-dire comment la réalité sociale est perçue et interprétée au sein de groupes sociaux antagonistes qui cherchent à profiter d’un mode d’appréhension privilégié du réel? Pour répondre à la question, les outils de la sociolinguistique critique permettront d’examiner les pratiques d’enseignement afin de comprendre t 1) le fonctionnement de l’organisation sociale qu’est l’école; 2) le rôle que joue cette organisation dans la construction des catégories sociales; 3) sa participation à la production ou à la reproduction des inégalités sociales en Haïti.
Comme toute réalité sociale est une construction des acteurs d’un système, cette  étude retiendra, comme objet d’analyse, les liens entre les comportements, les idéologies et les intérêts (Heller, 2002) plutôt que des comportements objectivés comme les formes langagières. De tels liens peuvent être appréhendés à travers les pratiques linguistico pédagogiques qui restent liées, à la fois aux structures historico-sociales marquées par le colonialisme et au contexte immédiat basé sur l’interprétation qu’en font les acteurs euxmêmes. C’est dans ce sens que Heller (2002, p.1 3) analyse le discours de groupes linguistiques minoritaires«Les changements sociaux se ,nanfestent dans la vie quotidienne par des pratiques langagières complexes etfascinantes et par des discours fortement chargés sur te plan idéologique, politique et émotf puisqu ‘il s ‘agissait d’une ltttte de pouvoir sur une base identitaire. »Traquer, à la manière de l’espion, les manifestations et représentations de l’ID au sein de l’école haïtienne, se fera à partir d’un schéma interprétatif inspiré d’une approche sociolinguistique critique. Mais pour cela, il faudra comprendre comment, à travers l’histoire, une telle structure linguistique complexe s’est mise en place et comment l’ID colore les rapports au pouvoir, à l’identité et au statut social.

Repères historiques de la structure linguistique haïtienne

Saint-Germain (198$, p.3) décrit la situation linguistique en Haïti comme suit: « Le débat linguistique, en Haïti, n ‘est pas récent. Dès les débtits de la colonie, on retrouve une situation multilingue d’où ont émergé le créole et le français d ‘Haïti. De cette époque date aussi te partage linguistique enfonction de ta situation et du statut des locuteurs. »En effet, le colonialisme a pesé lourdement sur le processus qui a conduit à l’émergence de la réalité sociolinguistique haïtienne d’aujourd’hui. Haïti a été successivement occupée par les Espagnols (1492-début 1500), les Français (1500-1804) et les Américains (1915-1934). Cependant, c’est le système colonial français qui, à cause de sa durée et de sa puissance d’acculturation, a finalement provoqué le bouleversement le plus important du contexte linguistique de cette colonie appelée Saint-Domingue. En effet, déçus du peu de rendement de l’orpaillage, les colons français se sont tournés vers  la terre pour assouvir leur soif d’enrichissement rapide. Ne voulant pas s’astreindre au dur labeur qu’exige l’exploitation de la terre, ils ont recouru, dès les années 1500, à la main d’oeuvre d’esclaves arrachés de leur Afrique natale. Isolés tant par la couleur de leur peau que par l’inaccessibilité à la langue et à la culture du colon, ces esclaves africains ont mis à contribution leur mémoire pour reconstruire leur langue, leur culture et leurs habitus. Dans cette situation sociolinguistique complexe, a émergé un ensemble de  facteurs qui vont marquer la société haïtienne tels que l’identité sociolinguistique duale,le positionnement de la majorité démographique sur l’échiquier social, l’accès différencié  à la LH ou tout simplement leur négation face au pouvoir et au savoir dès l’époque de la  société coloniale.Il en résulte que l’école haïtienne, aujourd’hui encore, malgré les lois, malgré la Constitution de 1987, fait reposer l’accès au savoir sur le degré de maîtrise de la LH, le français. En ce sens l’apprentissage linguistique devient un espace où se construisent des enjeux de construction identitaire, de mobilité sociale, et de modalité d’exercice du pouvoir. Ainsi, les concepts d’identité, de statut social, de pouvoir et de violence symbolique que soulève ce contexte sociolinguistique contribuent, chacun à leur manière, au développement et à la perpétuation de l’ID dans l’espace scolaire haïtien. On comprend dès lors qu’il soit important d’examiner attentivement de tels concepts, afin de  savoir comment l’ID oeuvre pour colorer, influencer et même contribuer à structurer l’identité, le statut social et le rapport au pouvoir de membres de la société haïtienne.

Idéologie dïglossique (lB) et identité sociale

La notion d’identité, dans son essence même, fait référence aux ressemblances et aux différences socialement et culturellement pertinentes qui catégorisent les groupes sociaux. Pour Rummens (2004), ce sont ces ressemblances et ces différences qui sont au coeur de l’interaction sociale, des fondements de la quête du soi, de la formation des groupes et de la démarcation des frontières. Dans cette étude, la notion d’identité sociale est prise au sens de l’articulation entre le vécu individuel et le vécu collectif, d’interaction entre notre univers intérieur et le monde extérieur représenté par les autres, par la société et par les attentes liées aux normes et aux rôles sociaux.
Pour comprendre la complexité du processus de construction de l’identité sociale dans le contexte de cette étude, il faut remonter à la naissance même du pays haïtien. C’est qu’à Saint-Domingue, les structures sociales étaient fort rigides : d’un côté, il y avait le colon, unique bénéficiaire de la lucrative machine esclavagiste et de l’autre, les esclaves privés des droits les plus élémentaires’° et de leur identité linguistique, c’est-à dire du droit d’utiliser leur langue maternelle. Grâce aux travaux de Labov (1978, 1976,2006), on comprend mieux aujourd’hui la relation qui existait entre l’identité linguistique et l’identité sociale à Saint-Domingue. On saisit les fondements théoriques qui portent à
croire que l’identité se construit en donnant un sens à différentes pratiques de nature essentiellement circonstancielle et historique.À l’époque coloniale, la population servile évoluait dans un contexte de grande hétérogénéité linguistique et était forcément dépourvue d’un médium de communication commun. Afin d’assurer leur propre sécurité, les colons français appliquaient ce que Laguerre (1991) appelle la politique du ‘divide ut regnas ,t2, politique qui consistait à disperser les esclaves sur le territoire saint-dominguois, de façon à limiter la communication entre sujets parlant la même langue. La colonie de Saint-Domingue s’est alors retrouvée dans une situation de cainogÏossie, c’est-à-dire de mort lente mais inexorable des langues d’origine des esclaves’3. C’est ce qui a favorisé l’émergence d’une nouvelle langue, le créole, mélange de langues africaines et de français (Calvet,1974).

Guide du mémoire de fin d’études avec la catégorie Scolarisation diglossique et problématique linguistique en milieu diglossique

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Table des matières

PAGE DE PRÉSENTATION
I PAGE D’IDENTIFICATION DU JURY
DÉDICACES
SOMMAIRE
TABLE DES MATIÈRES
REMERCIEMENTS
INTRODUCTION
Chapitre I problématique
1. Contexte linguistique haïtien
1.1 La société haïtienne et la dynamique linguistique
1.2 L’école haïtienne et la dynamique linguistique
1.2.1 Les tentatives de réforme
1.2.2 La réforme Bernard
1.2.3 La Constitution de 1987
1.2.4 Le plan national d’éducation et de formation (PNEF)
1.3 L’école haïtienne et la dynamique pédagogique
1.4 Le problème central de la recherche
1.5 Buts et objectifs de la recherche
1.6 Les retombées de la recherche
1.7 Aperçu méthodologique
Chapitre II Le cadre conceptuel
2.1 Le concept de diglossie
2.1.1 Le concept d’idéologie diglossique
2.2 Repères historiques de la structure linguistique haïtienne
2.2.1 Idéologie diglossique (ID) et identité sociale
2.2.2 Idéologie diglossique (ID) et statut social
2.2.3 Idéologie diglossique (ID) et pouvoir
2.2.4 Idéologie diglossîque (ID) et violence symbolique
2.3 Scolarisation diglossique et problématique linguistique en milieu diglossique
2.3.1 Ecole et diglossique en Afrique et dans les Antilles
2.3.2 École haftienne et idéologie diglossique (ID)
2.4 Quelques repères théoriques du cadre méthodologique
Chapitre III La méthodologie
3.1 Rappel de la question de recherche
3.2 Caractéristîques de l’ethnographie
3.2.1 Une approche ethnographique critique
3.2.2 Le râle de la chercheure
3.3 Planification de la collecte des données
3.3.1 Le choix du site
3.3.2 Techniques de collecte des données
3.4 Mise en forme des données
3.4.1 Préparation des données
3.4.2 Analyse spontanée des données
3.4.3 Classification et catégorisation
3.5 La pertinence de cette recherche ethnographique
3.6 Quelques repères déontologiques
Chapitre IV Le site de recherche
4.1 Le contexte économique et socio-politique
4.2 Le site de recherche
4.2.1 Situation géographique
4.2.2 L’état des lieux
4.2.3 Type d’institution
4.2.4 La direction
4.2.5 Les enseignants
4.2.6 Les élèves
4.2.7 Relation des maîtres avec les élèves et la direction 95
Chapitre V L’analyse descriptive des données
5. Analyse des données
5.1 Une journée type au Bachelier
5.2 Pratiques et représentations linguistiques
5.2.1 La langue au Bachelier
5.2.2 La langue, source de pouvoïr
5.2.3 L’environnement soclo-scolaire au Bachelier
5.2.4 Les valeurs soutenant l’idéologie diglossique au Bachelier
5.3 Pratiques et représentations pédagogiques
5.3.1 La pédagogie, un supra-thème
5.3.2 La formation pédagogique du personnel enseignant
5.3.3 Une pédagogie axée sur la langue
5.3.4 Modalités de gestion de classe au Bachelier
5.3.5 Processus de scolarisation au Bachelier
Chapitre VI L’interprétation des données
6. Analyse interprétative des supra-thèmes
6.1 Pratiques linguistiques et représentations sociales des langues
6.1.1 La direction et la problématique des langues
6.1.2 L’enseignante observée et les langues
6.1.3 Les enseignants du groupe de discussion et les langues
6.1.4 Le fait diglossique au Bachelier
6.1.5 Les fondements de la réussite et idéologie diglossique
6.2 Pratiques et représentations pédagogiques
6.2.1 Le Directeur et la pédagogie
6.2.2 Madeleine et la pédagogie
6.2.3 Les enseignants du groupe de discussion et la pédagogie
6.2.4 L’idéologie diglossique et la pédagogie
6.3 Analyse documentaire des manuels scolaires de FIS au Bachelier
6.3.1 Description succincte du matériel de français, langue seconde en troisième année fondamentale
6.3.2 Analyse du contenu des quatre manuels utilisés en FIS au Bachelier
Chapitre VII Conclusion
7.1 Rappel de la question de recherche
7.2 Rappel de la méthodologie
7.3 Pratiques et représentations linguistiques
7.3.1 Premier constat: la LH est source de pouvoir, marqueur de statut social et de l’identité
7.3.2 Deuxième constat: l’idéologie diglossique persiste dans les pratiques et représentations linguistiques
7.3.3 Troisième constat: les valeurs associées à l’idéologie diglossique au Bachelier
7.4 Pratiques et représentations pédagogiques
7.4.1 Premier constat: la pédagogie est axée sur la langue
7.4.2 Deuxième constat: violence symbolique et manipulations psychologiques imprègnent les pratiques et les représentations pédagogie
9 7.4.3 Troisième constat: l’idéologie diglossique apparaît dans les pratiques et représentations pédagogiques
7.5 Les principaux enjeux de l’idéologie diglossique
7.5.1 Enjeux de pouvoir
7.5.2 Enjeux identitaires
7.5.3 Enjeux de violence symbolique
224 7.5.4 Enjeux de statut social
7.6 La place du Bachelier dans la dynamique sociolinguistique haftienne
7.7 Les limites de la recherche
Bibliographie

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