Le placenta humain
Huit jours après la fécondation, le blastocyte a épuisé l’intégralité de ses réserves nutritives. Afin de parer à ce déficit, il met en place conjointement avec l’organisme maternel, à partir du trophectoderme, un organe transitoire : le placenta. Le placenta, considéré comme une annexe extra-embryonnaire caractéristique des Mammifères Supérieurs dits Euthériens (ou Mammifères Placentaires Vrais) est un organe autonome indispensable au développement du fœtus et au maintien de la grossesse . Bien plus qu’une simple barrière entre le fœtus et l’endomètre décidualisé, cet organe assure des fonctions essentielles à la croissance fœtale. Il régule les échanges fœtaux-maternels, intervient dans la synthèse et la sécrétion d’hormones, dans l’élimination des déchets fœtaux, mais aussi dans l’adaptation de l’organisme maternel, dans le mécanisme de parturition et même dans l’hématopoïèse. Le placenta possède également la capacité de s’adapter de manière progressive aux besoins métaboliques croissants du fœtus. C’est pourquoi la moindre altération placentaire présente une menace évidente sur le développement embryonnaire et le maintien de la grossesse.
Chez l’espèce humaine, il s’écoule environ 39 semaines entre la fécondation et l’accouchement. Ainsi, la grossesse se caractérise par trois périodes de trois mois communément nommées trimestres. Deux manières de calculer le terme d’une grossesse sont pratiquées, soit en semaines d’aménorrhée (SA), aménorrhée signifiant absence de menstruation, ou bien en semaines de grossesse (SG). La semaine d’aménorrhée est une unité de mesure obstétrique. Elle représente le nombre de semaines écoulées depuis le premier jour des dernières règles de la femme enceinte. Ainsi, l’utilisation de cette unité de mesure décale le temps de grossesse, celui-ci avoisinant les 41 semaines, l’écart de deux semaines correspondant donc à la période entre le dernier jour des dernières règles et la fécondation. En revanche, lorsque l’on s’exprime en semaine de grossesse ou semaine de développement, seules les semaines après la fécondation sont prises en compte .
Mise en place du placenta humain
La placentation humaine est de type hémomonochorial, c’est-à-dire qu’une seule couche de chorion sépare le sang fœtal du sang maternel (Tsatsaris et al. 2006 ; Boyd and Hamilton 1970). Elle est caractérisée par une invasion précoce et profonde du trophoblaste extravilleux dans la décidue ainsi que d’un remodelage des artères spiralées utérines. L’invasion trophoblastique est un processus physiologique finement régulé dans le temps et dans l’espace, elle débute dès la 3ème SA et perdure jusqu’à la 14ème SA, s’arrête au tiers supérieur du myomètre et est spécifiquement dirigée vers les artères utérines (Tsatsaris et al. 2006 ; Aplin et al. 1991). Ces caractéristiques sont propres au développement du placenta humain et des primates supérieurs, ce qui fait de cet organe un modèle de différenciation cellulaire unique dans le règne animal (Fournier and Tsatsaris 2008).
Phase préimplantatoire
La fécondation de l’ovule par le spermatozoïde au sein des trompes de Fallope a lieu 24 à 48 heures après l’ovulation. Le long de sa progression dans la trompe, le zygote humain se divise de manière asynchrone à des intervalles de plus en plus courts et sans augmentation de taille à l’intérieur de la zone pellucide . Il atteint la partie supérieure de la cavité utérine au 4ème jour post-fécondation, sous forme d’une morula compacte de 16 blastomères . Progressivement la corona radiata se dissocie du zygote, seule la zone pellucide persiste encore. Les divisions cellulaires mènent à la transformation de l’embryon par un phénomène de compaction en blastocyste . Les cellules de la surface externe se différencient alors en trophoblastes pour former le trophectoderme. Ces cellules donneront par la suite les structures extra-embryonnaires, dont le placenta. Quant à celles de la masse interne du blastocyste, elles donneront le bouton embryonnaire à l’origine de l’embryon. A partir du stade blastocyste, l’embryon va alors grossir et perdre sa zone pellucide, permettant alors le contact direct entre les trophoblastes du blastocyste et l’endomètre de l’utérus .
Phase implantatoire : La placentation
Le développement placentaire peut être divisé en trois stades à partir de la phase implantatoire: les stades prélacunaire, lacunaire et villeux.
Stade prélacunaire
Le 6ème jour après la fécondation est marqué par la phase d’apposition. Par l’intermédiaire des pinopodes ainsi que des microvillosités du trophectoderme, le blastocyte va s’accoler à la muqueuse utérine maternelle. Au niveau de la zone de contact, deux assises vont se différencier : une assise cellulaire interne issue du trophectoderme et constituée de cytotrophoblastes, et une assise cellulaire externe multinucléée qui va constituer le syncytiotrophoblaste (ST) . Ce dernier constitue l’unité endocrine placentaire, il sécrète de nombreuses hormones de grossesse notamment l’hCG (human Chorionic Gonadotropin). Hautement invasif à ce stade, il pénètre progressivement dans l’épithélium utérin et envahit l’endomètre, grâce à son activité protéolytique. Il permet ainsi l’ancrage, puis l’enfouissement complet du blastocyste (Aplin 1991). A partir de cette invasion, une brèche va se former, facilitant ainsi la nidation du blastocyte au sein de la muqueuse utérine.
Stade lacunaire
Vers le 8ème jour après la fécondation, des vacuoles apparaissent dans cette masse syncytiale formant progressivement des lacunes entre les travées syncytiales. Ces lacunes sont à l’origine de la création d’une cavité limitée par du syncytiotrophoblaste qui deviendra la chambre intervilleuse .
Stade villeux
Le stade villeux se met en place à partir du 13ème jour post-fécondation et se poursuit jusqu’à l’accouchement. Il correspond à la phase de développement des villosités placentaires et se distingue en deux périodes. La première s’étendant du 13ème jour post-fécondation à la fin du quatrième mois, il s’agit de la période d’élaboration placentaire caractérisée par la formation des villosités choriales. La seconde, quant à elle, se déroule du cinquième mois au terme et correspond à la période stationnaire (Mihu et al. 2009). Le placenta est alors formé et se développe par croissance du système vasculaire principalement .
Mise en place de la villosité placentaire
Formation des villosités primaires
Au 12ème jour, les cytotrophoblastes proliférant à partir de la masse cellulaire interne, vont s’insinuer dans les travées de syncytium formant ainsi des excroissances qui envahissent la paroi utérine. Ces excroissances forment les villosités choriales primaires et sont composées de cytotrophoblastes. Elles s’allongent en réponse à la prolifération des cytotrophoblastes en leur centre alors que débute leur arborisation. Sont alors formées les villosités flottantes, en périphérie, et les villosités crampons, conservant leur contact avec l’assise de trophoblastes à la base .
Formation des villosités secondaires
Quinze jours après la fécondation, le mésenchyme embryonnaire provenant de la plaque choriale basale pénètre dans le tronc de ces villosités primaires les transformant en villosités secondaires .
Formation des villosités tertiaires
Enfin, trois semaines après la fécondation, le mésoblaste extra-embryonnaire se différencie en tissu conjonctif et les capillaires fœtaux apparaissent dans l’axe mésenchymateux par un processus de vasculogenèse (Demir et al. 1989). La villosité choriale est recouverte de cytrophoblastes villeux (CTV) régénérant le feuillet épithélial externe des villosités, le ST. Ce dernier est en relation directe avec la circulation sanguine maternelle au sein des chambres intervilleuses formées à partir des lacunes trophoblastiques. Cette vascularisation caractérise la formation de la villosité tertiaire qui perdure jusqu’au terme. Dès lors, les diffusions des gaz, des éléments nutritifs, et des déchets se font au travers de quatre couches de tissus : l’endothélium capillaire des villosités placentaires, le tissu conjonctif lâche qui en occupe l’axe, le cytotrophoblaste, et le syncytiotrophoblaste. L’ensemble de ces éléments forme la barrière placentaire .
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Table des matières
INTRODUCTION
I. Le placenta humain
1.1 Mise en place du placenta humain
1.1.1. Phase préimplantatoire
1.1.2. Phase implantatoire : La placentation
1.1.1.1. Stade prélacunaire
1.1.1.2. Stade lacunaire
1.1.1.3. Stade villeux
1.2 Mise en place de la villosité placentaire
1.2.1. Formation des villosités primaires
1.2.2. Formation des villosités secondaires
1.2.3. Formation des villosités tertiaires
1.2.4. Villosités crampons et villosités flottantes
1.2.4.1. Différenciation trophoblastique
1.2.4.2. Cytotrophoblaste villeux
1.2.4.3. Cytrotrophoblaste extravilleux
1.3 Prolifération, invasion trophoblastique et remodelage des artères spiralées utérines
1.3.1. Prolifération et invasion trophoblastique
1.3.2. Les bouchons trophoblastiques et le remodelage des artères spiralées utérines
1.3.2.1. Remodelage indépendant de l’invasion trophoblastique
1.3.2.2. Remodelage vasculaire induit par des facteurs sécrétés par le trophoblaste extravilleux interstitiel
1.3.2.3. Remodelage induit par une interaction directe entre le trophoblaste extravilleux et les composants de la paroi artérielle
1.4 Pathologies de la grossesse liées à un défaut du développement placentaire
1.4.1. Le retard de croissance intra-utérin (RCIU)
1.4.2. La Pré-Eclampsie (PE) ou Toxémie Gravidique (TG)
1.4.3. Principaux marqueurs pronostics de la Pré-éclampsie connus à ce jour
1.4.3.1. Le récepteur soluble du VEGF, sFLt-1
1.4.3.2. Autre marqueur de dysfonction endothélial: l’endogline soluble
1.5 Le placenta murin
1.5.1. Les premières étapes du développement
1.5.2. La placentation
1.5.3. Comparaison entre les placentas murin et humain
1.5.4. Modèles murins de pathologies placentaires : cas de la PE
1.6 L’hématopoïèse placentaire
1.6.1. L’ontogenèse de l’hématopoïèse
1.6.1.1. Chez la souris
1.6.1.2. Chez l’humain
1.6.2. Le placenta
1.6.2.1. Chez la souris
1.6.2.2. Chez l’humain
1.6.3. Origines possibles des cellules souches hématopoïétiques
1.6.3.1. Hémangioblaste
1.6.3.2. L’endothélium hématogène
II. Les Prokinéticines
2.1 Les Prokinéticines et leurs récepteurs
2.1.1. Découverte des Prokinéticines
2.1.1.1. MIT-1 et Bv8
2.1.1.2. Les prokinéticines
2.1.1.3. L’EG-VEGF
2.1.2. Les gènes des prokinéticines
2.1.3. Les protéines des prokinéticines
2.1.4. Les récepteurs des prokinéticines
2.1.4.1. Les voies de signalisation des prokinéticines
2.1.4.2. Affinités des prokinéticines pour leurs récepteurs
2.1.4.3. Les rôles spécifiques des récepteurs aux prokinéticines
2.2 Régulations locales de l’expression des prokinéticines
2.2.1. Régulation par l’hypoxie
2.2.2. Régulation par les stéroïdes
2.2.3. Régulation par l’hCG
2.3 Expression de l’EG-VEGF/PROK1 et de ses récepteurs dans le placenta
2.3.1. Expression de l’EG-VEGF et de ses récepteurs dans le placenta humain
2.3.1.1. Le taux de l’EG-VEGF circulant au cours de la grossesse
2.3.1.2. Expression placentaire de l’EG-VEGF et de ses récepteur au cours du 1er trimestre de grossesse
2.3.1.3. Expression de l’EG-VEGF et de ses récepteurs au 3ème trimestre de grossesse
2.3.2. Expression de l’EG-VEGF et de ses récepteurs dans le placenta murin
2.4 Fonctions des prokinéticines
2.4.1. Prokinéticines et hématopoïèse
2.4.2. Le rôle de l’EG-VEGF dans le contrôle de l’invasion trophoblastique
2.4.3. Le rôle de l’EG-VEGF dans l’angiogenèse placentaire
III. Peroxisome Proliferator Activated Receptor γ (PPARγ)
3.1 Généralités sur les PPARγ
3.2 Structures des PPARs
3.3 Les ligands des PPARs
3.4 Patron d’expression des PPARs
3.5 PPARγ et le développement placentaire humain
3.5.1. PPARγ et l’invasion trophoblastique
3.5.2. PPARγ, la différenciation trophoblastique et la régulation hormonale
3.6 Modèles animaux de PPARγ
CONCLUSION