Le phosphore et le calcium dans l’alimentation des porcs

Le phosphore et le calcium dans l’alimentation des porcs

Revue des travaux antérieurs:

Le phosphore et le calcium dans l’alimentation des porcs:

Sources de phosphore et de calcium
Le P et le Ca sont les deux minéraux les plus abondants de l’organisme des animaux. Ils sont essentiels dans l’alimentation des porcs, de la naissance à l’abattage, pour leur assurer une croissance et une minéralisation osseuse adéquates. Ils sont d’autant plus importants chez les truies compte tenu de la forte demande en ces minéraux durant les cycles de gestation et de lactation qui se succèdent et qui affectent les réserves minérales (Underwood et Suttle, 2001). Ils peuvent se retrouver sous plusieurs formes dans les aliments, mais leur choix dans l’alimentation des porcs repose principalement sur leur coût en fonction de la quantité de P utilisable par l’animal (Kiarie et Nyachoti, 2010).

Les sources de P alimentaire sont principalement d’origine végétale, minérale, ou animale (ex. : farines de poisson, d’os, de volaille, de viande ou de sang). Dans les végétaux, le P est présent sous deux principales formes, soit la forme phytique qui est organique et constituée d’un inositol qui peut fixer jusqu’à 6 groupements phosphates, ou soit la forme non phytique qui est inorganique. Elles sont retrouvées dans différentes proportions par rapport au P total, la forme phytique étant prédominante dans les matières premières d’origine végétale couramment utilisées dans les formules alimentaires destinées aux porcs (50 à 80 % du P total; Pointillart, 1994). Le P d’origine minérale et animale est pour sa part sous forme non phytique. La proportion de ces deux formes, phytique et non phytique, influence l’absorption du P de l’aliment car seules les formes inorganiques solubles sont absorbables. Ainsi, pour être absorbés par l’animal, les groupements phosphates liés au P phytique nécessitent l’action de la phytase, une enzyme qui déphosphoryle les phytates pour en libérer les groupements phosphates (Jondreville et Dourmad, 2005). Contrairement aux ruminants, les porcs n’ont pas la capacité de digérer le P phytique efficacement puisqu’ils possèdent peu d’activité phytasique endogène (Pointillart, 1998). Le P phytique contenu dans les matières premières d’origine végétale représente donc une source de P utilisable par l’animal beaucoup moins importante dans l’alimentation des porcs comparativement aux sources d’origines animale ou inorganique (NRC, 2012), qui possèdent une disponibilité pouvant s’élever au-dessus de 50 % (Kiarie et Nyachoti, 2010).

Il est possible de retrouver le P dans la nature sous forme de phosphate rocheux à partir duquel est produit l’acide phosphorique, principale source des phosphates utilisés dans les fertilisants et dans les aliments (Crenshaw, 2001). Il peut également être retrouvé en complexe avec l’oxygène sous forme de phosphate (PO4), ou bien avec le Ca pour former des phosphates monocalciques, monobicalciques et bicalciques. Pour une meilleure digestibilité du P, sans tenir compte du facteur économique, il est recommandé d’utiliser du phosphate monocalcique au lieu du phosphate bicalcique (Jondreville et Dourmad, 2005) car il est plus soluble donc plus absorbable.

Utilisation du phosphore et du calcium par l’animal
Environ 96 à 99 % du Ca et 60 à 80 % du P corporel sont stockés dans les os, le reste circulant dans les fluides corporels, ou étant distribué dans les tissus mous dans le cas du P (Suttle, 2010). Les rôles des deux minéraux sont bien distincts à l’exception du métabolisme osseux où ils sont interdépendants, puisqu’ils forment les cristaux d’hydroxyapatite, base physique de l’os (Marieb, 2005).

Les fonctions non squelettiques du Ca, soit environ 1 % du Ca total, sont tout aussi importantes pour la survie de l’animal (Suttle, 2010). Le Ca joue entre autres un rôle de messager secondaire dans la signalisation cellulaire, en participant à de nombreuses fonctions métaboliques, telles que la transmission de l’influx nerveux, la contraction musculaire, la perméabilité et l’intégrité des membranes cellulaires, la coagulation sanguine, l’excitation et la sécrétion de glandes endocrines, etc. (Cromwell, 1996).

Flux de phosphore et de calcium:

Les sites d’absorption
Afin d’être absorbés puis aptes à être véhiculés du tractus gastro-intestinal vers le système circulatoire, le P et le Ca doivent être sous leur forme ionique (Jongbloed et al., 1999) après solubilisation (Pointillart, 1998). L’absorption des deux éléments se fait principalement dans la partie proximale du petit intestin, soit le duodénum et le jéjunum. Liu et al. (2000) auraient également montré qu’une absorption de P et de Ca serait possible au niveau du caecum et du colon, particulièrement lorsque les apports en P et en Ca sont faibles, alors qu’une plus récente étude aurait montré qu’il n’y aurait aucune absorption du Ca au niveau du gros intestin (González-Vega et al., 2014).

Les mécanismes d’absorption

Le Ca soluble est véhiculé via le petit intestin par transport actif, et peut également être transporté passivement par diffusion à travers la partie distale du petit intestin et du colon (Crenshaw, 2001). Le transport actif est davantage sollicité lors d’une carence en Ca (Veum, 2010) et se fait via des protéines spécifiques liant le Ca, qui transportent ce dernier à travers la paroi intestinale (Cromwell, 1996). Selon Kornegay (1985), seulement 30 à 60 % du Ca ingéré serait absorbé, et 85 à 95 % de la quantité absorbée serait retenue.

Les facteurs qui influencent l’absorption de P et de Ca
Tel que mentionné précédemment, les quantités de P et de Ca absorbées sont variables et dépendent de plusieurs facteurs. Elles ne dépassent généralement pas 60 % de l’ingéré, même lorsque les sources de P sont très disponibles ou encore lorsque de très fortes teneurs de phytase sont ajoutées aux aliments (Weremko et al., 1997). Il est ainsi important de bien connaître les facteurs modulant l’utilisation digestive de ces minéraux.

Apports et disponibilité

Compte tenu des régulations hormonales connues du métabolisme, le taux d’absorption dépend en premier lieu de l’apport en minéraux par rapport aux besoins (Jongbloed et al., 1999), et également des quantités de P et de Ca disponibles dans l’intestin. Par exemple, lorsque les quantités disponibles sont restreintes, leur absorption est généralement plus efficace (Cromwell, 1996). De plus, tel que mentionné précédemment, certaines formes de P et de Ca, organiques versus inorganiques, seront plus facilement absorbables par l’animal. Le pH intestinal est aussi important à considérer puisqu’il peut influencer la solubilité des minéraux. Il est effectivement connu que la solubilité du Ca est meilleure en condition acide, ce qui favorise son absorption, alors qu’à l’inverse, les conditions alcalines en diminuent l’absorption (McDowell, 1992).

b. Interactions
La présence de chélates naturels dans l’aliment, tels les phytates qui ont une forte affinité avec le Ca et d’autres cations, peut réduire l’absorption du Ca (Cromwell, 1996). La présence d’autres minéraux, tels le fer, l’aluminium ou le magnésium, peut également interférer avec l’absorption du P et du Ca. Le P et certains minéraux peuvent, par exemple, former des phosphates insolubles qui en réduisent l’absorption (McDowell, 1992).

Homéostasie
Avant d’amorcer cette section, il est important de revoir certaines notions de base au niveau du métabolisme osseux pour bien comprendre le rôle des hormones impliquées dans la régulation des concentrations de P et de Ca plasmatiques. La masse osseuse, réservoir de P et de Ca, est maintenue par un équilibre entre l’activité des ostéoblastes et des ostéoclastes (Takeda, 2003). Les ostéoblastes sont les cellules ostéogènes qui proviennent des cellules souches logées dans la plaque de croissance, le périoste ou l’endoste, alors que les ostéoclastes sont impliqués dans la résorption osseuse, et sont situés entre les espaces lacunaires des os .

Estimation des besoins de phosphore et de calcium chez le porc de 25 à 50 kg de poids vif.:

Les besoins de P et de Ca chez le porc en croissance varient selon le critère de performance considéré. Ainsi, certaines recommandations alimentaires ont pour objectif de maximiser la minéralisation osseuse (Jondreville et Dourmad, 2005) et d’autres les performances de croissance (NRC, 2012). Quoi qu’il en soit, les publications à l’origine de ces recommandations datent de plusieurs années. L’objectif de cette étude est de réévaluer l’impact de différents apports de P chez le porc en début de croissance.

Matériel et méthodes:

Essai préliminaire
Les teneurs en P et en Ca de l’aliment témoin ont été déterminées dans un essai préliminaire. Vingt-quatre porcelets logés individuellement (Large White x Landrace, 17,9 ± 2,0 kg) ont été attribués à un des quatre traitements alimentaires durant 28 jours où l’eau et l’aliment étaient servis à volonté. Les aliments ont été formulés suivant un dispositif factoriel 2 x 2 où le Ca (NRCCa et INRACa : 2,15 et 2,9 g Ca:P digestible respectivement) et le P digestible (NRCP et INRAP : 2,7 et 3,2 g/kg respectivement) étaient les facteurs principaux. Les niveaux utilisés correspondent respectivement aux recommandations du NRC (2012) et de Jondreville et Dourmad (2005). Après 21 jours, une collecte totale des urines et des fèces de 5 jours a été réalisée. Ensuite, les porcs ont été pesés et soumis à des mesures d’absorption biphotonique à rayons X (DXA; Prodigy, GE Healthcare, Madison, WI) pour estimer le contenu minéral osseux (CMO), et le P et le Ca corporels (LétourneauMontminy et al., 2015). Des analyses de variance ont été effectuées sur les variables étudiées avec les effets fixes de P, Ca et leur interaction (proc MIXED, SAS 9.4, SAS Inst. Inc. Cary, NC).

Impact de déséquilibres phosphocalciques sur les performances zootechniques et la minéralisation osseuse chez le porc en finition:

Le coût d’alimentation peut représenter jusqu’à 60 % des coûts de production d’un porc charcutier (Pomar et al., 2009). Bien que les méthodes d’estimation de la valeur nutritionnelle des aliments se soient grandement améliorées, une variabilité demeure quant aux valeurs attendues dans les aliments complets. Ceci entraîne l’utilisation de marges de sécurité parfois considérables, pour éviter des diminutions des performances de croissance, lesquelles augmentent les coûts d’alimentation. De plus, pour certains nutriments tels le phosphore (P), ces apports en excès ont des conséquences parfois graves pour l’environnement. L’alimentation de précision est une option intéressante pour réduire les coûts d’alimentation et les rejets de nutriments en permettant d’alimenter quotidiennement chaque porc du troupeau avec la quantité de nutriments dont il a besoin (Pomar et al., 2009). Cependant, pour une application efficace de cette nouvelle méthode d’alimentation, le besoin en P doit être précisément établi. Ceci est complexe compte tenu des multiples critères pouvant servir à définir le besoin (performance, os, excrétion), en plus des nombreux facteurs de variation de son utilisation (Létourneau-Montminy et al., 2014). Ainsi, des études sont nécessaires pour mieux comprendre le devenir du P alimentaire, mais également les facteurs modulant son utilisation par les porcs, notamment les apports de calcium (Ca) alimentaire. De plus, à tort ou à raison, les apports phosphocalciques étant fortement reliés à la minéralisation osseuse, ils ont souvent été associés à l’ostéochondrose, qualifiée à maintes reprises d’être la cause principale de la boiterie qui se retrouve fréquemment dans les élevages de porcs commerciaux (van Grevenhof et al., 2012). Différents déséquilibres phosphocalciques ont donc été créés dans cette expérience afin de faire ressortir les effets propres au P et au Ca et leurs interactions en termes de performances de croissance, de minéralisation osseuse, de rejets de P et d’ostéochondrose chez le porc en finition.

Conclusion et perspectives:

L’estimation la plus précise possible des besoins des animaux est un enjeu majeur en productions animales et les minéraux tels le P et le Ca n’en font pas exception. Plusieurs critères de réponses servent à évaluer le besoin, par exemple la maximisation de la minéralisation osseuse, l’optimisation des performances de croissance ou la minimisation des rejets de P. Par conséquent, déterminer les besoins sur la base d’un seul critère est compliqué, le P et le Ca influençant différemment chacun de ces critères. Il est d’autant plus ardu de faire une estimation précise des besoins lorsque l’on doit tenir compte de la grande variabilité qui existe entre les animaux et de leurs besoins qui varient dans le temps. L’objectif principal de la présente étude était donc d’évaluer l’effet de différents apports phosphocalciques sur ces différents critères de performance ainsi que sur l’ostéochondrose chez les porcs en croissance durant 3 phases de 28 jours chacune (25 50, 50-90 et 90-120 kg). Cette expérience constitue une première étape vers l’alimentation de précision en P et en Ca.

 

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Table des matières

Introduction 
CHAPITRE 1 Revue des travaux antérieurs 
1.1 Le phosphore et le calcium dans l’alimentation des porcs
1.1.1 Sources de phosphore et de calcium
1.1.2 Utilisation du phosphore et du calcium par l’animal
1.1.3 Flux de phosphore et de calcium
1.1.3.1 Les sites d’absorption
1.1.3.2 Les mécanismes d’absorption
1.1.3.3 Les facteurs qui influencent l’absorption de P et de Ca
1.1.4 Homéostasie
1.1.4.1 La régulation phosphocalcique
1.1.5 Apports alimentaires en phosphore et en calcium chez le porc
1.1.5.1 Besoins
1.1.5.2 Teneurs en phosphore et en calcium des matières premières
1.2 L’ostéochondrose
1.2.1 Définition
1.2.2 Période de susceptibilité
1.2.3 Les zones à risque
1.2.4 Facteurs qui prédisposent à l’ostéochondrose
1.2.4.1. Âge, croissance rapide et stratégies alimentaires
1.2.4.2. Déséquilibres phosphocalciques
1.2.4.3 Génétique et facteurs environnementaux
1.2.5 Méthodes de détection
1.2.5.1 Détection sur l’animal vivant
1.2.5.2. Détection après l’abattage
1.3 Liste des ouvrages cités
CHAPITRE 2 Estimation des besoins de phosphore et de calcium chez le porc de 25 à 50 kg de poids vif 
Résumé
Abstract
2.1 Introduction
2.2 Matériel et méthodes
2.2.1 Essai préliminaire
2.2.2 Essai principal
2.2.2.1. Aliments expérimentaux
2.2.2.2. Dispositif expérimental et mesures
2.3 Résultats et discussion
2.3.1 Essai préliminaire
2.3.2 Essai principal
2.4 Conclusions
2.5 Liste des ouvrages cités
2.6 Matériel complémentaire
CHAPITRE 3 Impact de déséquilibres phosphocalciques sur les performances zootechniques et la minéralisation osseuse chez le porc en finition 
Résumé
Abstract
3.1 Introduction
3.2 Matériel et méthodes
3.2.1 Animaux et dispositif expérimental
3.2.2 Aliments expérimentaux
3.2.3. Analyses de laboratoire
3.2.4. Analyses statistiques
3.3 Résultats
3.3.1 Phase 2
3.3.2 Phase 3
3.4 Discussion
3.5 Conclusions
3.6 Liste des ouvrages cités
Conclusion et perspective

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