Le phénomène d’endommagement laser

Les lasers de puissance occupent aujourd’hui une place privilégiée dans de nombreux domaines industriels, technologiques et scientifiques. Cet outil dit « sans contact », dont la résolution spatiale est de l’ordre de la longueur d’onde, permet une plus grande précision par rapport aux outils traditionnels. Durant ces vingt dernières années, les lasers de puissance ont considérablement amélioré les méthodes de travail de domaines aussi divers que l’industrie mécanique (découpe, soudure, micro-usinage, marquage, …), la médecine (ophtalmologie, dermatologie, chirurgie, …), la micro-électronique (photolithographie) et la recherche académique. Cependant, les lasers de puissance sont en constante évolution afin d’augmenter leur puissance d’émission, rendre les sources plus compactes et développer de nouvelles applications.

Un des freins à cet essor technologique est le problème d’endommagement des composants optiques des sources lasers. L’endommagement est le résultat d’une interaction laser-matière qui se traduit par une dégradation matérielle des optiques, entraînant une détérioration de leur(s) fonction(s) optique(s). Dès l’invention du laser, la communauté scientifique s’est appliquée à étudier l’endommagement laser afin de mieux comprendre l’origine du phénomène et d’améliorer la tenue au flux des matériaux, par une rétro-action sur les techniques d’élaboration, ou bien par un traitement post-fabrication. En outre, ces recherches ont été largement dynamisées par l’émergence des grands projets scientifiques que sont le Laser MégaJoule (LMJ) en France et le National Ignition Facility (NIF) aux États-Unis, tous deux destinés à étudier la fusion thermo-nucléaire par confinement inertiel.

L’endommagement laser des matériaux diélectriques en régime nanoseconde est en grande partie dû à la présence de centres précurseurs nanométriques sur lesquels s’initie l’endommagement [1, 2]. La grande difficulté de leur étude est due à leur faible taille associée à une faible densité, ce qui les rend difficilement détectables par les méthodes classiques de caractérisation optiques et physiques. Grâce aux nombreux travaux de thèse sur le domaine [3, 4, 5, 6, 7, 8], l’Institut Fresnel s’est doté d’outils expérimentaux et théoriques permettant de caractériser et de mieux comprendre l’origine du phénomène.

Le phénomène d’endommagement laser 

Les lasers de puissance et leurs applications

Les lasers continus

Laser à CO2
Le laser à CO2 émet dans l’infra-rouge, à 10,6 et 9,6 µm. Son milieu actif est constitué d’un mélange gazeux à basse pression composé de CO2 ,N2 et He. Le pompage est alors réalisé par décharge électrique. Ce type de laser fonctionne généralement en mode continu avec un rendement élevé (supérieur à 10 %), atteignant des puissances de l’ordre de 40 kW. La grande maîtrise de leur fonctionnement, et ses nombreuses applications, en font le laser de prédilection du milieu industriel pour le traitement de surface, la soudure (figure 1.1 (a)) et la découpe de métaux (figure 1.1 (b)), matières plastiques, verres et bois.

Il présente néanmoins certains inconvénients :
– un encombrement souvent important malgré les efforts des constructeurs ;
– un couplage faible du rayonnement avec les métaux ;
– l’impossibilité d’utiliser un mode de transport du faisceau par fibre optique ;
– la focalisation est limitée (grande longueur d’onde).

Notons que ce type de laser est actuellement utilisé pour tenter de « réparer » des endommagements laser en surface de composants en silice, par fusion / évaporation locale. Le principe de base consiste à faire fondre la partie endommagée par irradiation afin de faire disparaître les fractures induites par l’endommagement laser [11]. Le laser à CO2 peut également fonctionner en mode impulsionnel. Ses applications sont alors généralement militaires, mais il peut aussi être utilisé dans le secteur médical (dentisterie, dermatologie).

Diode laser
Les diodes lasers de puissance émettent dans un domaine de longueur d’onde compris entre 780 et 920 nm. Leur assemblage sous forme de barrette ou d’empilement ainsi que leur multiplexage par lentille ou fibre optique permettent aujourd’hui d’atteindre des densités de puissance de quelques dizaines de kW/cm2 , permettant d’effectuer de la découpe de matériau. Il existe plusieurs intérêts à utiliser ce type de source :
– d’un point de vue technique, ses longueurs d’onde d’émission sont mieux absorbées par les éléments métalliques que celles des lasers à CO2 ;
– ce sont des sources très économiques. Elles présentent un faible encombrement de la tête laser, une durée de vie importante et ont une maintenance limitée. De plus, Elles possèdent un très bon rendement qui limite les problèmes de refroidissement.

Les lasers impulsionnels

Laser Nd :YAG 

Le laser Nd :YAG (Yttrium Aluminium Garnet ) émet dans le proche infrarouge à 1064 nm  , le plus souvent en mode impulsionnel  . Le milieu actif est un barreau de grenat d’aluminium et d’yttrium (Y3Al5O12) dopé par des ions néodyme Nd3+. Le pompage optique est assuré par lampe flash ou diode laser. Ce laser peut fonctionner soit en mode déclenché, ou Q-switched, (impulsions : 1 à 700 ns) permettant de délivrer des puissances crêtes très élevées de l’ordre du gigaWatt, soit en mode relaxé (impulsions de 0,1 à 20 ms). Dans l’industrie, ce type de laser est très utilisé pour la découpe et le perçage.

Laser Excimère
Le laser excimère a un milieu actif gazeux. Il émet en mode impulsionnel dans l’ultraviolet entre 193 et 351 nm selon le mélange gazeux utilisé. Le milieu gazeux est composé d’un gaz rare (Ar, Xe, Kr) et d’un composé halogéné (F2 , HCl). Le pompage, électrique ou par faisceau d’électrons, va conduire à la formation de molécules excitées ArF (λ = 193 nm), KrF (λ = 248 nm), XeCl (λ = 308 nm), XeF (λ = 351 nm). Les énergies délivrées sont de l’ordre du Joule et les durées d’impulsions varient entre 10 et 150 ns pour une fréquence d’émission pouvant atteindre le kiloHertz. Le laser excimère présente de nombreux avantages. Grâce à une longueur d’onde courte, et à des effets thermiques limités, il permet de faire de la gravure avec une résolution spatiale sub-micronique.

L’énergie importante des photons (plusieurs eV) permet d’effectuer des traitements photo-chimiques. Ce type de laser est aussi très utilisé pour la chirurgie de l’œil. Le principal défaut de ces sources qui freine leur développement industriel est la présence de gaz toxiques dans les cavités laser, impliquant des précautions d’utilisation non négligeables.

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Table des matières

Introduction
1 Le phénomène d’endommagement laser
1.1 Introduction
1.2 Les lasers de puissance et leurs applications
1.2.1 Les lasers continus
1.2.2 Les lasers impulsionnels
1.2.3 Le Laser MégaJoule
1.3 Généralités sur les mécanismes de l’endommagement laser
1.3.1 Les défauts absorbants
1.3.2 Les défauts non absorbants
1.3.3 L’autofocalisation
1.3.4 Les effets du plasma
1.4 Conclusion
2 Les outils Expérimentaux
2.1 Introduction
2.2 Mesure de l’endommagement laser
2.3 Dispositif de mesure de tenue au flux laser
2.3.1 Montage expérimental
2.3.2 Caractérisation de la source laser
2.4 Le microscope photothermique
2.5 Conclusion
3 Les outils théoriques
3.1 Cas d’un matériau idéal
3.2 Modèle statistique de l’endommagement laser
3.2.1 Endommagement laser dans le volume
3.2.2 Endommagement laser en surface
3.2.3 Endommagement laser dans une couche mince
3.2.4 Effet de la taille du faisceau d’irradiation
3.3 Couplage entre théorie statistique et mécanisme d’initiation de l’endommagement laser
3.3.1 Propriétés thermiques et optiques des centres précurseurs
3.3.2 L’absorption d’une particule sphérique
3.3.3 Fluence critique
3.3.4 Distribution de taille des centres précurseurs
3.3.5 Probabilité d’endommagement laser
3.3.6 Influence des paramètres du modèle sur les courbes de probabilité d’endommagement théoriques
3.4 Conclusion
4 Initiation de l’endommagement laser dans le volume : Cas des cristaux de KH2PO4
4.1 Introduction
4.2 État de l’art sur le KDP à croissance rapide
4.2.1 Croissance du KDP
4.2.2 Identification des défauts présents dans le KDP
4.2.2.1 Les défauts macroscopiques
4.2.2.2 Les défauts sub-microscopiques
4.2.2.3 Les centres colorés
4.3 Etude de l’endommagement laser dans le KDP avec un faisceau très focalisé
4.3.1 Les échantillons
4.3.2 Mesures d’absorption par déflexion photothermique
4.3.3 Mesures de LIDT résolues spatialement
4.3.4 Effet de conditionnement laser
4.3.5 Conclusion partielle
4.4 Etude multi-échelle de l’endommagement laser dans le KDP
4.4.1 Contexte
4.4.2 Restriction d’une étude statistique « classique » de l’endommagement laser en faisceau très focalisé
4.4.3 Etude multi-échelle du KDP en mode 1-on-1
4.4.4 Vers une identification des différentes populations de centres précurseurs
4.4.5 Morphologie des endommagements
4.4.6 Etude multi-échelle du KDP en mode R-on-1
4.5 Conclusion
Conclusion

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