L’estime de soi
L’estime de soi est particulièrement importante et déterminante à l’adolescence, période où les individus sont appelés à se définir en tant que personne distincte et unique (Heinonen, Riiikkônen et Keltikangas-Jiirvinen, 2005; Biro, Striegel-Moore, Franko, Padgett et Bean, 2006). Heinonen, Riiikkônen et Keltikangas-Jiirvinen (2005) spécifient que l’adolescence est reconnue comme <<Une période critique en ce qui a trait au développement de l ‘estime de soi, car il s’agit d’une période remplie de nombreux défis, de changements et d’évènements multiples dans le développement» (p. 512). La définition de l’estime de soi utilisée à l’intérieur de ce mémoire est celle de Lemétayer et Kraemer (2005): « l’estime de soi est classiquement définie comme l’ensemble des attitudes et des sentiments plus ou moins favorables que l’individu éprouve à l’égard de luimême et qui l ‘orientent dans ses réactions comme dans ses conduites organisées » (p. 58). L’estime de soi est avant tout une question d’identité.
Ainsi, afin de bâtir son estime de soi, un adolescent doit prendre conscience de ses forces, de ses faiblesses, en fonction de son passé, de son vécu, de ses valeurs et de sa motivation (Cloutier, 2008). De ce fait, la perception que l’adolescent a de lui-même ainsi que les regards portés par autrui envers lui sont d’une grande importance dans l’émergence d’une bonne estime de soi. Selon Guillon et Crocq (2004), «une haute estime de soi est liée à une bonne intégration sociale, scolaire ou professionnelle » (p.31 ). Ils affirment, également, que « ceux qui ont une faible estime d’eux-mêmes sont affectés par l’échec, tandis que ceux qui ont une haute estime d’eux-mêmes tentent de dévaloriser la dimension sur laquelle ils ont échoué» (p.31). «L’estime de soi détermine donc la capacité que nous avons de croire en notre réussite, en nos compétences, et à nous adapter à de nouvelles situations, en facilitant ou en inhibant notre engagement dans certaines stratégies » (Guillon et Crocq, 2004, p. 31 ).
L’estime de soi selon Duclos, La porte et Ross
Dans leur livre L’estime de soi des adolescents, Duclos, Laporte et Ross (2002) se sont également attardés au phénomène de l’estime de soi chez une clientèle adolescente où ils évoquent l’ estime de soi comme dynamique, donc influencée par l’ environnement, par des facteurs internes et externes : Il s’agit d’une perception de soi, une image interne autoproj etée par les individus, présente dans toutes les aspects de la vie : « physique (apparence, habiletés, endurance); intellectuelle (capacités, mémoire, raisonnement); sociale (capacité de se faire des amis, charisme, sympathie); amour, travail, créativité [ … ] qu’une personne ayant une bonne image d’elle-même dans la majorité de ces aspects aura une bonne estime de soi générale et que 1′ inverse est également vrai [ … ] une personne ne peut s’aimer elle-même sans s’estimer, c’est-à-dire sans s’attribuer une valeur personnelle (qualités, forces, façon d’être, identité unique) [ … ] Chez un adolescent, l’autocritique et l’auto-jugement sont fort présents tant positivement que négativement. Il est facilement en mesure de s’auto-apprécier ou, au contraire, de s’auto-déprécier par le biais de la qualité de ses pensées, de ses monologues intérieurs qu’il alimente [ … ] L’adolescent est très influencé non seulement par ses propres évaluations sur ces compétences ou ses caractéristiques personnelles, mais aussi par celles des personnes significatives à ses yeux (p. 9-1 0).
L’entourage immédiat (parents, grands-parents, fratrie, am1s, etc.) prend une importance capitale dans la formation de l’estime de soi de l’enfant et celle-ci se perpétue à l’adolescence selon les expériences vécues au cours de l’enfance. «En fait, tout au long de sa vie, un individu verra son niveau d’estime de soi descendre, monter et descendre selon les évènements auxquels il aura à faire face et selon les regards que les gens poseront sur lui »(Duclos, Laporte et Ross, 2002).
L’adolescent doit être en mesure de se définir en tant qu’individu par le biais de ses relations amicales, sociales et amoureuses, il doit aussi apprendre à se détacher de son noyau familial (parents) afin de s’ouvrir sur le monde qui l’entoure. «L’individu doit apprendre à se connaître (ses qualités, ses forces, ses difficultés, ses vulnérabilités) avant de se reconnaître (estime de soi)» (Duclos, Laporte et Ross, 2002, p. 10). La thématique de l’estime de soi est d’autant plus importante à travailler chez une clientèle à risque telle que les adolescents en graves difficultés d’adaptation et d’apprentissage pour de nombreux motifs: il s’agit d’élèves présentant des problématiques multiples et diversifiés ; ils ont tendance à se déprécier; à être déprimés; et à développer une faible affirmation de soi. Duclos, Laporte et Ross (2002) soutiennent que l’affirmation de soi est la forme concrète de l’estime de soi. Il est plus facile à l’adolescent conscient de sa valeur personnelle (estime de soi) de s’affirmer en exprimant ses idées, ses opinions, ses besoins et désirs.
L’adolescent est capable de faire des choix personnels (autodétermination). Donc, en développant leur affirmation de soi, les élèves en difficulté pourraient tirer de nombreux bénéfices tant sur le plan individuel que social, et ce, tout au long de leur existence. Pour se faire, ils doivent tout d’abord «trouver leur place dans leur milieu scolaire et dans leur groupe d’amis et en venir à participer à la vie scolaire» (Duclos, Laporte et Ross, 2002, p. 56).
L’estime de soi vue par Lemétayer et Kraemer
À la suite de nombreuses études sur le phénomène de l’estime de soi en lien avec les apprentissages scolaires des adolescents, Lemétayer et Kraemer (2005) ont opté pour une approche comparative afin de déterminer si les élèves non déficients fréquentant une classe régulière avaient une meilleure estime d’eux-mêmes et une satisfaction de soi plus élevée que les élèves déficients intellectuels fréquentant une classe spécialisée, et ce, sur cinq domaines de l’estime de soi. Un échantillonnage de 60 adolescents, 30 déficients intellectuels et 30 non déficients a été sélectionné et un instrument de mesure, l’Échelle Toulousaine d’estime de Soi (ETES) a été administré aux sujets. Les résultats démontrent que les élèves déficients intellectuels provenant d’une classe spécialisée ont obtenu des scores supérieurs aux élèves non déficients sur le plan de l’estime de soi et de la satisfaction de soi. Cependant, le soi émotionnel, le soi social et le soi projectif des deux groupes ne témoignent pas de différences significatives, ce qui pourrait être explicable, selon les chercheurs, par le fait que peu importe le niveau intellectuel des participants, les adolescents passent par le même cheminement émotionnel durant cette période de vie et que la sociabilité est tout aussi importante pour tous ces élèves (Lemétayer et Kraemer, 2005).
En ce qui a trait à la comparaison des sexes, les résultats obtenus n’ont pu, de manière évidente, permettre d’affirmer que les garçons avaient une meilleure estime de soi que les filles sur l’aspect global, mais le soi physique est favorable aux garçons non déficients et le soi émotionnel, supérieur chez les garçons déficients. En conclusion, il semble que les classes spécialisées présentent des avantages pour la clientèle adolescente déficiente intellectuelle sur plusieurs aspects. Compte tenu des données amassées, Lemétayer et Kraemer (2005) énoncent l’importance d’analyser en profondeur l’estime de soi de chacun des domaines, plus spécifiquement les impacts d’une faible estime de soi «pour minimiser les risques de« surgénération »de ce constat d’échec, sur l’ensemble de l’estime de soi » (p.69).
Les autres études sur l’estime de soi Bandura, Barbaranelli, Vittorio-Caprara et Pastorelli (2001) soulignent le fait que l’estime de soi est un facteur déterminant dans le style de régulation de la motivation menant à poursuivre ou à abandonner des études supérieures. Ils ajoutent que le sentiment d’autoefficacité et d’autodétermination des adolescents sont des éléments essentiels dans le choix d’une profession et des aspirations professionnelles. L’estime de soi hausse la motivation, le niveau des buts et les efforts mis à l’atteinte des buts supérieurs (Heinonen, Riiikkônen et Keltikangas-Jiirvinen, 2005).
Dans la même lignée, Martinot (2001) s’intéresse à l’aspect multidimensionnel du concept de soi, plus spécifiquement la connaissance de soi et l’estime de soi relatifs à la réussite scolaire chez les adolescents. Selon les études, plus un élève a une bonne estime de lui-même, plus il est apte à poursuivre ses études et à être compétent non seulement en société mais au plan professionnel (Saint-Louis et Vigneault, 1984; Harter, 1990; Pintrich et Schrauben, 1992). «Il arrivera ainsi progressivement à un concept de lui-même plus stable et cohérent qui lui donnera un sentiment d’unité et de permanence dans le temps et lui permettra de se reconnaître comme individu» (Saint-Louis et Vigneault, 1984, p.27). Dans la même lignée, Shahar, Henrich, Blatt, Ryan et Little (2003) soulignent que la conception de soi ou« self-definition» est« essentielle à l’établissement d’une cohérence, d’une différenciation, une stabilité et une conscience de soi ( « sense of self») positive et réaliste» (p.470).
L’autodétennination et l’auto-efficacité selon Bandura «L’auto-efficacité personnelle perçue concerne la croyance de l’individu en sa capacité d’organiser et d’exécuter la ligne de conduite requise pour produire des résultats souhaités» (Bandura, 2007, p.l2). Cette définition de l’auto-efficacité dite «perçue» joue un rôle primordial dans le sentiment de compétence, dans la façon de percevoir le monde extérieur, de se développer efficacement.
En conséquence un individu se doit, pour se déployer de façon optimale, de croire en lui et de développer des aptitudes en ce sens. Il importe de bien comprendre que l’efficacité perçue n’est pas un ensemble d’aptitudes, mais bien une croyance en notre capacité à faire face à diverses situations, peut importe les dispositions. Dans le même ordre d’idée, Ayotte, Djandji, Asselin, Sylvestre, Hénault, Duclos et Provencher (2000) affirment que plus le sentiment d’auto-efficacité est présent chez un individu, plus celui-ci sera en mesure de« décoder l’information, à l’évaluer correctement, à faire des jugements rapides et confiants, à être souple et à être sensible aux stimuli et aux informations reliées à ce domaine » (p. 15). Bandura (2007) différencie le sentiment d’auto-efficacité et l’estime de soi de façon très distincte, le premier fait référence aux «évaluations par l’individu de ses aptitudes personnelles » tandis que le second se définie comme étant « les évaluations de sa valeur personnelle» (p.24).
Ainsi, un individu peut se considérer comme inefficace dans une activité mais efficace dans une autre et son estime de soi n’en sera pas nécessairement atteinte pour autant. Ce qui signifie que le sentiment d’auto-efficacité dépend de plusieurs facteurs : «les domaines d’activités; les niveaux de difficulté dans un même domaine et les circonstances» (Bandura, 2007, p. 24). Selon Bandura (2007) les buts fixés par les individus et leurs performances (motivation et autodétermination) se rattachent directement à l’auto-efficacité tandis que ces éléments ne sont pas affectés par l’estime de soi. Bandura (2007) abonde dans le même sens en ajoutant que « des programmes sociocognitifs qui cultivent les compétences permettant de contrôler les habitudes de santé suscitent un sentiment d’efficacité personnelle plus fort et des intentions plus fermes d’adopter des pratiques préventives [ … ] » (p.454). Par ailleurs, un individu voulant modifier des comportements négatifs doit non seulement y mettre l’énergie et les ardeurs nécessaires en se fixant des objectifs et des sous-objectifs réalistes, mais en se gratifiant pour le travail intense qui est fourni.
Il est prouvé qu’une personne qui s’engage activement dans son processus, s’encourage (s’applaudir, se complimenter) et qu’elle retire de la satisfaction dans l’atteinte des buts qu’elle s’est fixée aura davantage de chance de réussir que celle qui ne trouve pas ses propres sources de motivation.
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Table des matières
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
REMERCIEMENTS
INTRODUCTION
CHAPITRE I PROBLÉMATIQUE
CHAPITRE II RECENSION DES ÉCRITS
2.1 L’estime de soi
2.1.1 L’estime de soi selon Duclos, Laporte et Ross
2.1.2 L’estime de soi vue par Lemétayer et Kraemer
2.1.3 Les autres études sur l’estime de soi
2.2 L’autodétermination
2.2.1 La théorie de l’autodétermination de Ryan et Deci
2.2.2 L’autodétermination et l’auto-efficacité selon Bandura
2.3. La motivation
2.3.1 La motivation selon le modèle de Ryan et Deci
2.3.2 La motivation selon Gilman et Anderman
CHAPITRE III PROJET DE RECHERCHE
3.1 La réalité des adolescents en difficultés graves d’adaptation
3.1.1 L’adolescence
3.1.2 La définition des difficultés graves d’adaptation
3.1.4 Les facteurs de risque et de protection des difficultés graves d’adaptation
3.1.5 L’implantation d’un programme dans un milieu CFER- JDA
3.2 Le programme «Le sac à dos» et ses objectifs
3.2.1 L’historique du programme
3.2.2 L’évaluation du programme
3.2.3 Les résultats de l’étude d’impact
3.2.4 La description du programme
3.2.5 Les objectifs de base du programme
3.2.6 Le choix du programme« Le sac à dos» dans le cadre du milieu CFER
3.3 Les objectifs d’évaluation
CHAPITRE IV MÉTHODOLOGIE
4.1 Les sujets
4.2 Les instruments de mesure
4.3 Le déroulement de l ‘expérimentation
4.4 Le traitement des données
4.5 Les considérations éthiques
CHAPITRE V RÉSULTATS
5.1 La description des sujets à l’aide du questionnaire sociodémographique
5.2 Le portrait des sujets au prétest à l’aide des instruments de mesure
5.3 L’évaluation des effets du programme «Le sac à dos»
5.4 L’atteinte des objectifs du programme d’intervention« Le sac à dos» à partir des rapports de leçons
CHAPITRE VI DISCUSSION ET RECOMMANDATIONS
6.1 Le portrait sociodémographique de la clientèle
6.2 L’évaluation du programme «Le sac à dos»
6.3 Les facteurs liés au Centre de formation en entreprise et récupération (CFER)
La Renaissance de Rouyn-Noranda
6.4 Les recommandations au Centre de formation en entreprise et récupération (CFER)
CONCLUSION
RÉFÉRENCES
APPENDICE A
LES FACTEURS DE RISQUE ET DE PROTECTION ASSOCIÉS À L’ADAPTATION
SOCIALE DES ADOLESCENTS
APPENDICE B
LE CONTENU DU PROGRAMME« LE SAC A DOS»
APPENDICE C
LE FORMULAIRE DE CONSENTEMENT
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