Cette section est scindée en trois parties afin de mettre en contexte cet essai. Tout d’abord, la problématique aborde le phénomène de l’abandon et de la persévérance scolaire dans son ensemble afin de mettre en contexte les facteurs qui amènent les étudiants universitaires inscrits à temps plein dans un baccalauréat à changer d’établissement d’enseignement. Ensuite, le cadre conceptuel est défini en fonction de la recension des écrits scientifiques sur le sujet. Finalement, le but principal de cette recherche ainsi que la méthodologie utilisée sont mis de l’avant.
Facteurs à l’ origine d’un changement d’établissement d’enseignement supérieur : le cas d’étudiants inscrits à temps plein à un programme de baccalauréat
Le contexte de la globalisation des marchés et la croissance exponentielle des technologies accentuent le besoin de chaque société de former des individus compétents qui pourront participer, le plus rapidement possible à l’accroissement de la richesse de leur pays. Pour ce faire, la diplomation des étudiants inscrits dans un établissement d’enseignement collégial ou universitaire devient un enjeu majeur. C’est pour ces différentes raisons qu’au début des années 2000, le Conseil du trésor et le ministère de l’Éducation (MEQ, 2000) ont décidé d’investir dans la formation universitaire dans le but de s’adapter aux défis de la société actuelle et de répondre aux nouvelles réalités socio économiques.
Pour ce faire, la Politique québécoise à l’égard des universités (MEQ, 2000) a été élaborée. Cette politique, qui couvrait la période comprise entre juin 2000 et mai 2003, impliquait l’octroi de 750 millions de dollars aux différentes universités. Celle-ci visait à améliorer l’accessibilité aux études supérieures et la qualité d’enseignement en diminuant, par exemple, le ratio étudiant/professeur, et en proposant la mise sur pied de contrat de performance dont les objectifs étaient d’adopter les stratégies nécessaires pour favoriser la réussite des étudiants universitaires (MEQ, 2000). Ces contrats de performance prescrits aux universités québécoises impliquaient aussi l’atteinte d’objectifs précis en lien avec la persévérance aux études. En effet, le taux de persévérance visé après un an de fréquentation universitaire ainsi que le taux de réussite après six ans avaient été fixés à 80 % (Bernatchez & Gendreau, 2005). Afin de vérifier l’effet des contrats de performance instaurés en 2000 dans les établissements universitaires québécois, Bernatchez et Gendreau (2005) ont vérifié le taux de persévérance après un an d’études universitaires ainsi que le taux de réussite d’une cohorte après six ans d’études.
À la suite de cette enquête, il est possible de constater que le taux de persévérance pour l’ensemble des universités québécoises après un an d’études au baccalauréat à temps plein est passé de 82,6 % en 1993-1994 à 85,8 % en 2002-2003, soit une augmentation de 3,2 %. De son côté, la moyenne du taux de réussite est passée de 70,8 % en 1993-1994 à 73,5 % en 2002-2003, soit une augmentation de 2,7 %. Il est alors possible de constater qu’en ce qui concerne le taux de réussite, l’objectif n’a pas été atteint. Les résultats indiquent que 26,5 % des étudiants de la cohorte 1997-2003 ne feront pas les études qu’ils ont amorcées dans une université québécoise. Dans les faits, seulement l’Université McGill pouvait prétendre avoir atteint l’objectif en ce qui a trait au taux de réussite, car celui-ci était de 85,9%. Toutefois, les méthodes utilisées pour calculer les taux de persévérances semblent varier d’une étude à l’autre (Grayson, 2003). En fait, un étudiant qui fait le choix de quitter l’établissement d’enseignement universitaire auquel il était inscrit afin de faire ses études dans un autre établissement d’enseignement, qu’il soit collégial ou universitaire, est souvent comptabilisé comme ayant abandonné ses études.
Dans les faits, celui-ci a simplement décidé de les poursuivre dans un autre établissement d’enseignement. À cet effet, Hagedorn (2006) indique que les parcours scolaires des étudiants sont de plus en plus variés et qu’il devient de plus en plus complexe de répertorier la manière dont ils quittent leur établissement d’enseignement.
De leur côté, Doray, Picard, Trottier et Groleau (2009) mentionnent que ce type de parcours s’explique, en partie, par la fonction de sélection du système d’éducation et que les choix stratégiques des étudiants témoignent d’une certaine rationalité. Ils ajoutent aussi que la variabilité de ces parcours scolaires découle aussi des expériences vécues par les étudiants tout au long de leur cheminement. Malgré qu’il soit important de bien différencier les étudiants qui changent d’établissement d’enseignement des autres, très peu de recherches au Canada prennent en considération ce genre de parcours scolaires (Tremblay, 2005). Cela met en évidence l’importance de comprendre les facteurs menant les étudiants à changer d’université ou à retourner dans un établissement collégial.
Pageau et Médaille (2005) mentionnent que le phénomène de l’abandon et de la persévérance est composé de plusieurs aspects et que bon nombre d’auteurs ont tenté de l’expliquer exhaustivement. En effet, de multiples modèles théoriques ont été mis de l’avant afin d’expliquer les facteurs qui influencent la décision d’abandonner ou de persévérer chez les étudiants de niveau postsecondaire. Parmi les cinq principales théories portant sur le phénomène de l’abandon et de la persévérance identifiées par Tinto (2006), les deux approches théoriques les plus à même de définir ce phénomène sont celles dites organisationnelles et interactionnelles. Elles seront détaillées dans les paragraphes qui suivent.
En dehors des approches théoriques, il existe des facteurs qui à eux seuls, peuvent jouer un rôle important dans la décision de l’étudiant de s’inscrire dans un autre établissement d’enseignement universitaire ou d’effectuer un retour vers le collégial (Grayson, 2003). Ces facteurs sont également décrits. Finalement, il sera question des mesures de soutien qui peuvent être mises de l’avant par les établissements d’enseignement afin d’éviter le départ de leurs étudiants.
Les théories interactionnelles ont vu le jour dans les années 1970 (Tinto, 1993). Elles prétendent que la décision de l’étudiant d’abandonner ses études est le résultat d’interactions dynamiques entre l’étudiant et son environnement. Selon Spady (1970), le processus décisionnel qui amène un individu à quitter son établissement d’enseignement est le résultat d’un processus social complexe qui inclut la famille, les expériences vécues lors de son cheminement scolaire, le potentiel académique, le support des proches, le développement intellectuel, les résultats scolaires, l’intégration sociale, la satisfaction et le sentiment d’engagement envers l’institution. De son côté, Tinto (1993) ajoute une composante qu’il nomme « caractéristique de préadmission ». Selon lui, cet élément devient essentiel afin de cerner le phénomène de l’abandon et de la persévérance aux études postsecondaires dans son ensemble. Il divise ce type de caractéristique en trois catégories distinctes.
La première fait référence au contexte familial et inclut, par exemple, le type de famille et le revenu familial. La deuxième est en lien avec les attributs personnels des étudiants et elle se compose, entre autres, de la personnalité et des capacités intellectuelles. La troisième catégorie qu’il ajoute à son nouveau modèle fait référence aux expériences scolaires antérieures (formation, diplôme, compétences académiques, etc.). Tinto (1993) ajoute que les caractéristiques de préadmissions semblent être fortement liées aux motifs et aux intentions d’inscription des étudiants aux études postsecondaires.
Les modèles interactionnels permettent de mieux saisir la complexité et les interactions constantes et dynamiques entre les différents facteurs qui les composent (King, 2005). À titre d’exemple, Tinto (2006) mentionne qu’un étudiant peut très bien être intégré sur le plan social, mais juger, après quelques trimestres, qu’il ne possède pas les compétences intellectuelles nécessaires afin de performer selon ses attentes de départ. Ce type de modèle met aussi l’accent sur les facteurs extra-institutionnels (relation amoureuse, passe-temps, loisirs, etc.). Bien que dans la majorité des recherches sur le sujet les effets de ce type de facteurs semblent modérés comparativement aux facteurs intra institutionnels, ils peuvent jouer un rôle important chez certains étudiants (Bean & Vesper, 1992; Christie, 2009).
Le modèle de Bean et Metzner (1985) met, lui aussi, davantage l’accent sur l’influence des facteurs externes à l’institution pour expliquer le phénomène de l’abandon des études postsecondaires. Ces types de facteurs peuvent être, entre autres, relatifs à la famille, aux amis et aux ressources financières de l’étudiant (Sauvé & Viau, 2003). Ce modèle s’attarde plus particulièrement aux étudiants non traditionnels. Ces étudiants sont caractérisés par l’un ou l’ensemble des facteurs suivants : ils sont âgés de 24 ans et plus, ne résident pas sur le campus et peuvent aussi avoir le statut d’étudiant à temps partiel (Houle, 2004).
Il s’appuie sur l’idée que les étudiants non traditionnels ont moins d’interaction avec les pairs dans leur milieu scolaire. Cela aurait pour effet de rendre plus difficile leur intégration académique et sociale. Selon eux, les facteurs externes à l’institution (caractéristiques des étudiants, variables environnementales et académiques) jouent un rôle majeur dans la décision que l’étudiant prendra concernant la poursuite de ses études. Ces deux auteurs insistent surtout sur les variables environnementales (heures de travail, responsabilités familiales, etc.) afin d’expliquer la réduction des effectifs.
Les travaux de Cabrera, Castaneda, Nora et Hengstler (1992) les ont amenés à proposer un modèle intégré qui tente expliquer le phénomène de l’abandon chez les étudiants non traditionnels. Cependant, ce modèle permet d’expliquer à la fois l’abandon chez les étudiants traditionnels et non traditionnels (Sandler, 1998). Il combine certains éléments du modèle de Tinto (1992) à celui de Bean et Metzner (1985). En fait, Cabrera et ses collaborateurs (1992) tentent, avec ce modèle, d’amalgamer ces deux modèles en un seul qui prend en compte les éléments qu’ils jugent comme étant les plus significatifs dans le phénomène de l’abandon des études postsecondaires .
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Table des matières
INTRODUCTION
Problématique
Cadre conceptuel
Modèles théoriques portant sur le phénomène de l’abandon et de la persévérance scolaire
Facteurs d’abandon
Facteurs de persévérance scolaire
Mesures de soutien
Objectif de l’étude et démarche méthodologique
CHAPITRE 1 : Facteurs à l’origine d’un changement d’établissement d’enseignement supérieur : le cas d’étudiants inscrits à temps plein à un programme de baccalauréat
Résumé
Introduction
Contexte théorique
Méthode
Déroulement
Participants
Outils de collecte des données
Procédure d’analyse
Résultats
Discussion
Conclusion
Références
CONCLUSION GÉNÉRALE
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