LE PERSONNAGE DE L’OGRE DANS LES « RECITS BARA » 

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Caractéristiques morales

De prime abord, l’ogre est un personnage de contes conçu pour faire peur aux enfants. De ce fait, un caractère de bonhomme débonnaire ne lui sera jamais donné.
L’ogre est présenté comme terrifiant, méchant, coléreux et peu intelligent, rusé et fourbe.
– L’ogre terrifiant et méchant.
Cette allure de mastodonte provoque d’instinct une certaine appréhension. C’est le cas des ogres occidentaux surtout. La voix tonnante sortant de cette bouche hors du commun explique l’horreur, la terreur des enfants et même des adultes.
L’ogre est terrifiant, son entourage est terrifié quand l’ogre monstre apparaît. « C’était la terreur de la région23 », tel est le slogan attribué à l’ogre monstre Télisfort. Par conséquent : « Tout le monde lui obéissait. Personne n’osait se mesurer à lui» Violent, l’ogre des contes de fées s’avère être un personnage méchant, sans cœur. Il va jusqu’à être cynique et repoussant (ogre du mom’ s net24). Les qualités manquent à l’ogre. Il est seulement célèbre pour sa colère et sa fourberie.
– L’ogre peu intelligent, coléreux, fourbe et rusé.
Ce personnage effrayant à tout moment est toujours vaincu par un tout petit enfant. Il y aurait un Petit Poucet volant ses bottes pour l’empêcher de poursuivre son dessein. L’échange des bonnets du Petit Poucet et de ses frères contre les couronnes des filles de l’ogre va perdre ce dernier qui tue ses propres filles Il y aurait un korrigan Pierric pour gêner son va-et-vient dans la forêt. Il y aurait un petit nain Guitou pour anéantir ses projets de devenir châtela in25. Dédaigneux et vaniteux, l’ogre, par son peu d’intelligence a négligé le chat botté Pour sa métamorphose, choisir d’être souris va lui coûter la vie. Bien qu ’il ait un rang social plus élevé, l’ogre peu intelligent est pris au piège, par le chat de gouttière. Il a dû léguer malgré lui sa fortune au faux Marquis.
Par ailleurs, la force physique ne va pas avec la force de caractère. Tout ridiculise l’ogre coléreux. Son emportement va faire échouer tout ce qu’il entreprend. Le cas de l’ogre cité ci-dessus est un exemple frappant. Sottise et manque de discernement de la part du grand ogre vont donner raison au futé chat de gouttière.
Dans certains cas, l’ogre manifeste sa malhonnêteté même envers ses proches : Citons l’exemple de la belle-mère de la Belle au bois dormant. L’ogresse a eu recours à la ruse pour assouvir ses besoins cannibalesques et voulait corrompre le cuisinier. Charles Perrault a fait de ce dernier l’adjuvant de la famille princière. Aurore et Jour, les enfants de la princesse et elle-même, avec la famille du cuisinier ont failli mourir dans une cuve pleine de serpents, de crapauds, de couleuvres et de vilaines bêtes sans l’arrivée inopinée du prince qui a découvert la supercherie26.
Fourbe puis lâche, l’ogresse a voulu s’imposer par la violence et par la méchanceté mesquine. De temps à autre, l’ogre vit soléi dans un château, dans la forêt, dans les grottes. Les personnes qui s’y aven turent (les enfants égarés.) vont le rencontrer. Sa gourmandise, c’est souvent la source d’ennuis de l’ogre
. Tous ces défauts accumulés vont concourir à donner le trait final de ces caractéristiques. Une triste fin attend les ogres et les monstres. La différence réside dans les moyens utilisés par les victimes de l’acte dévorant pour parvenir à leurs fins. L’Hydre de Lerne fut décapitée par Hercule. « L’ogrede Jack et la tige de haricot » est mort, tombé du « beanstalk » géant. L’ogresse, bell e-mère de la princesse, la Belle au bois dormant, mourut dans la cuve où elle avait mis d’affreux animaux.
Mais les enfants sont toujours sortis indemnes dans les contes et les récits : : vainqueurs, heureux et souvent riches de la fortune de l’ogre. Le Petit Poucet et ses frères héritent de l’ogre. Jack devient le propriétaire de la poule aux œufs d’or, des sacs d’or et de la harpe magique de l’ogre. Le chat Botté parvient à enrichir son propriétaire démuni. Les ogres occidentaux sont surtout des ogres humains. ; Ceux des africains et des créoles sont la plupart des cas des ogres monstres. Le cas se présente-t-il différemment dans le cadre des contes malgaches ?

Ogres et monstres des contes malgaches.

En symbiose, les ogres et les monstres malgaches sont présents dans les contes Antakarana au Nord, dans les contes Merina au centre et dans les contes Masikoro au Sud. Leurs appellations diffèrent selon les dialectes. Deux grands types d’ogre dominent cependant malgré tout. L’ogre monstre c’est kaka, kakabe,kakakely, Rakakabe ou Rakaka, karibida, ou kaka be maso, littéralement la bête aux gros yeux. L’ogre humain et quelquefois l’ogre monstre principal c’est Trimo, Trimobe, Itrimo , Itrimobe , Ndrimo ou Ndrimobe.
Dans le nord malgache, le conte Antakarana,27 le KaKa c’est une espèce d’ogre cruel et vorace. Il est père de deux filles « Jolie fille » et « Pousse de riz précieuse ». L’aînée tient de son père un caractèrede cannibale tandis que la cadette tient de sa mère un caractère normal. Kaka est toujours considéré comme une « bête »; c’est le « biby ». Le révérend père S chrive disait qu’on aurait pu traduire le mot « biby » par ogre. Selon le conteur de Mampikony28, « Rakakabe »
désigne l’ogre cannibale et il peut avoir un autre nom « Lalahy Babaranto » ou littéralement l’homme père du voyage à la recherche de bonnes choses. Partout où il passe, c’est le vide. Il mange toute personne qu’il rencontre. Son odorat est très développé. On ne peut jamais le tromper. Les Rakakabe, eux, racontent les Sakalava de Nosy Be, ont des queues et peuvent prendre l’apparence des hommes. Ils vivent dans la forêt. Ils ont le souffle bouill ant29. Ces « Kaka » peuvent être aussi des ogres-diables, ce sont les « Rakakasetoany 30 ». Ils habitent là-bas, tout là-bas, au loin disent les habitants de Marodoka31.
Sur les Hauts Plateaux dans « Ikoto et Ikala » Raka kabe est une personne velue de la tête aux pieds. Sa chevelure longue et abondante lui tombe sur les épaules. Il marche pieds nus, mais il court très vite. Il se transforme de temps à autre. Il finit par être croqué par Ikoto et Ikala changés en canards. Il s’est transformé en maïs au cours de leur poursuite. C’est la fin tragique de Rakakabe 32. Les ogres monstres sont riches .Tous les enfants, maigres ou gras ont pu emporter autant qu’ils peuvent des biens de Rakaka avant de rentrer chez eux.
Ces ogres monstres ont de vrais attributs, c’est – à – dire des griffes acérées, des dents aiguës, des cornes pointues et luisantes ou une queue frétillante. Tout cela est d’une dimension énorme. Ces ogres prennent souvent une apparence humaine quand ils vont opérer: c’est-à-dire quand ils cherchent des victimes à dévorer.
Ce qui caractérise aussi l’ogre monstre est son apparition :
-L’apparition de l’ogre monstre.
Ces ogres monstres apparaissent surtout lorsqu’un individu, membre de la société transgresse les mœurs et coutumes. Dans le cas le plus fréquent, c’est la fille nubile qui ne veut point de mari qui trouvera l’ogre monstre. Rester célibataire est un phénomène contraire au bien être social. Tout le monde est concerné. En effet, c’est le destin voulu par Ndriananahary (dieu créateur) qui décide du mariage. La jeune fille difficile mérite un mari monstre. Et ce n’est pas tout. Il est ogre monstre. A tout moment, la future femme risque sa vie. Un Mandrongay est le mari monstre, la bête qui attend toute jeune fille ne voulant pas fonder une famille. Un œil au milieu du front, des jambes ressemblant à des bouteilles, une aile qui crache le feu, une queue, une grotte pour demeure, c’est Mandrongay33. En plus de la chair humaine, il mange des serpents, des caméléons, du miel, du tanrec, des hérissons. Mandrogay, c’est le monstre mauvais mari.
De même que Mandrogay, Manjogay, le monstre ogre es t aussi gourmand qu’il mange des nourritures comestibles aux humains, des bestioles et des serpents. C’est une bête respectueuse de son beau-père. Tout ogre qu’il est, Mandrongay connaît les convenances : le respect dû aux grandes personnes. Pour les Sakalava, l’ogre monstre peut être un « Fanany ». C’est à dir e un grand ogre à peau dure. Les balles glissent sur sa peau et les sagaies ne peuvent pas s’enfoncer dans sa chair cuirassée. Il a toujours faim. Il avale des gens tout cru34. La présence de vent terrible est un de ses attributs.35.
Pour Dahle et Sims dans un conte Tanala36, le monstre c’est: « Itsihitanantso ». Littéralement ce nom sig nifie celui qu’on ne peut pas appeler. C’est un humain devenu monstre à force de vivre dans la forêt. Il s’attaque aux hommes pour les manger. Les monstres cannibales sont aussi nombreux tel « Tonkadia ». Il rappelle le monstre cannibale Afri cain « Ziniko ». On dirait qu’il n’a qu’un seul pied comme le signifie son nom37.. Cette bête marche à vive allure. Elle est noctambule. Elle rappelle le « Songomby », autr e monstre cannibale ressemblant beaucoup à un cheval. La nuit, lorsqu’on entend quelqu’un passer, on fait peur aux enfants en leur disant que c’est « Tokandia », l’o gre au pied unique.
Les autres monstres kaka , « Trepo, Tsimatahokoly et Kobima » 38 peuvent faire la danse des queues. En fait, l’ogre monstre, c’est Kaka et il a un côté bestial. Il peut y avoir des ogres monstres du Nord au Sud de l’île.L’ogre Kaka a le pouvoir tel Protée, de prendre une forme quelconque L’ogre humain, c’est Trimo. Cependant, il peut apparaître sous sa forme d’ogre monstre. Personnage omniprésent dans tout conte de la grande île, il mérite une attention particulière. Il est inspirateur de la morale des contes. Il présente aussi de multiples facettes

L’ogre Trimo

-L’ogre national, inspirateur de la morale des contes
De prime abord, d’Est en Ouest, du Nord au Sud malgache, parler de l’ogre, c’est entendre le nom « Trimo ». Il est appelé de d ifférentes manières selon les parlers dialectaux. Dans les contes, Trimo n’est autre que Trimobe. Itrimo, Itrimobe, Ndrimo ou Ndrimobe ou Ratrimo39 Ces noms désignent toujours le même ogre. Habituellement Trimo est célibataire, et dans un cas, il est marié. Cet ogre se trouve toujours sur le chemin de la jeune fille difficile .Le nom Trimobe se retrouve dans les contes Marofotsy de Charles Renel dans « Trimobe et Sohitika ».L’ogre est celui qui veut punir les mauvais enfants. Les récits recueillis par Velonandro à Ambohimahavelona, Tuléar, chez les Masikoro présentent Trimo comme étant « Ndrimobe» 40. Il est le puissant devin. Pour Dahle et Sims, Itrimobe et Indesoka sont dans les contes des aîeux » .41 Il est le père cannibale qui s’attaque à sa propre fille. Dans ce conte, l’enfant n’a pas pris soin du « siny vola » littéralement la cruche d’argent dont l’ogre est propriétaire
. Avec Charles Renel 42 Trimobe sert à faire peur aux mauvais enfants : voleuse comme Sohitika. Elle a pu échapper à Trimobe grâce à sa ruse. Finalement, elle a compris la leçon de l’ogre car il est toujours là, prêt à la manger.
Ces contes ont été élaborés pour faire comprendre que les Malgaches croient à la vie de l’au-delà. Trimo meurt souvent à la fin d’un conte. Il fomente toujours un crime ou bien il accomplit un meurtre. Personne ne se soucie de lui après. Sa mort devient une libération pour ceux qu’il avait persécutés. Rares sont les contes où Trimo ne trouve pas la mort.
A part le fait d’être inspirateur de morale, l’ogre Trimo présente plusieurs aspects.
-Trimo, l’ogre aux multiples facettes
Dans un conte Masikoro, il pratique le rôle de guérisseur. Il fait donc une bonne action mais il est toujours fourbe car il fait traîner son travail, donc la maladie, pour gagner un peu plus. Là, comme il agit mal contre la société, ses agissements ont été interrompus car sa femme a pu découvrir sonsecret. Ici, Trimo est Ndrimobe. Dans un conte des Hauts Plateaux : « Contes des aïeux » avec « Itoerambolafotsy 43», ou celle où loge l’argent, les remèdes de Trimob e ont été révélés grâce à sa femme. L’ogre pratique l’acte divinatoire pour guérir. La jeune fille qui n’est autre que la fille unique du roi « Andria mbahoaka », au centre de l’Imerina, a pu sauver la vie de son fiancé « Itoeramahamaly » ou celui où loge la prudence.
Dans ce cas, on ne montre jamais le côté tragique de la situation. Dans « Itoerambolafotsy », l’ogre n’a pas pu assouvir se s besoins bien que son sens olfactif très aigu ait senti la chair humaine. Il n’a pu rien faire, étant menacé par sa femme. L’ogre ne mange jamais cette dernière44.
Trimo est l’ogre aux divers attributs. Itrimobe a comme attribut un grand coutelas avec lequel il a dépecé sa fille Indesoka. Un vent violent peut accompagner Trimo. L’ogre malgache est un va-nu-pieds et ne s’affuble pas de beaux habits ni de bottes, tels certains ogres occidentaux.
Dans un conte Sihanaka45. Itrimobe se laisse abuser par le petit ventripotent « Ikotobekibo » et par la petite paralytique « Ifar amalemy » Itrimobe peut être aussi le père cannibale qui veut manger son fils unique : « Injamanolo ». Mais sa femme « Ifara » a déjoué son plan en le tuant 46 L’acte dévorant est accompli quand il s’agit d’infanticide. Mais l’ogre finit toujours par être vaincu et meurt dans des circonstances horribles .Quelquefois l’ogre est marié, père de deux enfants, un garçon et une fille. Il s’inquiète pour eux. Sa femme et ses enfants sont aussi des cannibales. Ils mangent de la viande cuite. Il a un champ d’orangers, cultive des tubercules, « le saonjo »ou le taro. Il a une maiso n. Il n’y a ni parricide ni infanticide.
Dans le Vakinankaratra dans le sud ouest de l’Imerina Trimobe est un célibataire à la recherche d’une femme. Il ne vient pas voir les parents comme il est de coutume mais il menace de mort celle qui ne veut pas de lui. Ici, l’ogre engraisse la jeune fille et veut la manger. C’est un ogre monstre alors qui a voulu en finir avec la vie de son épouse.

Typologie

Trois types de contes mettent en relief le rôle de l’ogre dans la vie sociale. – Les contes étiologiques ou cosmogoniques
– Les contes sans fin
– Les contes à des fins sociales
Malgré leur simplicité, les textes des récits laissent entrevoir une grande philosophie de la vie malgache: les enfants, bons, méchants ou misérables triomphent dans les adversités. Les personnages actants qui sont en jeu: l’ogre ou l’ogre monstre et les enfants assurent cette typologie.
– Contes étiologiques ou cosmogoniques (conte3-conte7)
D’un côté, la présence de l’ogre sert à expliquer certaines institutions déjà établies : ici le « tata » (conte3) ou certains phé nomènes naturels: le lac (conte7). Les histoires d’ogres donnent une occasion de tout faire ressurgir.
D’un autre coté, le conte veut simplifier la situation réelle de cette institution. En effet, le «tata» ou l’aspersion d’eau, autrement dit le « tipi-drano » ou « tso-drano » littéralement le souffle d’eau avant toute entreprise doit être une affaire
sociale. Chez les Bara, « le tata »a le plus souven t lieu en cas de maladie, pour demander la guérison d’un malade. Lors de la circoncision, on le pratique pour demander la virilité, gage de vie. Alors, le patriarche ou le membre le plus ancien prie, fait le sacrifice de bœuf. Pour le conte3 de notre corpus, c’est parce que les trois garçons ont échappé à la mort qu’ils veulentqu’on fasse un « tata ». Ce dernier, ici, à l’origine, est un signe de gratitude ou de reconnaissance envers le destin. Les enfants ont échappé à l’ogre.
Dans le conte7, tout d’un coup, le récit s’achèveaprès l’acte prohibé perpétré par le fils : le parricide, même si le père est un ogre. La présence du lac inattendu coupe court à tout commentaire, le lac représente-t-il les larmes qui n’ont pas pu être versées en ce lieu? La réponse est dans le non-dit et c’est à tout un chacun de trouver la réponse adéquate. Tout peut avoir rapport à un certain mythe, à une certaine superstition . Le parricide est un phénomène honteux dans la vie collective.
Quelquefois, l’ogre peut être un sujet de réflexion pour ceux qui écoutent le conte.
C’est son rôle dans les contes sans fin.
– Le conte sans fin (conte 6)
Bien souvent, les contes polémiques sont classés ci .On demande à l’auditoire ou au lecteur de se mettre à la place du personnage et de terminer le conte à sa manière.
Ainsi le conte 6 ne se termine pas ainsi, Tout reste à suspens devant le fait que le conteur ne termine pas non plus le conte. Alors on se pose la question :
« qu’est ce qui arrive ensuite?» L’ogre aurait-il d es funérailles? La mère et l’enfant seront-ils bannis de la société? Ou bien cachent-ils le mort? Et tout peut recommencer pour une suite ou pour un conte nouveau avec l’ogre. La solution est ouverte.
Enfin le conte de l’ogre représente la vie sociale sur plusieurs points de vue.
– Le conte à fin sociale (conte1, conte2, Conte4, conte5, conte8) Le nombre important de ces contes souligne bien le rôle central de l’entraide
au sein du groupement devant un danger (la présence de l’ogre).Les comportements sociaux sont mis en exergue (l’ogre a une attitude non sociale et non sociable). Les Bara sont réputés pour la cohésion de leur société .Les relations s’établissent, mues par le respect entre les uns et les autres. On y trouve les subdivisions suivantes :
-Relations entre enfants contre l’ogre :
-Conte1 : Relation aîné – cadet
-Conte 2 : Relation mutuelle entre deux enfants kidnappés par l’ogre.
-Relations entre adultes et enfants dans la forêt d e l’ogre.
-Conte 4 : Relations des parents et des enfants Ramahamy.
-Conte 8 : – Relations des quatre enfants et de la vieille en vue d’une visite dans le champ de l’ogre.
– Relation des enfants et de leurs parents après la mise à mort de l’ogre.
-Conte3 : Les trois garçons et leurs parents sont plus proches après le « tata »
– Relations entre adultes pour contrer l’ogre
-Conte 5 : l’homme muni d’une arme moderne et les gens du village contre l’ogre.
La présentation de l’ogre peut évoquer l’importancede son rôle dans le conte.

Présentation de l’ogre dans le corpus.

L’ogre est présenté au début ou à la fin des textesselon le rôle qu’on veut lui attribuer. Le conte 6 montre l’ogre Trimo bara.

Présentation de l’ogre dans le début et à la fin du conte

– Au début des contes
C’est la mise en relief du monstre :-« Il y avait u n monstre appelé « Trimo » conte2 ou là-bas, à l’Est, il y avait une vaste grotte, dans cette grotte il y avait un monstre appelé « Karamanonga ». (conte5). Cette pré cision topographique indique les régions qu’habitaient les ogres bara. Dans le conte tout est possible. En réalité, les Bara habitent le centre sud.
Dans ces deux contes, les titres sont déjà évocateurs :
– Le monstre Trimo (conte2): C’est l’ogre national qui apparaît
– La grotte de Karamanonga (conte5): c’est l’ogre monstre
Dans le conte 7 «L’enfant tué et ressuscité», l’ogre se trouve au début pour valoriser la famille et l’enfant mâle: «Zatovo étai t marié et il avait eu un garçon».Cependant, le mode de présentation est indirect (on présente le personnage au cours du récit). Il n’est pas facile de discerner le personnage de l’ogre. Zatovo est un ogre particulier.
Au début les contes 2, 5 et 7 présentent l’ogre. Pour les autres en revanche, (conte1, conte3, l’existence de l’ogre est totalement effacée à la fin.
– A la fin des contes
Ce sont ceux qui triomphent de l’ogre qu’on trouve ici.
Conte1 : Revenus au village, ces enfants étaient devenus riches.
Conte2 : Ces enfants sont devenus riches
Conte4 : Ces enfants se sont installés là.
Conte5 :L’homme qui avait tué Karamanonga devint riche Conte8 : Leur père et leur mère, très heureux ont tué desbœufs.
En ce qui concerne le conte 6 : « Teniky », voyons de près ses particularités par rapport aux autres contes d’ogres du corpus.

Présentation de l’ogre et particularités du Conte 6

L’ogre est ici marié. C’est Trimo. C’est l’ogre Trimo bara .L’ogre père a déjà effectué l’acte dévorant. Dès l’ouverture du récit, une sorte de complainte s’élève pour montrer l’amertume d’une mère qui souffre d’avoir perdu son enfant. Elle le voit partout. « Teniky est là-bas. Teniky est ici » L’og re Trimo est un cultivateur. C’est un métier dégradant dans la mesure où les Bara sont pour la plupart des cas des éleveurs. L’ogre Trimo est à la merci de sa femme et de son enfant après avoir délibérément tué ce dernier.
– Le comportement de la femme et du fils de l’ogre
La mère et le fils sont complices d’un parricide. Ils agissent contre le mari et le père. Leur comportement est anormal pour la société. Impunément,la mère renie l’existence des valeurs sociales L’enfant se met à accomplir un acte délictueux sans se soucier des conséquences Le père n’a plus sa raison d’être .C’est l’ogre qui est manifestement une figure dévorante qui a tout déclenché. La mère n’est plus l’épouse dévouée. Elle n’est plus elle-même C’est une nouvelle femme avec une nouvelle mentalité C’est une mère prête à tout pour sauver son enfant.
Le milieu humain influe sur le comportement des gens. Pour l’ogre, les personnages qui le côtoient peuvent jouer un rôle dans l’évolution de sa personnalité. Ce sont les gens du village : les adultes, les femmes,de l’ogre et les enfants

Les personnages dans l’environnement de l’ogre

Les gens du village. Les adultes

Parmi ces gens sont groupés les parents, l’homme au fusil, les hommes sauvages.
-Les parents
Les traits de caractères de l’ogre sont connus de tous. Les gens essaient de réduire ses méfaits malgré leur peur. Ils ne s’allient pas avec lui. Les parents des enfants sont heureux de se débarrasser de lui. Ils manifestent une grande joie à la mort de l’ogre : « Leurs pères et leurs mères sont contents » (Conte 3 Phrase 32). Ils ont même signé la mort de l’ogre par un « tata ». Cette mort vaut la peine de manger de la viande de bœufs : «leur père et leur mère très h eureux ont tué des bœufs » (conte 8 phrase 21)
De ces adultes, l’homme fort capable d’affronter l’ogre, c’est l’homme au fusil.
-L’homme au fusil
Les gens ont peur de l’ogre. Ils ne peuvent pas l’attaquer mais la force finit par gagner. L’expérience montre que rien ne peut l’ arrêter. Aussi, comme ce dernier est très fort, l’homme va agir à son encontre en usant de la force. Ainsi, l’emploi d’une technologie moderne va prendre le dessus. Le fusil va mettre fin à toute entreprise de l’ogre
– Les hommes sauvages
Ce sont des gens du village qui vivent éloignés des autres. Le conte3 les montre serviables aux enfants. Ils ont montré le chemin du retour à ces derniers. C’est une aide précieuse. .En effet, ces petits se sont égarés dans l’immense forêt bien qu’ils aient été débarrassés de l’ogre. Ces hommes dits sauvages semblent ne pas craindre l’ogre. Ils vivent à proximité de ce dernier en toute quiétude
Par ailleurs, les femmes des ogres Bara vivent avec lui au village

Les femmes de l’ogre

Les femmes des ogres du corpus n’ont pas de nom spécifique. Dans leur statut de femme, la femme de Zatovo et la femme de Trimo sont des ogresses. Mais elles ne sont jamais cannibales. Elles ont protégé leurs enfants contre l’acte dévorant. Elles se méfient de leurs maris. Elles n’ont jamais eu confiance en eux. Ce qui rapproche l’une de l’autre, c’est l’amour pour leurs enfants. D’abord, la femme de Zatovo n’a pas de chance avec son enfant.
– La femme de Zatovo
Vivant au village, sortie des membres du « raza », cette société bara, la femme est empreinte de la mentalité d’où elle est issue. L’amour pour les enfants et la cohésion sociale sont deux atouts majeurs. Veillant sur son enfant, ce fils unique, elle s’inquiète des attitudes de Zatovo. Elle part à la recherche de l’enfant dans la brousse. Trop prise par les occupations quotidiennes de la femme au foyer, elle a sans doute baissé la garde, ce qui a causé la mort du fils. La femme est trompée par l’ogre. L’enfant ressuscité par les soins de l’ogre n’a plus de contact avec sa mère. Mais les conseils et les inquiétudes de cette dernière auraient pu aider l’enfant à tenir tête à son père. C‘est ce qui a perdu l’ ogre
L’autre femme d’ogre, celle de Trimo est très vindicative.
– La femme de Trimo
L’ogre affiche une certaine quiétude après la mort de l’enfant. La mère en revanche n’a de cesse de pleurer son fils. Sa complainte accuse le mari. Elle montre un grand chagrin. Cet amour et cette souffrance physique et morale lui ont donné la force d’affronter l’ogre. Elle agit en secret, hypocritement peut être mais efficacement. Pour être positive, elle agit pour la survie et la continuité de la vie. Elle ne veut pas perdre son unique fils qu’elle sait par intuition avoir été mangé par l’ogre. Elle joue sur la crédulité de ce dernier qui la croit soumise et respectueuse des mœurs et coutumes. La femme bara ne se lève jamais contre le mari. Mais la force de l’amour qu’elle porte à son enfant l’emporte sur la crainte de l’ogre. Pour elle « la fin justifie les moyens ». Et elle utilise le grand moyen:: le long couteau. Pour mener à bien cette entreprise, elle devient le guide et une complice efficace pour l’enfant. Sachant que personne ne les aidera, son enfant et elle, la mère a pris les devants.
Ces personnages qui représentent la collectivité et la solidarité sont des gens du village. Ils se comportent de manière à défendre les intérêts sociaux. Alors, on parlera des enfants

Les enfants victimes de l’ogre

Le hasard des rencontres avec des enfants isolés exacerbe l’appétit de l’ogre. Certains ogres et monstres n’ont pas d’enfant. Celui qui en a ne cherche pas ailleurs , il mange les siens. Les autres ogres vont capturer les enfants des gens du village. Parmi les enfants victimes, la distribution d’âge v a jouer un rôle prépondérant. L’aîné

une place privilégiée.

– L’aîné
En général, honneur et respect sont réservés aux plus âgés. Ils sont de nature dotés d’une certaine maturité d’esprit. L’aîné dirige les opérations, trace le plan d’attaque contre l’ogre « voici ce que nous ferons» (Conte 1, phrase 13), « l’aîné a jeté la corde » (conte 3, phrase 24). Il est le protecteur. Ses frères suivent ses directives: « j’ai vu un baobab élevé, nous allons partir mais partons un à un pour que Trimo ne nous voie pas (conte 3 phrase 19).Les plus jeunes s’inquiètent quelquefois. L’aîné plein d’assurance veut remonterle moral, bien que la situation semble critique : «je n’ai pas trouvé de grotte dit-il », (conte 4, phrase 33), « je vais y réfléchir, dit l’aîné » (conte 4, phrase 35).Tenantles rênes en main, l’aîné s’accroche et gagne en compagnie de ses cadets. L’union fait vraiment la force. Maître à bord, l’aîné montre beaucoup de courage: « la nuit, il dort à côté de Karamanonga ». (Conte 1, phrase 16). Les autres enfants lui accordent toute leur confiance. L’aîné commande : « Restez ici » (Conte 3, phrase 14). Qu elquefois on prend cet ordre pour un abus d’autorité. Habile de ses mains: « tresser les cordes de fibres du baobab », intelligent et responsable, l’aîné ne faillit jamais à ses promesses : «tuons ce monstre» (Conte 4, phrase 35). Les ogres devienn ent les victimes de l’aîné. Cependant ce dernier peut se montrer trop entreprenant. Il n’écoute pas les conseils des sages. Cette transgression des mœurs va lui coû ter la vie.
Cette dernière situation nous amène à considérer les cadets en tant que victimes de l’ogre.
– Le cadet
Guidé et surveillé par l’aîné au cours de toute entreprise, le cadet est un très bon exécutant. Il prête main forte à l’aîné pour mener à bien tout ce que les enfants font : «le monstre est sagayé à mort par son cadet» (conte 1, phrase 16). « Ils (les cadets) ’ont dépecé l’ogre .Ils ont vu là beaucoup de bien ». Les embûches se trouvent sur le chemin, mais par son caractère ordonné, le cadet joue très serré. La mise à mort de Karamanonga est un acte très précis. Les cadettes non plus n’abandonnent pas leurs aînés. A leurs risques et érilsp ,elles ont tout fait pour les ramener à la vie. (conte 8). .
Souvent, l’ogre s’attaque à tous ceux qui se trouvent sur son chemin. Mais la solidarité des victimes de l’ogre assure la réussite de chaque entreprise qu’elles mènent contre lui. Les cadets et les aînés se serrent les coudes pour contrer l’ennemi commun qui en veut à leur vie ..L ’ échec de l’ogre se solde par sa mort.
Les enfants manifestent, un souci de mieux être, un instinct de conservation .Ils veulent farouchement vivre, face à cet abominable personnage, signe d’épouvante et d’insécurité. Ce sont là les enfantsdes villageois qui avaient côtoyé les ogres et monstres bara. Mais comment sont les propres enfants de ces derniers?
-Les enfants d’ogre
Tout d’abord, les ogres de Faublée n’ont que des fils uniques. Dans la famille patrilinéaire, l’importance de ce fils dans la famille est indiscutable. C’est un fait spécial car on a le futur chef, surtout s’il est le premier né. Il prendra la succession du père dans la famille. C’est le descendant direct dont chaque famille a besoin. La mère est respectée et admirée car elle a pu donner la meilleure des choses à son mari si elle a un enfant mâle. Que l’enfant soit at taché à cette dernière ou à son père, là n’est pas la question. L’affection se joue ici au sein de la société traditionnelle. L’enfant mâle et par-dessus tout l’aîné doit avoir autant de responsabilités que le père en a déjà. Pour les ogres bara, ce fils tant désiré et tant choyé est enlevé à l’affection de sa mère par le père lui-même. Il ne meurt pas d’une mort naturelle mais il est tué et mangé pour de bon. Prenons un à un les cas des deux enfants d’ogre.
– le fils de Zatovo
L’enfant est mis en confiance par ce voyage en pleine brousse et la chasse aux hérissons. L’ogre lui a même donné des hérissons à manger. Après, l’enfant est abandonné dans une grotte. Zatovo l’a-t-il laissé pour le manger ou parce que celui-ci a créé un problème? Le fait est qu’après l’inquiétude de sa femme, l’ogre a fait semblant de ne rien savoir.
Pourquoi le fils a-t-il accepté d’être emmené pour la seconde fois en brousse ? Peut être que le père lui a promis sournoisement ce tte fois de belles bananes. Sa gourmandise va-t-elle finir par le perdre? A -t-il trop de confiance et de respect pour ce père dénaturé ?
La mère a baissé la garde. Elle pense peut être que l’ogre n’oserait pas toucher ce fils dont elle se soucie beaucoup. L’enfant est ressuscité ici par les soins de son père. Ce dernier n’aurait pas parlé à sa femme de ce qui est arrivé. D’ailleurs, il a espéré le remanger. Cette résurrection a pourbut de pouvoir manger davantage. Mais l’enfant, éclos et devenu grand, n’a plus respecté son père. ll s’assume. Il chasse des hérissons et en mange seul. Il n’a plus besoin ni de l’appui paternel ni de celui de sa mère. L’enfant est devenu un menteur, dupeur, sournois et assassin. Le cas se présente différemment pour le fils de Trimo.
– Teniky, le fils deTrimo.
Pour cet enfant la mère représente les coutumes malgaches : le ramassage des os du défunt. Les « Taolambalo » ou huit os rep résentent la charpente corporelle. Les Malgaches chrétiens ou païens, respectaient leurs ancêtres et leurs os. En général, le mortier et le pilon sont de pierre ou de bois. La mère utilise le fer. Ce dernier représente la force, la dureté. L’enfant mâle est l’homme fort qui ne doit en aucun cas souffrir de fragilité. Même après sa mort, l’enfant continue à vivre,et à être fort. Tout ce qui l’entoure doit aller de pair avec cette idée. Et la mère va prendre soin de ces os et va les mettre dans la jarre. Celle-ci est le symbole du ventre de la mère, de l’utérus qui couve l’enfant. C’est le « tranon-jaza » » ou la maison de l’enfant. La mère en a pris bien soin avec autant de conviction et d’amour que l’enfant va se réincarner. Il va prendre forme et redevenir comme avant.
Dans Faublée, à enfant unique, fils unique. Avant sa mort, l’enfant n’a sans doute pas réagi à l’attaque de Trimo. L’enfant doit respect et dévouement à ce dernier. Par la force des choses, l’acte dévorant est accompli dans une atmosphère de résignation presque sacrée. Plus tard l’enfant est devenu menteur, dupeur, assassin comme le fils de Zatovo. La mère s’investit beaucoup dans ce meurtre car l’enfant qui naîtra des os aura une grande force. Teniky ne naît pas de ses propres cendres comme un phénix mais de sa propre moulure d’os conservée avec soin par sa mère. Il est donc naturel, sans être superstitie ux, de s’attendre à ce que Teniky aura par la suite une force de corps et d’esprit, Tout est à la mesure de la foi de sa mère qui l’a couvé dans la grande jarre.
Les ogres se sont donc attaqués à leurs propres enfants. Délibérément ces enfants sont victimes de leurs propres pères. Cependant cet acte dévorant ne s’arrête pas là. Ces ogres sont très voraces. Ce so nt les enfants du village et même tous les gens passant devant la grotte de l’ogre qui subissent les exactions. L’enfant de Trimo est fort et vigoureux.
Mais avant de terminer sur cette première partie, nous voulons donner ce tableau concernant le corpus des Ogres et monstres Bara de Faublée et d’une autre version des Ogres et monstres Bara, dix-sept ans plus tard par Decary.
Cette comparaison nous permet de voir les points de vue de deux auteurs différents sur les mêmes personnages dans un même c ontexte mais après quelque décalage de temps sur le même thème.

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Table des matières

PREMIERE PARTIE PERSONNAGE DE L’OGRE, CORPUS ET APPROCHE 
A -PERSONNAGE DE L’OGRE
1- Caractéristiques de l’ogre universel
2- « Ogre et monstres » des contes malgaches
B- LE CORPUS
1- Composition du corpus
2- Présentation de l’ogre dans le corpus
3-Personnages dans l’environnement de l’ogre du corpus
C- PRESENTATION DE L’APPROCHE: « INDIVIDUS ET SOCIETES »
1- La méthodologie et les études afférentes au conte
2- La méthode personnalisée adaptée à la recherche
DEUXIEME PARTIE LE PERSONNAGE DE L’OGRE DANS LES « RECITS BARA » 
A- LES TYPES DE L’OGRE BARA
1-Les comparses : les ogres secondaires
2-Les protagonistes : les ogres principaux
B- LE CADRE SPATIO-TEMPOREL DE L’OGRE
1- Le cadre spatial et imago de l’ogre
2- Le cadre temporel et les circonstances de l’acte dévorant
C- LA PLACE DE L’OGRE DANS L’INTRIGUE
1- Caractéristiques de l’intrigue
2- Présentation de l’intrigue
TROISIEME PARTIE FIGURE DEVORANTE DE L’OGRE ET INDIVIDUS ET SOCIETES 
A- RELATIONS AU SEIN DE LA SOCIETE BARA
1- Relations du père, du fils et de la mère
2-Relations au sein de la société bara dans les contes
B- « OGRES ET MONSTRES » BARA : CADRE CONFLICTUEL
1- Sources et nature des conflits
2- Cannibalisme et les enjeux
C- VALEURS ET MORALES UNIVERSELLES DES OGRES ET MONSTRES BARA
1- Limite de la force
2- Lutte pour la survie
Conclusion générale
Annexes
Bibliographie

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