LE PAYS ET LES HOMMES
Les Hommes et leur environnement
Il s’agit pour nous de présenter les différents aspects qui englobent le paysage du Manjakú et de sa population. Cependant, nous avons la tâche de présenter ses caractères géographiques, les aspects sociopolitiques, économiques et culturels. Ceci nous permettra peut-être de déceler les motivations de l’occupation de l’espace. Le Manjakú se situe dans la région des Rivières du Sud où la mangrove occupe la plupart de la partie du littoral, et les eaux arrosant la région font qu’elle est devenue une zone marécageuse. Selon Paul Pélissier , les mouvements de populations notamment les Banjakú et les Mankañ le long de la côte des Rivières du Sud sont très anciens et seraient même antérieurs à la découverte européenne.
Limites et caractères géographiques du pays (Manjakú)
Aperçu géographique
Le Manjakú était une ancienne confédération de royaumes qui se situait au nord ouest de la Guinée portugaise avec Basseral comme capitale. Il est habité par les Banjakú, l’une des ethnies majoritaires de l’actuelle Guinée-Bissau. Dans la partie nord-ouest de l’actuelle Guinée-Bissau, vivent des populations connues sous le nom de « Banjakú ». Elles seraient désignées sous le nom de « Manjacos » ou « Papéis » par les Portugais, « Njaago » par les Wolof, « Manjaakol (pl.)» par les Manding, « Banjakum » par leurs voisins Mankañ, enfin « Manjakú ou Banjakú» est l’appellation qu’elles se donnent elles-mêmes . Leur aire d’implantation s’élargit et se développe à partir de Basseral (Baceral) pour enfin couvrir toute la partie nord-ouest de l’actuelle Guinée-Bissau. Au XVIème XVIIème siècle, le Manjakú est devenu une vaste étendue de terre qui est majoritairement peuplée par les Banjakú. Il se situe entre le Rio Cacheu au nord et le Rio Geba à Bissau au sud et les îles frontières de Pecís et Jeta. Il appartient donc intégralement à la zone géographique qu’on appelle la Sénégambie méridionale ou encore plus loin les « Rivières du Sud ». Selon Salif Diop, « le domaine des Rivières du Sud s’inscrit entre 8°40’-14°30’ de latitude nord et 13°30’-17°00 de longitude ouest » . C’est un milieu de transition entre les domaines maritime et continental. Dans cet espace se trouve le Manjakú ou pays des Banjakú. Auparavant ce domaine était une confédération constituée de plusieurs royaumes qui sont tous dépendants du « Koor » de Katám dans le Basseral. Le Manjakú a une ouverture sur l’Océan Atlantique donc, toute la partie littorale comprise entre le Rio Cacheu et le Rio Geba.
Le cadre physique
Le Manjakú appartient à un ensemble où l’environnement écologique et les conditions naturelles offrent les possibilités favorables au développement agricole et jouent un rôle important dans le mode d’occupation humaine de l’espace. La zone est caractérisée par une pluviométrie satisfaisant à l’agriculture.
Le relief
Le relief des Rivières du Sud en général et de la basse Casamance, jusqu’au Rio Geba en particulier, est surtout marqué par des plaines et des plateaux peu élevés. Dans son ensemble, l’espace est du point de vue géomorphologique très bas. Le relief du Manjakú se caractérise par sa grande monotonie avec un ensemble de plaines côtières limitées par des rebords de plateaux gréseux . La situation de basse altitude est remarquable sur les plaines littorales de la Guinée Bissau et elles varient entre 30 et 40 mètres. Selon Diop ( Salif Diop 1990), l’altitude de la région littorale du domaine de GuinéeBissau est en général inférieure à 100m. Ces reliefs dominent des marais maritimes constitués à l’état naturel par des vasières à mangrove, domaine de prédilection des palétuviers (Rhizophora mangle et Avicennia africana).
Le climat
Le climat de la Guinée-Bissau est de type tropical, chaud et humide. De la Basse Casamance jusqu’au sud de la Guinée-Bissau, avec humidité plus prononcée, supérieure ou égale à 60/70%, les températures varient très peu par rapport à la partie nord et leur amplitude est inférieure à 10°C . Comme dans l’ensemble des Rivières du Sud, il se caractérise aussi dans le Manjakú par l’existence de deux saisons distinctes. Grâce aux données climatiques, les Banjakú distinguent habituellement deux types de saisons. Nous avons ainsi donc une saison humide marquée par des pluies allant de juin à octobre-novembre et une saison sèche de novembre à mai.
Pour la saison des pluies, les populations l’appellent « Ptí ». Durant cette période, les populations se consacrent aux travaux champêtres. La saison sèche est appelée « Kánú » en langue locale. Il faut reconnaître que les Banjakú subdivisent la saison sèche en deux soussaisons. Il s’agit d’abord de « Kánú », mot simple sans suffixe, allant de novembre à mimars. Elle est marquée par des périodes de récolte et de commercialisation de produits. Enfin nous avons la sous-saison de « Kánú-bríd », ici on ajoute le suffixe « bríd » à la racine pour déterminer la pleine saison. Elle va de la deuxième moitié du mois de mars jusqu’au début des premières pluies. Elle est caractérisée par le défrichement et l’aménagement des champs à cultiver mais aussi par des fortes chaleurs. La période de la fraîcheur allant du mois de décembre au mois de février est appelée « kafeetan ».
Les précipitations de la Guinée-Bissau sont très importantes. Elles varient entre 1250 mm par an au nord-est et 3000 mm par an au sud . Cette pluviométrie satisfaisante a permis à l’agriculture d’être l’activité la plus importante de la région.
La végétation
Dans la région nord-est de l’actuelle Guinée-Bissau soumise à la combinaison de l’humidité et de la mer, on peut distinguer deux formations végétales notamment la forêt et la zone côtière très fragmentée souvent envahie par la mangrove. On peut constater que le Manjakú appartient au domaine subguinéen. Les formations forestières occupant les plateaux sont souvent compactes. Les arbres sont hauts, puissants et majestueux bordant les deux parties de la route surtout entre Buula et Kantsungo en passant par Kó et Pëlúund.
Cette végétation présente des contrastes avec :
– une façade littorale où Diop (Salif : 1990, p. 24) constate la domination du domaine de prédilection des palétuviers (Rhizophora mangle et Avicennia africana). On peut également noter une forte présence de palmiers à huile surtout entre Pëlúund et Kantsungo et à l’ouest de Kantsungo (Elaeis guinéensis= bëcam en langue unjakú). Il est intéressant de noter le rôle qu’a joué le palmier dans la vie des Banjakú. De cet arbre, les populations extraient du vin de palme, de l’huile de palme et des amandes pour la consommation. L’exploitation du palmier est même à l’origine de la création de Kaiyú et du pays de Babok. Au début, les populations faisaient le va-et-vient et finalement elles s’y sont installées définitivement. Le terme Kaiyú en Unjakú détermine l’activité de « traiter le palmier » en général. Cette activité donne aussi naissance du dialecte Ubok qui veut dire « monter sur le palmier avec les mains » (sans le bourgeon utilisé pour monter). En outre le palmier à huile et le rônier fournissent des planches qui entrent dans la construction de l’habitat.
– des plateaux où la forêt présente des peuplements monophytes. Les espèces dominantes sont : Afzelia africana, Cailcédrats ou Khaya senegalensis comme l’a noté Antonio Carreira, le Borassus flabellifer (rônier ou mbee en unjakú), ce type de palme est beaucoup plus visible dans le domaine de Buula et Kó, le Parinari macrophyllla (new), le Dalium guineensis (salom ou mbuuy), le Parkia biglebosa (néré ou bëleel).
L’existence d’arbres d’espèces différentes montre leur rôle important dans le Manjakú. Ce sont les puissants et majestueux arbres comme Cola Cordifolia (tabo ou bëbámb), le Ceita pentendra (fromager ou bëntsiën en unjakú) et le baobab (bërungar en unjakú). D’habitude, à travers ces arbres, se personnifient les « esprits invisibles » ou les « génies » qui, par l’intermédiaire d’un « Napene » ou « Natúl Ucaay », jouent le rôle d’oracle. Il faut quand même noter que l’action de l’homme participe à la dégradation du domaine forestier. Hormis cela, le gouvernement en est également responsable car 16000 tonnes sont destinées à la production de bois pour l’exportation, 32000 tonnes pour le marché intérieur et 80000 tonnes pour la production de bois de carbonisation . La commercialisation de la noix d’acajou a connu ces dernières années une importance capitale dans l’actuelle Guinée-Bissau et la Casamance. De ce fait, l’anacardium occidentalis (darkassé en wolof ou Bëkajú en unjakú) commence à supplanter les autres variétés de végétaux qui disparaissent petit à petit.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : LE PAYS ET LES HOMMES
Chapitre I : Les Hommes et leur environnement
I-Limites et caractères géographiques du pays (Manjakú)
Aperçu géographique
1- Le cadre physique
2- Les limites du pays
II-Le peuplement
1- Présentation de la langue Unjakú
2- Origines géographiques
3- Ramifications dialectales et partage spatial
Chapitre II : l’évolution du pays manjakú : de l’installation portugaise à la lutte pour l’indépendance
I-Les Banjakú face à la présence portugaise
De la création du fort de Cacheu aux contacts avec les Portugais
1- La campagne militaire de Teixeira Pinto et la pacification du pays
2- La lutte pour l’indépendance
II-La vie culturelle et religieuse des Banjakú
1- Les aspects culturels
2- Les croyances traditionnelles
3- Les Banjakú face aux religions révélées (Islam et Christianisme)
CONCLUSION PARTIELLE
DEUXIEME PARTIE : ORGANISATION SOCIOPOLITIQUE ET ECONOMIQUE ET LES MUTATIONS INTERVENUES
Chapitre I : Organisation sociopolitique
I-Organisation sociale de base
1- Le conseil de la famille
2- Le collège des sages
3- Le collège des jeunes adultes
II-Les structures politiques
1- Le Roi du « Grand koor » de Basseral
2- Les rois des provinces ou « Basiën Koor »
3- Le conseil des Babússin
Chapitre II : L’organisation économique
I-La structuration des domaines économiques
1. La vie économique
2. Le champ de la grande famille
3. Le domaine du Koor
II- L’évolution économique du pays
1. L’économie vivrière
2. Les produits de la traite
3. L’économie coloniale
CONCLUSION PARTIELLE
TROISIEME PARTIE : L’ASPECT MIGRATOIRE CHEZ LES BANJAKU
Chapitre I : l’expansion des Banjakú en Guinée portugaise
I-L ’expansion des Banjakú au nord-ouest des Rivières du Sud
1. Les déplacements de population : de Basseral aux autres contrées du Manjakú
2. Propagation territoriale manjakú
II-Les différentes phases de la migration
1. La migration vers la sous-région
2. La migration vers l’Europe
Chapitre II : les causes et conséquences de la migration
I-Les causes de la migration
1. L’aspect économique et politique
2. La conception de la migration chez les Banjakú
II-Les conséquences de la migration
1. Les rapports avec les autres peuples
2. Les transformations sociolinguistiques
CONCLUSION GENERALE
ANNEXES