Le Patrimoine : un concept en mutation

Le local : un outil pour lโ€™enseignement de lโ€™Histoire

Dans un monde de plus en plus connectรฉ et de plus en plus soumis ร  lโ€™influence du global. Il convient dโ€™interroger la place du local dans lโ€™enseignement de lโ€™Histoire ร  lโ€™heure oรน nous semblons assister ร  un ยซ changement dโ€™รฉchelle historiographiqueยป sans prรฉcรฉdent. Les programmes scolaire ont pendant longtemps encouragรฉ lโ€™utilisation des ressources de proximitรฉ comme le patrimoine local et lโ€™histoire locale dans lโ€™enseignement de lโ€™Histoire. Cette premiรจre partie se propose de faire lโ€™รฉtat des connaissances sur lโ€™Histoire locale et le patrimoine local, tout en รฉvoquant les diffรฉrentes utilisations pรฉdagogiques possibles.

Le Patrimoine : un concept en mutation

Dominique Poulotย  voit la naissance du patrimoine au XVIIIรจme siรจcle dans les cabinets de curiositรฉs et les salons des antiquaires. Il sโ€™agirait lร  dโ€™un dรฉbut de collection dโ€™objets choisis pour leur valeur artistique ou archรฉologique, ce phรฉnomรจne est particuliรจrement remarquable en Italie. La Rรฉvolution Franรงaise constitue une seconde phase cruciale pour la construction de la notion contemporaine de patrimoine. En effet, les destructions rรฉvolutionnaires et les confiscations de vastes collections nobiliaires posent la question toute nouvelle de la gestion de ces ล“uvres et de ces biens en tout genre. Les inventaires, tels celui des biens du Clergรฉ (fรฉvrier 1794) marquent donc un premier รฉlargissement de la notion, on y regroupe les monuments et les ล“uvres quโ€™ils renferment. Toutefois, il sโ€™agit pour lโ€™essentiel de monuments ร  caractรจre religieux. Dรจs 1830 est crรฉรฉe une inspection gรฉnรฉrale aux Monuments Historiques, il sโ€™agirait ici dโ€™une naissance institutionnelle du patrimoine franรงais. Et son cรฉlรจbre inspecteur gรฉnรฉral Prosper Mรฉrimรฉe.

Lโ€™ensemble des auteurs ayant travaillรฉ sur ce sujet รฉvoque lโ€™รฉlargissement progressif du concept de patrimoine. Il sโ€™agit dโ€™une notion qui englobe dรฉsormais tout ce quโ€™une sociรฉtรฉ veut transmettre ร  la gรฉnรฉration suivante. Au cours du XIXรจme siรจcle on perd donc la dimension patriotique et lโ€™aspect รฉlitiste qui pouvait caractรฉriser le patrimoine. On assiste donc ร  un รฉlargissement de la notion qui englobe dรฉsormais des objets patrimoniaux qui ne sont pas uniquement des biens physiques, on parle alors de patrimoine immatรฉriel. Ceci va de pair avec un mouvement de dรฉmocratisation important qui est observable depuis les annรฉes 1970, le grand public est dรฉsormais un acteur majeur du secteur du patrimoine. Il faut donc intรฉgrer ร  notre rรฉflexion cet aspect รฉconomique et commercial de la notion. Il nโ€™est donc pas surprenant de voir en 2008 Olivier Poisson, conservateur gรฉnรฉral du patrimoine et Inspecteur des monuments historiques dรฉcrire la notion de patrimoine comme telle :

ยซ Tout est potentiellement patrimoine parce que tout est chargรฉ de sens, parce que tout a รฉtรฉ construit, amรฉnagรฉ, ouvragรฉ, repris, modernisรฉ, refait selon des valeurs humaines qui sont susceptibles, aussi, dโ€™รชtre les nรดtres. Le passรฉ est mort, et ne subsiste que dans notre esprit. Seule notre mรฉmoire le fait vivre, attachรฉes lโ€™une et lโ€™autre ร  des lieux, ร  des objets, ร  des ล“uvres qui restent sous nos yeux et qui les interrogent. ยป.

Toutefois, il sโ€™agit lร  dโ€™une dรฉfinition spรฉcifiquement franรงaise, puisque la notion de patrimoine ne se construit pas de la mรชme faรงon dans le monde anglo-saxon. Un exemple significatif est celui de la notion canadienne (ou amรฉricain) du patrimoine. Elle prend une valeur beaucoup plus naturelle que monumentale dรจs les origines, le concept de wilderness est ici dรฉterminant puisque le patrimoine amรฉricain ou canadien รฉvoque principalement les grands parcs nationaux et une nature sauvage ร  prรฉserver. Dรฉsormais la notion est normalisรฉe et mondialisรฉe par lโ€™intermรฉdiaire de lโ€™UNESCO qui depuis 1972 dรฉfinit le patrimoine comme ยซ lโ€™hรฉritage du passรฉ dont nous bรฉnรฉficions aujourdโ€™hui et quโ€™il nous appartient de transmettre aux gรฉnรฉrations futures ยป . Cette notion se globalise donc au grรฉ des conventions internationales telles la convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatรฉriel (2003) ou celle de Faro (2005) qui affirme que le patrimoine est le reflet des sociรฉtรฉs.

En ce sens le patrimoine apparait รฉgalement comme lโ€™implicite mรฉmoriel, cโ€™est ร  dire ce que les sociรฉtรฉs choisissent de montrer. Cet axe de recherche fut trรจs tรดt suivi par les historiens, le rapport entre patrimoine et mรฉmoire notamment est largement explorรฉ. Nous pouvons citer le cรฉlรจbre ouvrage de Pierre Nora , Les lieux de mรฉmoire, qui interroge l’objet mรฉmoriel et le patrimoine franรงais. Selon lui, les lieux incarnent une mรฉmoire et sont porteurs par la mรชme occasion dโ€™une part de la mรฉmoire collective. Dans son article sur le site de l’Institut franรงais de l’รฉducation, Marie Musset insiste รฉgalement sur l’aspect mรฉmoriel du patrimoine local en mettant en avant son importance dans la construction dโ€™un sentiment national. Elle insiste sur le fait quโ€™aujourdโ€™hui le patrimoine ร  plutรดt tendance ร  transcender les enjeux nationaux et fait donc de la connaissance de celui-ci un objectif de formation du citoyen.

Cette mise ร  lโ€™honneur du patrimoine est รฉgalement sujette ร  des รฉtudes gรฉographiques. Elles sont le fait, pour l’essentiel, de gรฉographes comme Olivier Lazzarotti ou Maria Gravari-Barbas. Celle-ci forge le concept de patrimondialisation pour montrer l’extension du processus de patrimonialisation ร  l’รฉchelle planรฉtaire. Il s’agit alors d’รฉtudier ce qui fait patrimoine, le processus de patrimonialisation ainsi que la mise en tourisme de ces lieux. Ces gรฉographes mettent en avant lโ€™apparition dโ€™un phรฉnomรจne de tourisme de mรฉmoire dans certains lieux historiques comme Auschwitz qui voit plus dโ€™un million de visiteurs annuellement. Il sโ€™agit ici dโ€™รฉtudier les relations entre le lieu touristique, le patrimoine local et les sociรฉtรฉs locales. Cette question du patrimoine local apparait donc ร  la croisรฉe des disciplines historique et gรฉographique. En effet, le patrimoine se dรฉcline ร  toutes les รฉchelles. Et des sociรฉtรฉs crรฉรฉes mรชme du patrimoine, cela participe dโ€™une inflation patrimoniale ร  lโ€™รฉchelle mondiale.

Lโ€™histoire locale, une dรฉfinition floueย 

Plusieurs problรจmes sont inhรฉrents ร  la dรฉfinition du concept dโ€™Histoire locale. En effet Bertrand Mรผller รฉvoque la difficultรฉ de dรฉfinir le ยซ local ยป. La question de lโ€™รฉchelle dโ€™analyse est difficile ร  trancher tout comme les critรจres ร  retenir. Il remarque dโ€™ailleurs que cette problรฉmatique est commune ร  lโ€™Histoire, la Gรฉographie et la Sociologie ร  la fin du XIXรจme siรจcle. De plus cette histoire est ยซpartagรฉe ยป entre les scientifiques, qui dรฉveloppent progressivement le genre de la monographie local et les รฉrudits locaux, ceux que Philippe Ariรจs nomme les ยซhistoriens du dimanche ยป. Il sโ€™agit donc dโ€™un genre marquรฉ par les paradoxes. En effet, il convient de dรฉcrire un objet dโ€™รฉtude souvent hybride, entre une histoire nationale et rรฉgionale ou entre historiens et รฉrudits locaux. Les origines de lโ€™Histoire locale se trouve pour Maurice Agulhon dans les annรฉes 1820-1830 durant lesquelles les รฉlites bourgeoises auraient opรฉrรฉ un renversement de leur sensibilitรฉ, passant des grands rรฉcits nationaux ร  un gout pour le local.

Pour Benoรฎt de lโ€™Estoile, on ne peut pas รฉluder la question du territoire local puisque cette lโ€™histoire locale tรฉmoigne dโ€™un ancrage dans un territoire de proximitรฉ, dโ€™un lien particulier entre lโ€™individu et son lieu de vie. Lโ€™รฉcole nโ€™est dโ€™ailleurs pas รฉtrangรจre ร  cette construction en utilisant lโ€™histoire locale comme une ressource pรฉdagogique, notamment dans les รฉcoles primaires de la IIIรจme Rรฉpublique. Le local apparait donc comme prit dans un double mouvement, ร  la fois constitutif de lโ€™Histoire nationale mais aussi parfois voulant mettre en avant une spรฉcificitรฉ rรฉgionale. De mรชme, la pluralitรฉ des intรฉrรชts entre les rรฉdacteurs de cette histoire (รฉlites locales, รฉrudits locaux, historiensโ€ฆ) laisse souvent voir un caractรจre identitaire fort et il convient donc dโ€™รชtre prudent quant ร  son utilisation politique.

Cโ€™est dโ€™ailleurs dans un contexte dโ€™incertitude sur le dรฉcoupage territorial au XIXรจme siรจcle et au tournant du XXรจme que lโ€™Histoire locale connait un essor. Entre 1851 et 1912 pas moins de 22 projets de redรฉcoupage territorial sont proposรฉs par le parlement. Les รฉtudes rรฉgionales se multiplient alors afin de justifier lโ€™intรฉrรชt de conserver telle ancienne province, ou tel ยซ pays ยป. On assiste ร  cette pรฉriode ร  une multiplication des รฉtudes ร  lโ€™รฉchelle rรฉgionale. Cโ€™est Paul Vidal de la Blache qui va dรฉfinir ce territoire du local en 1908 comme un territoire oรน les Hommes sont installรฉs depuis les temps les plus lointains. Nous pourrons quant ร  nous dรฉfinir le local comme lโ€™espace du quotidien, lโ€™espace vรฉcue des รฉlรจves.

Quelles utilisations pรฉdagogique du local dans lโ€™enseignement de lโ€™Histoire

Une dรฉmarche adoptรฉe ponctuellement mais ร  lโ€™efficacitรฉ รฉprouvรฉeย 

Sโ€™il fallait voir les prรฉmices de lโ€™utilisation du local dans lโ€™enseignement de lโ€™Histoire, il faudrait sans nul doute รฉvoquer lโ€™รฉcole de la IIIรจme Rรฉpublique (1870-1940). Il sโ€™agit en effet dโ€™une pรฉriode de construction de lโ€™identitรฉ nationale forte. Pour ce faire les enseignants sont fortement incitรฉs ร  mobiliser des ressources locales, en particulier les monuments. Par exemple, Le tour de France par deux enfants, largement exploitรฉ par les instituteurs de lโ€™รฉpoque, offre plusieurs vignettes utilisant le patrimoine. Joutard y voit un enracinement de lโ€™identitรฉ franรงaise dans le patrimoine monumental. Pour ce qui est du secondaire, Evelyne Hery remarque que les autoritรฉs furent plus prudentes quant ร  son utilisation du fait des enjeux politiques, la rรฉduisant bien souvent ร  un prรฉlude ร  lโ€™Histoire nationale. Le programme de 1925 รฉvoque ยซ lโ€™histoire locale nโ€™interviendra ici que comme illustration de lโ€™histoire gรฉnรฉrale et non comme un enseignement ayant en soi ses fins et ses mรฉthodes ยป . Cependant, Hery note une premiรจre rupture avec la loi Deixonne de 1951 autorisant lโ€™enseignement des langues rรฉgionales et cultures rรฉgionales en France. Pourtant, bien quโ€™absent des programmes du secondaire, lโ€™Histoire locale ne disparait jamais vraiment puisque la libertรฉ pรฉdagogique des enseignants leur permet dโ€™utiliser le local comme une ressource malgrรฉ tout.

Bien que lโ€™utilisation du local dans lโ€™enseignement de lโ€™Histoire soit fortement variable en fonction des contextes politiques et des รฉpoques, lโ€™intรฉrรชt pรฉdagogique est en revanche assez unanime. En effet, cela permet dโ€™ancrer davantage les enjeux dans lโ€™espace vรฉcue de lโ€™รฉlรจve. Bien souvent, mรชme si les connaissances sont fausses oรน lacunaires, il place lโ€™apprenant en situation valorisante puisque cet รฉlรฉment patrimoniale ou dโ€™histoire local est connu et une partie de lโ€™espace vรฉcu. Cela donne plus de concret au concept historique et facilite le passage entre le passรฉ et le prรฉsent, le local devient un vecteur de transmission. Michel Bourlaud remarque dโ€™ailleurs que lโ€™utilisation de lโ€™histoire locale permet de contourner une des difficultรฉs de lโ€™Histoire gรฉnรฉrale : la conceptualisation. En effet, le degrรฉ dโ€™abstraction est trรจs fort pour certains รฉlรจves, il sโ€™agit donc de redonner un peu de concret afin de visualiser les choses : lโ€™Histoire gรฉnรฉrale ยซ requiรจre un degrรฉ dโ€™abstraction conceptuelle malgrรฉ les, ou ร  cause des, effort de simplification et la rรฉdaction dโ€™instructions ou de commentaires. Cela la rend souvent dโ€™accรจs difficile pour nombres dโ€™รฉlรจves. ยป . A lโ€™inverse lโ€™histoire locale rend plus aisรฉ, selon lui la comprรฉhension des situations historiques proposรฉes car plus รฉvocatrices et plus proches.

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Table des matiรจres

Introduction
I)Le local : un outil pour lโ€™enseignement de lโ€™Histoire
A) Dรฉfinition des concepts
1) Le Patrimoine : un concept en mutation
2) Lโ€™histoire locale, une dรฉfinition floue
B) Quelles utilisations pรฉdagogique du local dans lโ€™enseignement de lโ€™Histoire
1) Une dรฉmarche adoptรฉe ponctuellement mais ร  lโ€™efficacitรฉ รฉprouvรฉe
2) ร‰tude de cas de proximitรฉ en Histoire : quelles pratiques ?
II) Dรฉmarche et mรฉthode de recherche
A) Quelles รฉtudes de cas en classe ?
1)La Cathรฉdrale Saint-Julien du Mans : symbole de la chrรฉtientรฉ mรฉdiรฉvale ?
2)La Rรฉsistance au travers des archives locales : Comment se structure la Rรฉsistance en Sarthe ?
B) Elรฉments observรฉs et dรฉmarche de recherche
C) Quels outils statistiques pour lโ€™analyse des rรฉsultats
III) Le local : un outil suscitant intรฉrรชt et interrogations
A)Lโ€™approche locale : un gain dโ€™intรฉrรชt visible
B)Quelle efficacitรฉ en termes de transmission notionnelle ?
C)Des limites floues pour les รฉlรจves
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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