Le patrimoine culturel, de nouvelles dimensions prises en compte
La notion de patrimoine culturel n’a cessé d’évoluer au cours du temps, chaque génération tentant de redéfinir la représentation générale de l’objet patrimonial. C’est précisément au XIIème siècle qu’est apparue la notion de patrimoine (du latin patrimonium) avec pour signification fondamentale « l’ensemble des biens hérités de la famille ». Il s’agit donc d’un concept que nous connaissons et utilisons encore aujourd’hui avec l’idée de transmettre aux générations suivantes un patrimoine, culturel ou non, matériel ou non…dans le but de le faire suivre perpétuellement à travers sa valorisation et sa protection. Cependant, au fil des années, chaque génération a modifié, et notamment élargi, la définition du patrimoine culturel. En effet, plusieurs concepts sont apparus les uns après les autres tels que les patrimoines architecturaux, archéologiques, bibliographiques, industriels… En France, la notion de patrimoine au sens culturel est apparue avec la Révolution française, mais surtout avec l’idée de nation, le patrimoine jouant un rôle majeur dans la construction des identités nationales aux XIXème et XXème siècles. A cette période, le terme patrimoine, utilisé par les organisations internationales puis par les politiques et administrations, renvoyait essentiellement à la propriété nationale. Cette limite du terme patrimoine s’est alors poursuivie jusque dans les années 1970.
La mondialisation de la notion de patrimoine culturel a notamment permis de fournir une définition partagée et commune au monde entier, par le biais de l’UNESCO. Ainsi, l’expression première de ce patrimoine culturel mondial désignait essentiellement des monuments, des ensembles et des sites historiques. Ils présentaient une valeur universelle exceptionnelle d’un point de vie historique, artistique ou scientifique, principaux témoins d’un patrimoine fondamentalement matériel. Cette représentation s’est ensuite progressivement orientée vers une conception du patrimoine plus élargie avec l’apparition du patrimoine culturel immatériel, défini par l’UNESCO au sein de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, le 17 octobre 2003. Il s’agit donc de considérer les représentations, les arts, les connaissances et les savoir-faire traditionnels comme partie intégrante du patrimoine culturel mondial. Ainsi on remarque que la notion de patrimoine culturel est relativement subjective et s’est développée afin d’intégrer tous les aspects existants relatifs au patrimoine en général.
Mais il est également important de savoir qu’aujourd’hui, le patrimoine culturel comprend une tout autre dimension. En effet, la valorisation du patrimoine est une pratique de plus en plus courante. Elle permet notamment de coupler l’aspect culturel avec les aspects économiques et politiques : « En tant que facteur de durabilité, d’identité et de dignité humaine, il [le patrimoine] se situe en effet au cœur de la logique du développement durable et constitue un élément clef dans la réalisation d’un modèle de société reposant sur l’usage équitable et raisonné des ressources culturelles et naturelles du territoire, sur la reconnaissance des diversités et sur le renforcement du lien social. […]
C’est pourquoi il est nécessaire d’introduire une définition transversale du patrimoine qui présente celui-ci comme un ensemble de savoirs, de valeurs, de réalisations et de traditions – ressource sans cesse enrichie et réévaluée servant à la fois au développement et au renforcement du lien social et politique. »
Il apparaît donc nécessaire de définir le patrimoine culturel, non pas uniquement du point de vue de la transmission et de la protection, mais aussi sous l’angle de ses significations et de ses apports dans la transformation en cours de la société. Dans ce contexte, le patrimoine participe pleinement à l’amélioration de l’image des territoires dont l’impulsion est souvent générée par les communes. L’objectif est alors de valoriser l’identité culturelle du territoire en s’appuyant sur le patrimoine existant mais aussi, depuis quelques années, sur l’émergence de projets alliant éléments historiques patrimoniaux et architecture contemporaine. Il s’agit donc d’utiliser les atouts propres à chaque territoire, afin de mettre en avant leur identité et développer ainsi l’aspect patrimonial couplé à la dimension économique.
Le tourisme culturel, relation étroite avec le patrimoine
La notion de tourisme culturel s’est développée dans les années 70, et plus particulièrement en 1976 avec l’élaboration de la « Charte du tourisme culturel » par une des organisations consultatives de l’UNESCO, ICOMOS (Conseil International des monuments et des sites). Selon cette Charte, le tourisme culturel a pour principal objectif la découverte des sites et des monuments, par la présence de touristes sur des territoires et des lieux désignés comme culturels par ICOMOS. En 1999, la Charte a été révisée et la notion de patrimoine élargie : « Le patrimoine est un concept vaste qui réunit aussi bien l’environnement naturel que culturel. Il englobe les notions de paysage, d’ensembles historiques, de sites naturels et bâtis aussi bien que les notions de biodiversité, de collections, de pratiques culturelles traditionnelles ou présentes, de connaissance et d’expérimentation. Il rappelle et exprime le long cheminement du développement historique qui constitue l’essence des diverses identités nationales, régionales, indigènes et locales, et fait partie intégrante de la vie moderne. »
L’Organisation Mondiale du Tourisme définit alors le tourisme culturel comme suit : «Mouvements de personnes obéissant à des motivations essentiellement culturelles telles que les voyages d’études, les tournées artistiques et les voyages culturels, les déplacements effectués pour assister à des festivals ou autres manifestations culturelles, la visite de sites et de monuments, les voyages ayant pour objet la découverte de la nature, l’étude du folklore ou de l’art, et les pèlerinages. »
Il s’agit donc d’une forme de tourisme visant à faire découvrir le patrimoine culturel d’un territoire et, par extension, le mode de vie de ses habitants. C’est pour cela que l’on remarque depuis plusieurs années une propension des régions à valoriser leur patrimoine matériel et immatériel afin de mettre en avant leur identité culturelle, et attirer ainsi les touristes et visiteurs. Le tourisme culturel apparaît donc comme un phénomène socio-économique en harmonie avec les économies locales, tout en s’imprégnant de la nature des lieux et du tissu culturel des territoires. « La politique du tourisme culturel se présente comme une manière d’allier développement économique et visites du patrimoine, pratiques et échanges culturels, marché de biens et de services. »
La culture se met ainsi au service du tourisme et de l’économie locale, alors que le patrimoine semble devenir un « prétexte ». Ce tourisme est de plus en plus perçu comme une valorisation touristique plutôt qu’un véritable héritage culturel transmis par les générations antérieures.
Réflexion vers la problématique
Il semblerait donc que la valorisation du patrimoine soit une composante essentielle pour le développement économique et touristique d’une commune. Mais cette valorisation peut alors prendre plusieurs formes :
– Soit une mise en valeur standard d’un bâtiment dans son environnement et contexte historique, par des opérations telles que des ravalements de façades par exemple ;
– Soit, ce qui est de plus en plus commun de nos jours, une mise en valeur de certains éléments historiques autour d’un projet contemporain. L’idée est alors d’utiliser et d’intégrer les éléments patrimoniaux au sein d’une architecture moderne, permettant ainsi, de par cette mixité architecturale, de mettre en avant et de valoriser le patrimoine historique d’une manière plus subjective.
Cependant, l’élaboration de ces projets modernes dans un environnement historique protégé demeure toutefois relativement difficile. Ils pourraient nécessiter parfois une modification partielle des éléments historiques, alors que la législation en faveur de la protection du patrimoine l’interdit. Le respect de la législation demeure un impératif qui s’impose aux différentes entités locales, régionales ou nationales. Cette exigence peut leur apparaître comme un véritable frein à la mise en œuvre de projets alliant moderne et ancien.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE 1 : PRESENTATION DU CONTEXTE DE LA RECHERCHE
1. CADRE DE LA RECHERCHE
2. DEFINITIONS RETENUES
2.1 Le patrimoine culturel, de nouvelles dimensions prises en compte
2.2 Le tourisme culturel, relation étroite avec le patrimoine
3. PROBLEMATISATION DU SUJET
3.1 Réflexion vers la problématique
3.2 Définition de l’hypothèse de recherche
4. METHODOLOGIE MISE EN ŒUVRE
4.1 Evolution de la recherche vers la définition du cas d’étude
4.2 Présentation de la démarche
PARTIE 2 : CÁCERES, UN HERITAGE CULTUREL INCONTESTABLE
1. PRESENTATION DE LA VILLE DE CACERES, CONTEXTE DE L’ETUDE
1.1 Situation géographique
1.2 Historique
1.3 Contexte économique
2. LE PATRIMOINE DE CACERES, UN PATRIMOINE RECONNU
2.1 Déclarations du patrimoine de Cáceres
2.2 Présentation des sites significatifs de Cáceres
PARTIE 3 : ANALYSE DU CAS D’ETUDE
1. UN PREMIER PROJET QUI FAIT DEBAT
1.1 Atrio, perçu par les promoteurs et les politiques comme un moteur pour l’économie et le tourisme
1.2 Mais un projet qui ne respecte pas la législation
1.3 Et qui doit faire face à l’opposition des habitants
1.4 Un premier projet qui ne résiste donc pas aux contradictions économiques et patrimoniales
2. VERS UNE CONCILIATION DES INTERETS AUTOUR DU SECOND PROJET
2.1 Un design moins invasif
2.2 Et des dérogations à la législation acceptées
2.3 Mais des conflits au sein des mêmes organisations
2.4 Résultat de la conciliation
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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