Depuis le XXème siècle, et même au-delà, l’homme a su s’enrichir de la culture voisine, aussi bien dans la médecine, que dans l’économie, la gastronomie, la technologie… mais qu’en est-il de l’architecture et plus précisément de ses ambiances ? Des typologies et morphologies vernaculaires, par définition propres ou adaptées à une tribu, un village, une région, un pays, se sont vus plagiées ou réinterprétées dans d’autres civilisations à des milliers de kilomètres. Il ne s’agira pas pour nous d’en définir la raison mais de poser certaines questions quand à la légitimité de ces transpositions architecturales au sein de climats, et de cultures foncièrement différentes dans un contexte contemporain. Pour cela c’est au travers d’un dispositif architectural simple mais historiquement riche, que le mémoire va prendre source : le Patio ou antiquement l’atrium, un espace entre intérieur et extérieur vécu différemment par les cultures qui se l’approprient. L’émergence d’un débat se soulève alors, à l’instant où le terme « patio » est prononcé. Il s’avère que chacun a sa propre définition de cet espace particulier, à tel point qu’il conviendra dans le présent mémoire, d’approfondir sémantiquement la dénomination d’une pièce de la maison individuelle, même si elle n’est pas vécue comme telle dans certaines cultures. Car c’est là tout l’intérêt d’aborder un sujet qui touche des populations diversifiées : nous traitons une terminologie propre à différents continents. Nous proposerons donc une corrélation simple entre : le facteur climat, associé à la morphogénèse du patio ; et le facteur d’usage.
« L’homme du Nord devra en permanence se protéger de son environnement climatique, alors que dans les régions à patio cet environnement est recherché dans le geste quotidien. » André Ravéreau .
Historique du patio
L’architecture vernaculaire ?
De nombreux architectes, tel que Le Corbusier (tel qu’à la villa Baizeau), ont su tirer profit d’un savoir faire « exotique » pour une réinterprétation architecturale contemporaine mais climatiquement sous-jacente. Car c’est également sur ce point que l’on doit s’attarder. Construire durablement c’est à la fois prendre en compte les conditions sociales, politiques, historiques et économiques d’un moment donné et son futur, mais aussi et surtout les conditions « climatiquo-géographiques » du site sur lequel on s’implante. Les principes vernaculaires reposent sur des réalités tangibles, objectivables et raisonnable, en ce sens que rien n’est laissé au hasard. L’expérience que leurs habitants et concepteurs ont pu faire, dépasse parfois notre culture. Si bien que l’usage interfère également dans la création d’un tel espace. Nous le verrons, le climat agis directement sur les modes de vie, et le dispositif patio ne se vie pas de la même manière d’un continent à l’autre, voir d’une région à l’autre… Pour comprendre notre démarche, il convient de définir ce que peut signifier la logique d’architecture vernaculaire aux yeux d’un architecte.
Aux origines du mot « vernaculaire » venant du latin vernaculus, le quartier des esclaves derrière le jardin du maître, on comprend assez bien cette culture du « faire soimême », dont les architectes peuvent tirer partie et surtout approfondir. Cette terminologie reste néanmoins sujet d’ambiguïté selon la culture de celui qui l’emploie. Il est évidant que la culture étrangère y soit pour beaucoup dans l’interprétation d’un système constructif ou d’une typologie, dans la mesure où l’on peut parfois retrouver des ressemblances, des mimétismes pour des cultures lointaines sans rapports culturels apparents. C’est sans doute ce qui fait qu’aujourd’hui on désigne souvent par architecture vernaculaire (appellation datant du troisième tiers du XXe siècle ), la construction de bâtiments en milieu rural ou en périphérie de ville sans maître d’œuvre ni architecte, sous la forme institutionnelle de l’auto-construction, par des personnes donc, dont l’activité principale n’est pas une activité de bâtisseurs. L’exemple de cette maison auto construite de type Gersoise, est assez révélateur du principe mis en œuvre par ses propriétaires et constructeurs. Sans tomber dans une forme d’excès, dans la définition du mot « vernaculaire », comme a pu le faire Paul Oliver dans Encyclopedia of Vernacular Architecture of the World , ( l’architecture vernaculaire, définie comme étant l’architecture des gens, une architecture sans architecte, faisant appel aux matériaux disponibles sur place et mettant en œuvre des techniques traditionnelles par opposition à l’architecture pour les gens, une architecture d’architecte ) je vous propose une autre définition qui desservira mon discours quand au choix du patio comme dispositif vernaculaire :
« Sa tendance à évoluer dans le temps reflète le contexte environnemental, culturel et historique dans lequel elle existe. […] Contrairement à l’architecture des architectes utilisant le plan, la connaissance constructive dans l’architecture vernaculaire est souvent véhiculée par les traditions locales. Elle s’appuie plutôt, mais pas uniquement, sur une connaissance empirique acquise à travers des tentatives et des échecs sur des matériaux. Elle est une architecture en ce sens qu’elle conceptualise l’espace bâti suivant un modèle (local) qui définit des volumes et les articulations intérieures avec leurs destinations d’usage, qui définit la masse plus l’aspect extérieurs liés aux matériaux. Elle est généralement transmise de génération en génération plutôt que soutenue par la connaissance de la géométrie et la physique. » .
Cette définition tire d’avantage son essence du récit d’Eric Mercer, qui définit un bâtiment vernaculaire comme appartenant à un ensemble de bâtiments qui surgis lors d’un même mouvement de construction ou de reconstruction. Ce mouvement affectant une ou plusieurs régions et s’inscrivant dans une période variant d’une région à une autre selon des décalages de quelques décennies à un siècle et plus. L’extrait suivant illustre son point de vue :
« Vernacular buildings are those which belong to a type that is common in a given area at a given time. It follows that a kind of building may at any one time be ‘vernacular’ in one area, and ‘non-vernacular’ in another, and in any one area may change in the course of time from ‘non-vernacular’ to ‘vernacular’. In other words, no building is or is not ‘vernacular’ for its own qualities but is so by virtue of those which it shares with many others, and the identification of ‘vernacular’ buildings is very much a matter of relative numbers » (« Les bâtiments vernaculaires sont ceux qui appartiennent à un type communément répandu dans une zone donnée à une époque donnée. Il s’ensuit qu’un tel genre de bâtiment peut, à une même époque, être ‘vernaculaire’ dans une zone et ‘non vernaculaire’ dans une autre, et, dans une même zone, passer, avec le temps, de ‘non vernaculaire’ à ‘vernaculaire’. Autrement dit, un bâtiment est ‘vernaculaire’ ou ‘non vernaculaire’ non pas du fait des caractéristiques qui lui sont propres mais en vertu de celles qu’il partage avec de nombreux autres, et l’identification des bâtiments ‘vernaculaires’ est fonction principalement de leur importance numérique relative »).
Le patio peut donc être considéré comme faisant corps avec cette définition, puisqu’il a fait l’objet, nous le verrons, de nombreuses appropriations par des cultures différenciées. Ainsi donc ce type d’architecture prend vraisemblablement source du milieu dans lequel il s’intègre, et constitue donc une réponse acceptable dans notre quête d’un processus de conception durable. Vous comprendrez alors pourquoi je pense que venir puiser dans ces ressources ancestrales peut constituer une trame de recherche, dans les ambiances, mais en ayant toujours à l’idée qu’un dispositif reste au service d’autres enjeux. Le terme « vernaculaire » désignerait alors également la construction qui utilise les ressources et les méthodes disponibles localement pour répondre aux besoins locaux, c’est ce que l’on pourrait appeler l’architecture autochtone.
Mais le questionnement soulevé dans la problématique présuppose justement qu’il puisse exister une forme de logique universelle, et notamment pour les maisons à patio(s). Le choix du patio s’est donc révélé comme le dénominateur commun à cette logique, véritable outil de régulation thermique et hygrométrique dans les régions chaudes du globe, il constitue un objet de recherche intéressant puisqu’il a contribué par le passé, à rafraichir les espaces adjacents de la maison. De plus, il apporte une pièce entre intérieur et extérieur avec des fonctionnalités qui varient suivant ses qualités d’ambiance, sa taille et sa symbolique vernaculaire. Le champ d’exploration est assez vaste pour en décrypter sa définition en termes d’ambiance, ou plutôt, ses définitions : il va de soi que chaque culture a pu s’approprier cette typologie pour des raisons différentes, mais que le facteur «climat » reste l’élément central de décision de ce parti pris architectural, par les habitants. L’affirmation d’une telle hypothèse prend légitimité dès lors que l’on considère que la forme « patio » a été réalisée sur chaque continent ou presque, et que le climat ou les conditions météos y soient des éléments déterminants.
La variation de la taille, de la forme, des proportions n’est pas nécessairement liée à cette problématique toutefois nous tenterons d’abord d’effectuer la suite des recherches par une étude de la genèse des patios, dans l’ensemble du monde afin de définir des variables, et leurs raisons, ou bien même des similitudes. Il s’avère alors que le patio devienne à la fois architecture traditionnelle et vernaculaire, et c’est là toute l’ambigüité du mot, qui en fait toute sa richesse. Pour comprendre et exploiter cette typologie, il convient d’effectuer un état de l’art, sorte de répertoire du patio depuis sa forme la plus ancienne, et si possible, à travers le monde .
Les origines du patio : de la Mésopotamie à l’Amérique du Sud
Introduire la notion de patio en tant qu’espace fonctionnel, sensible, social et technique pose dors et déjà des fondements quand à la définition du mot. Son rapport à d’autres terminologies, déterminées comme un lieu de vie « central », à une maison, autour duquel gravitent une ou plusieurs pièces, permettra donc d’agglomérer plusieurs mots autour d’une définition. Ainsi on pourra s’affranchir objectivement des cultures étudiées de telle façon que ce mode de construire soit davantage analysé pour des qualités spatiales ou sémiologiques que sémantiques. La véritable raison de cette recherche conduit à la poursuite d’une définition du patio, encore obscure, mais que la recherche dans les origines va éclairer et enrichir. « L’acclimatation du patio » dont nous allons voir les exemples, prend alors tout son sens dès lors que l’on découvre que ce dispositif apparait ou se transfert, depuis l’antiquité et au delà, dans toutes les grandes civilisations méditerranéenne d’une part puis ailleurs dans le monde. En effet, ce west ed-dar (le centre de la maison) des peuples arabo-musulmans, a déjà centré la maison en Mésopotamie, en Egypte, en Phénicie, en Etrurie, chez les Grecs et les Romains (dont la domus fut probablement l’héritière de synthèse indo-européennes, et qui laissera l’influence de son code dans le Moyen-âge latin et arabo musulman). Tout l’intérêt de cette transmission architecturale réside donc en partie dans le colporte culturel, l’échange de savoirs entre techniciens, ou entre les populations. Le parcours que chacune de ces maisons, à différentes époques, a fait pour y parvenir, n’a par ailleurs pas été le même : peut-être depuis le Iwan probablement anatolien pour les Etruriens, ou dans le sillage des millénaires maisons d’Ur pour la maison Grecque à Priène. On se rend compte également que l’expression finale à laquelle chaque culture est parvenue pour exprimer ce « cœur domestique », a été teintée de toutes les couleurs.
|
Table des matières
Introduction générale
Méthodologie de recherche partie 1
Partie 1 : Le patio à travers le monde : un système qui a fait ses preuves
Définir le mot patio au travers des ambiances.
1.1 Historique du patio
1.1.1 L’architecture vernaculaire ?
1.1.2 Origines _ le patio Romain, Asiatique, précolombien…
1.1.3 Qualités d’usages et climatiques des principaux patios évoqués
1.2 L’emploi contemporain du patio dans le monde : espaces pensés
1.2.1 Interprétation contemporaine du patio
1.2.2 Discours d’architectes, d’habitants, de promoteurs…
1.3 Architecturer le climat : le dispositif du patio
1.3.1 Le climat et la problématique des ambiances
1.3.2 Notions de confort dans le logement
1.3.3 Climats et usages : les vertus du patio comme réponse aux agressions climatiques
1.4 Conclusion sur la définition du patio
Interprétations des recherches effectuées
Conclusions
Méthodologie de recherche partie 2
Partie 2 : Acclimatation et réinterprétation du patio : étude de cas projet Boskop
Un « jardin secret » au service de la densité sous contrainte climatique et d’usage
Etude d’un quartier à patio en climat tempéré océanique. Se confronter à la réalité
2.1 Le contexte
2.1.1_Définition de la densité, quel intérêt pour le patio ?
2.1.2_Situation géographique, contexte urbain, orientation…
2.1.3_Le climat Nantais
2.1.4_Le climat politique, économique, … la démarche durable
2.2 Le parti-pris architectural et ses ambiances : « du logement collectif à l’horizontale »
2.2.1_Modularité et évolutivité : le patio et pluralité potentielle d’usage
2.2.2_La gestion de la densité
2.2.3_Le partage des espaces collectifs
2.3 Les usages et comportements face aux ambiances « enquête de terrain » l’équité ou l’ambiance homogène »
2.3.1_ Vivre le patio au gré des saisons
2.3.2_ Le micro climat de l’îlot : un référentiel dans les usages courants
2.3.3_conclusions
Conclusion générale
avis et interprétation personnels
Bibliographie