Le patient et son environnement

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SIX MOIS PLUS TARD

Avant de dรฉbuter la sรฉance, je partage un instant avec Adrien et son pรจre dans la salle dโ€™attente, Loรฏc รฉtant en rendez-vous avec un autre patient. Monsieur installe son fils sur le fauteuil, en position assise et sโ€™assied ร  cรดtรฉ de lui, avant de lui enlever ses chaussons et son manteau. Quant ร  moi, je suis installรฉe non loin sur une chaise, cette proximitรฉ me permet de palier ร  une chute รฉventuelle, de veiller ร  sa sรฉcuritรฉ.
Dans cette installation, je capte le regard dโ€™Adrien et lui demande comment il va. Ensuite, je mโ€™adresse au pรจre pour savoir si les vacances ont รฉtรฉ reposantes pour eux. Il acquiesce et explique quโ€™Adrien sโ€™est levรฉ aux aurores ce matin et quโ€™il nโ€™a bu que la moitiรฉ de son biberon. Son fils accompagne le discours par de nombreuses vocalises. A cet instant, il reรงoit un appel et se lรจve du fauteuil pour y rรฉpondre.
Je remarque quโ€™Adrien glisse sur le cรดtรฉ gauche et va bientรดt se retrouver en position allongรฉe. Je dรฉcide dโ€™observer comment il va sโ€™organiser โ€“ se laisser glisser ou se redresser โ€“ tout en lui verbalisant et en veillant ร  sa sรฉcuritรฉ. Mais son pรจre vient le redresser.
Loรฏc sort de la salle de psychomotricitรฉ pour raccompagner le patient avec qui il รฉtait en sรฉance, nous salue verbalement, fait un signe de la main ร  Adrien et nous invite ร  entrer dans la salle. Jโ€™y entre la premiรจre pour dรฉposer mes affaires.
Comme ร  son habitude, le pรจre dโ€™Adrien installe son fils au sol sur le tapis, et sโ€™assied sur la chaise proche du bureau. Agenouillรฉ face ร  Adrien, le psychomotricien lui fait des compliments concernant le pull quโ€™il porte, sur lequel est marquรฉ ยซ Superhero in training2 ยป. Cโ€™est avec des vocalises et des sourires adressรฉs quโ€™Adrien lui rรฉpond.
Le papa nous informe que son garรงon se retourne de plus en plus au sol (dos-ventre, ventre-dos), mรชme si une fois sur le ventre, ses mains restent bloquรฉes sous son corps. De plus, lorsquโ€™il attrape un objet, il utilise rรฉguliรจrement ses deux mains. Loรฏc propose donc ร  Adrien diffรฉrents jouets en arc de cercle au-dessus de lui pour observer les progrรจs dรฉcrits par le pรจre.
Cโ€™est avec rapiditรฉ quโ€™Adrien rรฉagit aux stimulations proposรฉes, ce qui permet ร  Loรฏc de lโ€™accompagner vers une solution afin quโ€™il prenne appui sur ses avant-bras. Avec cet appui, la tรชte relevรฉe, Adrien regarde les jouets qui lโ€™entourent avec de nombreuses vocalises. Sa tรชte retombe et il revient sur le dos. Nous le fรฉlicitons tous les trois, ses vocalises nous font รฉcho.
Avant de terminer la sรฉance, Loรฏc tend ses mains ร  Adrien pour quโ€™il attrape ses doigts. Dans ce moment dโ€™รฉchange, ils discutent au travers du regard et dans un dialogue de questions-rรฉponses. Le psychomotricien bruite la montรฉe en accompagnant Adrien vers la position assise, tandis quโ€™Adrien lui rรฉpond par des sourires, des rires et beaucoup de vocalises.

Traduction anglaise de : Super-hรฉros en formation

Le psychomotricien installe ensuite Adrien sur un plan inclinรฉ (module en mousse), en lui demandant de pousser avec ses pieds pour se regrouper et se hisser vers le haut du module en prenant appui sur ses avant-bras.
Nous observons que la tenue de tรชte est plus brรจve et il semble sโ€™enraidir. Loรฏc dรฉcide donc dโ€™arrรชter et prend Adrien dans ses bras pour le calmer. Le pรจre prend le relai, ce qui marque la fin de la sรฉance.
Voilร  trois semaines quโ€™Adrien nโ€™est pas venu en sรฉance, je suis curieuse de voir comment il va. Il est aujourdโ€™hui รขgรฉ de vingt mois. Ce premier temps partagรฉ dans la salle dโ€™attente avec lui et son pรจre mโ€™a permis de lโ€™observer dans un autre contexte. Installรฉ sur le fauteuil, son regard est accessible et รชtre en interaction avec lui me paraรฎt possible.
En essayant dโ€™attirer son attention, la prosodie de ma voix se modifie, je chuchote presque, ce qui mโ€™รฉtonne. Dans ce moment de relation, je lui montre et lui explique les images dโ€™un livre trรจs colorรฉes. Son regard est dirigรฉ vers le livre, il semble attentif.
Une hรฉsitation me parcourt lorsquโ€™Adrien commence ร  glisser sur un cรดtรฉ, assis dans le fauteuil. Je suis partagรฉe entre la volontรฉ de voir comment il va lui-mรชme rรฉagir ร  ce changement de position incontrรดlรฉ et mon rรดle dans cette situation.
Par la prรฉsence du pรจre, je ne me suis pas autorisรฉe ร  redresser Adrien mais jโ€™ai portรฉ une attention particuliรจre ร  sa sรฉcuritรฉ et ร  son confort. Dans ce moment dโ€™incertitude, je verbalise ร  Adrien quโ€™il glisse et lui demande comment il compte faire pour se redresser, ce qui me permet indirectement dโ€™en informer le pรจre qui ne sโ€™en est peut-รชtre pas rendu compte puisquโ€™il est au tรฉlรฉphone.
Aujourdโ€™hui, Adrien marque particuliรจrement sa prรฉsence par de nombreuses vocalises qui accompagnent ses actions et les discussions, dโ€™autant plus lorsque son pรจre parle. En effet, pendant que je discute avec le papa en salle dโ€™attente, Adrien participe ร  la conversation. En revanche, quand Monsieur est au tรฉlรฉphone, le tout petit est plus silencieux.
Ses vocalises ont รฉgalement marquรฉ ses envies au cours de la sรฉance. Lors de la derniรจre proposition qui lโ€™a mis en difficultรฉ, Adrien nous a fait comprendre son souhait dโ€™arrรชter par une grosse colรจre. A ce moment, il ne pleure pas mais se manifeste avec des cris, rougit et entre en hyperextension.
Dans cette fin de sรฉance, le pรจre semble moins disponible ร  accueillir ce quโ€™il se passe. Prรฉsent dans la relation, il verbalise certaines actions de son fils, mais lors de sa colรจre, il nโ€™intervient pas physiquement bien quโ€™il en a le droit. Cโ€™est pourquoi Loรฏc sโ€™est autorisรฉ ร  rassurer Adrien en le prenant dans ses bras avant de terminer la sรฉance.
Pendant cette sรฉance, jโ€™ai rรฉussi ร  partager mon attention entre Adrien et son pรจre, ce qui mโ€™avait semblรฉ trรจs difficile lors de la premiรจre rencontre. Cependant, son papa รฉtant moins prรฉsent verbalement, mon observation nโ€™a pas รฉtรฉ surchargรฉe par dโ€™autres informations.
Je me sens รฉgalement plus impliquรฉe dans le suivi et dans cette relation, grรขce ร  la rรฉpรฉtition des rencontres qui me permet de mieux connaรฎtre Adrien et son pรจre. Je ne dรฉcouvre plus la situation, jโ€™y participe.
A son retour de vacances, nous constatons une รฉvolution dans le dรฉveloppement dโ€™Adrien. Il maรฎtrise de mieux en mieux sa tenue de tรชte, tant en position assise quโ€™en position ventrale. En revanche, sa fatigabilitรฉ persiste. Il prรฉsente une grande appรฉtence pour les jouets proposรฉs, ce qui lโ€™incite ร  rรฉaliser des retournements dos-ventre, ventre-dos plus frรฉquemment. Aujourdโ€™hui, il ne parvient pas ร  libรฉrer ses mains du poids de son corps une fois sur le ventre, ce qui lโ€™empรชche de manipuler les jouets.
En plus de ses progrรจs sur le plan psychomoteur, Adrien entre plus facilement en relation avec autrui non seulement grรขce ร  ses nouvelles postures qui lui apportent un autre regard sur le monde environnant et par les vocalises quโ€™il partage. Mais aussi par sa qualitรฉ de regard, il est plus facile dโ€™attirer son attention et mรชme de capter son regard pour un moment de partage.

DYNAMIQUE RELATIONNELLE.

EN DEร‡A DU DIALOGUE VERBAL

Le suivi dโ€™Adrien a soulevรฉ diffรฉrentes questions concernant la qualitรฉ dโ€™รฉchange ร  adopter : quel mode de communication privilรฉgier ? Comment lire le langage du corps ? Son retard de dรฉveloppement influence-t-il ses habiletรฉs relationnelles ?
La communication avec Adrien est impactรฉe ร  diffรฉrents niveaux. Ses capacitรฉs dโ€™expression verbale sont influencรฉes par son retard global de dรฉveloppement. Mรชme sโ€™il vocalise et semble attentif aux sons, le langage nโ€™est pas encore acquis.
Il me semble rรฉagir plus ร  la prosodie quโ€™aux mots quand nous lui faisons une proposition. Jโ€™ai remarquรฉ par ailleurs, que la quantitรฉ de ses vocalises est trรจs diffรฉrente dโ€™une sรฉance ร  lโ€™autre. Ces fluctuations paraissent en lien avec son รฉtat gรฉnรฉral (fatigue, somatique).
Avant que lโ€™enfant acquiรจre le langage, la communication est possible au travers du dialogue tonique. Le corps est vecteur de ce dialogue. Chez Adrien, diffรฉrents facteurs viennent entraver la qualitรฉ de ce mode de communication : son retard de dรฉveloppement, son hypertonicitรฉ et sa fatigabilitรฉ.
La communication passe รฉgalement par le regard. Celui dโ€™Adrien est difficile ร  capter, son regard se fixe sur des objets et รฉchappe au nรดtre. Jโ€™apprendrais par la suite quโ€™il porte des lunettes mais celles-ci ont รฉtรฉ perdues. Elles ont รฉtรฉ refaites depuis, mais il ne les porte pas rรฉguliรจrement.
Afin dโ€™entrer en communication avec Adrien, la qualitรฉ de lโ€™observation est importante et la verbalisation est ร  privilรฉgier, notamment sur ce qui semble se passer pour lui, pour le proche prรฉsent et pour nous afin dโ€™accompagner ses rรฉactions. En effet, pour le tout petit, lโ€™environnement conditionne une partie des rรฉponses ; lโ€™individuation et le dรฉveloppement du vocabulaire permettent de les prรฉciser.
Adrien nous communique, au travers de son corps, ses envies et ses besoins auxquels nous, cโ€™est-ร -dire le psychomotricien, ses parents et moi-mรชme lui rรฉpondons par un รฉtayage verbal et corporel sur la base de nos hypothรจses. Ainsi, lorsquโ€™il oriente son regard vers un jouet, nous verbalisons son intention puis nous lui laissons un temps pour quโ€™il puisse sโ€™essayer ร  lโ€™attraper, avant de lโ€™accompagner corporellement et verbalement pour le retournement dos-ventre sโ€™il en a besoin.

Lโ€™INTEGRATION DES PROCHES DANS LA PRISE EN CHARGE.

Lโ€™รขge dโ€™Adrien implique la prรฉsence dโ€™un de ses parents en sรฉance, ce qui met en avant la question de la place et du rรดle de chacun : comment accueillir les questions et remarques des parents ? Quelle influence leur prรฉsence a sur le dรฉroulรฉ de la sรฉance ? Quel cadre mettre en place dans un accompagnement parental ?
Lors de la prise en charge dโ€™un bรฉbรฉ un des parents est prรฉsent. A ce stade, la relation bรฉbรฉ-parent est dรฉterminante de son dรฉveloppement. De plus, ce sont des acteurs importants puisquโ€™ils partagent le quotidien de leur enfant et apportent donc des informations nรฉcessaires ร  la qualitรฉ du suivi. Leurs observations viennent complรฉter et prรฉciser celles que nous avons ร  un instant T, celui de la sรฉance.
Loรฏc mโ€™informe que dans les premiรจres sรฉances, la mรจre semblait plus investie et accompagnait son fils. Actuellement, la maman est moins prรฉsente, Adrien vient exclusivement accompagnรฉ de son papa.
Nous pouvons nous demander pourquoi ce changement ? Est-il dรป ร  une rรฉorganisation familiale ? Les sรฉances sont-elles trop douloureuses pour la mรจre ? Est-elle en difficultรฉ avec Adrien ? Beaucoup dโ€™hypothรจses sont envisageables mais nous ne pouvons, au regard de ce que nous connaissons de la famille, en privilรฉgier une plus quโ€™une autre.
Au cours des sรฉances, je remarque รฉgalement des fluctuations dans la qualitรฉ de prรฉsence du pรจre. A certains moments, il semble se mettre en retrait et sa participation dans la prise en charge avec Adrien diminue. A dโ€™autres en revanche, il aborde de nombreux points, comme sโ€™il attendait une rรฉponse prรฉcise du psychomotricien.
Il partage ses remarques, parfois nรฉgatives, sur les diffรฉrents suivis dโ€™Adrien, les avancรฉes concernant la recherche de lโ€™รฉtiologie du retard de dรฉveloppement, ses inquiรฉtudes et ses attentes par rapport aux compรฉtences de son fils.
Lโ€™attention de Loรฏc doit รชtre partagรฉe entre le parent et le patient et, parfois les demandes sont nombreuses ce qui influence la prise en charge dโ€™Adrien. Effectivement, il se peut que lโ€™apport dโ€™une rรฉponse demande au psychomotricien de dรฉtourner son attention dโ€™Adrien.
Lโ€™objectif est de favoriser une relation triangulaire parent-bรฉbรฉ-thรฉrapeute fluide. Pour cela, il semble intรฉressant de se questionner sur le rรดle de chacun dans ce flux relationnel, est-ce le psychomotricien qui distribue les cartes ou existe-t-il une rรฉciprocitรฉ entre chaque acteur ?

UNE QUETE DE REPONSES

Eliott est un garรงon de six ans et demi, scolarisรฉ en Cours Prรฉparatoire (CP), lorsque je le rencontre. En dรฉbut de prise en charge, Eliott bรฉnรฉficiait dโ€™une sรฉance par semaine, accompagnรฉ une fois sur deux par sa mรจre ou son pรจre. A ce jour, il vient en sรฉance une semaine sur deux, uniquement en prรฉsence de son pรจre.

PRESENTATION ET ANAMNESE Dโ€™ELIOTT.

Fils unique du couple, il vit une semaine sur deux chez sa mรจre puis son pรจre, ces derniers รฉtant divorcรฉs depuis ses deux ans et demi. Lors de lโ€™entretien, ses parents รฉvoquent lโ€™impact que cet รฉvรฉnement a eu sur la relation quโ€™Eliott entretenait avec son pรจre, notamment par des conflits lorsquโ€™il รฉtait chez son papa avec sa nouvelle compagne et les enfants de celle-ci. Il a aujourdโ€™hui un petit frรจre du cรดtรฉ paternel.
La marche a รฉtรฉ acquise vers un an et les premiers mots dans la mรชme pรฉriode. Dans la petite enfance, Eliott a รฉtรฉ traitรฉ par coussin vibrant pour une plagiocรฉphalie.
Lโ€™รฉcole maternelle et le centre de loisir ont mis en avant certaines difficultรฉs en motricitรฉ. Son institutrice a notamment relevรฉ de grandes difficultรฉs graphiques, des difficultรฉs dโ€™attention et une certaine maladresse.
Suivi depuis sept mois en psychomotricitรฉ, lโ€™รฉtiologie des difficultรฉs dโ€™Eliott nโ€™รฉtait pas connue jusquโ€™ร  aujourdโ€™hui. En dรฉcembre 2019, suite ร  la rรฉalisation dโ€™examens complรฉmentaires, un diagnostic dโ€™รฉpilepsie a รฉtรฉ posรฉ suivi de la mise en place dโ€™un traitement.
La conclusion du bilan psychomoteur dโ€™Eliott rรฉalisรฉ par Loรฏc met en relief un certain nombre de difficultรฉs : ยซ Elles correspondent ร  des troubles moteurs importants apparents ร  la dyspraxie, des difficultรฉs rythmiques assimilables ร  une dyslexie, une dysgraphie ร  relier aux troubles de la rรฉgulation tonique et un trouble visuel, une latรฉralisation non homogรจne ainsi que des troubles visuo-perceptifs ยป. Ce qui a amenรฉ Loรฏc ร  conseiller aux parents des examens complรฉmentaires dont une consultation neuropรฉdiatrique.

RENCONTRES AVEC ELIOTT

PREMIERE SEANCE

Eliott est le premier patient que je rencontre lors de mon stage. Avec Loรฏc, nous allons le chercher dans la salle dโ€™attente. Il est accompagnรฉ par son pรจre. Aprรจs les avoir saluรฉs de vive voix et avant de retrouver la salle de psychomotricitรฉ avec ce jeune garรงon, le psychomotricien me prรฉsente : ยซ Je vous prรฉsente Maureen, stagiaire en derniรจre annรฉe de psychomotricitรฉ, elle sera avec moi chaque mercredi pour voir comment je travaille et sโ€™initier au mรฉtier de psychomotricien ยป. Ils acceptent tous les deux.
Le papa reste dans la salle dโ€™attente, nous le retrouverons en fin de sรฉance.
Eliott, une fois dans la salle, va sโ€™asseoir devant le bureau et fait face ร  Loรฏc. Il se tient tรชte baissรฉe. Le psychomotricien demande ร  Eliott comment sโ€™est dรฉroulรฉ son dรฉbut de journรฉe, il lui rรฉpond briรจvement : ยซ oui, รงa va ยป, dโ€™une voix presque inaudible, sans lever le regard.
Loรฏc lโ€™invite ร  se lever et dispose des haies en plastique dโ€™environ vingt centimรจtres de hauteur, les unes derriรจre les autres. Lโ€™objectif est de les enjamber en marchant. Bras tendus, poignets ยซ cassรฉs ยป, il passe au-dessus des haies comme un robot et prรฉsente des syncinรฉsies axiales notamment au niveau de la bouche.
Le psychomotricien, ensuite, sort une รฉchelle de rythme et lui propose un challenge oรน les niveaux sont de plus en plus difficiles (marche, pas chassรฉs, saut pieds joints). Le saut ร  pieds joints met Eliott en difficultรฉ, il perd souvent lโ€™รฉquilibre et fait tomber les haies. Cโ€™est alors quโ€™il dรฉcide lui-mรชme de modifier les rรจgles et essaye ร  cloche-pied. Malgrรฉ la complexitรฉ de la tรขche, il persรฉvรจre jusquโ€™ร  ce que le psychomotricien intervienne en lui proposant de faire une pause.
Pour terminer la sรฉance, Eliott choisit les Kaplaยฉ (lamelles de bois de taille et de forme identiques). Il souhaite rรฉaliser une tour. Assis au sol, Eliott change frรฉquemment de position. La base est dรฉjร  construite, il suit cet exemple. Chacun notre tour, nous apportons une ยซ brique ยป ร  la tour. Lorsquโ€™il pose un Kaplaยฉ, il le lรขche rapidement et la tour risque de tomber.
Une fois la tour รฉcroulรฉe, nous rangeons et retrouvons le pรจre dโ€™Eliott dans la salle dโ€™attente qui demande si la sรฉance sโ€™est bien passรฉe. Eliott reste silencieux et laisse Loรฏc expliquer les activitรฉs que nous avons faites.
Eliott marque le dรฉbut de mon stage puisquโ€™il sโ€™agit du premier patient de ma premiรจre journรฉe au cabinet libรฉral. Je suis non seulement impatiente de dรฉcouvrir la maniรจre de travailler de mon rรฉfรฉrent de stage et les personnes quโ€™il suit, mais aussi stressรฉe par lโ€™idรฉe de trouver ma place dans une relation dรฉjร  existante entre Eliott, son pรจre et le psychomotricien.
Arrivรฉe dans la salle dโ€™attente je salue oralement Eliott et son pรจre avant que le psychomotricien ne me prรฉsente. Dรจs quโ€™ils approuvent ma prรฉsence, mon stress diminue : ils mโ€™offrent une place dans la relation.
Loรฏc mโ€™avait expliquรฉ en amont que certains parents, dont ce papa, restent en salle dโ€™attente. Cette dรฉcision est prise, en accord avec le patient et les accompagnants, lorsque le psychomotricien estime que le patient peut participer seul ร  la sรฉance, selon son รขge, ses capacitรฉs de comprรฉhension et la dynamique relationnelle existante entre enfant-proche et รฉtablie entre professionnel-enfant-proche. Cela permet de voir comment se comporte et rรฉpond lโ€™enfant lorsquโ€™il nโ€™est pas sous le regard dโ€™un parent, mais aussi de symboliser un temps et un lieu consacrรฉ ร  lโ€™enfant.
Une fois dans la salle avec Eliott, je le regarde et lui sourit. Tandis que nous nous installons tous les trois au bureau, il me rรฉpond timidement par un sourire.
Pendant la premiรจre proposition, je me place en tant quโ€™observatrice et mโ€™assieds prรจs du bureau. Eliott regarde plusieurs fois dans ma direction, briรจvement, jโ€™ai lโ€™impression que ma prรฉsence le gรจne. Je dรฉcide donc dโ€™arrรชter ma prise de note et le fรฉlicite lorsquโ€™il atteint le niveau suivant, malgrรฉ cela son regard mโ€™interroge toujours.
Au moment oรน il doit sauter pieds joints entre les barreaux de lโ€™รฉchelle de rythme il est en difficultรฉ. Eliott entre en hypertonicitรฉ, ses syncinรฉsies oro-chirales sโ€™accentuent, ses sauts manquent de fluiditรฉ et leurs rรฉceptions entraรฎnent une perte dโ€™รฉquilibre.
Je ne comprends pas pourquoi il choisit de sauter ร  cloche pieds, dโ€™autant plus quโ€™il enroule une jambe autour de lโ€™autre. Alors que la situation demandรฉe โ€“ ici le saut pieds joints โ€“ le met en difficultรฉ, il choisit une modalitรฉ plus compliquรฉe comme pour gรฉrer cette situation dโ€™รฉchec. Ce moment nโ€™est pas รฉvident pour lui mais il est prรฉsent et essaye de se dรฉbrouiller, cโ€™est pourquoi je continue de lโ€™encourager, dans lโ€™espoir quโ€™il rรฉussisse ou que Loรฏc lui vienne en aide.
Pendant la construction de la tour ร  lโ€™aide des Kaplaยฉ, le psychomotricien mโ€™invite ร  venir mโ€™installer avec eux au sol et de participer ร  la construction. Il arrive quโ€™Eliott ne respecte pas le tour de rรดle, je me demande alors sโ€™il est dโ€™accord pour que je participe ร  lโ€™activitรฉ.
Mรชme si ma prรฉsence a รฉtรฉ acceptรฉe lors des prรฉsentations, je nโ€™ose pas intervenir quand la tour risque de tomber, nโ€™รฉtant pas encore bien sรปre ni de ma place, ni de mon rรดle.
La sรฉance se termine et lorsquโ€™Eliott repart avec son pรจre, je constate que sa voix nโ€™est toujours quโ€™un murmure. En revanche, son regard est moins fuyant.
Au cours de cette premiรจre sรฉance, je remarque que ses gestes et sa dรฉmarche manquent de fluiditรฉ. Les haies ainsi que lโ€™รฉchelle de rythme engendrent des syncinรฉsies oro-chirales ainsi quโ€™un recrutement tonique en extension. Lors de lโ€™activitรฉ avec les Kaplaยฉ, il semble ne pas trouver les appuis nรฉcessaires pour stabiliser sa posture et prend appuis sur lโ€™une de ses mains.
Dans ces diffรฉrentes activitรฉs, Eliott donne l’impression de vouloir se dรฉbrouiller seul. Face ร  ses difficultรฉs, il prend lโ€™initiative de modifier les consignes comme pour reprendre le contrรดle de la situation. Lorsque nous lui proposons de lโ€™aide, il paraรฎt ne pas en vouloir et continue ses expรฉrimentations.

QUATRE MOIS PLUS TARD

Eliott vient dโ€™arriver en salle dโ€™attente accompagnรฉ par son pรจre. Le psychomotricien et moi-mรชme les rejoignons et leur serrons la main avant dโ€™entrer dans la salle de psychomotricitรฉ avec Eliott. Avant mรชme de sโ€™installer au bureau, il sโ€™empare de la Physioballยฎ (balle de grande dimension) et tente diffรฉrentes mรฉthodes de dรฉplacement. Il commence par sโ€™allonger dessus, la coince entre ses jambes pliรฉes et prend appui au sol ร  lโ€™aide de ses mains. Il avance dโ€™abord ses bras, puis ramรจne ses jambes et la balle prรจs de son buste pour se dรฉplacer. Ensuite, il essaye de se laisser glisser sur la balle, son corps roule dessus, du buste jusquโ€™aux pieds.
Aprรจs lโ€™avoir observรฉ, le psychomotricien lui demande sโ€™il sait faire la brouette (une personne est debout, elle tient les chevilles de lโ€™autre afin que cette derniรจre se dรฉplace ร  lโ€™aide de ses mains au sol). Eliott propose de lui faire une dรฉmonstration avec la Physioballยฎ, mais ne persiste pas quand Loรฏc lโ€™invite ร  la laisser de cรดtรฉ pour lโ€™instant.
Eliott commence par faire la brouette, il se place au dรฉbut du tapis et se dรฉplace jusquโ€™ร  lโ€™autre extrรฉmitรฉ ร  la force de ses bras tandis que le psychomotricien lui tient les chevilles.
Puis, ils inversent les rรดles. Eliott me regarde et demande ร  voix haute comment faire pour soulever Loรฏc. Il dรฉcide de glisser la Physioballยฎ en dessous du ventre du psychomotricien, lui attrape les chevilles et lโ€™aide ร  glisser sur la balle jusquโ€™ร  lโ€™autre bout du tapis. Il souhaite essayer cette technique en รฉtant la brouette, ce qui lโ€™amuse beaucoup.

Lโ€™ACCEPTATION Dโ€™UN PARCOURS DE SOIN

Lโ€™accompagnement dโ€™Eliott interroge รฉgalement sur le caractรจre indispensable du cadre pour contenir les diffรฉrents acteurs de la prise en charge : quel cadre appliquรฉ en sรฉance ? Comment y inclure les proches ? Quel impact sโ€™il nโ€™est pas investi ?
Le cadre thรฉrapeutique est nรฉcessaire auprรจs dโ€™Eliott, notamment dans les situations de difficultรฉs. Il existe au travers de lโ€™accompagnement physique et verbal, et des rรจgles ร  respecter que jโ€™aurai lโ€™occasion de dรฉtailler.
Ce soutien lui offre la contenance nรฉcessaire ร  sa concentration et ร  son expรฉrimentation tout en le laissant acteur de sa prise en charge.
Le cadre concerne รฉgalement les proches dโ€™Eliott. Les manifestations toniques quโ€™il prรฉsente ont rapidement questionnรฉ Loรฏc. Les informations transmises par ses parents lors de lโ€™anamnรจse et du bilan psychomoteur nโ€™ont pas permis de clarifier lโ€™รฉtiologie de ces troubles.
Cependant, malgrรฉ de nombreuses relances de la part du psychomotricien, les parents ne semblent pas mesurer les difficultรฉs de leur fils.
Un diagnostic dโ€™รฉpilepsie a รฉtรฉ posรฉ aprรจs une annรฉe de prise en charge, accompagnรฉ de la mise en place dโ€™un traitement. Il est donc possible que, lors de la premiรจre annรฉe de suivi, certaines compรฉtences ont รฉtรฉ impactรฉes par les crises.
Cette situation pose question sur lโ€™investissement des parents dans la prise en charge, par quels moyens le psychomotricien les accompagne-t-il dans ce projet de soins ?

DU LACHER PRISE

Monsieur Dolet est un homme รขgรฉ de trente-deux ans. Le psychomotricien le reรงoit une fois toutes les deux semaines, au cours dโ€™une sรฉance de quarante-cinq minutes.

PRESENTATION ET ANAMNESE DE MONSIEUR DOLET

Monsieur Dolet est arrivรฉ au cabinet avec une demande trรจs prรฉcise concernant des difficultรฉs dโ€™apprรฉhension des rythmes.
Lโ€™anamnรจse est assez succincte et nous nโ€™avons pu recueillir que peu dโ€™รฉlรฉments sur sa vie. Cรฉlibataire, il travaille sur la commune du cabinet dans une entreprise de dรฉveloppement de rรฉseaux numรฉriques.
Sportif, il a dรฉcidรฉ suite ร  une discussion avec un ami de devenir soldat rรฉserviste. Cโ€™est au cours dโ€™un week-end de classe quโ€™il a pris conscience de son incapacitรฉ ร  marcher au pas. Son sergent, avec qui il a discutรฉ de cela, lui a conseillรฉ de prendre rendez-vous avec un psychomotricien. Monsieur Dolet a pu associer cette difficultรฉ ร  dโ€™autres domaines oรน les rythmes entrent en jeu. Ainsi, il sโ€™รฉtait essayรฉ ร  la Salsa, mais avait arrรชtรฉ car cela รฉtait trop fastidieux. Il reconnaรฎt aimer et avoir besoin de rรฉpรฉter les mรชmes mouvements. Il pratique donc le CrossFit, la boxe Thaรฏ et fait du Parkour. Il a รฉgalement une pratique de Yoga et de mรฉditation.

RENCONTRES AVEC MONSIEUR DOLET

PREMIERE SEANCE

Je rencontre Monsieur Dolet lors de ma premiรจre journรฉe de stage, sur lโ€™heure du midi. Tandis quโ€™il entre dans la salle de psychomotricitรฉ, je le salue verbalement et serre la main quโ€™il me tend.
Loรฏc me prรฉsente, laissant toujours la possibilitรฉ de refuser ma prรฉsence, cependant Monsieur Dolet approuve avec un sourire.
Le psychomotricien pose des boomwhackers ou ยซ tubes-ร -sons ยป au centre de la salle. Chacun des tubes en plastique produit une note de musique spรฉcifique lorsque nous le faisons rรฉsonner en le frappant contre soi, au sol, sur un objet ou contre un autre tube.
Avant de commencer lโ€™activitรฉ, Loรฏc mโ€™invite ร  participer, nous nous installons donc au sol, en formant un triangle.
La premiรจre proposition est que lโ€™un dโ€™entre nous frappe ร  lโ€™aide dโ€™un tube un rythme rรฉgulier. Les deux autres doivent alors synchroniser leurs frappes avec ce dernier.
Monsieur Dolet commence et donne le rythme, le psychomotricien et moi-mรชme le suivons. Monsieur Dolet est trรจs concentrรฉ, son regard fixe le sol et ses sourcils se froncent. Lorsque nous changeons les rรดles, son regard est systรฉmatiquement dirigรฉ vers le tube du meneur et il prรฉsente des difficultรฉs ร  se caler sur le rythme proposรฉ.
Aprรจs que nous ayons rรฉussi ร  reproduire le rythme de maniรจre synchrone, le psychomotricien suggรจre que les accompagnateurs viennent complรฉter la phrase proposรฉe au lieu de sโ€™y synchroniser. Pour cela, il est possible de frapper le contre-temps ou augmenter la frรฉquence des frappes par exemple.
En tant que chef dโ€™orchestre, Monsieur Dolet reprend la mรชme posture que prรฉcรฉdemment. En revanche, lorsquโ€™il doit complรฉter le rythme, son regard reste fixรฉ au sol. Bien quโ€™il prenne un temps pour รฉcouter avant de proposer un accompagnement, ses frappes manquent de rรฉgularitรฉ et rejoignent souvent le rythme principal.

DYNAMIQUE RELATIONNELLE

E LACHER PRISE

Dโ€™une part, la prise en charge de Monsieur Dolet mโ€™a interrogรฉe sur le corps comme vecteur de la communication : quel accompagnement vers une รฉcoute de ses sensations ? Comment travailler sur le lรขcher prise avec un adulte ? Le contrรดle de soi a-t-il une influence sur les sensations ?
Lors des sรฉances, je remarque que pour Monsieur Dolet lโ€™intellectualisation prime sur les sensations. Pour repรฉrer et reproduire les rythmes dans les diffรฉrentes propositions, il sโ€™appuie sur les explications plus thรฉoriques du psychomotricien. Sโ€™il nโ€™en donne pas, Monsieur Dolet se base plutรดt sur lโ€™imitation que sur ses ressentis.
Lorsquโ€™il doit taper un rythme, ses gestes sont de faible amplitude mais sa concentration est forte. Au cours de la prise en charge, nous avons remarquรฉ une รฉvolution dans sa qualitรฉ dโ€™expression, et ร  ce moment il nous fait part dโ€™une sensation de lรขcher prise.
En effet, au dรฉpart pour taper le rythme dโ€™une musique, le contrรดle visuel et la mentalisation prรฉdominaient (imitation des gestes du psychomotricien, comptage du rythme ร  voix basse). Aujourdโ€™hui il sโ€™y prรชte plus volontairement, de maniรจre fluide et au travers du corps.
Pour Monsieur Dolet, la qualitรฉ de lรขcher prise semble avoir รฉmergรฉe aprรจs une phase de mentalisation de rythmes, une phase de contrรดle. La rรฉpรฉtition de certaines propositions lui a permis de prendre confiance, de maรฎtriser et donc de pouvoir varier leur perception et leur retranscription.
En proposant des musiques quโ€™il apprรฉcie et des activitรฉs demandant une certaine logique, il a pu prendre plaisir et percevoir des progrรจs concernant son motif initial de consultation.

UNE DEMANDE PARTICULIERE.

Dโ€™autre part, la demande spontanรฉe de Monsieur Dolet mโ€™a questionnรฉe sur lโ€™apport dโ€™une rรฉponse ร  une demande prรฉcise : comment ajuster les propositions ร  un adulte ? Comment adapter lโ€™objectif de prise en charge ? Quel cadre poser ?
Monsieur Dolet est un homme de trente-deux ans, avec une demande particuliรจre : un travail autour du rythme. Ce suivi se distingue des autres auxquels jโ€™ai pu participer lors de mon stage suite ร  diffรฉrents points : il sโ€™agit de lโ€™unique prise en charge dโ€™un adulte sans pathologie dรฉterminรฉe.
Une majoritรฉ des patients rencontrรฉs dans ce stage en activitรฉ libรฉrale sont des enfants prรฉsentant une situation de handicap, avec ou sans รฉtiologie connue. Les difficultรฉs de Monsieur Dolet nโ€™entraรฎnent ni une limitation dโ€™activitรฉ, ni une restriction de participation dans la sociรฉtรฉ.
De plus, sa demande est spontanรฉe. Ce critรจre influence la qualitรฉ de prise en charge notamment par le fait quโ€™elle soit volontaire. Pour demander de lโ€™aide, il faut percevoir voire accepter ses difficultรฉs.
Chez les enfants, la demande รฉmane souvent des parents. Ici, Monsieur Dolet exprime une gรชne et souhaite y remรฉdier. Son investissement est continu et cette conscience lui permet dโ€™appliquer le travail rรฉalisรฉ en sรฉance dans sa vie quotidienne.
Pour favoriser lโ€™investissement du patient dans son suivi, il est important de prendre en compte ses centres dโ€™intรฉrรชts et ses prรฉfรฉrences en matiรจre dโ€™activitรฉs et de mรฉthodes de travail. En sโ€™appuyant sur ces points, il est plus simple de solliciter son envie et donc de faciliter sa participation dans la prise en charge.
Le cadre est รฉgalement garant de la qualitรฉ du suivi proposรฉ. Il regroupe lโ€™assiduitรฉ, la qualitรฉ de prรฉsence et le respect des rรจgles, critรจres pour lesquels le patient est autant concernรฉ que le professionnel.
Ici, Monsieur Dolet, le psychomotricien et moi-mรชme sommes les seuls acteurs. En revanche, dans dโ€™autres prises en charge telles que pour des enfants ou des personnes dรฉpendantes, il est รฉgalement demandรฉ aux accompagnants de respecter le cadre.

Lโ€™INTERDEPENDANCE

Au sein dโ€™une prise en charge, diffรฉrents acteurs entrent en jeu : les professionnels, le patient et, selon les situations, les accompagnants du patient.
Un acteur est ยซ celui qui joue un rรดle important, qui prend une part active ร  une affaire ยป (ยซ Acteur ยป, s. d.) selon le CNRTL. Ces caractรฉristiques impliquent que chacun a un rรดle dรฉterminรฉ et reconnu par les autres, ce qui permet รฉgalement le droit dโ€™expression et de dรฉcision.
Le patient est lโ€™acteur principal du suivi, il est au centre. Le projet thรฉrapeutique et les 37 sรฉances sโ€™organisent autour de ses besoins, de ses attentes et de ses intรฉrรชts. Une attention particuliรจre est accordรฉe au fait quโ€™il accepte lui-mรชme cette prise en charge โ€“ et non pas seulement les parents โ€“ sinon son investissement sโ€™en verra influencรฉ.
Lโ€™รฉtymologie rรฉvรจle que ยซ dans le terme de patient, dรฉrivรฉ du latin pati, supporter, souffrir (par opposition lโ€™agent), deux idรฉes sont prรฉsentes : la souffrance et la passivitรฉ ; le patient est celui qui pรขtit et qui subit lโ€™action de lโ€™agent ยป (Lagrรฉe, 2004, p. 846). Lโ€™idรฉe de souffrance correspond au mal รชtre subit par le patient, en lien avec des difficultรฉs ou des douleurs. Celle de passivitรฉ laisse entendre lโ€™existence du paternalisme mรฉdical, prรฉsent avant les annรฉes 2000, qui attribuait au mรฉdecin tous les savoirs. Aujourdโ€™hui et ce depuis la loi du quatre mars 2002 nommรฉe loi Kouchner6, qui apporte au patient protection et droits en le positionnant en tant quโ€™acteur de sa prise en charge, lโ€™idรฉe dโ€™une passivitรฉ tend ร  disparaรฎtre.
รŠtre patient met en jeu trois critรจres :
– Une situation de dรฉpendance :
Le sujet se dirige vers un professionnel lorsque lui et son environnement quotidien (famille, amis) ne suffisent plus pour lโ€™aider dans ses difficultรฉs. Le terme de dรฉpendance est ร  comprendre en tant que contraire de lโ€™indรฉpendance.
– Un besoin :
Avant de demander de lโ€™aide, la personne concernรฉe tente dโ€™abord de reconnaรฎtre voire dโ€™identifier ses difficultรฉs, puis il est question de les exprimer face ร  une tierce personne jusquโ€™ici inconnue.
– Une certaine vulnรฉrabilitรฉ :
En demandant de lโ€™aide, lโ€™individu nโ€™est plus le seul responsable de son bien-รชtre. Par ce partage de responsabilitรฉ et de confiance, le professionnel avance aux cรดtรฉs du patient en prenant compte de son sentiment de fragilitรฉ (Marmilloud, 2019, pp. 69-75).
Les parents sont รฉgalement des acteurs de la prise en charge, ce sont ยซ le pรจre et la mรจre, collectivement (c’est la signification รฉtymologique et propre). Un enfant doit obรฉir
ร  ses parents ยป et ยซ par extension, ceux de qui on descend ยป (ยซ Parent ยป, s. d.) selon le Littrรฉ. Biologiques ou adoptifs, ils reprรฉsentent une figure dโ€™autoritรฉ de lโ€™enfant.
Houzel (2002, pp. 63-69), pรฉdopsychiatre et psychanalyste franรงais, distingue trois axes dans la parentalitรฉ, terme qui correspond au fait dโ€™รชtre parents :
– Lโ€™exercice de la parentalitรฉ :
Dโ€™un point de vue judiciaire, les parents ont des droits et des devoirs envers leur enfant tels que la sรฉcuritรฉ, lโ€™รฉducation, les soins. Ils sont reconnus comme responsable de ce dernier au regard de la sociรฉtรฉ.
– Lโ€™expรฉrience de la parentalitรฉ :
Cette expรฉrience est subjective puisquโ€™elle met en jeu le vรฉcu de chacun et est ร  la fois consciente et inconsciente. Dans un premier temps sโ€™observe le dรฉsir dโ€™avoir un enfant qui se distingue de lโ€™acte sexuel en tant que source de plaisir. Dans un second temps arrive le fait de devenir parents, tant au niveau psychologique que judiciaire, en crรฉant une famille suite ร  une naissance ou une adoption.
– La pratique de la parentalitรฉ :
Les parents jouent un rรดle dans la vie quotidienne de leur enfant, ils assurent les soins physiques (toilette, changes, alimentation) et ceux psychiques (satisfactions des plaisirs, protection, sรฉcuritรฉ). Ils soutiennent รฉgalement les capacitรฉs de communication de lโ€™enfant avec son environnement notamment au travers des interactions comportementales, affectives, fantasmatiques et symboliques.
En tant que parents, demander de lโ€™aide signifie reconnaรฎtre avoir besoin dโ€™autrui pour aider leur enfant, cโ€™est-ร -dire que leur seule aide ne suffit pas ou plus. Selon lโ€™รขge et les compรฉtences du patient, ses parents lโ€™accompagnent en sรฉance voire mรชme y participent. Lโ€™enjeu est double : conserver voire protรฉger leur rรดle et leur image de parents tout en autorisant un tiers ร  prendre soin de leur enfant.

UNE PRISE EN CHARGE GLOBALE

LE PATIENT ET SON ENVIRONNEMENT

La psychomotricitรฉ offre une prise en charge globale du patient, cette globalitรฉ se retrouve dans lโ€™importance accordรฉe ร  la mise en jeu du corps, aux modes et ร  la qualitรฉ de communication, aux moyens dโ€™adaptations ร  lโ€™environnement, et ร  lโ€™histoire du patient. Pour cela, le psychomotricien prend en compte le patient et son environnement, et non pas seulement les symptรดmes mis en avant dans le motif de prise en charge.
Lorsquโ€™il reรงoit un patient, un premier temps est consacrรฉ ร  lโ€™entretien dans lequel sโ€™effectue une prรฉsentation administrative du sujet concernant son identitรฉ, sa situation familiale, scolaire et/ou professionnelle et les รฉventuelles mesures judiciaires mises en place. Il comprend รฉgalement lโ€™anamnรจse regroupant les antรฉcรฉdents mรฉdicaux, familiaux et personnels. Le motif de consultation en psychomotricitรฉ est abordรฉ, ainsi que les autres suivis existants ou ayant existรฉs.
La prise en charge psychomotrice ne consiste pas seulement ร  travailler autour des symptรดmes prรฉsents, il est question dโ€™articuler ces รฉlรฉments sรฉmiologiques au sujet lui-mรชme dans sa personnalitรฉ, son comportement et son environnement. Un symptรดme seul nโ€™existe pas, il naรฎt, se dรฉveloppe et disparaรฎt chez un individu, dans un environnement et un contexte particulier.
Il est possible dโ€™appliquer la lecture psychodynamique ร  la psychomotricitรฉ, bien quโ€™il sโ€™agisse dโ€™un concept psychanalytique : ยซ [โ€ฆ] une lecture psychodynamique, qui observe et entend le symptรดme, non seulement comme une manifestation pathologique mais aussi comme une โ€˜โ€˜inventionโ€™โ€™ du sujet pour vivre, mรชme si cโ€™est une invention peu adaptรฉe, voire totalement inadaptรฉe ยป (Potel, 2019, p. 238). Lโ€™objectif nโ€™est pas dโ€™analyser les รฉvรจnements qui peuvent se jouer en sรฉance, mais de les intรฉgrer ร  lโ€™histoire et ร  lโ€™environnement du patient.
Prendre en charge le patient dans sa globalitรฉ est รฉgalement ร  mettre en lien avec les questions autour de lโ€™รฉtendue et de la substance, prรฉsentes dรจs les dรฉbuts de la philosophie. Deux courants principaux sโ€™opposent : le dualisme de Descartes ou de Platon qui dรฉfinit une relation entre le corps et lโ€™esprit comme deux entitรฉs distinctes et, le monisme qui aborde plutรดt la matiรจre et la pensรฉe comme une seule et mรชme chose, avec lโ€™absence dโ€™un lien de cause ร  effet.
En ce qui concerne la pratique psychomotrice, il est possible de se rรฉfรฉrer ร  la thรฉorie de Spinoza, philosophe nรฉerlandais, qui adopte plutรดt une vision moniste. ยซ La dualitรฉ de lโ€™homme nโ€™est pas substantielle comme chez Descartes, mais expressive ยป (Busschaert et al., 2015, p. 210). Selon lui, la matiรจre et lโ€™esprit sont indissociables lโ€™un de lโ€™autre pour dรฉfinir lโ€™รชtre humain, ils correspondent ร  diffรฉrents points de vue dโ€™une seule et mรชme entitรฉ. Cela implique que ยซ tout ce qui affecte le corps affecte de fait la pensรฉe et inversement puisquโ€™il sโ€™agit dโ€™une seule et mรชme rรฉalitรฉ. ยป (Busschaert et al., 2015, p. 210).

Lโ€™ENGAGEMENT CORPOREL

Lors dโ€™une sรฉance en psychomotricitรฉ, lโ€™engagement corporel du patient nous apporte des informations sur sa maturation physique, physiologique et psychique. ยซ La psychomotricitรฉ intervient comme lโ€™approche du vรฉcu du corps et de la faรงon dont le sujet lโ€™utilise pour entrer en relation avec lโ€™autre. Elle a ainsi ร  faire et affaire avec le schรฉma corporel, lโ€™utilisation investie du corps, lโ€™รฉmotion, le tonus, la perception vรฉcue du temps et de lโ€™espace, lโ€™harmonie de la maturation et la relation ร  lโ€™autre ยป (Ballouard, 2006, p. 7).
Dโ€™un point de vue physiologique, la mise en mouvement du corps peut รชtre impactรฉe directement ou indirectement lors de difficultรฉs de rรฉgulation tonique (hypertonie, hypotonie, paratonie), des fonctions exรฉcutives (planification, inhibition, flexibilitรฉ mentale) ou de rรฉception des flux sensoriels (hypersensibilitรฉ, hyposensibilitรฉ, paresthรฉsie).
Des rรฉactions de prestance (impulsivitรฉ, inhibition) sont notamment observables chez certains patients, ou des difficultรฉs de rรฉgulation รฉmotionnelle (intolรฉrance ร  la frustration, mauvaise intรฉgration des limites).
Bien que le patient puisse tenter de cacher partiellement ou totalement ses difficultรฉs, en limitant son flot de parole ou en investissant particuliรจrement lโ€™aspect physique de sa personne par exemple, lโ€™engagement corporel au travers de jeu permet de baisser ce niveau de vigilance et donc de mettre en avant ses difficultรฉs et capacitรฉs.
Le psychomotricien quant ร  lui ne maintient pas une position dโ€™observateur au cours de la sรฉance, il met en jeu son corps au mรชme titre que son patient. Par la dรฉmonstration, lโ€™imitation ou encore les explications, il lui propose un support sur lequel sโ€™appuyer afin de favoriser lโ€™investissement global du patient. Cโ€™est au travers dโ€™un รฉtayage corporel, verbal et psychique quโ€™il lโ€™accompagne au cours de lโ€™activitรฉ.
Le psychomotricien, dans sa pratique comme dans sa rรฉflexion, part du corps de lโ€™enfant, de sa motricitรฉ, de sa tonicitรฉ, de son implication corporelle et de lโ€™inscription du corps dans lโ€™espace. Dans ce dispositif thรฉorique, il intรจgre son propre corps, son propre investissement spatial, ses propres mouvements, sa propre tonicitรฉ, ses propres ressentis et รฉprouvรฉs corporels (Potel, 2019, p. 359).
Son corps habite lโ€™espace par le biais dโ€™activitรฉs autour de lโ€™imitation, de lโ€™expressivitรฉ corporelle, de dรฉmonstration ou de jeu en duel.

LA CONTENANCE

En psychomotricitรฉ, la mise en place du cadre thรฉrapeutique a pour objectif dโ€™apporter une contenance au patient. Ce cadre fait rรฉfรฉrence aux premiรจres relations du nouveau-nรฉ avec la figure maternelle ainsi quโ€™ร  la qualitรฉ sรฉcurisante de lโ€™environnement. Lโ€™enveloppe maternante ยซ est constituรฉe essentiellement par le thรฉrapeute en psychomotricitรฉ mais aussi par les parents qui peuvent รชtre prรฉsents et actifs en sรฉance, ainsi que par le matรฉriel, le lieu, le temps de la thรฉrapie ยป (Labalette, 1989, p. 21). Le cadre est mis en place par le professionnel, il le respecte tout autant que le patient et les proches afin dโ€™assurer une sรฉcuritรฉ โ€“ physique et psychique โ€“ au suivi.

UNE ENVELOPPE MATERNANTE

RELATION PRIMAIRE

In utero, le fล“tus est contenu physiquement et psychiquement dans le ventre de sa mรจre, il est bercรฉ par ses rythmes biologiques et sa mise en mouvement dans le monde environnant. Dans ses premiรจres annรฉes de vie, le petit a besoin de ce sentiment de contenance pour se dรฉvelopper, sous lโ€™ล“il bienveillant et sรฉcurisant de ses parents. En grandissant, cette qualitรฉ contenante va permettre ร  lโ€™enfant de construire son identitรฉ grรขce aux ressentis de stabilitรฉ et de soliditรฉ. Le sentiment de contenance est prรฉsent dรจs les premiers instants de vie du nourrisson, notamment par le holding et le handling dรฉfinis par Winnicott, pรฉdiatre et psychanalyste britannique. Dans sa ยซ thรฉorie de la relation parent-infans ยป il attribue le terme de holding au portage physique de lโ€™enfant, adaptรฉ aux besoins ยซ de la sensibilitรฉ de la peau de lโ€™enfant (toucher, tempรฉrature) mais รฉgalement de sa sensibilitรฉ auditive, visuelle, ainsi que de sa sensibilitรฉ ร  la chute (effet de la pesanteur) ยป (Lehmann, 2007, p. 173), ce qui ajoute une composante psychique au portage. Quant au handling, il correspond aux soins apportรฉs ร  lโ€™enfant ainsi quโ€™aux touchers affectifs apportรฉs par la figure maternelle ou les soignants.
Cette fonction contenante, dรฉpendante de lโ€™environnement, permet au bรฉbรฉ de rรฉaliser de premiรจres expรฉriences amenant ร  la continuitรฉ dโ€™existence et ร  lโ€™unicitรฉ du corps, nommรฉe self par Winnicott. La ยซ mรจre suffisamment bonne ยป rรฉpond aux besoins de son enfant par ce portage et ces soins, il sโ€™agit alors dโ€™un premier mode de communication permis grรขce au dialogue tonique. Les diffรฉrentes stimulations apportรฉes sont soutenues par un sentiment de sรฉcuritรฉ physique et psychique, appelรฉe รฉgalement sรฉcuritรฉ affective.
En grandissant, cette sรฉcuritรฉ interne amรจne peu ร  peu la distinction entre le soi et le non-soi, ce qui va amener progressivement lโ€™enfant ร  se dรฉtacher de sa mรจre, suite ร  un dรฉveloppement suffisamment bon, et ร  dรฉcouvrir son environnement diffรฉremment.
Le nourrisson, avant mรชme dโ€™รชtre contenu dans les bras de sa mรจre est contenu par sa peau. Elle reprรฉsente ร  la fois une enveloppe physique et psychique, dรฉlimitant un dedans et un dehors. Cette enveloppe physique correspond au plus grand organe du corps humain puisquโ€™elle le recouvre dans sa totalitรฉ. Elle prรฉsente diverses fonctions nรฉcessaires au bien-รชtre de lโ€™organisme telles que la fonction de protection contre les agressions de lโ€™extรฉrieur, de rรฉgulation concernant la tempรฉrature du corps, de sรฉcrรฉtion par lโ€™รฉlimination de certains dรฉchets, de sensorialitรฉ grรขce ร  ses nombreux rรฉcepteurs, de transmission par son importante vascularisation et de communication notamment dans lโ€™expression des รฉmotions.
D. Anzieu, psychanalyste franรงais, dรฉveloppe la notion dโ€™enveloppe psychique quโ€™il nommera ยซ le Moi-peau ยป, pour laquelle ยซ le concept du Moi-peau met en รฉvidence lโ€™importance des expรฉriences sensorielles vรฉhiculรฉes dans une relation dโ€™attachement positif, de maternage et de communication pour la constitution du Moi psychique ยป (Labalette, 1989, p. 21).
Dans ses premiers mois de vie, le nouveau-nรฉ ne fait pas de distinction entre le soi et le non-soi, il existe une fusion entre lui et son environnement.
Lโ€™infans acquiert la perception de la peau comme surface ร  lโ€™occasion des expรฉriences de contact de son corps avec le corps de la mรจre et dans le cadre dโ€™une relation sรฉcurisante dโ€™attachement avec elle. Il parvient ainsi non seulement ร  la notion dโ€™une limite entre lโ€™extรฉrieur et lโ€™intรฉrieur mais aussi ร  la confiance nรฉcessaire ร  la maรฎtrise progressive des orifices, car il ne peut se sentir en confiance quant ร  leur fonctionnement que sโ€™il possรจde, par ailleurs, un sentiment de base qui lui garantisse lโ€™intรฉgritรฉ de son enveloppe corporelle. (D. Anzieu, 1985, p. 37).
Cโ€™est suite aux diverses sensations venues de lโ€™extรฉrieur, de lโ€™intรฉrieur et, notamment par la prรฉsence suffisamment bonne de sa mรจre, quโ€™il va pouvoir sโ€™identifier lui et se construire en tant quโ€™individu unique et diffรฉrenciรฉ des autres.

Lโ€™ENVIRONNEMENT SECURE

Les qualitรฉs de la relation primaire รฉvoquรฉes ci-dessus mettent en avant le besoin dโ€™une sรฉcuritรฉ de base, apportรฉe chez le nouveau-nรฉ par la mรจre. A sa naissance, le bรฉbรฉ est dรฉpendant physiquement (nourrissage, habillage, dรฉplacements) et psychiquement (limite soi/non-soi, dehors/dedans). La mรจre apporte une stabilitรฉ physique au travers du dialogue tonique ainsi quโ€™une sรฉcuritรฉ interne par sa vigilance et lโ€™adaptation de ses rรฉponses aux besoins de son enfant.
In utero, le fล“tus se trouve dans un lieu sรฉcurisรฉ et sรฉcurisant : le ventre de sa mรจre.
Cette enceinte lui offre diffรฉrentes protections : le liquide amniotique dans lequel il baigne amorti ses mouvements, la peau de sa mรจre constitue une paroi entre lโ€™extรฉrieur et son habitat et les mouvements de cette derniรจre peuvent parer certaines attaques extรฉrieures.
A sa naissance, le bรฉbรฉ se retrouve face โ€“ de faรงon directe cette fois-ci โ€“ aux รฉventuelles agressions de lโ€™environnement. A cet รขge, il nโ€™est pas encore capable de sโ€™en protรฉger physiquement et mentalement, il est dรฉpendant de quelquโ€™un. Selon Bowlby, psychiatre et psychanalyste britannique, le nouveau-nรฉ choisi une figure dโ€™attachement ร  laquelle il fait appel par des cris, des rรฉactions physiologiques ou des recrutements toniques lorsquโ€™il se sent en danger suite ร  des menaces externes ou internes faisant rรฉfรฉrences aux besoins physiologiques.
ยซ La figure dโ€™attachement fonctionne, en principe, comme un havre de sรฉcuritรฉ, une source de rรฉconfort et de protection dans un contexte dโ€™activation physiologique ou de menace environnementale, et comme base de sรฉcuritรฉ pour lโ€™exploration ยป (Tereno et al., 2007, p. 152). Cette sรฉcuritรฉ apportรฉe par la figure dโ€™attachement, appelรฉe sรฉcuritรฉ de base puisquโ€™elle rรฉpond aux besoins primaires de lโ€™enfant, est รฉgalement favorable aux expรฉriences car il sait quโ€™en cas de danger imminent cette personne va intervenir.
La figure dโ€™attachement primaire correspond le plus souvent ร  la mรจre, puisquโ€™elle passe beaucoup de temps aux cรดtรฉs de son enfant, notamment pour assurer les fonctions de holding et de handling. Elle est hypervigilante aux rรฉactions de son bรฉbรฉ et tente de lui apporter des rรฉponses adaptรฉes. Il se peut que celle-ci ne soit disponible au moment oรน le bรฉbรฉ en a besoin, cโ€™est pourquoi il existe pour lui une ou des figures dโ€™attachement secondaires, quโ€™il sollicite alors. En revanche, dans certaines situations, lors dโ€™une menace trรจs intense, il est possible que le nouveau-nรฉ ne retrouve pas sa sรฉcuritรฉ interne si la figure dโ€™attachement primaire nโ€™intervient pas. Elle est prรฉfรฉrรฉe aux autres.
Face aux expressions de son bรฉbรฉ, notamment dans lโ€™infans, cโ€™est-ร -dire lorsque lโ€™enfant nโ€™a pas encore acquis le langage, la figure dโ€™attachement lui apporte des rรฉponses basรฉes sur des hypothรจses quโ€™elle construit au fil de la situation. Par exemple lorsquโ€™il pleure, il sโ€™agit peut-รชtre quโ€™il a faim, quโ€™il est fatiguรฉ ou, quโ€™il a mal quelque part. Etant donnรฉ quโ€™il nโ€™est pas encore habilitรฉ ร  mettre en mot ce quโ€™il ressent, la figure maternante interprรจte ce quโ€™il exprime corporellement ou au niveau verbal (ร  diffรฉrencier du langage) afin de le calmer.
Selon Bion (1979), psychiatre et psychanalyste britannique, cette transformation correspond ร  la fonction alpha. Il dรฉcrit les รฉlรฉments-alpha comme des impressions captรฉes par les sens suite ร  une expรฉrience et qui engendrent une รฉmotion suite ร  leur conscientisation. A contrario, les รฉlรฉments-bรชta correspondent ร  des impressions qui ne sont pas transformรฉes et ne peuvent donc atteindre la conscience. De ce fait, elle ne dรฉclenche pas dโ€™รฉmotions et peuvent, par leur incomprรฉhension, provoquer de lโ€™angoisse.
Cette angoisse sโ€™explique par le fait que la rรฉalitรฉ interne du bรฉbรฉ diffรจre de la rรฉalitรฉ extรฉrieure. Les รฉlรฉments-bรชta รฉtant dรฉstabilisant pour lui, puisquโ€™il se retrouve perturbรฉ par des impressions qui restent incomprรฉhensibles, sont communiquรฉs ร  la figure dโ€™attachement.
ยซ Durant le sรฉjour dans le bon sein [la mรจre], ils [les รฉlรฉments bรชta] sont ressentis comme ayant รฉtรฉ modifiรฉs de telle sorte que lโ€™objet qui est rรฉintrojectรฉ apparaรฎt tolรฉrable ร  la psychรฉ du nourrisson ยป (citรฉ par Bronstein, 2012, p. 770). La figure dโ€™attachement rรฉceptionne, transforme puis exprime, permettant ainsi ร  son enfant de retrouver une sรฉcuritรฉ interne. Elle remanie ces informations non digรฉrรฉes au travers de ses rรฉactions toniques, de ses expressions faciales ainsi que par les mots quโ€™elle met dessus en donnรฉes acceptables pour le bรฉbรฉ.

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Table des matiรจres

Partie clinique
I. Les dรฉbuts dโ€™une vie
A. Anamnรจse et prรฉsentation dโ€™Adrien.
B. Rencontres avec Adrien.
1. Premiรจre sรฉance.
2. Six mois plus tard.
C. Dynamique relationnelle.
1. En deรงร  du dialogue verbal.
2. Lโ€™intรฉgration des proches dans la prise en charge.
II. Une quรชte de rรฉponses
A. Prรฉsentation et anamnรจse dโ€™Eliott
B. Rencontres avec Eliott.
1. Premiรจre sรฉance.
2. Quatre mois plus tard.
C. Dynamique relationnelle.
1. Au-delร  de lโ€™agitation.
2. Lโ€™acceptation dโ€™un parcours de soin.
III. Du lรขcher prise
A. Prรฉsentation et anamnรจse de Monsieur Dolet.
B. Rencontres avec Monsieur Dolet.
1. Premiรจre sรฉance.
2. Trois mois plus tard.
C. Dynamique relationnelle.
1. Le lรขcher prise.
2. Une demande particuliรจre.
Partie thรฉorie
I. Des liens de partage
A. De la relation ร  la relation thรฉrapeutique.
1. La relation.
2. La rรฉciprocitรฉ.
3. Lโ€™interdรฉpendance.
B. Une prise en charge globale.
1. Le patient et son environnement
2. Lโ€™engagement corporel.
II. La contenance
A. Une enveloppe maternante.
1. Relation primaire.
2. Lโ€™environnement sรฉcure.
B. Le cadre thรฉrapeutique.
1. Le cadre physique.
2. Le cadre psychique.
III. Lโ€™interaction
A. Le dialogue.
1. Dialogue tonique.
2. Dialogue tonico-รฉmotionnel.
3. Dialogue verbal.
4. Dialogue langagier.
B. Une qualitรฉ dโ€™รฉchange.
1. Lโ€™observation.
2. Lโ€™รฉcoute.
3. Lโ€™empathie.
Partie discussion
I. Dans lโ€™ici et maintenant
A. Offrir ร  chacun.
1. Proposer des repรจres : un contenant.
2. Favoriser les expรฉriences : le contenu.
B. Permettre ร  chacun.
1. Un espace commun.
2. Un espace pour soi, un espace pour nous.
II. Entrer en relation
A. La confiance dans la relation.
1. Intรฉgrer une tierce personne.
2. รŠtre ร  lโ€™รฉcoute.
B. Partager les rรดles.
1. Le patient acteur de sa prise en charge.
2. Lโ€™implication du psychomotricien.
Conclusion
Bibliographie

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