Etiologies et facteurs de risque
90% des cancers des voies aéro-digestives supérieures sont dus à la consommation de tabac et d’alcool, l’action des deux se renforçant mutuellement. De plus, le risque s’accroît avec l’importance de la consommation et sa durée. Le tabagisme passif est également considéré comme un facteur de risque. Le reflux gastro-oesophagien chronique est à prendre en compte dans les facteurs de risque des cancers des VADS. D’autre part, les personnes exposées, lors de leur activité professionnelle, à l’inhalation de poussières, ou de substances toxiques comme les hydrocarbures ou les vapeurs d’acide sulfurique, présentent également un facteur de risque. Enfin, il ne faut pas laisser de côté l’hygiène bucco-dentaire, dont la négligence peut aussi être un facteur favorisant dans le développement de ce type de cancers.
Signes d’alerte
Le diagnostic peut parfois être fait malheureusement trop tardivement, car les premiers signes sont souvent les mêmes que ceux d’une banale infection, comme par exemple une dysphonie, une odynophagie ou une dysphagie, une dyspnée, ou encore des expectorations sanguinolentes. La persistance et l’aggravation de ces signes doit nécessiter un examen laryngoscopique, notamment devant une dysphonie ou une gêne à la déglutition qui dure plus de trois semaines. Il arrive régulièrement que plusieurs mois se passent entre le moment d’un premier diagnostic d’infection et le diagnostic définitif de cancer des VADS, qui sera donné par un prélèvement biopsique. Ainsi, il arrive donc régulièrement que le cancer du larynx soit directement diagnostiqué T3 ou T4 (selon la taille de la tumeur), ce qui implique inévitablement une ablation de l’organe atteint.
Chimiothérapie : Définition et conséquences
La chimiothérapie est une technique thérapeutique qui consiste à absorber ou injecter par voie intraveineuse des substances chimiques dérivées du platine afin de prévenir l’apparition de cellules métastatiques.Les substances bloquent ainsi la prolifération des cellules en s’interposant lors d’une étape de la division cellulaire. Cependant, la toxicité ne s’étend pas uniquement aux cellules cancéreuses, mais également aux cellules saines (notamment celles à développement rapide comme la moelle osseuse, les phanères ou le tube digestif), ce qui entraîne de nombreux effets secondaires. Ainsi, la chimiothérapie a lieu périodiquement afin de laisser le temps aux cellules saines de se reconstruire. Ces conséquences, qui apparaissent en général dans les 15 jours suivant le début du traitement, peuvent alors porter sur une chute des cheveux lorsque le traitement détruit les cellules du cuir chevelu, ou encore des diarrhées et des vomissements lorsque les cellules de l’appareil digestif sont détruites. Les cellules gonadiques peuvent également être atteintes, ce qui entraînera potentiellement une baisse de la fertilité. On peut également observer des complications hématologiques, infectieuses, rénales ou métaboliques. Fort heureusement, les cellules saines ont une importante capacité de réparation, et les effets disparaissent donc à l’arrêt du traitement. A noter que la chimiothérapie peut également être indiquée à visée curative, avant la chirurgie, pour éviter celle-ci et ainsi préserver le larynx. En cas d’échec, on pratique alors une laryngectomie, dite « de rattrapage ».
Kinésithérapie
Après l’intervention, la zone cervicale est souvent perturbée, et peut parfois nuire à l’apprentissage de la voix oro- ou trachéo-œsophagienne, mais également à la déglutition. Il sera donc prescrit au patient des séances de kinésithérapie afin de réaliser un drainage lymphatique cervical et des massages et stimulations de la zone cervicale et cervicoscapulaire. Le drainage lymphatique sera nécessaire pour rétablir une bonne irrigation des tissus cervicaux, et donc pour leur rendre leur souplesse et leur sensibilité ; les stimulations de la zone cervicale et cervico-scapulaire sont indiquées contre les douleurs en cas de curage ganglionnaire. De plus, la kinésithérapie sera spécialisée au niveau respiratoire, puisque le patient devra réapprendre à contrôler son souffle quelle que soit sa position et l’effort effectué (voix œsophagienne, toux, défécation, …). Le patient doit impérativement être capable de dissocier les deux temps respiratoires (inspiration et expiration), afin que le souffle expiratoire ne vienne pas couvrir la voix œsophagienne s’il est trop important. Enfin, le kinésithérapeute pourra travailler avec le patient un éventuel trismus postradique, mais aussi la perte de la mobilité de la langue ; il aidera à l’apprentissage de la phonation grâce à la ventilation diaphragmatique, le renforcement des abdominaux, et le relâchement musculaire du cou, des épaules, et de la cage thoracique ainsi que le déconditionnement physique avec un réentraînement à l’effort.
Les conséquences anatomiques
La laryngectomie totale affecte définitivement les structures anatomiques des organes de la phonation et de la respiration. Ainsi, une nouvelle organisation anatomique se constitue, et le laryngectomisé va devoir mettre en place de nouveaux réflexes. Lors de cette opération, le patient perd toutes les structures laryngées. Les cordes vocales ont été enlevées, et le courant d’air pulmonaire a été dérivé. L’appareil phonatoire est un ensemble de structures anatomiques mises en jeu pour produire une voix laryngée : on retrouve les trois étages de cet appareil, qui sont l’appareil respiratoire (ou soufflerie pulmonaire), le larynx (ou vibrateur), et les résonateurs (les cavités pharyngobucco nasales). Lors de la phonation normale, l’air est expiré par les poumons, remonte par la trachée vers le larynx, dans lequel se trouvent les cordes vocales qui sont alors en adduction. Sous la pression de l’air, celles-ci effectuent des mouvements vibratoires en plus des mouvements d’abduction/adduction. Les sons produits sont ensuite modulés, articulés et amplifiés par les résonateurs. Ainsi, si les structures anatomiques de l’appareil phonatoire sont modifiées, il apparaît évident que la capacité à produire un son l’est également. De plus, lors de l’ablation du larynx, les voies respiratoires et digestives vont être séparées : le carrefour aéro-digestif n’existe plus. La trachée est abouchée à la peau du cou, tandis que l’œsophage reste en place ; il y a donc création d’un trachéostome, qui sera définitif. Une canule sera mise en place pour éviter que le trachéostome ne se rebouche. Il arrive que le chirurgien, au cours de l’opération, réalise une communication entre la trachée et l’œsophage, à la hauteur du trachéostome. Celle-ci permettra l’insertion d’un implant phonatoire, pour la réalisation de la voix trachéo-œsophagienne. Cependant, il est important de préciser que l’implant n’est pas toujours mis en première intention, et ce, pour des raisons que nous expliquerons dans le paragraphe III.1.2 : La voix trachéo-œsophagienne.
La phonation
Le nouvel opéré se trouve face à la suppression de ses plis vocaux, et donc de sa voix laryngée. La perte de la voix est une conséquence majeure de la laryngectomie, souvent source d’une souffrance psychique importante. Cependant, la phonation n’est pas impossible. En effet, pour produire un son, le laryngectomisé va avoir besoin d’air, et de vibrations sur des muqueuses. Ainsi, il va devoir apprendre, avec un orthophoniste, soit la voix oro-œsophagienne, soit la voix trachéoœsophagienne. S’il y a un échec à l’apprentissage de ces deux voix, il reste la possibilité du laryngophone, ou vibrateur externe. Cependant, il existe des inconvénients à toutes ces nouvelles voix, que nous verrons dans le chapitre qui y est consacré. D’autre part, le patient pourra chuchoter grâce à l’interaction des mouvements naturels des organes de l’articulation de la parole (lèvres, langue, voile du palais, mâchoires) avec l’air de la bouche et de l’arrière-bouche. Ceci permettra au patient de se faire plus ou moins bien comprendre dans un premier temps avant l’acquisition de sa nouvelle voix Quand la voix chuchotée est difficilement compréhensible, le patient pourra avoir recours à l’écriture, sur une ardoise magique par exemple, ou encore à des pictogrammes sur un tableau de communication.
L’occlusion d’effort
Lors d’un effort, avant la laryngectomie, le larynx se fermait complètement pour permettre d’augmenter la pression d’air dans les poumons. Ce mécanisme d’effort à « glotte fermée » n’existe plus après la laryngectomie totale. Le patient ne peut donc plus pratiquer toutes les activités dont il avait l’habitude auparavant, à cause également d’une fatigabilité plus importante et un manque de résistance physique. De la même façon, sans la fermeture glottique, le patient laryngectomisé peut ressentir une gêne et une difficulté à aller à la selle, d’autant plus lorsqu’il y a des soucis de constipation.
|
Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE THÉORIQUE
A : DU CANCER DES VOIES AERO-DIGESTIVES SUPERIEURES A LA LARYNGECTOMIE
I : Le cancer des voies aéro-digestives supérieures
I.1 : Définition
I.2 : Etiologies et facteurs de risque
I.3 : Signes d’alerte
I.4 : Epidémiologie
I.5 : Traitements
II : La laryngectomie totale
II.1 : Définitions
II.2 : Traitements complémentaires à la chirurgie
II.3 : Traitements de réhabilitation
B : LE PATIENT ET LES CONSEQUENCES DE LA LARYNGECTOMIE
I : Les conséquences anatomiques
II : Conséquences physiologiques
II.1 : La phonation
II.2 : La respiration
II.3 : L’odorat et le goût
II.5 : L’occlusion d’effort
II.6 : La déglutition
III : Conséquences psychologiques chez le patient jeune
III.1 : Le travail de deuil
III.2 : L’image de soi
III.3 : L’image du cancer
III.4 : Le couple
III.5 : La communication parent/enfant
III.6 : Les activités sociales
III.7 : L’activité professionnelle
C : VERS UNE NOUVELLE VOIX ET UNE REINSERTION
I : Différents lieux de prise en charge
I.1: L’hôpital
I.2 : Les centres de réadaptation
I.3 : Le cabinet libéral
II : Le travail de l’équipe pluridisciplinaire
II.1 : L’information pré-opératoire
II.2 : Les assistantes sociales
II.3 : Les psychologues
II.4 : Les associations de patients laryngectomisés
III : Le travail de l’orthophoniste
III.1 :La rééducation vocale
III.2 : L’accompagnement vers la réinsertion
IV : Conclusion
MÉTHODOLOGIE
A : DU SUJET A LA PROBLEMATIQUE
I : Emergence du sujet
II : Choix de la problématique
III : Objectifs et hypothèses de travail
IV : Choix du protocole
B : CHOIX DU PUBLIC : CRITERES D’INCLUSION ET D’EXCLUSION
I : Patients
I.1 : Critères d’inclusion
C : ELABORATION DU PROTOCOLE
III.3 : Remarque
RÉSOLUTION DE LA PROBLÉMATIQUE
A : ANALYSE ET INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS PROVENANT DU QUESTIONNAIRE DESTINÉ AUX ORTHOPHONISTES
I : GÉNÉRALITÉS
I.1 : Année d’obtention du diplôme
I.2 : Lieu d’obtention du diplôme
I.3 : Sexe
I.4 : Mode d’exercice
II : LA RELATION PATIENT / THÉRAPEUTE
II.1 : Ce que l’orthophoniste apporte au patient
II.2 : Ce que le patient perçoit de l’orthophoniste
III : INFORMATIONS DONNÉES AU PATIENT
III.1 : La nouvelle voix
III.2 : La communication en général
III.3 : L’alimentation
III.4 : Les loisirs
III.5 : Le retour à la cellule familiale
III.6 : La vie sociale
III.7 : L’hygiène
III.8 : L’intimité
III.9 : Les démarches administratives
IV : LA PRISE EN CHARGE ORTHOPHONIQUE
IV.1 : L’accueil de la famille en séance
IV.2 : La motivation du patient jeune
IV.3 : Les demandes du patient
IV.4 : Les limites de la prise en charge orthophonique
IV.5 : Technicité et accompagnement
B : ANALYSE ET INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS PROVENANT DU QUESTIONNAIRE DESTINÉ AUX PATIENTS
I : GÉNÉRALITÉS
I.1 : Sexe du patient
I.2 : Age au moment de l’opération
I.3 : Date de l’opération
I.4 : Situation familiale
I.5 : Situation professionnelle
II : ENTRETIEN PRÉ-OPÉRATOIRE
II.1 : La rencontre avec le médecin et les membres de l’équipe pluridisciplinaire
II.2 : Les conséquences abordées
III : LA PÉRIODE POST-OPÉRATOIRE
III.1 : Le ressenti au réveil
III.2 : La famille
III.3 : La reprise du travail
III.4 : La vie sociale
III.5 : Les associations
IV : LA PRISE EN CHARGE
IV.1 : Chimiothérapie et radiothérapie
IV.2 : Suivis nécessaires
IV.3 : La motivation du patient
IV.4 : Prise en charge orthophonique
C : SYNTHESE DES RESULTATS OBTENUS ET RÉSOLUTION DE LA PROBLÉMATIQUE
I : SYNTHESE DES RÉSULTATS OBTENUS AVEC LES QUESTIONNAIRES
I.1 : L’information pré-opératoire
I.2 : L’information concernant la réinsertion sociale
I.3 : L’information concernant la réinsertion professionnelle
I.4 : L’information concernant la réinsertion familiale
II : RÉSOLUTION DE LA PROBLÉMATIQUE
II.1 : Mise en relation avec l’hypothèse de travail
II.2 : Conclusion de l’étude
II.3 : Limites de l’étude
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
QUESTIONNAIRE AUX ORTHOPHONISTES
QUESTIONNAIRE AUX PATIENTS
Télécharger le rapport complet