Le parcours en medecine fœtale

Dès 1975, l’Etat français légifère sur l’interruption médicale d’une grossesse souhaitée mais qui présente des complications fœtales ou maternelles nécessitant son interruption. Afin de diagnostiquer ces complications, une prise en charge adaptée est nécessaire. Ainsi, à partir de 1988, des services hospitaliers spécifiques ont été créés pour le suivi des fœtus in utero, le dépistage des pathologies fœtales, la surveillance de celles-ci ou encore la décision d’une interruption médicale de grossesse (1). Le développement du diagnostic anténatal, grâce aux progrès de la médecine (imagerie médicale, biologie moléculaire, génétique, médecine prédictive…) a créé une réelle « médecine fœtale »(2). Ces progrès ont conduit à la mise en place d’un nouveau cadre légal nécessaire, afin d’aider les médecins dans leur pratique et de limiter les dérives éventuelles.

LA LEGISLATION

Le fonctionnement du centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal

Les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN) se sont constitués d’abord localement afin de répondre aux besoins de la loi de 1975 (3), pour créer une équipe d’experts pouvant attester que « la poursuite de la grossesse met en péril la santé de la femme ou qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité. (3) (Article 5) ». La loi de bioéthique de 1994 a eu un rôle fondamental dans l’encadrement et le développement des CPDPN et plus généralement dans celui de la médecine fœtale (4). Elle répond ainsi à l’évolution des connaissances scientifiques, notamment génétiques avec l’apparition de la médecine prédictive permettant le diagnostic d’anomalies chromosomiques in utero. Cette loi vient également constituer légalement les CPDPN qui fonctionnent de manière encadrée depuis 1999, à travers les décrets d’application de cette loi. Ils sont les lieux privilégiés des activités de diagnostic prénatal. « Le diagnostic prénatal s’entend des pratiques médicales ayant pour but de détecter in utero chez l’embryon ou le fœtus une affection d’une particulière gravité […] Des centres de diagnostic prénatal pluridisciplinaire sont créés dans des organismes et établissements de santé publics et privés à but non lucratif. (5) ». Les rôles du CPDPN sont ainsi décrits dans l’arrêté du 1er juin 2015, déterminant les bonnes pratiques de ces centres : (4)
➤ « favoriser l’accès à l’ensemble des activités de diagnostic prénatal et assurer leur mise en œuvre en constituant un pôle de compétences »
➤ « donner des avis et des conseils en matière de diagnostic, de thérapeutique et de pronostic, aux cliniciens et aux biologistes qui s’adressent à eux lorsqu’ils suspectent une affection de l’embryon ou du fœtus. »
➤ « poser l’indication de recourir au diagnostic préimplantatoire. »
➤ « lorsqu’ une anomalie est détectée, il appartient aux CPDPN d’attester qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naitre soit atteint d’une affection d’une particulière gravité réputée comme incurable au moment du diagnostic. Cette attestation permet, si la femme enceinte le décide, de réaliser une interruption volontaire de grossesse pour motif médical (IMG). » .

Cet arrêté vient encadrer également le fonctionnement des CPDPN, leur organisation, leurs rôles etc. Il insiste également « sur l’autonomie de la femme enceinte qui est un principe fondamental en matière de diagnostic prénatal » (6), mais aussi sur l’importance de l’information médicale qui doit être « loyale, claire et adaptée à la situation personnelle de la femme enceinte », et cette information médicale doit « permettre à la femme de participer aux décisions relatives à la situation. (6) ». L’avis du CPDPN doit être transmis au médecin demandeur suite à une saisine ou à la patiente directement si elle le souhaite. Le CPDPN doit également organiser le suivi spécifique à cette grossesse et à ce fœtus, préciser les examens complémentaires nécessaires et les thérapeutiques possibles, coordonner les conditions de naissance indispensables à la pathologie ou encore accéder à la demande maternelle d’interrompre la grossesse le cas échéant. En France, en 2016, les CPDPN ont étudié 33000 dossiers. Une grande expertise est donc demandée aux CPDPN dans les différents domaines de la médecine fœtale (clinique, biologique et imagerie). Ainsi, il doit être composé de praticiens experts dans les quatre domaines principaux ; la gynécologie-obstétricale, l’échographie obstétricale, la génétique médicale et la pédiatrie néonatale ; mais aussi un psychiatre ou psychologue, un foeto-pathologiste, un généticien et un biologiste. L’autorisation d’un CPDPN est obtenue par l’Agence de biomédecine pour une durée de cinq ans, ils sont au nombre de 48 en France (Agence de la biomédecine).

L’interruption médicale de grossesse

Les progrès scientifiques ont permis d’améliorer considérablement les dépistages d’anomalies fœtales qu’elles soient génétiques, chromosomiques, à type de malformations etc… et ce, grâce à la biologie et à l’imagerie (échographies, IRM ou scanner) (5). Toutefois, l’aspect thérapeutique de la médecine fœtale est bien moins avancé. Les possibilités de traitement in utero sont extrêmement faibles ; ce qui fait de la médecine fœtale une médecine de diagnostic, parfois une médecine pronostique ou encore prédictive sans vraiment de solution thérapeutique ; ce qui place les parents dans une situation délicate, particulière, et potentiellement angoissante, d’autant plus qu’ils ne sont pas directement le patient mais ils en ont la responsabilité (1). Il faut donc être conscient que la médecine fœtale permet un dépistage, un diagnostic certain – parfois incertain – en fonction des situations et permet, soit d’instaurer une surveillance, une conduite à tenir pour la naissance, ou pour le post-natal, soit d’attester de la gravité de la pathologie fœtale afin d’autoriser les parents à interrompre la grossesse. Ainsi, « les équipes médicales posent le diagnostic, envisagent le pronostic. Puis, soit on le surveille, soit on le soigne, soit on le tue. Ces trois verbes dans la même phrase paraissent agressants ; toutefois, ils résument une certaine réalité du diagnostic anténatal. (6) ». On ressent bien ici la particularité de la médecine fœtale qui dépiste, qui surveille et qui peut, dans certains cas aboutir à arrêter une grossesse et donc arrêter le développement in utero du fœtus. Il s’agit de la seule spécialité médicale dont l’aspect n’est pas, la plupart du temps, thérapeutique, mais l’arrêt de l’état de grossesse. Le fœtus, n’ayant aucun statut de personne ou d’être vivant autonome à proprement parler, l’IMG est possible jusqu’à terme (une fois né vivant, il devient une personne juridique au sens propre du terme). Pendant la grossesse, le fœtus est considéré comme faisant partie de la mère (7). Nous parlons ici du statut social et juridique du fœtus, ce qui ne correspond pas toujours aux représentations des parents, à leurs subjectivités ou leurs projections. Il en est de même avec le statut de patient du fœtus, qui est examiné comme un malade à part entière, surveillé, protégé par un pan de la médecine fœtale, ce qui peut paraître paradoxal (9). L’interruption médicale peut être effectuée dans deux situations distinctes : quand le fœtus est atteint d’une affection grave, ou quand la grossesse met en péril grave la santé de la mère. La loi n°75-17 de 1975 prévoit ainsi que « l’interruption volontaire d’une grossesse peut, à toute époque, être pratiquée si deux médecins attestent, après examen et discussion, que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme ou qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable ou moment du diagnostic. (3) ». Afin de mieux encadrer ces pratiques et d’aider les médecins dans leurs décisions, la loi de bioéthique de 1994 a précisé qu’au moins un de ces médecins devait exercer dans un CPDPN, en ce qui concerne l’IMG pour raison fœtale. (4) Puis la loi n° 2001-588 de juillet 2001 a précisé que les deux médecins doivent être membres d’une équipe de CPDPN, après avis consultatif de celui-ci (9). Cela encadre ainsi les risques de dérive eugénique, l’autorisation d’IMG n’émanant pas seulement d’un médecin du CPDPN mais de deux après concertation de l’ensemble des membres du CPDPN. Cette nécessaire concertation découle de la solitude ressentie par l’expert dans la prise de décision de refuser ou d’accepter une IMG était mal vécue par les praticiens (culpabilité, ambivalence, solitude morale) et les patientes (colère, incertitude, perte de confiance). Quelle que soit l’indication de l’IMG, la demande émane d’abord de la mère et non de l’équipe médicale, le rôle de celle-ci s’arrêtant à l’examen de cette demande afin de l’accepter ou de la refuser et la femme (ou le couple) peut avoir un entretien préalable. En cas d’IMG pour raison fœtale, une attestation de gravité ou d’incurabilité fœtale en vue d’une décision d’IMG sera délivrée par le CPDPN qui a examiné la demande, il doit y figurer les arguments en faveur de cette « forte probabilité » (6). Par ailleurs, l’arrêté du 1er juin 2015, relatif aux bonnes pratiques des CPDPN, prévoit qu’hors urgence, la femme peut bénéficier, si elle le souhaite, d’un délai de réflexion d’au moins une semaine afin de prendre sa décision. En cas d’IMG pour raison maternelle, c’est-à-dire lorsque la grossesse met en péril la santé de la mère, celle-ci doit en faire la demande auprès d’un médecin exerçant dans un établissement de santé. L’équipe du CPDPN qui examine sa demande doit comprendre au moins trois personnes : un gynécologueobstétricien, un médecin choisi par la femme et une personne qualifiée tenue au secret professionnel (psychologue, assistant social par exemple.) (10).

LES DIFFERENTS ASPECTS DE LA MEDECINE FŒTALE

Le dépistage biologique des anomalies chromosomiques 

Il existe des examens sanguins prénataux chez la mère pouvant calculer le risque que le fœtus soit porteur d’une anomalie chromosomique. Il s’agit de dosages hormonaux, hormones bêta-HCG et PAPP-A : dans le sang maternel, ces hormones sont augmentées dans le cas des fœtus porteurs d’une trisomie (21 essentiellement), ces dosages combinés à une mesure échographique du fœtus (la clarté nucale) permettent de calculer un risque (1/100, 1/500, 1/2000 etc…) que le fœtus soit porteur d’une anomalie chromosomique (11). A partir de ce risque, le couple pourra décider de passer à l’étape diagnostique (et non plus prédictive) grâce au prélèvement ovulaire (liquide amniotique ou villosités choriales), prélèvement qui permettra d’analyser le caryotype fœtal. Le dosage de ces marqueurs sériques, permettant un calcul de risque, n’est pas un examen diagnostique, il permet d’isoler une population à risque. Le prélèvement ovulaire, permettant le caryotype, est un examen plus invasif, non sans risque ; il peut provoquer fausse couche ou encore une rupture prématurée des membranes. Toutefois, en 2011, 85% des femmes enceintes avaient recours à ce dépistage (12), mais on peut se poser la question de la motivation des patientes : besoin de se rassurer ? Examen proposé systématiquement? Avoir un réel diagnostic ? Interrompre la grossesse en cas de trisomie ? But informatif afin d’anticiper ?… Les 15% qui n’ont pas eu ce calcul de risque précoce sont des patientes qui ont découvert trop tardivement leur grossesse ou qui ont fait le choix de ne pas savoir, car ce résultat n’influencerait pas leur choix pour la poursuite de leur grossesse ; même si le fœtus présentait une anomalie elles n’auraient pas recours à l’IMG.

On voit bien là l’importance primordiale de l’information donnée aux patientes sur ce dépistage, afin de bien en comprendre les avantages et les inconvénients « la réalité est plus complexe, la notion de niveau de risque est difficile à appréhender. (12) (p.128) ». Depuis quelques années, il existe dans certains établissements au départ puis de manière plus étendue, le diagnostic prénatal non invasif (DPNI). Cet examen est proposé afin d’analyser l’ADN fœtal présent dans le sang maternel, et ainsi dépister une trisomie 21, 13 et 18. Ces prélèvements sont réalisés précocement, après 14 SA, après un dosage de marqueurs sériques augmenté notamment. Ainsi, le DPNI évite le prélèvement ovulaire tout en apportant un diagnostic. Le comité consultatif national d’éthique (CCNE) a émis un avis en 2009 (13) sur cette nouvelle technique, il met en avant l’avantage de non malfaisance puisqu’il s’agit d’un test non invasif mais, met en garde sur le risque d’augmentation des interruptions volontaires de grossesse (IVG) si les parents ne sont pas accompagnés ou mal informés. En effet, le DPNI permet un diagnostic plus certain, alors que le dépistage des marqueurs hormonaux est un calcul de risque uniquement. Or ce diagnostic précoce se fait avant 14 SA, date limite d’IVG, donc si un diagnostic de trisomie est posé, la décision d’arrêt de la grossesse pourra se faire individuellement, sans passer par un CPDPN puisque dans les délais d’interruption volontaire de grossesse, sans motif utile. « En rendant le diagnostic contemporain du dépistage, le test ultra précoce pourrait court-circuiter le temps de décision. Le choix de poursuite ou non de la grossesse ne serait plus le fruit d’un cheminement mais peut être davantage celui d’une initiative instantanée. (12) (p.24-25) ». Enfin, le DPNI n’est pas accessible partout, il l’est uniquement dans des centres publics et le nombre en France est encore restreint, posant ainsi la question de l’équité et de la justice de notre système de santé.

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Table des matières

INTRODUCTION
1- LE PARCOURS EN MEDECINE FŒTALE
CHAPITRE 1 : LA LEGISLATION
1-1 LE FONCTIONNEMENT DU CENTRE PLURIDISCIPLINAIRE DE DIAGNOSTIC PRENATAL
1-2 L’INTERRUPTION MEDICALE DE GROSSESSE
CHAPITRE 2 : LES DIFFERENTS ASPECTS DE LA MEDECINE FŒTALE
2-1 LE DEPISTAGE BIOLOGIQUE DES ANOMALIES CHROMOSOMIQUES
2-2 L’IMAGERIE FŒTALE
CHAPITRE 3 : L’IMPACT EMOTIONNEL DE LA MEDECINE FŒTALE
CHAPITRE 4 : L’ANNONCE D’UNE ANOMALIE FŒTALE
2- LA DECISION D’INTERRUPTION MEDICALE DE GROSSESSE
CHAPITRE 1 : L’INFORMATION MEDICALE
CHAPITRE 2 : LA DECISION D’INTERRUPTION MEDICALE DE GROSSESSE
CHAPITRE 3 : LES CRITERES DECISIONNELS D’INTERRUPTION MEDICALE DE GROSSESSE
3- LES EMOTIONS
CHAPITRE 1 : L’HISTORIQUE ET LES PRINCIPALES THEORIES
CHAPITRE 2 : LES ROLES ET LES FONCTIONS DES EMOTIONS
CHAPITRE 3 : LE CERVEAU EMOTIONNEL
CHAPITRE 4 : LES EMOTIONS ET LA PRISE DE DECISION
CHAPITRE 5 : LES EMOTIONS MATERNELLES EN MEDECINE FŒTALE
4- ANALYSE DU CORPUS
CHAPITRE 1 : ANALYSE DU DISCOURS
1-1 TEMPORALITE DES RECITS
1-2 ANALYSE GRAMMATICALE
CHAPITRE 2 : ANALYSE DES EMOTIONS
CHAPITRE 3 : LA PRISE DE DECISION D’INTERRUPTION MEDICALE DE GROSSESSE
CHAPITRE 4 : DISCUSSION
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE

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