Le parcours des enseignants en formation professionnelle

Création d’un schème provisoire de l’entretien

À la troisième étape, la démarche de l’analyse structurale propose d’organiser les segments dans une matrice structurale, soit un tableau à trois colonnes. Lorsque c’est possible, les actants et les propositions argumentaires sont arrimés avec l’ordre des séquences. Étant donné le travail à effectuer à l’intérieur des matrices et des tableaux croisés, le logiciel Excel de la suite Microsoft Office est apparu un choix pertinent. En plus de sa facilité d’accès, il permet de réaliser une démarche d’analyse de contenu, comme une recherche antérieure l’a montré (Gagné, 2015). L’utilisation de formules, les graphiques intégrés et la fonctionnalité des tableaux croisés conviennent aux besoins de ce type de démarche. La fonctionnalité du tri des données a permis de travailler l’ordre et l’organisation du discours en fonction des codes attribués à chacun des segments. Autant de codes que nécessaire ont pu être associés à un même segment.

C’est ainsi que des codes apportant des précisions sur le matériel discursif comme les acteurs concernés par les propositions argumentaires sur le temps, les objets de soutien, les attitudes et les objets du propos sont apparus. Enfin, il a été possible de combiner dans un même classeur de travail tous les entretiens afin d’en tirer des conclusions transversales.

Production des catégories par l’analyse structurale

S’ensuit la quatrième étape qui consiste à découvrir par l’analyse individuelle des relations disjonctives (oppositions, comparaisons, confrontations) au sein de chacune des trois colonnes du tableau. Cette démarche admet dans le langage l’existence d’oppositions constitutives du sens du discours. Demazière et Dubar (2004) résument cette perspective par la formule de base « A/r (s)/B avec B = non A » explicable par les corolaires suivants :

A est un item quelconque et B est son « inverse » (corrélat) selon r; r est la relation de disjonction qui permet de définir la signification (s); (s) n’existe que par la relation entre A et B; A ne prend sens que par sa disjonction avec B selon la relation r (p.130).

C’est dire qu’un élément du discours (item) ne prend son sens que dans la relation qu’il entretient avec un élément qui s’y oppose. Par exemple, pour comprendre la signification que les EA donnent au soutien reçu par rapport à leur rôle d’accompagnement, il faut saisir les oppositions dans le discours concernant le manque de soutien perçu. Cette opposition peut notamment apparaitre dans le discours concernant les individus qui offrent du soutien par rapport à ceux qui n’en offrent pas.

Autrement dit, c’est la relation entre les items opposés qui permet d’appréhender la signification donnée aux évènements et aux interactions.

Structuration de l’univers sémantique et de la logique

La structuration de l’univers sémantique et de la logique sociale du récit, consiste à reconstruire le discours. Le travail vise à analyser toutes les colonnes de la matrice élaborée à l’étape 4 pour en dégager les conjonctions (homologies, formes communes) constitutives du discours entre les différents niveaux pour parvenir à répondre à la question de recherche (Demazière et Dubar, 2004; Paillé et Mucchielli, 2012). Différents tableaux croisés (présentés dans la section des résultats) ont été conçus pour fournir des éléments descriptifs, réorganiser les segments et vérifier les interprétations. Ces derniers croisements mettent en évidence, à travers les arguments de l’EA, la contribution des séquences du parcours (évènements significatifs) et des interactions (actants significatifs) dans la construction de l’identité d’EA (Demazière et Dubar, 2004), notamment parce qu’ils participent à l’élaboration de savoirs professionnels pour accompagner.

L’analyse par modélisation systémique

Dans la visée de suivi et de mise en lisibilité du processus de la recherche qualitative, la démarche de modélisation systémique proposée par Gendron et Richard (2015) vient enrichir les fonctions du journal de bord énoncées précédemment. Il s’agit d’une stratégie d’organisation sous forme de schémas des données théoriques cumulées et des données empiriques analysées (Gendron et Richard, 2015). La figure 1.2 (p.30) en problématique et la modélisation préliminaire des fondements théoriques et conceptuels (figure 2.5, p.70) s’avèrent les premières manifestations de cette démarche de schématisation. Il s’agit d’une vue intégrée de multiples interprétations, toujours susceptible d’être amplifiée par une combinaison de données empiriques et de conceptualisation théoriques, en élargissant le champ d’observation, en ouvrant des vues multiples et des acteurs multiples dans des situations, par l’approfondissement des significations qui sont assignées à leurs interactions et contextes (Caetano, 2016, p.93).

Plus particulièrement, la démarche de modélisation systémique s’inspire surtout de la théorie de la modélisation des systèmes généraux de Le Moigne (1984). Pour ce dernier, chaque système est vu comme « un objet qui, dans un environnement, doté de finalités, exerce une activité et voit sa structure interne évoluer au fil du temps, sans qu’il perde pourtant son identité unique » (Le Moigne, 1984, p.61). En ce sens, chaque système découle d’une construction intellectuelle, quoique rigoureuse, nécessairement partielle et partiale. Gendron et Richard (2015) insistent tout de même sur la pertinence d’illustrer les propos sous forme de modèle systémique, car cette activité engage le chercheur à expliciter les conceptions et à interroger le sens accordé aux idées. Le Moigne (1984) résume l’essence derrière les finalités poursuivies par la modélisation :

« Là où il fallait hier expliquer l’objet pour le connaitre, il faut aujourd’hui le connaitre assez, l’interpréter donc, pour anticiper son comportement » (Le Moigne, 1984, p.73).

La modélisation systémique s’arrime donc au journal de bord comme une démarche figurative. Par l’élaboration de modèles, elle mène le chercheur à s’interroger et fait émerger de nouvelles questions. Elle exige de mettre en forme la pensée et donc de confronter les idées pour en assurer la cohérence. Comme l’ont mentionné Gendron et Richard (2015), « le recours à la modélisation systémique en cours d’analyse qualitative a […] permis d’échafauder des liens auparavant invisibles et a favorisé le croisement d’idées apparemment disjointes » (p.89).

Synthèse méthodologique

Cette recherche a donc pour but de comprendre comment l’expérience vécue par l’EA tout au long de son parcours professionnel contribue à la manière dont il se définit en tant que professionnel et dont il oriente sa conduite auprès des stagiaires. À cet effet, il a été proposé d’expliciter sa dynamique identitaire (objectif 1), en plus de repérer et de décrire les évènements et les actants significatifs qui jalonnent leurs parcours (objectif 2), et ce, en vue de dégager les savoirs professionnels pour accompagner qui en sont issus (objectif 3). Des EA (cas-témoins) ont été sélectionnés pour leur capacité à renseigner sur leur dynamique expérientielle et identitaire. Le tableau qui suit reprend la question de recherche, les fondements théoriques et conceptuels, ainsi que les objectifs qui en découlent. Il les met en relation les stratégies de collecte et d’analyse avancées, en plus de fournir quelques indications sur les résultats présentés au chapitre suivant.

La validité interne

La validité interne se rapporte « à l’exactitude dans la description du phénomène vécu par les participants en fonction de la réalité interprétée », de même qu’à « la stabilité des données et la constance dans les résultats » (Fortin et Gagnon, 2010, p.284-285).

Ainsi, à partir des indications et des descriptions fournies par une recherche, une tierce personne parviendrait à des résultats similaires si elle travaillait les mêmes données (Gagnon, 2011). Les principales critiques formulées quant à la validité interne des études de cas concernent les informations partielles, les biais de recherche, le manque de représentativité des cas ou la déformation de la réalité des cas (Alexandre, 2013; Hamel, 1997; Roy, 2009). La présentation des différentes stratégies employées pour diminuer les risques associés à la validité interne suit l’ordre des principales étapes de recherche. Elle suppose la description et l’explicitation minutieuses des choix, des cas et de la démarche pour assurer de la rigueur des méthodes de collecte et d’analyse (Gagnon, 2011; Hamel, 1997; Mucchielli, 2009).

Dès l’élaboration du cadre théorique, Ayerbe et Missonier (2007), suivant les recommandations de Yin (2003), préconisent que le chercheur construise un cadre qui « intègre les principaux résultats de la littérature, les organise de façon cohérente, délimite et décrit, sous forme narrative ou graphique, les dimensions à étudier et, enfin, aide à décomplexifier le phénomène étudié » (p.49). Ce cadre mène à la formulation d’objectifs de recherche de manière à revenir confronter les théories exposées tout au long du processus. Le chercheur, avec l’aide de pairs comme lors de l’examen du projet doctoral, travaille constamment à assurer la cohérence de la question et des objectifs de recherche avec les résultats qui découlent de la démarche méthodologique (Fortin et Gagnon, 2010; Gagnon, 2011). Baribeau (2005) suggère de tirer parti du journal de bord, pour voir évoluer la cohérence de la recherche, des objectifs aux résultats.

Le travail sur le plan théorique découle sur le plan méthodologique, car il investit l’étape de sélection des cas en précisant les critères d’inclusion et d’exclusion (Ayerbe et Missonier, 2007). Par ailleurs, Gagnon (2011) suggère d’utiliser plusieurs sources de données pour éviter les biais relatifs au contexte d’une seule activité et, dans le cas d’entretien, de produire un verbatim rigoureusement fidèle. Cette multiplication des méthodes correspond à la triangulation des données (Hamel, 1997; Savoie-Zajc, 2011). Pour rappel, cette recherche intègre le questionnaire, deux phases d’entretiens et la consultation du CV.

L’utilisation de plusieurs méthodes se révèle aussi possible sur le plan analytique. À cet effet, les analyses de contenus réalisées servent à confronter les conclusions de l’analyse structurale (Gagnon, 2011), notamment par la recherche d’explications rivales (Savoie-Zajc, 2011). Ces stratégies visent à minimiser les « diverses reconstructions partiales et partielles de la réalité, tandis que le chercheur procède lui aussi à sa propre reconstruction de la façon dont les [interviewés] reconstruisent la réalité » (Poupart, 1997, p.181). La question des biais liés au discours lors du recours à l’entretien demeure une préoccupation fréquente en recherche qualitative (Boutin, 1997; Daunais, 1993; Ericsson et Simon, 1993; Karsenti et Savoie-Zajc, 2011; Poupart, 1997; Stone et al., 2000; Van der Maren, 1995). Ces biais se définissent comme « le jeu complexe des multiples interprétations auxquelles les discours donnent lieu » (Poupart, 1997, p.173) et qui peuvent nuire à la solidité des résultats de la recherche (Gaudreau, 2011). Bien que l’approche interactionnelle repose essentiellement sur ce jeu d’interprétations, il n’en demeure pas moins qu’il « faut faire en sorte que nos interprétations des propos tenus restent au plus près du sens qu’en donnent eux-mêmes les acteurs » (Poupart, 2012, p.68). Par conséquent, la recherche inclut une validation interjuges, un retour aux informateurs et des discussions des interprétations avec d’autres chercheurs (Ayerbe et Missonier, 2007; Gagnon, 2011; Mukamurera, Lacourse et Couturier, 2006). Ces stratégies permettent également d’assurer la validité externe de l’étude de cas en recherche qualitative.

La validité externe

La validité externe réfère « au degré auquel l’identification et la description du phénomène sont fondées et peuvent être comparées. Il s’agit de savoir jusqu’à quel point les résultats sont applicables à d’autres cas ». (Gagnon, 2011, p.29). Alors que la validité interne permet à d’autres chercheurs d’arriver aux mêmes résultats avec les mêmes données, la validité externe suppose qu’ils arrivent aux mêmes résultats avec d’autres données dans des contextes similaires (Gagnon, 2011; Poupart, Deslauriers, Groulx, Laperrière et Mayer, 1997). La non-représentativité des cas constitue une critique fréquemment formulée à l’endroit de l’étude de cas (Alexandre, 2013; Roy, 2009). Pourtant, la validité externe repose d’abord sur la définition des prémisses théoriques et conceptuelles de la recherche (Fortin et Gagnon, 2010; Gagnon, 2011).

Les conclusions doivent, non pas représenter statistiquement une population, mais montrer leur applicabilité sur le plan théorique pour prétendre à la généralisation (Ayerbe et Missonier, 2007; Stake, 1978).

Selon cette perspective, « c’est par la somme des qualités qui lui sont reconnues que se fonde la représentativité du cas » (Hamel, 1997, p.99). Ces qualités passent sur le plan méthodologique avec la sélection de cas aux caractéristiques semblables et pertinentes aux objectifs (Gagnon, 2011). Des cas relativement homogènes permettent de réduire les biais relatifs au contexte (Ayerbe et Missonier, 2007; Pires, 1997; Savoie Zajc, 2007), en plus d’une variété des sources et des moments de collecte (Gagnon, 2011; Giroux, 2003). Les cas, comme les moyens de collecte et d’analyse, exigent des descriptions riches, détaillées, fidèles et rigoureuses. Ce portrait facilite l’identification, par les autres chercheurs, des caractéristiques des participants ou du type de milieu professionnel à l’étude (Firestone, 1993).

En continuité des choix méthodologiques, le support à la démarche analytique que constitue le journal de bord participe aussi à assurer la validité externe de la recherche. Puisqu’il conserve les traces de « la subjectivité du chercheur, de ses préférences, de ses valeurs, de ses choix et de ses interprétations » (Baribeau, 2005, p.111), le journal peut servir à la triangulation des données et accroit la validité des activités de collecte et celle des interprétations (Roy, 2009). En terminant, la mise en place d’un processus de validation et de retour auprès des participants demeure essentielle (Ayerbe et Missonier, 2007). Ce retour aux interviewés sous-entend une présentation concise et accessible des interprétations et des conclusions tirées des résultats, tout en sachant que celui qui prend connaissance des résultats en tire également toujours sa propre interprétation en fonction de son propre parcours (Stake, 2000). Le tableau qui suit résume les stratégies pour assurer la validité interne et la validité externe de cette étude de cas multiples.

RÉSULTATS

Alors que le premier chapitre expose la pertinence de cette recherche par rapport aux travaux existants, que le chapitre suivant structure les éléments théoriques et conceptuels retenus et que le troisième justifie les choix méthodologiques effectués, ce chapitre-ci repose sur les données collectées et analysées. La présentation des résultats suit la logique du déroulement des analyses. D’abord, une première section présente les données issues du questionnaire. Elle décrit le groupe des EA, les rôles professionnels occupés et les formations poursuivies. Par la suite, la deuxième section rapporte les résultats des entretiens par EA. Un portrait succinct résume donc le parcours de chaque EA rencontré puisque ces données (entretiens de phases I et II) ont d’abord été analysées individuellement. La troisième section fait état des résultats tirés de l’analyse de l’ensemble des entretiens. Cette section décrit plus en détail les séquences, les actants et les propositions argumentaires, soit les savoirs professionnels construits. Le chapitre se conclut sur les limites inhérentes à la démarche de recherche entreprise.

Les résultats du questionnaire

Le questionnaire a permis de dresser un premier portrait du groupe des EA en enseignement professionnel au Québec. Cette section vise, en partie, à répondre à l’objectif 1 qui consiste à expliciter l’interprétation que les EA font de leurs différents rôles professionnels, particulièrement celui qu’ils occupent auprès des stagiaires du BEP. Les points suivants décrivent d’abord les données sociodémographiques, puis les autres résultats en fonction des blocs du questionnaire qui portent sur chaque grande période du parcours professionnel des EA. Cependant, ces résultats ne trouvent vraiment leur sens qu’à la lumière des résultats des sections 4.2 et 4.3 portant sur les entretiens biographiques réalisés.

Les données sociodémographiques (bloc 1)

En ce qui concerne le portrait général du groupe des EA tiré du questionnaire, le tableau qui suit montre la répartition selon le sexe et l’âge des répondants. Les EA en enseignement professionnel ont donc 50 ans en moyenne et ils possèdent environ 17 années d’expérience dans le métier. À la question concernant leur formation initiale par rapport à ce métier, 143 répondants se sont exprimés : 6 avaient obtenu un diplôme de deuxième cycle, 32 un diplôme de premier cycle (baccalauréat et certificat), 46 un diplôme de niveau collégial (DEC ou AEC), 55 un diplôme professionnel (DEP ou ASP) et 4 un diplôme d’études secondaires (DES). Le tableau 4.2 détaille d’ailleurs les secteurs d’activités dans lesquels ont oeuvré les EA pendant cette période.

En ce qui concerne le bloc dont les questions portent sur la période de la carrière initiale du parcours professionnel, il appert que les répondants en conservent une perception généralement positive (96 sur 141 répondants), comme le montrent les extraits suivants.

Ce fut une période très heureuse sur le plan professionnel et aussi très gratifiante (id69).

C’est l’apprentissage de la vie dans son sens large. J’ai été instruit, éduqué et socialisé par ce milieu. J’ai appris que la collaboration était primordiale et que l’union des personnes pouvait faire des miracles (id159).

Le sentiment de satisfaction et d’accomplissement ressenti (35 de 9613), le fait que cet emploi ait mené à l’enseignement (32 de 96) et l’expertise acquise dans le métier (29 de 96) expliquent cette perception à l’égard de la carrière initiale. Toutefois, quelques participants maintiennent une perception plutôt négative (11 de 141), parce qu’ils devaient « travailler dans différents milieux et avec un horaire varié, dans des conditions pas toujours faciles » (id259) ou parce que c’était une « période difficile, car possédant très peu de connaissances pertinentes pour faire face au quotidien » (id48). Les conditions de travail incluant la pression ressentie et le manque d’expertise par rapport à un domaine marquent aussi cette période.

Les autres répondants optent plutôt pour un discours neutre (24 sur 141) ou nuancé (20 de 141), à la fois positif et négatif. Dans le premier cas, la carrière initiale est surtout présentée comme une « acquisition d’expérience » (id46), sinon comme une description de tâches, par exemple : « Durant cette période, j’ai eu à expliquer et même expliciter le travail à faire ou fait sur le véhicule de clients, afin qu’ils soient chaque fois bien informés et qu’ils comprennent les raisons et l’ampleur de la tâche à accomplir pour justifier les frais encourus » (id93). Dans le cas des propos nuancés, une dualité entre le sentiment d’accomplissement et les conditions de travail apparait dans les extraits :

Les résultats des entretiens par EA

Les sections suivantes décrivent chaque cas étudié et son contexte (Creswell, 1998).

Une ligne du temps résume les grandes périodes du parcours professionnel de l’EA.

Par la suite, des extraits rapportent les réponses, telles qu’elles ont été données, aux questions sur la manière de se définir, notamment, en tant que travailleur, enseignant et EA. S’ensuit une figure qui illustre la structure hiérarchique de la dynamique identitaire des EA. Cette figure est issue de l’appropriation de l’ensemble des verbatims des deux phases d’entretien. Des incohérences apparaissent parfois entre les réponses explicites de la personne interviewée et la structure hiérarchique présentée, ce qui témoigne de la nécessité de recourir à des entretiens d’approfondissement pour saisir la dynamique identitaire d’un individu. Enfin, un tableau décrit quantitativement la composition de chacun des verbatims en termes de périodes, soit : la carrière initiale, la transition vers l’enseignement (CE), l’enseignement, la transition vers l’accompagnement (EA) et l’accompagnement. Des données exposent aussi le nombre de segments relatifs aux différents niveaux du discours codés dont les séquences qui correspondent aux évènements significatifs, les actants et les propositions argumentaires associées aux savoirs professionnels qui s’y rattachent. De fait, ce tableau vise principalement à rendre compte du travail effectué pour chacun des participants. Les données qualitatives qui y sont associées sont présentées dans la section 4.3, celle regroupant les résultats pour l’ensemble des participants.

La présente section correspond donc à la première phase d’analyse individuelle sur les entretiens. Elle constitue également une forme de reconnaissance de la contribution de chacun des participants qui se sont engagés à partager leur vécu. En outre, elle participe à l’atteinte de l’objectif 1 en fournissant des informations sur les rôles occupés, la manière de se définir et la structure hiérarchique de chaque EA. Elle met également la table pour l’objectif 2 en dressant les grandes périodes du parcours professionnel duquel émergent les évènements et les actants significatifs. Enfin, elle annonce la teneur du propos des interviewés à travers le codage effectué, et ce, en indiquant la présence de propositions argumentaires, soit de savoirs professionnels construits, ainsi que leurs types. Il convient de souligner encore une fois que les résultats détaillés prennent leur sens tout au long de ce chapitre. Pour la mise en contexte, l’entretien de phase I a toujours débuté par une présentation de l’intervieweur visant notamment à établir le contact, instaurer un climat favorable et préciser les objectifs et le déroulement de la recherche.

Le formulaire de consentement a été signé sur place ou a été retourné avec signature électronique, en plus d’obtenir l’accord verbal pour l’enregistrement. Avant que l’interviewé ne réponde à la première question, il a pu choisir entre préciser les dates tout au long de la discussion ou partager son CV après l’entretien. Par la suite, le participant a été invité à répondre à une question d’introduction comme « pouvez-vous me raconter votre parcours professionnel depuis vos études secondaires? ». À ce moment, le participant prenait en quelque sorte le contrôle de la conversation en relatant son parcours professionnel en fonction des évènements et des interactions qu’il choisissait de partager. Les interventions de l’intervieweur visaient principalement à assurer le fil conducteur, à préciser ou explorer certains éléments chronologiques ou encore à expliciter davantage certains évènements et interactions. Le verbatim a été transcrit dans les heures suivant l’entretien.

De plus, une ligne du temps, présentée pour chaque EA subséquemment, a été élaborée à partir des informations transmises (entretien et CV) et envoyée pour validation à chaque participant préalablement à la phase II. En ce qui concerne la seconde phase, la mise en place du climat s’effectue plus rapidement puisque l’intervieweur et l’interviewé se connaissent. L’objectif d’approfondissement des évènements et des interactions de cette phase a été rappelé au participant, de même que les critères éthiques. Un retour a ensuite été fait pour valider les changements mineurs apportés à la ligne du temps du participant. Par la suite, chaque évènement et interaction repérée dans les propos de la phase I, et pouvant sembler significatifs par rapport au parcours professionnel de l’EA, ont été évoqués et discutés plus en profondeur pour en tirer les propositions argumentaires, c’est-à-dire les explications et justifications rendant cet item déterminant ou non dans la construction de l’identité de l’EA. Cette fois encore, les entretiens ont été retranscrits dans les heures suivant leur tenue.

Il apparait en consultant les sommaires qui suivent que le nombre de mots et de segments diminue à partir du troisième EA. Non seulement une certaine aisance s’est développée par rapport au canevas et à la conduite des entretiens, mais les parties d’introduction (signature du formulaire et présentation) n’ont plus été retranscrites puisqu’elles se répétaient. De même, les segments ont été définis de manière plus globale pour inclure la question et conserver le contexte de chaque unité de sens.

Enseignante associée 1 (EA1)

Chaque sommaire commence avec un résumé du parcours de l’EA. La première EA présentée (EA1) a donc effectué des études collégiales, puis s’est insérée dans son secteur d’activités à l’extérieur de sa région. Elle y est revenue par la suite, toujours pour travailler dans le domaine de l’informatique avant de bifurquer vers l’enseignement et de poursuivre ses études au BEP. Elle a rapidement accepté différents mandats parallèlement à sa tâche d’enseignante dont celui de l’insertion professionnelle des nouveaux enseignants et de conseillère pédagogique (remplacement) dans son CFP. Elle a été formée en accompagnement et en supervision puisqu’elle agit également depuis 2012 comme superviseure universitaire en enseignement professionnel. Comme pour tous les profils dressés dans ce chapitre, une ligne du temps (figure 4.1) illustre les grandes lignes du parcours professionnel de l’EA.

Enseignant associé 2 (EA2)

Le deuxième EA interviewé travaille dans le secteur de l’ébénisterie dans lequel il a complété une technique collégiale. Ce qui marque son parcours, c’est qu’après avoir débuté son BEP, il l’a arrêté puisqu’aucun contrat n’était offert dans son CFP et qu’il ne voyait pas l’intérêt de le poursuivre. Il l’a repris huit ans plus tard, motivé par des possibilités d’avancement. Il poursuit toujours ses études universitaires au cours desquelles ses trois premiers stages ont été crédités, c’est-à-dire que son expérience en enseignement a été reconnue et qu’il n’a pas eu à réaliser ces stages, le quatrième n’ayant pas encore eu lieu. Il n’a pas suivi de formation en accompagnement, mais se dit ouvert à le faire si les formations offertes peuvent lui apporter quelque chose concrètement.

Enseignante associée 5 (EA5)

Pour cette EA, le parcours s’avère plus complexe et marqué par les nombreuses formations suivies. Elle a d’abord complété un DEP dans un domaine lui permettant de travailler en attendant de choisir une carrière. Devenue esthéticienne tout en effectuant des études collégiales en marketing, elle a, par la suite, terminé deux certificats à l’université liés à ce métier, ce qui l’a menée vers l’enseignement et la réalisation d’un troisième certificat en enseignement professionnel. Elle accompagne des stagiaires depuis presque dix ans, en plus d’avoir été formée en accompagnement et de poursuivre ses études à la maitrise en éducation, comme indiqué dans la figure 4.9.

Enseignante associée 6 (EA6)

L’EA6 se distingue, car pendant sa carrière initiale, elle a enseigné en formation générale au secondaire. En 2010, elle a effectué des démarches pour devenir conseillère pédagogique en FP. Elle considère qu’elle accompagne les enseignants depuis ce temps, mais elle a officiellement reçu un premier stagiaire en 2015, après avoir suivi la formation offerte aux EA. La figure 4.11 illustre ce parcours.

Les périodes du métier et de l’enseignement se confondent chez cette EA. Elle a effectivement enseigné cinq ans, mais pas en FP; l’enseignement correspond donc à sa première carrière. Les entretiens ont été réalisés auprès de cette volontaire, puis analysés afin d’explorer sa dynamique expérientielle et identitaire. Il s’est avéré que les résultats correspondaient à ceux des autres EA qui avaient d’abord occupé un métier distinct de l’enseignement. Le profil rend donc compte de ce parcours moins typique, mais qui représente une part des EA en enseignement professionnel. Des identités professionnelles liées à trois rôles ont tout de même été repérées: l’identité d’enseignante en formation générale, celle de conseillère pédagogique et celle d’EA.
• Identité d’enseignante en formation générale : « Je dirais que ma personnalité propre, ce n’est pas différent de ce que je suis au quotidien. Je suis une personne créative et dynamique. J’ai besoin d’avoir du plaisir quand j’enseigne » (EA6; S55).
• Identité de conseillère pédagogique : « Je pense que je suis une enseignante au plus profond de mon âme et que chaque fois que j’aurai une occasion d’enseigner, quelle qu’elle soit, je vais la saisir. D’autant que comme CP, je n’enseigne plus au quotidien et ça me manque énormément » (EA6; S31).
• Identité d’enseignante associée : « Contribuer à donner du sens au plus beau métier du monde » (EA6; S6). « Avoir un accès à cet autre univers, j’ai l’impression de poser un regard plus macro, voir une autre perspective et comprendre ce qu’ils vivent aux premiers moments en FP et de m’adapter à tout cela parce que je vois l’envers de l’apprentissage » (EA6; S103.

Les résultats pour l’ensemble des entretiens biographiques

Dans cette partie du chapitre 4, il est question des résultats issus de l’analyse globale des entretiens de phases I et II de tous les participants. Conformément à l’objectif 2, cette section décrit les évènements significatifs repérés dans les parcours professionnels, de même que les actants semblant avoir joué un rôle déterminant. Peu d’évènements et d’actants sont évoqués, mais ils constituent des éléments forts ayant émergé les parcours. Elle détaille également, comme précisé par l’objectif 3, les savoirs professionnels dégagés qui permettent d’occuper le rôle d’EA.

Une première série de descriptions plus factuelles vise d’abord à offrir une vue d’ensemble du corpus de données obtenu à la suite des entretiens de phases I et II. Le tableau 4.33 résume le codage présenté au fil des sommaires précédents montrant le nombre de segments pour les principales périodes du parcours professionnel (horizontalement) et pour les différents niveaux de discours répertoriés (verticalement).

Il est apparu pertinent, en ce qui concerne les niveaux, d’identifier le nombre de questions posées en cours d’entretien, ce qui permet de voir que la transition vers l’enseignement s’avère une période à propos de laquelle les EA s’expriment facilement, la transition vers l’accompagnement étant la moins productive en termes de segments. Pour les périodes de la carrière initiale, de l’enseignement et de l’accompagnement, le nombre de questions posées s’avère semblable. Les segments codés « autre » ne correspondent simplement pas à une séquence, un actant ou une proposition argumentaire. Enfin, lorsque l’EA développait autour de l’interprétation faite de son rôle professionnel, le code « définition de soi » était attribué pour retrouver aisément l’information. Le tableau de la page suivante détaille plus largement ces mêmes informations en distinguant les EA.

Comme l’indiquent les deux tableaux précédents, 303 segments correspondent au niveau fonctionnel des séquences du parcours professionnel, c’est-à-dire au déroulement ou aux évènements significatifs qui le jalonnent. De même, 146 segments réfèrent à des interactions avec des individus ou des groupes d’individus pouvant être déterminants dans le parcours. Enfin, 441 propositions dialogiques argumentaires ont été codées et recodées à nouveau selon les types de savoirs professionnels auxquels elles se rapportent. Les points suivants explicitent ces trois niveaux de discours.

Les séquences

Un premier niveau de codage de l’analyse structurale réalisée sur les verbatims des deux phases d’entretien a permis d’identifier les évènements marquants au fil du parcours professionnel des EA. Chaque grande période a été interrogée pour connaitre son apport dans la manière dont l’EA interprète son rôle. Généralement, une période apparait plus significative qu’une autre dans le parcours d’un EA, parce qu’il la place en opposition avec les autres. Ainsi, les extraits suivants présentent des segments (niveau séquence) qui résument la manière dont une période contribue à cette interprétation du rôle d’EA, en commençant par la carrière initiale.

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Table des matières

LISTE DES FIGURES 
LISTE DES TABLEAUX
RÉSUMÉ 
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : PROBLÉMATIQUE 
1.1 Le parcours des enseignants en formation professionnelle
La première période du parcours : la carrière initiale
La deuxième période du parcours : la profession enseignante
La troisième période du parcours : la formation de la relève
1.2 Synthèse du problème de recherche
CHAPITRE 2 : CADRE THÉORIQUE ET CONCEPTUEL 
2.1 La structure de l’interactionnisme symbolique
2.2 L’identité en construction ou en transition
La théorie des identités
2.3 L’expérience professionnelle
La forme active de l’expérience
La forme passive de l’expérience
2.3.2.1 Les savoirs professionnels
2.3.2.2 Les dimensions de l’accompagnement
La forme discursive de l’expérience
2.4 Synthèse des fondements théoriques et conceptuels
Les objectifs de recherche
Le but de la recherche
CHAPITRE 3 : CADRES MÉTHODOLOGIQUE ET ANALYTIQUE 
3.1 Le type et la posture de recherche
3.2 La démarche de collecte des données
Le journal de bord (étape 1)
Le questionnaire (étape 2)
3.3 L’étude de cas
Les entretiens biographiques (étape 3 à 5)
3.3.1.1 La phase narrative (étape 3)
3.3.1.2 L’analyse du document écrit (étape 4)
3.3.1.3 La phase dialogique (étape 5)
3.4 La démarche de l’analyse structurale
3.5 L’analyse par modélisation systémique
3.6 Synthèse méthodologique
3.7 Les critères de scientificité
La validité interne
La validité externe
Les exigences éthiques
CHAPITRE 4 : RÉSULTATS 
4.1 Les résultats du questionnaire
Les données sociodémographiques (bloc 1)
La période de la carrière initiale (bloc 2)
La période de l’enseignement (bloc 3A)
Autre emploi occupé dans un CFP (Bloc 3B)
La période de l’accompagnement (Bloc 4)
4.2 Les résultats des entretiens par EA
Enseignante associée 1 (EA1)
Enseignant associé 2 (EA2)
Enseignant associé 3 (EA3)
Enseignant associé 4 (EA4)
Enseignante associée 5 (EA5)
Enseignante associée 6 (EA6)
Enseignante associée 7 (EA7)
Enseignant associé 8 (EA8)
Enseignante associée 9 (EA9)
Enseignante associée 10 (EA10)
Enseignante associée 11 (EA11)
Enseignant associé 12 (EA12)
Enseignante associée 13 (EA13)
Enseignante associée 14 (EA14)
Enseignante associée 15 (EA15)
Enseignante associée 16 (EA16)
4.3 Les résultats pour l’ensemble des entretiens biographiques
Les séquences
Les actants
Les propositions dialogiques argumentaires
4.3.2.1 Les savoirs professionnels issus de la carrière initiale
4.3.2.2 Les savoirs professionnels issus de l’enseignement
4.3.2.3 Les savoirs professionnels issus de l’accompagnement
4.4 Les limites et les constats des stratégies de collecte et d’analyse
CHAPITRE 5 : DISCUSSION 
5.1 Retour sur la dynamique identitaire des EA
L’identité de métier
L’identité d’enseignant
L’identité de conseiller pédagogique
L’identité d’enseignant associé
5.2 Hiérarchie des identités
5.3 Retour sur les formes de l’expérience professionnelle
L’expérience active
L’expérience passive
L’expérience discursive
Les évènements significatifs
Les actants significatifs
5.4 Retour sur les savoirs professionnels d’accompagnement
5.5 Synthèse de la discussion
CONCLUSION 
5.6 L’apport scientifique de la thèse
5.7 Les recommandations pour les milieux universitaires
5.8 Les recommandations pour les milieux de pratique
ANNEXE A : APPROBATION ÉTHIQUE 
ANNEXE B : INVITATION DESTINÉE AUX ENSEIGNANTS ASSOCIÉS 
ANNEXE C : FORMULAIRE DE CONSENTEMENT POUR LE
QUESTIONNAIRE 
ANNEXE D : FORMULAIRE DE CONSENTEMENT POUR LES ENTRETIENS
ANNEXE E : LISTE DES QUESTIONS D’ENTRETIEN ET LEURS
REFORMULATIONS 
ANNEXE F : APERÇU DU CODAGE DES ENTRETIENS BIOGRAPHIQUES 283
RÉFÉRENCES 

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