Le Sénégal, à l’instar de beaucoup de pays sahéliens où les écosystèmes subissent une forte dégradation en raison de la péjoration des conditions climatiques et l’anthropisation croissante (Grouzis et Albergel, 1989), compte énormément sur ses zones humides pour conserver sa biodiversité. Pour matérialiser cette option, le Sénégal fut le premier pays de l’Afrique de l’Ouest à adhérer à la Convention de Ramsar (Smart, 1988), relative aux zones humides d’importance internationale particulièrement comme habitats des oiseaux d’eau. Depuis cette adhésion en 1977, le Sénégal a défini 4 sites de zones humides d’importance internationale (UICN, 1999 et UNESCO, 1997) ; il s’agit du Parc National des Oiseaux du Djoudj (PNOD, 16 000 ha), de la Réserve Spéciale de Faune de Guembeul (RSFG, 720 ha), de la Réserve Spéciale de Faune de Ndiaël (RSFN, 46 550 ha) et de la Réserve de Biosphère du Delta du Saloum (RBDS, 180 000 ha).
Les zones humides sont des écosystèmes de transition entre les environnements terrestres et aquatiques permanents (mer, lacs, rivières…), et de ce fait, elles sont donc considérées comme une classe distincte d’écosystème (Khattabi, 1999). Dans le passé, les écosystèmes humides étaient considérés comme des zones incultes et insalubres. Mais aujourd’hui avec la multiplication des études menées dans ces zones, on leur reconnaît d’être des sources d’un grand nombre de biens. Ainsi, selon Clough et al. (1983), Harbinson (1986), Conley et al. (1991), les zones humides sont des systèmes physiques et biologiques purificateurs des eaux usées et attrayant des installations industrielles. En outre, selon Ambus et Lowrance (1991), Dunbabin et Bowmer (1992), le système sols-végétaux-eaux des zones humides joue un rôle important dans le processus de réduction des nutriments, des métaux lourds et même des matières organiques polluant des eaux usées. En dehors de ces rôles écologiques joués par les zones humides, il faut noter que ces écosystèmes sont également sources de subsistance surtout pour les populations riveraines (poissons, gibiers, unités fourragères, bois de chauffe…), en plus de l’esthétique du paysage favorisant l’écotourisme (Khattabi, 1999).
Le Parc National des Oiseaux du Djoudj (le PNOD)
Situation géographique, historique et évolution du PNOD
Le Parc National des Oiseaux du Djoudj (PNOD), dans le delta du fleuve Sénégal, est à 60 km de Saint-Louis entre 6° 30’ de latitude Nord et 16° 10’ de longitude Ouest (Bâ et al., 2000). Il couvre une superficie de 16 000 ha et représente un échantillon naturel des paysages du delta du fleuve Sénégal, aujourd’hui dominés par la riziculture. Il est précisément localisé dans la zone du Moyen Delta, partie directement influencée, en fonction de ses spécificités, par les dynamiques écologiques et socio-économiques qui s’observent dans le Haut et le Bas Delta (UICN, 1997).
Créé en 1971, le PNOD doit son nom à un bras du fleuve Sénégal, le Djoudj qui alimente toute l’année les lacs et les marigots. La situation qui prévaut aujourd’hui dans le delta du fleuve Sénégal dont le PNOD est une composante, est le résultat d’une évolution historique complexe qui a profondément perturbé et modifié les systèmes écologiques et socioéconomiques de la zone (Diouf A. M., 1997). En effet, à partir de 1964, plusieurs facteurs de changement vont se succéder pour créer les dynamiques écologiques et socio économiques qui déterminent la situation actuelle et le futur du PNOD (Baldé et Alii, 1994 a et 1994 b). Selon Badji (1995), Diouf M. (1996) et Goujard (1992), ces facteurs de changement sont des paramètres essentiels qui doivent être pris en compte pour une meilleure compréhension des tensions et conflits autour du parc, des défis de sa survie et des appétits qu’il suscite. C’est en 1964, sous l’initiative de la Mission d’Aménagement du Sénégal (M.A.S.), qu’une digue a été édifiée sur la rive gauche du fleuve Sénégal, sur une longueur de 80 km entre Saint-Louis et Richard-Toll. Cette digue représente le premier élément d’un dispositif qui a été parachevé en 1986 par la fermeture du barrage de Diama.
En 1971, est intervenue la création du PNOD qui s’est accompagnée d’un déguerpissement des populations qui vivaient dans le site. Ceci engendra naturellement des conflits, les populations se voyant désormais interdites d’accès et à leurs terroirs d’origine où se trouvent lieux de culte et cimetières et aux ressources abondantes qui assuraient leur survie. En 1977, le PNOD est inscrit sur la liste des zones humides d’importance internationale par la Convention de Ramsar (Scott, 1980), et depuis 1981, il est considéré comme site du patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO (Tréca et al., 1992 ; Diouf A. M., 1997).
Depuis 1986, date de fermeture du barrage de Diama (sans étude d’impact), le PNOD est devenu une entité écologique du Moyen Delta du fleuve Sénégal qui vit une situation de transition et d’instabilité rendant sa gestion complexe et difficile. Des changements de la qualité des eaux, un envahissement des plans d’eau par des végétaux flottants, une régression de la biodiversité, sont les problèmes écologiques auquel le parc est confronté. A cela s’ajoutent des pressions sur les ressources liées à l’exploitation agricole, due à la croissance démographique et à l’inexistence d’aires de parcours de bétail.
Relief, climat et hydrographie du PNOD
Du point de vue relief, le PNOD est un milieu très plat parsemé de dépressions qui forment des marigots ou des étangs qui se chargent au moment des crues du fleuve Sénégal (Bâ et al., 2000). Concernant le climat, la position septentrionale du Djoudj l’intègre dans le domaine sahélien et plus précisément dans le secteur sahélo saharien (Bâ et al., 2000). Dans cette zone où la température moyenne de l’année est de 25° C, trois saisons peuvent être caractérisées (Triplet et al., 1995) :
– une saison humide ou d’hivernage de juin à octobre
– une saison sèche et froide d’octobre à février
– une saison sèche et chaude de février à juin .
L’humidité relative est inférieure à 40 % en période sèche et s’élève jusqu’à 70 % pendant la saison des pluies. L’évaporation potentielle est élevée : 2 200 mm pour la superficie mouillée et 560 mm pour la superficie sèche (Drijver et Marchand, 1995). Elle dépasse ainsi largement les apports pluviométriques puisqu’il tombe 500 mm par année à Bakel, situé en amont de la zone d’étude (Triplet et al., 1995). L’assèchement des zones inondées se produit durant les périodes allant de décembre à mi-janvier quand les crues sont déficitaires et de fin mars à début avril au plus tard après les crues importantes.
Le réseau hydrographique du PNOD dépend étroitement du fleuve Sénégal notamment pendant ses périodes de crue et de décrue. En effet, la majeure partie de l’eau qui inonde le parc provient d’un bras du fleuve Sénégal, le Djoudj, qui lui donne son nom. Le PNOD possède un intense réseau hydrographique avec 12 000 ha inondables sur sa superficie totale qui est de 16 000 ha (Tréca et al., 1992). Ce réseau hydrographique est constitué de grands plans d’eau : lacs, marigots et mares reliés entre eux par des chenaux. Parmi ces plans d’eau, on peut citer :
– le lac du lamantin, le Grand Lac et le lac de Khar qui constituent des cuvettes d’évaporation où la salinité augmente progressivement au cours de la période d’assèchement. Ces milieux très étendus et peu profonds, comportent des rives bien dégagées avec une végétation arbustive de bordure très clairsemée.
– Pour les marigots et mares, les plus connus sont Khar, Dinko, Djoudj, Khoyoye, Tieguel, Gainth et Diar. Ils se caractérisent par des plans d’eau et des chenaux de faible étendue, relativement fermés et bordés d’un couvert arbustif assez dense selon les endroits (touffes de Tamarix et d’Acacia, des Phragmitaies et Typhaies). Certains sont pourvus sur les rives d’une végétation émergente où dominent les Gramineae.
– l’Embarcadère du Djoudj situé à proximité immédiate du fleuve, marque le début du marigot du même nom. Bordé d’une végétation dense, c’est un secteur d’eau douce d’une profondeur pouvant dépasser 1 m.
– enfin le canal du crocodile situé à l’extrême nord-est du parc, est peu profond (25 à 50 cm), légèrement saumâtre et bordé de bosquets d’Acacia et de Tamarix.
Selon Morel (1984), le lac de Guiers joue également un rôle complémentaire vis-à-vis des principaux plans d’eau du bassin et plus particulièrement du PNOD. Le réseau hydrographique du PNOD a connu une certaine évolution au cours du temps. En effet, avant 1971, l’eau douce de la crue du fleuve remplissait les dépressions par l’intermédiaire des marigots du Djoudj et du Crocodile, ainsi que par la rivière du Gorom (Bâ et al., 2000). En période d’étiage, de l’eau salée suivait le même chemin et s’accumulait dans les bas-fonds. Depuis la création du parc (en 1971), des vannes permettent de retenir l’eau douce et empêchent l’entrée d’eau salée. Enfin depuis la période 1986-1989, la construction du barrage de Diama, et la mise en eau progressive du lac de retenue permettent un approvisionnement plus important du parc en eau douce.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1. PRESENTATION DES ZONES D’ETUDE
1.1. Le Parc National des Oiseaux du Djoudj (le PNOD)
1.1.1. Situation géographique, historique et évolution du PNOD
1.1.2. Relief, climat et hydrographie du PNOD
1.1.3. La flore et la faune sauvage du PNOD
1.1.4. Peuplement humain et activités socio-économiques
1.1.4.1. L’élevage et l’agriculture
1.1.4.2. L’artisanat et le commerce
1.1.4.3. La pêche et la chasse
1.1.4.4. L’écotourisme
1.2. La Réserve de la Biosphère du Delta du Saloum (la RBDS)
1.2.1. Cadre géographique, climat et formation du complexe estuarien du Saloum
1.2.2. Hydrographie, bathymétrie et sédimentologie
1.2.3. La flore et la faune
1.2.3.1. La flore
1.2.3.2. La faune
1.2.4. Peuplement humain et activités socio-économiques
1.2.4.1. L’agriculture et la pêche
1.2.4.2. L’élevage, la cueillette et l’exploitation des produits de la forêt
1.2.4.3. Le tourisme
CHAPITRE 2. MATERIEL ET METHODE
2.1. Le Parc National des Oiseaux du Djoudj
2.1.1. Méthode des relevés phytosociologiques
2.1.2. Méthode des points quadrats
2.1.3. Etude des facteurs édaphiques
2.2. La Réserve de Biosphère du Delta du Saloum
2.2.1. Méthode des points quadrats
2.2.2. Etude des facteurs édaphiques
CHAPITRE 3. RESULTATS
3.1. Résultats obtenus dans le PNOD
3.1.1. Détermination des groupements végétaux herbacés
3.1.2. Dynamique de la végétation herbacée
3.1.3. Les facteurs édaphiques
3.1.3.1. La granulométrie
3.1.3.2. Les facteurs chimiques
3.1.4. Résultats des analyses d’eau des sites inondés
3.2. Résultats obtenus dans la RBDS
3.2.1. Etat de la végétation
3.2.2. Résultats des facteurs édaphiques
CHAPITRE 4. DISCUSSIONS
4.1. Le Parc National des Oiseaux du Djoudj
4.1.1. Localisation et caractérisation des différents groupements végétaux
4.1.2. Dynamique de la végétation herbacée dans quelques sites
4.2. La Réserve de Biosphère du Delta du Saloum
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES