Le paradigme enactif dans l’enseignement du FLE/FLS

Si je pense à l’enseignement d’aujourd’hui, je dirai qu’il demeure encore assez traditionnel. Traditionnel de par l’échange vertical établi depuis de longues générations et qui se perpétue encore de nos jours. Cette vision ne s’applique pas uniquement dans la classe d’enseignement de langue mais s’élargit à bien d’autres domaines. Le cours magistral montre encore sa domination malgré de nombreuses tentatives d’évitement ou de détournement. Dans la grande majorité des cas, le professeur reprend son rôle premier, celui de transmetteur de savoirs et finit par occuper la grande majorité du temps de parole. Cette constatation se démontre également par les nombreuses heures d’observations effectuées au cours de ma scolarité et par l’aveu des professeurs : « J’ai encore trop parlé durant le cours » témoignent-ils avec une légère amertume.

Peu de place est finalement donnée à l’apprenant pour qu’il puisse s’exprimer, expérimenter. On lui interdit une sorte de laisser-agir dans la classe. Cette liberté se fait énormément dans les classes maternelles où l’enfant, libre de ses mouvements, découvre, se familiarise avec son espace, apprend à peindre, à se faire de nouveaux amis, à interagir avec son environnement. Toute cette partie exploratoire disparaît au fur et à mesure de la scolarité. Très vite, on apprend à respecter les normes, les règles, pour pouvoir intégrer la société. Utiliser ses sens, ressentir, éprouver différentes émotions, toutes ces actions se voient définir comme immatures, dénuées de raisons en grandissant. On impose l’uniformité et on doit s’y conformer. L’individualité est directement touchée. Ainsi ne serait-il pas permis de faire revivre ces expériences miroirs et exploratoires, ces expérimentations à un public adulte dans l’enseignement tout en visant des objectifs langagiers précis ?

Bien sûr, la présence de l’enseignant se veut indispensable pour ne pas lâcher les apprenants dans l’inconnu. De plus, l’expérience vécue par le prisme du corps ou de manière empirique restera plus facilement ancrée dans la mémoire. C’est parce que l’enfant va tomber et se relever sans cesse qu’il va finir par réussir à se tenir droit et pouvoir marcher. Il y a donc bien un lien entre le corps et l’esprit.

Fénelon, au XVII siècle, avait déjà imaginé une autre façon d’apprendre en ayant recours à l’expérience. Dans Les Aventures de Télémaque, le fils d’Ulysse, entreprend un voyage initiatique afin de retrouver son père disparu après la guerre de Troie. Télémaque va traverser les mers et va donc être confronté à d’innombrables péripéties. Il va alors pouvoir apprendre en passant par les sens et par l’expérimentation. Il va goûter le vin, admirer la dangereuse et charmeuse Calypso, sentir les parfums exotiques des contrées visitées, entendre les bruits de la nature, de la guerre, toucher la terre de sa patrie. Durant son périple, une multitude d’émotions s’empareront de lui. C’est en vivant les choses qu’il peut mieux appréhender le monde et mieux le comprendre. Cet apprentissage n’est toutefois pas orphelin. En effet, il est suivi de près par Mentor, le maître du jeune disciple. Ce dernier a un rôle essentiel car il va lui donner les clés pour ouvrir les portes du savoir et accéder à la connaissance. Ce guidage a pour conséquence de faire grandir Télémaque. Il évolue et apprend de ses observations, de ses échecs, de ses maladresses et de ses réussites. Ses différentes expériences passent par le corps et par les sens. Il y a donc un apprentissage qui se fait grâce à l’action et à la perception.

Au premier abord, cette histoire peut sans doute sembler désuète car elle est purement fictive et date d’un siècle révolu. Cependant, Fénelon avait écrit ce roman dans un autre but : celui d’éduquer le duc de Bourgogne. Il y avait donc un intérêt qui dépassait le simple cadre de la lecture, celui de faire partager une expérience à travers les yeux d’un autre pour faire ressentir l’expérience vécue. C’est en lisant les aventures de Télémaque que le duc de Bourgogne apprenait les règles de la société de l’époque, apprenait à partager les ressentis du héros.

Au fil des ans, de nouvelles méthodologies d’enseignement ont fait leur apparition ; la notion d’énaction s’est ainsi vue émerger dans la didactique des langues étrangères. Ce concept encore peu connu reprend cette idée d’apprentissage par le vécu et, entre autres, par l’expérience. Il démontre des avantages lors de l’apprentissage d’une langue cible. Pour cela, je propose d’ancrer la réflexion en situant l’enseignement-apprentissage du français langue étrangère dans un paradigme énactif (cf.Cadre théorique).

Durant ma recherche de stage, j’ai rencontré des bénévoles responsables de l’association ARDHIS . Cette association s’occupe d’accueillir les migrants qui fuient leur pays à cause de  leur orientation sexuelle ou de leur choix identitaire. L’association possède deux pôles, le premier s’occupe d’aider les couples LGBTI (lesbienne, gay, bisexuel, transgenre et intersexe) bi-nationaux dans les démarches administratives afin de permettre à l’un des partenaires d’obtenir les papiers français. Le second pôle aide les migrants à demander l’asile. Dans de nombreux pays, l’homosexualité est encore condamnée par la peine de mort. Beaucoup de familles n’hésitent pas à dénoncer leurs enfants aux autorités car ils en ont honte et sont persuadés qu’ils vivent dans l’illégalité, le péché. C’est dans des situations parfois traumatisantes que ces migrants arrivent en France, démunis et sans repères. Pour eux,l’enseignement du français doit donc être rapide pour leur permettre de sortir de l’isolement. D’autre part, ils ont également besoin du français pour raconter leur récit de vie et le soumettre aux jurys de l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides). Cet établissement public s’occupe de gérer, entre autres, les demandes d’asile. Après présentation de leur dossier, l’OFPRA décide ou non d’accepter leur requête. Une autre institution se charge également de ce type de demande, il s’agit de la CNDA (Cour Nationale du Droit d’Asile).

À l’ARDHIS, plusieurs actions sont proposées afin de permettre aux migrants de s’intégrer progressivement à la vie en société comme des visites de quartiers, un accompagnement suivi par un ou plusieurs autres bénévoles ou encore un accès à des cours de français. Pour la grande majorité des migrants, le français n’est pas la langue première, les cours de français apparaissent comme des aides plus qu’utiles pour rendre possible leur intégration dans la société. Je me suis donc porté volontaire pour offrir des cours.

Cependant, la chose que j’ignorais était que les locaux n’appartenaient pas entièrement à l’ARDHIS, mais à une autre association LGBTI, Acceptess-T . Cette autre association, de  son côté, se bat pour faire reconnaître le droit des personnes transgenres. Plusieurs pôles sont aussi mis en place : le pôle santé, le pôle social, le pôle culturel, le pôle sportif, le pôle militant… Certaines de ces personnes sont également migrantes et, tout comme à l’ARDHIS, elles ont besoin d’apprendre la langue pour pouvoir communiquer en dehors de l’association. La cruelle discrimination dont souffrent toujours les personnes transgenres ne leur permet pas de trouver du travail. Elles se tournent souvent vers le métier de la prostitution pour survivre. Ainsi, un compromis a été trouvé afin que je dispense des cours au sein des deux associations. Du côté d’Acceptess-T, le premier atelier sera effectué en binôme avec une autre bénévole professeure des écoles. Du côté de l’ARDHIS, je gérerai le groupe seul.

L’abréviation LGBTI, mentionnée plus haut, permet d’inclure toutes les personnes ne se considérant pas comme hétérosexuelles ou cisgenres (qui accepte son identité de genre de naissance ; en opposition avec le terme transgenre ). Ce sigle permet de créer une  communauté pour des personnes exclues de la société ; elles peuvent de cette façon se rapprocher. Cependant et paradoxalement, beaucoup de personnes n’acceptent pas l’Autre au sein même de la communauté. Lors de mes premières observations, certains apprenants restaient même hostiles à l’égard de leur voisin. Ce rapport à l’Autre, à l’altérité, n’est que très peu voire pas du tout abordé dans la classe. De manière générale, il est important de souligner le fait qu’il n’est peut-être pas perçu (car souvent non-conscientisé). Selon le dictionnaire Universalis , la conscientisation permet « de faire prendre conscience de la  réalité». Dans la classe de langue étrangère, c’est le professeur qui devra accomplir cette tâche auprès de ses apprenants, car l’une de ses fonctions est, en plus de transmettre le savoir, d’apprendre à développer un œil critique pour accepter l’altérité. Dans ce cas, le recours à une approche dite énactive en classe permettrait-il une conscientisation de l’altérité chez les apprenants, chez le professeur ? Quelles en seraient alors les conséquences cognitives sur chacun des acteurs ?

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Table des matières

Introduction
Contexte et Public
Première partie : Cadre théorique
Chapitre Premier : Le paradigme de l’énaction
I.1 : L’autopoïèse
I.2 : La cognition incarnée
I.3 : Énaction et empathie
I.4 : Le contexte et la coopération
I.5 : La perçaction
Chapitre II : La place du langage
II.1 : La performativité
II.2 : Le langage non-verbal
II.3 : Émotions et translangageance
II.4 : La perception : l’exemple de la couleur
II.5 : La limite de l’énaction : le symbolique
Chapitre III : Le rôle contributeur de l’Autre
III.1 : Altérité ou Interculturalité ?
III.2 : L’altérité en classe : un avantage ?
III.3 : L’individu : Le Je avec l’Autre : quelle solution ?
III.4 : L’importance de la médiation
III.5 : L’Art : le vecteur social du paradigme énactif
Deuxième partie : Protocole de recherche
Chapitre Premier : Démarche méthodologique
Chapitre II : Les paramètres du terrain d’enquête
II.1 : L’hétérogénéité
II.2 : Autres paramètres
Troisième partie : Analyse des données
Chapitre unique : ALIPE mises en place
I.1 : Le défilé de la conjugaison
I.2 : Il ou Elle : un choix personnel
I.2.1 : Réflexions et nouvelle proposition d’exploitation
I.3 : ALIPE prévue : SENSations
Conclusion

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