Le Paludisme, une maladie infectieuse difficile à combattre
Etat de la pandémie dans le monde
Le paludisme, ou malaria, est un fléau mondial qui touche de 350 à plus de 500 millions d’êtres humains et qui tue chaque année de 1,5 à 2,7 millions de personnes à travers le monde, essentiellement en Afrique, dont 1 million d’enfants de moins de cinq ans. Avec le SIDA, le paludisme est l’un des principaux facteurs de mortalité au sein des populations d’Afrique, d’Asie du sud-est et d’Amérique latine ; il porte une part importante dans l’appauvrissement continu de ces populations. (Brierley, 2005; World Malaria Report, 2005). L’Europe connaît des cas de paludisme dits d’importation. En France, en 1999, plus de 7 000 cas on été rapportés dont une vingtaine de décès : 95 % des cas ont été contractés lors de voyage en Afrique subsaharienne. La majorité des cas survient chez des personnes n’ayant pas suivi de prophylaxie.
Cycle parasitaire de Plasmodium falciparum chez l’anophèle et l’être humain
Le paludisme, décrit par Hippocrate au IVème siècle avant notre ère, était répandu en Europe dans les zones marécageuses, et on pensait alors que le mauvais air en était la cause. Au XVIIIème, Lancisi suggère que le paludisme est dû à un poison des marais transmis par les moustiques qui inoculent de « mauvaises humeurs dans le sang ». A la fin du XIXème siècle, le médecin militaire Alphonse Laveran démontre la nature parasitaire de l’affection en détectant des « éléments pigmentés dans les globules rouges des malades atteints de fièvres palustres, qui se présentent sous formes de croissant, de sphères, de flagelles », objets qu’il nomme Oscillaria malariae. Donald Ross (prix Nobel de Médecine 1907) montre que le paludisme pouvait être transmis par des moustiques. En même temps, Grassi, Bastianelli et Bignami (1899) décrivent le cycle complet de développement de Plasmodium falciparum, Plasmodium vivax et Plasmodium malariae (pour revue, Desowitz, 1991).
Le paludisme correspond à la phase de propagation de parasites du genre Plasmodium chez l’être humain. Plus de 80% des cas mortels sont dus à une infection par Plasmodium falciparum. L’infection est véhiculée par des moustiques, essentiellement Anopheles gambiae. La propagation et la multiplication asexuée dans l’organisme s’effectuent tout d’abord dans les cellules du foie (phase hépatique), puis dans les globules rouges (phase érythrocytaire). Après ingestion de sang par un moustique femelle, la phase de reproduction du Plasmodium se déroule dans l’épithélium digestif de l’insecte vecteur. Puis le parasite migre vers les glandes salivaires de l’Anophèle, préparant ainsi une nouvelle infection .
Evolution de la résistance à la chimioprophylaxie et nécessité de découvrir de nouvelles cibles pour des traitements thérapeutiques
Il y a plus de 350 ans, les missionnaires jésuites en Amérique du Sud font connaître les propriétés antipaludiques de l’écorce de quinquina. La quinine, un alcaloïde végétal toxique qui en est extrait, est le seul traitement connu par les européens et les américains jusqu’au milieu du XXème siècle. Elle devint introuvable durant la Deuxième Guerre mondiale. Il fallait donc mettre au point de toute urgence un nouvel antipaludique. Un produit synthétique appartenant aux composés dits amino-4-quinoléines avait été mis au point par une société pharmaceutique allemande, en 1934. Ce produit acquis par les Américains en 1943 a permis de mettre au point un dérivé efficace, la chloroquine.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a lancé des programmes d’éradication du paludisme à l’échelle mondiale au milieu des années 1950, avec tentatives de démoustiquation et traitements massifs des populations humaines. Dès 1961, des souches de Plasmodium falciparum résistantes à la chloroquine sont apparues à cause de son utilisation excessive et probablement de doses insuffisantes . À ce moment-là, il n’y avait pas de médicament susceptible de traiter ces formes de paludisme résistantes à la chloroquine sauf l’antipaludique le plus ancien, la quinine (pour revue, Desowitz, 1991).
L’histoire de la recherche de nouveaux traitements est caractérisée par deux grandes difficultés, d’une part l’incapacité à développer un vaccin, d’autre part l’apparition de formes résistantes aux molécules antipaludiques. Dans les années 1970, la combinaison de sulfadoxine et pyriméthamine se substitue ou complète les traitements par la chloroquine, mais des foyers de résistance apparaissent, conduisant à la résurgence de paludisme difficile, voire impossible à traiter . Dans ces zones, le sulfadoxine-pyriméthamine a été remplacé essentiellement par la méfloquine dans les années 1980. Le développement très rapide de la résistance à cette nouvelle drogue a conduit à rechercher de nouvelles molécules, et à évaluer l’efficacité d’anciens traitements jusqu’alors non exploités à échelle globale, en particulier l’artémisine (Farooq et Mahajan, 2004; Baird 2005; Wright 2005) .
L’artémisinine (ou qinghaosu), dérivé d’une plante, Artemisia annua, est employé depuis plus de deux mille ans en Chine pour traiter les fièvres associées au paludisme. L’histoire contemporaine de l’artémisinine commence pendant la guerre du Vietnam lorsque l’armée nord-vietnamienne construit tout un réseau de souterrains. Comme ces tunnels récupéraient l’eau de pluie, les moustiques transporteurs du paludisme se reproduisaient dans l’eau stagnante. Le problème prit une telle ampleur, que l’armée nord-vietnamienne perdit plus de soldats par le paludisme que par les armes. Les Nord-vietnamiens reçurent l’aide de chercheurs militaires chinois, qui sélectionnèrent l’armoise annuelle comme traitement curatif. Un procédé d’extraction du principe actif, l’artémisinine, une lactone sesquiterpénique contenant un radical peroxyde, est mis au point en 1972. Au cours de ces vingt dernières années, la sécurité et l’efficacité de l’artémisinine et de ses dérivés semi-synthétiques ont été établies. L’artémisinine est donc rapidement devenue un traitement clé du paludisme. Sa popularité s’est particulièrement développée dans le sud-est asiatique et l’Afrique où la maladie est devenue résistante à presque tous les autres antipaludéens (pour revue Bray, et al., 2005; Woodrow et al., 2005). La monothérapie avec l’artémisinine donnant un taux assez élevé de résurgence de la maladie et de sérieuses inquiétudes quant au développement d’une résistance, l’OMS recommande de l’utiliser en association avec d’autres antipaludéens efficaces.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. Le Paludisme, une maladie infectieuse difficile à combattre
A. Etat de la pandémie dans le monde
B. Cycle parasitaire de Plasmodium falciparum chez l’anophèle et l’être humain
C. Evolution de la résistance à la chimioprophylaxie et nécessité de découvrir de nouvelles cibles pour des traitements thérapeutiques
II. Plasmodium falciparum, un protiste du phylum Apicomplexa, muni d’un plaste acquis par endosymbiose secondaire
A. Caractéristiques générales des cellules des parasites apicomplexes
B. Présence d’un plaste vestigial chez Plasmodium falciparum
C. Origine du plaste chez Plasmodium falciparum par un processus d’endosymbiose secondaire
D. Question difficile de la classification des apicomplexes
E. Peut-on exploiter la face végétale de Plasmodium falciparum pour développer de nouveaux traitements thérapeutiques ?
III. Les singularités du génome de Plasmodium falciparum
A. Présentation générale du génome
B. Les biais compositionnels aux niveaux nucléiques et protéiques
C. L’abondance de répétitions de faible complexité
IV. Comment progresser dans la caractérisation génomique de Plasmodium falciparum en vue de contribuer à la lutte contre le paludisme ?
CONCLUSION