Le numérique pour tous ?
Le numérique est présent dans tous les contextes que ce soit dans la vie professionnelle, privée ou bien dans l’enseignement. Pour certains, il est envahissant et pour d’autres, il est indispensable.
Le numérique englobe l’informatique mais son périmètre est plus large car il recouvre aussi les télécommunications (téléphone, radio, télévision, ordinateur) et Internet. Au quotidien, on ne peut plus imaginer nos activités sans smartphones ou sans les réseaux sociaux par exemple. Ces nouveaux usages génèrent des masses énormes de données (informations) qu’il faut être capable de traiter. Si le numérique modifie nos activités, il change en même temps notre façon de comprendre et de penser. Notre univers entier est transformé par cet ensemble de technologies. On entend d’ailleurs souvent parler de culture numérique ou encore de révolution numérique. À noter : « Numérique » est spécifique au français, la majorité des autres pays utilise le mot anglais « digital » .
Aujourd’hui, nous pouvons piloter à distance une éolienne via des logiciels informatiques, programmer un variateur de vitesses pour un moteur électrique avec un ordinateur, fermer des volets roulants électriques avec son smartphone en étant à l’autre bout du monde. C’est pour cela que l’équipe pédagogique, dont je fais partie en tant qu’enseignant stagiaire, souhaiterait mettre en œuvre le numérique au maximum pour la formation de nos apprenants. Les formations dispensées par l’équipe pédagogique sont le Baccalauréat professionnel dans les métiers de l’électricité et ses environnements connectés (MELEC) ainsi que la Mention complémentaire technicien en énergie renouvelable (TER). Ces métiers que nous enseignons sont étroitement liés au numérique.
D’après mon environnement et mon analyse personnelle, le numérique accompagne notre quotidien que ce soit dans le domaine social, les loisirs ou bien dans la profession que nous exerçons. Il reste un outil indispensable et incontournable. Cependant, il existe une fracture numérique dans ce nouvel environnement. On parle de « fracture numérique » lorsque l’on peut constater les différences se creusant entre les personnes ayant accès au numérique et celles n’y ayant pas accès. Pour désigner les inégalités dans l’accès aux nouvelles technologies, à Internet en particulier, l’expression « fracture numérique » est souvent évoquée. Mais d’après un rapport du Centre d’analyse stratégique , paru lundi 18 avril 2011, il n’y a pas « un, mais trois fossés numériques » en France. Audelà des questions techniques de couverture des réseaux, il existe « un fossé générationnel, laissant les personnes âgées en marge des nouvelles technologies ; un fossé social, qui exclut les plus démunis ; et un fossé culturel, qui prive les moins instruits des opportunités de l’outil informatique », détaille l’organisme, qui avait été chargé en 2009 par le Parlement de dresser un tel état des lieux . Toujours selon Le Monde, malheureusement le confinement sanitaire de l’année 2020 a accentué les inégalités d’accès au numérique.
Du questionnement à la problématique
Mes débuts dans l’enseignement
En octobre 2017, l’académie de Nantes m’a proposé un poste d’enseignant contractuel au sein du lycée Estournelles de Constant de la Flèche (Sarthe). On m’a attribué un service dans lequel j’intervenais en BAC général STI2D (science et technologie de l’industrie et du développement durable) ainsi qu’en BTS FED (fluide énergie domotique). J’avais en charge des cours de S2I (Sciences Industrielles de l’Ingénieur). Durant quasiment deux ans et demi, je ne me suis posé aucune question sur l’usage du numérique à l’école ainsi que de son efficacité pédagogique et didactique. Le numérique peut avoir les mêmes usages que les supports qui existent depuis longtemps. Cependant, il demande un équipement différent. Je me suis lancé dans cette optique sans questionnement car cet équipement était bien présent dans les salles de cours que nous occupions avec nos élèves. Les élèves utilisaient le numérique sans trop de contraintes dans le lycée. Bien évidemment, quelques difficultés avec l’usage et la compréhension de certains outils pouvaient exister. Ces difficultés étaient propres à un outil numérique (logiciels, accessoires, …) et non à l’usage généralisé de celui-ci. À cette époque, mon rôle de professeur était de les accompagner afin qu’ils puissent avoir un apprentissage des outils qu’ils utiliseront demain dans leurs vies professionnelles et privées. D’ailleurs, à l’heure actuelle mon rôle reste inchangé.
Cependant, quelques soucis liés à la qualité du réseau internet ou à l’usure du matériel pouvaient apparaître (un ordinateur défectueux, un serveur en difficultés, …). Malgré ceci, nous avions tout même la possibilité de travailler avec les smartphones pourvus d’un accès au web, pour faire l’appel, effectuer des recherches, utiliser des applications. Dans le cas d’une incapacité totale de l’utilisation du numérique, nous pouvions aussi avoir recours à un enseignement non numérique avec nos élèves car nous étions en présentiel (face à face). En comparaison, une coupure d’électricité serait plus contraignante, si elle avait lieu sur un créneau horaire où la lumière du jour serait insuffisante.
Un événement inattendu
En mars 2020, le gouvernement français annonçait un confinement total de la population afin de réduire la propagation de la pandémie. L’éducation n’a pas été épargnée par cette crise sanitaire. Cette dernière a entraîné la fermeture des écoles en France. Le gouvernement a demandé aux Français de privilégier le télétravail et a demandé aux jeunes d’apprendre à distance afin qu’ils restent chez eux. De ce fait, les enseignants ont dû assurer hors de l’école, la continuité pédagogique pour des élèves. D’après Marie Gaussel, Chargée d‘études et de recherche au sein du service Veille & Analyses de l’Institut Français de l’Éducation (IFé/ENSL), « ce que l’on retient de cette définition finalement, c’est que le service public d’éducation est maintenu malgré la situation extraordinaire que vit notre pays aujourd’hui ».
Mais en quoi consiste la continuité pédagogique ? Selon le site web du ministère de l’Éducation nationale consacré à l’organisation scolaire depuis le 16 mars 2020, premier jour de confinement, « la continuité pédagogique vise, en cas d’éloignement temporaire d’élèves ou de fermeture d’écoles, collèges et lycées, à maintenir un lien pédagogique entre les professeurs et les élèves, à entretenir les connaissances déjà acquises par les élèves tout en permettant l’acquisition de nouveaux savoirs ».
Qui dit « travail à distance » dit « usage du numérique » sous de nombreuses formes afin d’échanger rapidement avec les élèves. Les outils que nous connaissons tous, comme l’informatique, le web, internet ou encore les smartphones, sont devenus un lien essentiel entre l’enseignant et l’élève. Il est évident qu’aujourd’hui il existe d’autres canaux comme le courrier postal mais celuici est plus contraignant dans un usage quotidien et individuel. D’ailleurs, le lycée Estournelles de Constant avait opté pour cette solution dans le cas où les élèves ne possédaient pas d’outils numériques à la maison mais il y avait très peu de retours de la part des apprenants. En parallèle de cette solution, le lycée faisait tout ce qu’il pouvait pour fournir un ordinateur aux élèves en étant dépourvus.
Mes interrogations
Tout mon questionnement sur le numérique a commencé au début du confinement lié à la crise sanitaire due à la COVID 19. C’est à partir de ce moment que j’ai commencé à me poser certaines questions d’ordre matériel, organisationnel et pédagogique quant à l’usage du numérique (outil indispensable pour garder le contact scolaire avec nos élèves). Nos élèves ont-ils une connexion internet ? Ont-ils un ordinateur personnel pour travailler avec les supports pédagogiques que nous allons fournir? Les outils que nous allons utiliser seront-ils efficaces et compris par nos apprenants ? Je craignais que nos élèves n’aient pas les apports scolaires suffisants pour répondre à leurs formations, mais aussi qu’ils soient victimes d’un décrochage scolaire. Ceci dépendait en partie du contexte social mais aussi beaucoup du facteur numérique. Aujourd’hui, je pense que c’est toujours le cas. Alors que les premiers cours à distance avec nos élèves commençaient, nous avons très tôt rencontré quelques problèmes techniques. Après avoir détaillé par Email, à chacun d’entre eux, les outils numériques que nous utiliserions pour assurer la continuité pédagogique, quelques élèves n’ont pas accusé réception de celui-ci et ne se sont pas connectés aux supports que nous avions mis en place. Elyco est l’outil numérique que nous avons choisi pour cette situation car nous y déposions nos séances de cours et le travail demandé auprès des élèves. C’est un espace numérique de travail (ENT) accessible via une page Web. Celui-ci propose un espace numérique partagé avec les élèves, mais aussi avec les équipes pédagogiques, pour l’enseignement. Il permet d’échanger les travaux effectués en classe, déposer un travail, suivre un cours, faire une évaluation, suivre un emploi du temps, et beaucoup d’autres fonctionnalités. Chaque semaine, sur le créneau horaire que nous avions en présentiel, nous proposions une séance sur une activité au format d’un document numérique. Le travail était déposé sur un calendrier numérique disponible sur Elyco afin de ne pas perdre chronologiquement les élèves. L’apprenant devait suivre l’activité et compléter le document en numérique au fur et à mesure de l’avancement de l’activité. L’objectif était de déposer le travail avant la séance suivante, ce qui leur laissait environ une semaine pour répondre à l’activité. Bien évidemment, les activités étaient conçues pour travailler de la maison et en aucun cas, il était nécessaire de posséder les outils didactiques que nous avions l’habitude de manipuler lorsque le lycée était encore accessible (maquettes, outils de mesures, moteurs électriques, …). Tout était numérique. On pouvait trouver l’analyse d’une vidéo qui expliquait une situation technique dont il fallait détailler les étapes en remplissant un texte à trous, des calculs à faire sur un fichier tableur, des analyses de courbes en positionnant des marqueurs ou encore l’utilisation de logiciels disponibles sur le web en déposant le programme exécuté.
Les élèves pouvaient nous contacter s’ils rencontraient des difficultés lors de l’activité. Mais ils se confrontaient rapidement à des problèmes de compréhension des supports proposés. Quand nous sommes en face à face, il est plus simple de dénouer les questionnements en discutant, avec des gestes ou encore des écrits sur un tableau. Certains d’entre eux ne posaient aucune question pensant que le numérique affichait tout ce qu’ils devaient savoir. Le fait de remplir un document texte (au format numérique Word) devenait une difficulté à surmonter, soucis qu’ils n’avaient pas forcément auparavant. Ils étaient désorientés et n’avaient pas à leur disposition immédiate le professeur ressource qu’ils avaient l’habitude de consulter en cas de complications durant leurs activités.
Il était parfois impossible de se connecter. En effet, le logiciel en ligne montrait quelques faiblesses de par sa fréquentation simultanée de nombreux enseignants et élèves. « Elyco plante », ce sont les mots utilisés par beaucoup d’entre nous. J’ai constaté aussi que certaines personnes (élèves ou professeurs) avaient beaucoup de difficultés pour se connecter à ce type d’outil car les débits internet étaient médiocres. Pour expliquer mes propos, il faut s’imaginer toute la France consommer de l’eau sur le même tuyau. Le débit de chacun serait impacté par l’usage massif de celui-ci. Heureusement, ces soucis rapidement détournés nous retrouvons un usage quasiment normal de ce logiciel. Les élèves et les professeurs se connectaient à des heures où l’influence était moins importante. Cela permettait d’avoir un usage normal de cet outil même avec un débit internet médiocre.
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Table des matières
Introduction : Le numérique pour tous ?
1. Du questionnement à la problématique
1.1. Mes débuts dans l’enseignement
1.2. Un événement inattendu
1.3. Mes interrogations
1.4. La problématique et le plan de cet écrit réflexif
2. Apports théoriques et hypothèses
2.1. Le Numérique
2.2. Une volonté institutionnelle
2.3. L’espace pédagogique
2.4. Enseigner et apprendre avec le numérique
2.5. Les hypothèses
3. Du bilan théorique à l’exploration
3.1. Méthodologie de l’exploration
3.2. Le recueil de données
3.2.1. Les entretiens semi-directifs
3.2.2. Les observations
4. Analyse du recueil de données
4.1. Le cadre d’analyse
4.2. L’analyse des données
4.2.1. Que représente le numérique chez les enseignants ?
4.2.2. La relation entre les savoirs et les outils numériques
4.2.3. La perception des outils numériques par les enseignants
4.2.4. Les outils numériques professionnels au service des élèves
5. Conclusion
Bibliographie
ANNEXES