Cercle vicieux source de l’incohérence
Nombreux auteurs soutiennent que le modèle bureaucratique ne s’adapte plus à l’administration dans le cadre de l’exercice de ses fonctions. On peut citer par exemple les théoriciens Crozier et Merton qui ont apporté des critiques sur le modèle bureaucratique. De ce fait, Crozier avance que la bureaucratie est un cercle vicieux11 dont la tendance est l’autoritarisme et la centralisation des décisions au niveau de l’administration publique. Dans sa théorie même, ce système Wébérien va entrainer diverses dysfonctions au niveau de l’organisation voire des difficultés majeures dans la prise de décision au niveau de l’administration. En plus, ce cercle vicieux est la conséquence même des règles poursuivies par les « bureaucrates » en exécutant ses fonctions. Ces règles peuvent être formelles qui permettent de lutter contre l’arbitraire, augmentent la prévisibilité des comportements et de favoriser la rapidité d’exécution ; et impersonnelles dans le sens où celles-ci entrainent l’uniformisation des actes administratifs tout en favorisant l’égalité de traitement des usagers. Mais l’application de ces règles est la source même des dysfonctions potentielles au niveau de l’administration parce que d’une part on constate une sorte de rigidité dans les rapports avecles citoyens et d’autre part une attitude ritualiste menant à une difficulté d’adaptation aux divers changements de la société. La bureaucratie est donc la forme dégradée de l’administration. Nous assistons publique avec la réalité sociale par le fait que les agents de l’administration vont procéder à l’obéissance de ces règles sans avoir recourir à la recherche de résultat important dans la réalisation de ses missions. Or, on va créer des règles qui vont mener à un accroissement tentaculaire de la bureaucratie qui par multiplication des cercles vicieux, approfondie les problèmes de rigidité, causes des dysfonctionnements et accroit toujours plus
Les prérogatives de l’administration en tant que barrage de l’applicabilité de la démocratie
L’administration est appelée à exécuter les services publics dans le cadre de la satisfaction de l’intérêt général : « celle qui consiste, en toute autorité, à répartir auprès du public des droits et des avantages »21. De part ce principe, l’essence même de l’administration tient donc sa fonction et sa place au niveau de la société : elle va déterminer l’intérêt général et l’exécute à partir des différents moyens et principes fondamentaux tels que la prérogative exorbitant du droit commun, principe du préalable, l’acte unilatéral,… Cependant, ces principes (normes et règles issues de la bureaucratie) sont incompatibles, dans son application, avec le principe constitutionnel : « la démocratie »22 parce que cette démocratie exige de l’administration une participation de la population dans la gestion des affaires publiques, voire même l’exécution des services publics. Or, la démocratisation de l’administration que ce soit dans sa structure ou dans son comportement apparaît plus difficile à réaliser sinon impossible23 parce que cette modalité oblige l’administration à changer sa façon d’interaction avec l’administré dans la poursuite de ses actions. En effet ,l’administration est forcée de délaisser ses prérogatives et de prendre en compte le changement de la nature des relations avec les administrés par le biais des règles démocratiques. A vrai dire, les prérogatives de l’administration sont les obstacles majeurs à l’application des valeurs et principes démocratiques, même si il y a des moyens plus ou moins importants, dans le cadre de démocratisation de l’administration, font partis de l’obligation de l’administration dans l’exercice de ses fonctions. On peut citer par exemple la publication24 des actes administratifs pour réduire la culture de secret de l’administration, la motivation25 et l’explication de ces actes afin d’éviter toute forme d’incompréhension des administrés. Mais tous ces moyens sont insuffisants même pour la protection des droits des administrés et concrétisent l’impuissance des administrés dans la gestion des affaires publiques ainsi que dans la responsabilisation des citoyens. A cet égard, la divergence se situe au cœur de la relation incohérente administration-administré du fait de l’isolement de l’administration au ritualisme qu’est l’obéissance à la norme et règle et non à la concrétisation de la volonté des peuples pour réaliser ses missions de satisfaction des besoins publics. Les normes et règles sont considérées comme sacrées et son inapplication entraine un dysfonctionnement de la machine administrative. Ainsi, le sens même de la bureaucratie évoque un éloignement par rapport à la population, une lourdeur, une lenteur, voire la coupure par rapport aux attentes de la population. C’est cette coupure ainsi que la rigidité de l’administration même qui expliquent la divergence entre la démocratie et l’idéal type Wébérien en l’occurrence la bureaucratie.
Distinction entre bureaucrate, manager et leader
En principe, il y a différentes catégories d’agent dans l’administration locale à savoir les bureaucrates, les managers et les leaders. D’un point de vu objectif, ces catégories d’agents appartiennent à des individus biens distincts. En effet, il est difficile de les focaliser à une seule personne, d’où l’intérêt de la distinction entre eux afin de déterminer la qualité des agents de l’administration locale. Nous savons déjà que les bureaucrates sont des fonctionnaires imbus de l’importance de son rôle, dont il abuse auprès du public34. Quant au manager, spécialiste en management35, il est un organisateur. C’est-à-dire que le manager tient son autorité de la hiérarchie qui le désigne comme tel36. Il doit donc exercer une certaine autorité sur le groupe qu’il gère37. Etant le supérieur hiérarchie de tout l’ensemble de l’équipe qualifiée formelle et exécutante, le rôle principal du manager est le souci de maintenir l’ordre et la stabilité de l’organisation38et d’éviter les divers risques. Plus précisément, il est chargé de mettre en place une organisation de manière à ce que les différentes tâches soient réalisées en temps et en heure, et suivant les recommandations préalablement établies39. Quant au leader, « personne qui est à la tête d’un parti politique, d’un mouvement, d’un groupe »40, il est un visionneur. C’est-à-dire qu’il tient son autorité, considérée comme informelle, des membres du groupe qui le reconnaissent comme tel41alors qu’il est en fait le moteur du développement du groupe même. Concrètement, Le leader se positionne généralement dans une hiérarchie horizontale, et il construit sa notoriété au sein du groupe grâce à ses réalisations et ses initiatives42. Il est le chef. Cependant, de part ces distinctions, on est en présence de différents risques dans l’interprétation et l’application des pratiques et valeurs issus de la notion de manager et de leader. D’un côté, le développement du management (pratique du manager) peut consister à une entrave au développement du leadership (pratique du leader) parce que le manager a tendance à recourir à un but et à donner de la valeur au travail sans prendre en compte des imaginations et les relations communicative avec le groupe44. C’est une sorte de culture d’attitude envers le but : Les objectifs managériaux sont le fruit de la nécessité plutôt que l’expression d’un désir et s’inscrivent par là même dans l’histoire et la culture de l’organisation45. D’un autre côté, la présence de grands leaders peut compromettre le développement de managers rendus anxieux par le désordre relatif que les premiers semblent toujours créer46. La logique des choses nous permet donc de dire que dans l’organisation, en l’occurrence dans la CTD, il est difficile de concevoir le développement de ces différentes catégories d’agent dans le cadre de la gestion des affaires publiques locales. Il est donc difficile pour un maire par exemple d’incarner les deux types d’agents de l’administration dans le processus de développement local. Comme le disait même le Maire d’Imerintsiatosika qu’ « il est un leader de ses équipes au niveau de l’administration dans sa circonscription administrative et non un manager».
La démocratie même est une source d’impuissance de la population
Il n’est pas inutile de rappeler que la démocratie est le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple. De ce point de vu, la première manifestation logique de cette démocratie est l’implication de la population dans la désignation des représentants dans les diverses institutions publiques comme l’Exécutif, le Législatif voire au niveau des CTD : donc le recours à l’élection. Cependant, on constate que ce pouvoir du peuple se voit limiter juste dans le cadre de cette élection. Ce qui constitue pour Etienne Chouard « une impuissance politique des citoyens »85. Dans ce cas, la démocratie est remise en cause à partir du moment où les pouvoirs du peuple sont réduits à l’élection parce que ce procédé n’est pas le seul moyen ou le seul pilier de la démocratie. Comme le confirme même cet auteur en ses affirmations selon lesquelles « Nous ne sommes pas encore en Démocratie » et « Un régime électoral n’est pas une démocratie ». Force est de dire alors que la représentation ne comble pas les conditions importantes pour l’effectivité de la démocratie. Il est primordial d’insister sur les autres conditions ou les autres méthodes pour une démocratie favorable et efficace pour la localité afin de mener à bien les affaires publiques locales. Par contre, on peut dire que le suivi et même la transparence dans la gestion de la localité reste incertaine, et par conséquent le peuple va juste jouer le type de vote sanction après expiration du mandat des élus locaux : « les défenseurs de l’action des élus, fortement influencés par l’œuvre de Montesquieu, estiment que les citoyens ne sont pas fondamentalement aptes à jouer un rôle participatif au niveau local et doivent se cantonner essentiellement à leur statut d’électeurs » En plus, le manque de connaissance sur le management public local, dû aux problèmes d’éducation et d’information (considérées comme éléments essentiels de la démocratie) par les représentants locaux, provoque ainsi l’incapacité de la population dans la participation à la politique publique locale. La cause essentielle étant l’abduction des peuples dans la gestion des affaires publiques locales. Ce cas est très ressenti dans les Communes rurales à Madagascar caractérisé par le fait que : « La disqualification sociale des populations rurales dans la politique est encore une réalité à Madagascar »88. A côté, il y a aussi des désintéressements de la part de la population sur l’affaire publique locale, alors que c’est la volonté même des peuples qui va se transformer en politique publique locale. La faiblesse de la population est donc remarquée par le biais de la mauvaise application de la démocratie voire l’ignorance des valeurs de la démocratie lésant l’importance de la souveraineté populaire : les peuples ne se sentent pas son implication dans la gestion locale89 même si la démocratie les incitent à y participer même dans son élaboration. Ainsi la démocratie est considérée comme un simple mécanisme semblable à celui du marché : les électeurs sont les consommateurs et les politiciens sont les entrepreneurs90. En effet, les peuples semblent utiles pendant les phases électorales et non durant le mandat de l’élu.
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Table des matières
Partie I : De l’incohérence dans la gestion de l’administration publique locale à Madagascar
Chapitre 1 : La bureaucratie : une méthode de gestion obsolète
Section 1 : Les principes et valeurs bureaucratiques inadéquats pour les Communes à Madagascar
Section 2 : La bureaucratie et la démocratie : deux notions difficiles à concilier
Chapitre 2 : L’incompétence des agents de l’administration locale
Section 1 : Difficulté dans la détermination de la qualité de l’agent de l’administration locale
Section 2 : Le problème dans la nomination et de l’élection des agents de l’administration
Section 3 : « Inaptocratie » face à la démocratie locale
Chapitre 3 : Le statut institutionnel et organisationnel controversé
Section 1 : La dualité substantielle entre le Fokontany et la Commune
Section 2 : Le risque d’empiètement d’attribution et de fonction la Commune et les autorités déconcentrées
Chapitre 4 : Les divergences dans l’application de la démocratie locale
Section 1 : Problème lié à la connaissance de la démocratie à appliquer
Section 2 : Les limites et risques dans l’application des différents types de démocratie locale
Partie II : La gestion de la collectivité basée sur le couple politico-administratif
Chapitre 1 : Le « Fokonolona » au cœur de l’action publique locale
Section 1 : Le « fokonolona » : concept à redynamiser
Section 2 : La souveraineté populaire en tant que source du pouvoir des élus locaux
Section 3 : De la responsabilisation citoyenne versus la redevablité des élus locaux
Chapitre 2 : Le nouveau management public démocratique : une méthode de gestion légitime
Section 1 : La correction issue du nouveau management public local (NMPL) dans la gestion de la Commune
Section 2 : Le nouveau management démocratique : moyen unanime de prise de décision collective
Section 3 : Les modalités d’action par le biais du nouveau management démocratique
Chapitre 3 : De la démocratie vers « l’aptocratie » dans la gouvernance locale
Section 1 : L’intelligence collective au niveau local
Section 2 : Aptitude de gestion de l’administration
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