Le niobate de lithium, propriétés générales

Depuis plus d’une quinzaine d’années, la mise en œuvre par commutation électrique de structures ferroélectriques périodiquement polarisées (PP), à température ambiante, occupe une place importante parmi les techniques existantes de fabrication de dispositifs d’application tels que la génération de la seconde harmonique (SHG) et les oscillateurs paramétriques optiques (OPO) [1]. L’intérêt vient de la possibilité d’obtenir une efficacité de conversion de fréquence tout en maintenant la conservation du moment (vecteur d’onde) nécessaire pour l’accord de phase à travers une contribution supplémentaire correspondant au vecteur d’onde de la structure périodique : c’est la méthode de quasi-accord de phase (QPM). Par conséquent, le processus de mélange à deux ondes qui satisfait à la conservation de l’énergie peut être accordé en phase. Par exemple, les fréquences optiques des ondes fondamentales impliquées peuvent être identiques, avec la même polarisation, et se propager à travers le milieu dans des directions où les propriétés NL sont modulées. Ceci nous permet d’utiliser le coefficient non linéaire (NL) le plus élevé dans l’interaction NL. Par ailleurs, le niobate de lithium est un matériau parfaitement connu et dont on maîtrise la croissance, du moins dans sa composition congruente, et comme il est relativement établi : le niobate de lithium est à l’optique ce que le silicium est à l’électronique [2]. L’idée de réalisation de matériaux non-linéaires (NL) sous forme de microstructures, par exemple les structures périodiquement polarisées (PP), date de 1962, quand Armstrong et al. [3] proposèrent un schéma de quasi-accord de phase pour le doublage de fréquence. Ces idées furent reprises ensuite par Miller en 1964 [4]. Mais, ce n’est qu’au début des années 90 que les techniques de fabrication de structures PP ont été réellement développées pour permettre la réalisation de pas de réseaux en dessous de 4 µm, pour des applications en SHG du premier ordre de lumière bleue dans LT [5-8] et LN [9-12]. Ainsi, la première démonstration d’inversion de domaines à température ambiante, moyennant un faisceau d’électrons énergétique, a été reportée en 1991 par Yamada et Kishima [13] dans LN pour des pas de réseau aussi fins que 3 µm [14]. En 1993, le processus de fabrication a été suffisamment développé pour obtenir de tels pas utilisant des champs électriques à température ambiante [15]. Cette technique a été, peu après, développée par d’autres groupes et dans d’autres matériaux [1].

Le Niobate de lithium, propriétés générales

Le niobate de lithium (LiNbO3, LN) [1] et le tantalate de lithium (LiTaO3, LT), isostructural au premier, sont des matériaux qui n’existent pas dans la nature, mais depuis leur première synthèse en 1949, ils font l’objet d’intenses études [2,3]. LN et LT appartiennent à la classe des oxydes ferroélectriques et possèdent des non-linéarités optiques élevées et sont donc souvent utilisés pour la conversion de fréquence non-linéaire (NL), pour la modulation électrooptique dans les télécommunications par fibres optiques, ou pour des applications holographiques [4]. Les cristaux utilisés dans de telles applications doivent avoir les propriétés suivantes : ils doivent être transparents dans le domaine des longueurs d’onde des lumières excitatrices et aient une grande biréfringence et une excellente qualité optique. Mais, la faible tenue à l’endommagement laser de LN impose des limitations pour ses applications dans des dispositifs optiques intégrés [5,6].

LN est souvent disponible sous sa forme commerciale en composition congruente. Dans cette composition, il présente un grand déficit en lithium (Li) et par conséquent un taux de défauts intrinsèques considérable [7]. La présence de lacunes permet, en particulier, l’incorporation d’impuretés ioniques, telles que : H+ , Mg2+, Zn2+, Fe2+, Fe3+, Ni+ , Ni2+, Ti3+, Ti4+, Hf4+, ou Er3+ [7]. La possibilité de modifier l’indice de réfraction linéaire par le dopage permet la création de guides d’ondes [8,9]. Des ions actifs tel que l’erbium (Er3+) peuvent être incorporés pour obtenir du gain optique et de l’émission laser [10,11], et doper le cristal LN avec des ions spécifiques lui confère d’autres propriétés optiques [12]. Ainsi, il est connu que les propriétés photoréfractives (PR) sont augmentées par le dopage au Fe, ou Mn, souhaitables dans le cas d’utilisation pour l’enregistrement holographique [13]. L’effet PR peut être aussi diminué par des ions tels que l’Hf ce qui a comme conséquence de limiter les dérives dans les modulateurs électro-optiques [14].

Présentation du niobate de lithium cristallin

Croissance cristalline

Les monocristaux LN sont principalement obtenus par la technique Czochralski [2,15]. Dans une atmosphère neutre (argon ou azote, pour éviter l’oxydation), une solidification, à partir d’un germe monocristallin de petite taille, est issue du matériau fondu à une température juste audessus du point de fusion, avec un gradient de température contrôlé. Le liquide se solidifie sur le germe en gardant la même organisation cristalline (épitaxie) ; ensuite on tire le germe vers le haut tout en le faisant tourner à vitesse très lente. Le cristal et le bain sont soumis à des rotations dans des sens opposés pour favoriser l’homogénéité du bain et éviter les gradients de température à l’interface cristal-bain. Après croissance, la boule est refroidie avant d’être découpée selon la forme et l’orientation désirées. Les conditions de croissance sont hautement critiques durant la croissance et le moindre changement dans le gradient thermique ou les chocs thermiques peuvent affecter considérablement le résultat. Les conditions nécessaires pour la production de cristaux de bonne qualité ont été suggérées par Prokhorov et Kuz’minov [2]. Ces conditions peuvent être finalement optimisées de sorte que des structures plus complexes peuvent être produites. Ainsi récemment, Bermudez et al. [16] ont utilisé la technique Czochralski pour le tirage d’un cristal LN périodiquement polarisé.

Structure cristalline et propriétés cristallographiques

Beaucoup de composés ABO3 tels que BaTiO3 possèdent une structure perovskite [22]. Au contraire, le niobate de lithium a deux phases de symétrie rhomboédrique. Un système de coordonnées cartésiennes (x, y, z) est utilisé pour décrire les propriétés tensorielles physiques du LN [23]. Comme tous les cristaux de symétrie rhomboédrique, le LN peut être décrit soit par un réseau rhomboédrique ou hexagonal [24]. La cellule rhomboédrique élémentaire (Fig. A1.2.b) est la plus petite des deux. Elle possède uniquement deux unités formulaires (2LiNbO3) avec 10 atomes par cellule élémentaire dans chacune des deux phases. La cellule hexagonale (Fig. A1.3), dont les axes principaux x, y et z sont orthogonaux entre eux, contient 6 unités formulaires avec 6 plans d’oxygène successifs. Mais cette dernière est la plus couramment utilisée en raison de la simplicité des coordonnées cartésiennes, et parce que dans la cellule ortho-hexagonale tous les tenseurs de rang 3 associés aux propriétés physiques de LN ont évidemment la même symétrie selon ce système d’axes. Les distances inter-atomiques relatives à la cellule rhomboédrique peuvent être déterminées à partir des dimensions de la cellule hexagonale [24].

L’axe c est parallèle à l’axe polaire z du cristal, tandis que l’axe x est choisi pour être parallèle à l’un des trois axes cristallographiques équivalents (a) écartés de 120°, et qui sont perpendiculaires, à la fois, à l’axe z et aux plans miroirs (de symétrie) y-z. Par conséquent, l’axe y est le long d’un plan de symétrie et perpendiculaire, à la fois, aux axes x et z (ces relations sont illustrées en Figs. A1.2-A1.4) [24-27]. Ses distances interatomiques ont été indiquées par Weis et Gaylord [24], et par Abrahams et al. [28] à l’aide de mesures par diffraction des rayons X. Entre autre, la direction +c est définie suivant un vecteur sortant de la face polaire chargée négativement après compression du cristal le long de cet axe. Une seconde méthode standard est d’orienter la direction +c sortante de la face chargée positivement après refroidissement. Ces deux méthodes peuvent être comprises qualitativement en considérant le mouvement des ions Li+ et Nb+5 par rapport aux octaèdres d’oxygène [24].

Pour LN, la température de transition est très élevée (température de Curie : Tc ∼1138 °C pour LN congruent et 1198 °C pour LN proche stoechiométrique) [4]. LN présente une seule transition de phase, de la phase paraélectrique (PE), stable au dessus de cette température, vers la phase ferroélectrique (FE) (Fig A1.5) [24,29]. Dans cette phase ferroélectrique, LN possède une symétrie rhomboédrique de groupe ponctuel 3m (C3v en notation de Schönflies) autour de l’axe c, et de groupe d’espace R3c [26]. Cette structure consiste en une succession d’octaèdres d’oxygène (O2-)6 distordus le long de l’axe polaire c. L’atome métal de transition (Nb) occupe les centres des octaèdres d’oxygène le long de l’axe c. L’octaèdre d’oxygène adjacent, le long de cet axe, est vide et l’octaèdre suivant contient un atome de lithium (Li). L’ion Li+ est déplacé par rapport au plans d’oxygène ce qui est à l’origine de la polarisation spontanée (Ps) et qui donne le caractère ferroélectrique [29]. Chaque plan d’oxygène se situe à 2.310 Å de son plus proche voisin, et dans la phase ferroélectrique les distances interatomiques à partir d’un plan d’oxygène sont de 0.897 Å pour le niobium et de 0.714 Å pour le lithium [2]. Cependant, au dessus de Tc, les ions Li et Nb sont situés vers des positions centrosymétriques avec l’ion Li+ placé sur un plan d’oxygène voisin et l’ion Nb5+ positionné à mi-hauteur entre les plans du même octaèdre (O-2)6 [24,29]. Dans cette phase, la structure moyenne appartient au groupe d’espace R3 c .

En raison de sa haute température de transition Tc, et dû au fait que sa température de bain est assez proche (et supérieure) de Tc, peu de données expérimentales sont disponibles pour la phase paraélectrique de LN. Par contre, durant les dernières décennies, la phase ferroélectrique a été l’objet de nombreuses études expérimentales et théoriques. Sans être exhaustifs, citons les articles d’Inbar et Cohen [4,32], et Ridah et al. [33], qui ont identifié la nature de la transition de phase, laquelle est principalement du type ordre-désordre. Plus récemment, Caciuc et al. [34,35] ont calculé les spectres des phonons au centre de la zone de Brillouin dans la phase ferroélectrique, au même moment où Parlinski et al. [36] ont obtenu les relations de dispersion de phonons dans les deux phases. Veithen et Ghosez [25] complétèrent cela en rapportant les charges effectives et les tenseurs diélectriques optiques des deux phases.

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Table des matières

INTRODUCTION
Le niobate de lithium, propriétés générales (Rappels)
I – Introduction
II – Présentation du niobate de lithium cristallin
II.1 – Croissance cristalline
II.2 – Structure cristalline et propriétés cristallographiques
II.3 – Structure des défauts dans LN
III – Propriétés physiques du LN
III.1 – Ferroélectricité
III.2 – L’effet piézoélectrique
III.3 – L’effet pyroélectrique
IV – Propriétés optiques linéaires
IV.1 – L’absorption
IV.2 – Indices de réfraction et biréfringence de LN
IV.3 – L’effet élasto-optique
IV.4 – L’effet électro-optique linéaire (effet Pockels)
V – Propriétés optiques non-linéaires
V.1 – La polarisation non-linéaire (NL)
V.2 – L’effet photoréfractif
Références bibliographiques
La spectroscopie Raman : généralités et rappels
I – Introduction
II – Rappels sur l’effet Raman
II.1 – Les phonons – vibrations de réseau
II.2 – Processus de diffusion Raman
II.3 – Les configurations géométriques
II.4 – Traitement classique de l’effet Raman
II.5 – Apport de la mécanique quantique
III – Structure d’un spectromètre Raman
III.1 – Les sources laser
III.2 – Séparation des rayonnements et détection
IV – Conclusion partielle
Références bibliographiques
Les structures PPLN
I – Introduction
II – Généralités
II.1 – Renversement de domaines ferroélectriques
II.2 – Conversion de fréquence et accord de phase
II.3 – Accord de phase par biréfringence (BPM)
III – Le quasi-accord de phase (QPM)
III.1 – Effet des parois de domaines sur la SHG
III.2 – Limitations du QPM
IV – Fabrication, analyse et caractérisation de PPLN
IV.1 – Inversion de domaines durant la croissance
IV.2 – Inversion de domaines après croissance
IV.3 – Analyse et caractérisation de domaines – parois de domaines
V – Conclusion partielle
Références bibliographiques
CONCLUSION

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