Ce travail a été réalisé en collaboration avec le Laboratoire de Physico-Chimie des Matériaux Luminescents (LPCML) au sein du groupe « Matériaux Laser » dirigé par le professeur Georges Boulon. Cette recherche a été consacrée à la croissance et à la caractérisation structurale de fibres monocristallines dans la famille d’oxyde de niobates Ba2NaNb5O15 (BNN) dopées par l’ion laser Yb3+ . Cet ion présente le double intérêt d’être d’abord pompable par des diodes laser de puissance, dans le proche de l’infrarouge (IR), ensuite d’émettre également dans le proche IR.
En 1917, A. Einstein émet le principe de l’émission stimulée qui ouvre la porte à une nouvelle technologie: le LASER « Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation ». Mais, il faudra attendre 1960 pour que Th. Maiman réalise le premier laser à solide [1] dans un matériau monocristallin, le rubis (Al2O3 :Cr3+). Les applications originales auxquelles ils donnent lieu tant dans les domaines industriels aussi variés que la découpe, le soudage métallique ou encore le marquage et les domaines militaires (systèmes de guidage de missiles d’avion, …) sans oublier les applications médicales, qui se sont particulièrement développées ces dernières années. Ces applications diverses requièrent des rayonnements de longueur d’ondes différentes. Depuis une vingtaine d’années, l’évolution des sources lasers est très fortement influencée par le développement des diodes lasers pour exciter les cristaux à l’état solide contenant des ions activateurs engendrant, surtout, des émissions lasers dans le domaine spectral du proche IR. La tendance la plus marquée est de fabriquer des sources lasers dites « tout solide » constituées d’une diode laser, d’un cristal actif dopé par des ions terres rares ou des ions de transition et aussi, parfois, un cristal non linéaire doubleur ou additionneur de fréquences ainsi qu’un absorbant saturable pour la production d’impulsions courtes. Les principaux éléments de la source laser sont donc bien des composants à l’état solide. Les applications potentielles sont nombreuses dans le domaine des lasers pour les sources à sécurité oculaire dans l’IR, les sources de puissance dans l’IR, ou encore les sources à impulsions de forte énergie à l’échelle de la nanoseconde, de la picoseconde et même maintenant de la femtoseconde [2, 3] avec des ions émettant des bandes larges. De tels systèmes sont à l’évidence caractérisés par leur compacité, leur robustesse, leur facilité d’emploi ainsi que par leur faible coût par rapport aux lasers à gaz, à colorants liquides ou même à solide pompés par des lampes flashs .
LE NIOBATE DE BARYUM ET SODIUM Ba2NaNb5O15
Modèle structural
Ba2NaNb5O15 possède une structure de type tungstène bronze (TPTB) [8, 9]. Cette structure est caractérisée par une maille dilatée, composée de 10 octaèdres NbO6 qui constituent l’ossature du réseau cristallin (figure I-1). L’observation de deux octaèdres différents NbO6 montre que chaque atome de niobium est décalé le long de l’axe z par rapport au plan moyen d’atomes d’oxygène, ce qui explique la non linéarité du matériau [10]. La structure quadratique possède des paramètres de maille de l’ordre de 12.5×12.5x4A3 [9]. Les octaèdres NbO6 sont liés de façon à former une chaîne quasi linéaire et parallèle à la direction (001) qui est l’axe ferroélectrique polaire [11]. Les environnements cationiques sont présentés dans la figure I-2. Dans les directions perpendiculaires à l’axe c, il existe aussi des chaînes d’octaèdres NbO6 non linéaires.
L’espace entre les chaînes forme des sites de géométrie pentagonale (A2), tétragonale (A1) et des sites trigonaux C vides [12] (figure I-4). La structure type bronze tungstène contient donc cinq types de sites cationiques. Le premier nommé A1 a une section carrée de coordinence 12 et il est rempli par des ions Na+ avec des taux d’occupation de 0,5. Le deuxième, A2, est pentagonal, de coordinence 15 et rempli par des ions Ba2+ avec des taux d’occupation de 1. Le troisième, dénommé C1, est vide et il possède une section triangulaire. Ces sites sont liés avec deux sites NbO6 octaédriques dénommés B1 et B2. La formule chimique est donc la suivante : (A1)2 (A2)4 (C)4 (B1)2 (B2)8 O30. Les positions A1, A2 et C peuvent être occupées ou non par différents ions (alcalins, alcalino-terreux, ions dopants, …). Dans la majorité des cas, les sites C sont vacants. Cependant, il existe des structures tungstène bronze pour lesquelles les sites C sont occupés, par exemple, le composé K3Li2Nb5O15 (KLN) [13,14]. Le rapport d’occupation des sites est déterminé par la nature des cations, l’électroneutralité et les paramètres de maille du réseau cristallin. Une diminution de température peut entraîner le passage à une structure orthorhombique par compression du réseau.
CROISSANCE CRISTALLINE
Des monocristaux BNN ont été tirés par les techniques Kyropoulos [21] et Bridgman [22], mais la méthode usuelle pour faire croître des cristaux BNN de bonne qualité optique pouvant être utilisés pour les accessoires optiques reste la technique Czochralski [23]. La croissance de cristaux optiquement homogènes est complexe et liée au choix de la composition du liquide initial. En effet, BaNaNb5O15 est un composé à fusion congruente (température de fusion 1438°C [24]) présentant un large domaine de solution solide à partir de la stoechiométrie jusqu’à 80% de BaNb2O6. Ce domaine de solution solide est intéressant dans la mesure où le domaine biphasé liquide + solution solide est très étroit en température, ce qui permet d’envisager le tirage de cristaux homogènes d’un grand nombre de compositions et donc peut être une certaine accordabilité en longueur d’onde d’accord de phase. Par contre, cet écart restreint de températures entre le liquidus et le solidus, complique le choix de la composition du liquide initial pour optimiser les conditions de tirage.
Les cristaux BNN présentent des domaines ferroélectriques inversés aléatoirement lors du passage de la température de Curie. Un maclage apparaît également au cours de la transition de phase quadratique-orthorhombique et peut provoquer des fissures le long de l’axe c entre 400 et 600°C.
En raison de la température de fusion élevée du BNN, seuls des creusets de platine peuvent être utilisés. Les creusets en iridium ou platine rhodié réagissent avec le liquide et génèrent une coloration marron des cristaux. Au cours du tirage, le composé BNN est très sensible aux gradients de température qui affectent la qualité optique des cristaux. Il a été montré par Zupp et al. [25] que les cristaux tirés avec des gradients de température élevés présentent des fissures et des stries de croissance alors que les faibles gradients permettent d’obtenir des régions exemptes de striations. L’étude de la croissance des stries en fonction des gradients de température verticaux montre que les stries dans les cristaux BNN diminuent si les pertes thermiques à partir de la surface du liquide sont réduites. L’apparition de stries de croissance est due en particulier à une variation de la composition du cristal liée à la fluctuation de température à l’interface solide-liquide.
Un sérieux problème technologique dans la croissance du BNN est la tendance de ces cristaux à se fissurer. Comme mentionné précédemment, l’apparition des fissures est due à la forte variation des paramètres de maille le long de l’axe c dans la région de la transition ferroélectrique entre 400 et 600°C. La tendance de l’apparition des fissures dans les cristaux BNN varie d’une composition à une autre. A titre d’exemple, les cristaux Ba2NaNb5O15 se fissurent rapidement alors que le minimum de fissures a été observé pour la composition Ba2.04Na0.92Nb5O15 mentionnée comme étant congruente par Bonner et al.[26]. L’orientation du germe de départ joue également un rôle important sur la qualité des cristaux. Un germe orienté suivant l’axe a, génère des fissures plus importantes qu’un germe orienté suivant l’axe c. Dans le but de réduire ces défauts, Ballman et al. [27] ont utilisé un chauffage secondaire au-dessus du creuset (Czochralski) afin de maintenir la température du cristal constante au cours du procédé de croissance. Ceci a permis d’élaborer des cristaux de diamètre compris entre 20-30 mm (figure I-7) [22]. Malheureusement ces cristaux craquent facilement en raison d’importantes contraintes thermiques radiales. Le diamètre du cristal est critique pour la propagation de fissures durant le procédé de tirage.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : ETUDE BIBILIOGRAPHIQUE
I LE NIOBATE DE BARYUM ET SODIUM (Ba2NaNb5O15)
I-1 Modèle structural
I-2 Croissance cristalline
I-3 Propriétés ferroélectriques
I-4 Propriétés optiques
I-5 Propriétés non linéaires
I-6 Utilisation du BNN comme matrice laser
CHAPITRE II : TECHNIQUES EXPERIMENTALES
II-1 PREPARATION DES MATERIAUX SOURCES
II-1-1 Préparation
II-1-2 Analyse par diffraction RX
II-2 ELABORATION DES FIBRES MONOCRISTALLINES
II-2-1 Croissance cristalline par la technique LHPG
II-2-1-1 Principe de la fusion de zone
II-2-1-2 Distribution des espèces lors du passage de la zone fondue
II-2-1-3 Procédé de la zone flottante : Méthode (Laser Heated Pedestal Growth)
II-3 CARACTERISATION PHYSICO-CHIMIQUE DES FIBRES
II-3-1 Microscopie optique
II-3-2 Emission plasma
II-3-3 Microsonde électronique
II-3-4 Microspectroscopie Raman
II-3-5 Analyse thermique différentielle – Thermogravimétrie
II-3-6 D R X
CHAPITRE III : CROISSANCE ET CARACTERISATION STRUCTURALE
III LE NIOBATE DE BARYUM ET DE SODIUM
III-1 Introduction
III-2 Stabilisation de la phase quadratique avec dopage par ions terres rares
III-2-1. Fibres dopées par les ions Yb3+ tirées par la technique (L.H.P.G)
III-2-1-1 Protocole de tirage par LHPG
III-2-1-2 Analyse générale de la forme des fibres
III-2-1-3 Analyse par émission plasma
III-2-1-4 Etude par microsonde
III-2-1-5 Analyse par micro Raman
III-2-1-6 Analyse spectroscopique
III-2-1-7 Etude par diffraction des rayons X
CONCLUSION
REFERENCES
ANNEXE