Perspective historiographique relative au sujet
L’historiographie de la Première Guerre mondiale
Tout d’abord, la volonté d’écrire l’histoire de cette Grande Guerre commence pendant les combats. Cela s’est accentué après la signature du traité de paix de Versailles le 28 juin 1919. L’historiographie de la Première Guerre mondiale commence tout d’abord par un aspect factuel. En effet la recherche de la justification de ce cataclysme donc des responsabilités, est entre les deux guerres mise en avant. Il s’agit d’essayer d’expliquer, voire de justifier cette terrible et longue guerre mondiale qui a frappé particulièrement l’ensemble de l’Europe et dont les principales opérations militaires se déroulèrent sur le territoire français. Les morts,les blessés et les destructions matérielles, ne peuvent avoir été inutiles.
Ce courant est représenté par deux grands historiens, deux anciens combattants, dont les travaux sont encore des références. Ainsi, Pierre Renouvin et Jules Isaac fondent leurs travaux sur les sources à leur disposition pour tenter de répondre aux questions de ce temps, c’est à dire principalement « Qui porte la responsabilité du déclenchement de cette guerre ? »
Ils s’appuient en particulier sur les documents d’origine diplomatique mais aussi sur les notes et les témoignages directs des grands hommes politiques et militaires. En effet, les décideurs, qu’ils soient présidents, ministres, maréchaux ou généraux, ont pour la France la responsabilité de la conduite de la guerre, donc de la victoire finale. Ils sont, entre les deux guerres, les images, voir les icônes, de la victoire contre l’Allemagne de la France et du Royaume-Uni. Cette histoire, principalement nationale, voire officielle, est la norme, car la critique reste limitée. Cette « vue d’en haut », c’est-à-dire la vision de cette guerre au travers des aspects diplomatiques, stratégiques et politiques est privilégiée dans la majorité des travaux historiques de l’entre-deux-guerres alors que, chance rare, les historiens disposent de témoins, donc de leurs témoignages directs.
L’artillerie
Pour rappeler le rôle prépondérant de l’artillerie durant la Première Guerre mondiale, un seul chiffre peut le résumer : 70 à 80 % des blessures sont infligées par les obus. Cette arme bénéficie des avancées techniques, réalisées avant le début du conflit, avec le développement du canon en acier à tube rayé, des freins hydrauliques et des nouvelles munitions. Il ne faut pas non oublier que, pour la France l’artillerie est considérée comme une arme moderne et technique qui peut directement influer sur le cours de la guerre avec le « légendaire » canon de 75. Elle prend aussi conscience durant les différentes manœuvres de tout le potentiel de l’aéronautique naissante. Pour avoir un tir d’artillerie efficace, il est nécessaire, dans la plupart des cas, d’avoir un observateur qui corrige et ajuste les réglages des pièces au fur et à mesure des tirs fin d’obtenir la meilleure précision possible. Or, l’avantage de l’aviation est ici prépondérant. Car l’observateur placé dans un avion « voit tout ». Bien sûr, l’artillerie utilise déjà des moyens aériens pour régler ses tirs avec l’aérostation
militaire. Elle est équipée de ballons captifs, reliés par téléphonie et par signaux optiques aucommandement de la batterie afin d’effectuer des réglages précis. Cependant, pour prendre une analogie mathématique, ce ballon n’est qu’un segment placé dans un repère orthonormé par 2 axes alors que l’avion est un vecteur défini suivant 3 axes. L’aérostation possède cependant des avantages comme une liaison constante et réciproque entre le commandant de la batterie et l’observateur d’artillerie assurée par téléphone. Cependant, le ballon reste une cible facilement identifiable et peut être contrebattu car il est lié au sol. L’avion est plus difficile à atteindre et il possède une mobilité sans comparaison. C’est donc naturellement que le commandement de l’artillerie mais aussi la presse plus ou moins spécialisée s’intéressent très tôt à ce nouveau moyen technique.
Pour les artilleurs, l’une des premières qualités de l’observation aérienne pour le réglage des tirs d’artillerie est de permettre d’augmenter leur efficacité. La prise de conscience réelle par l’infanterie et la cavalerie, lors des premiers mois de la guerre , de la puissance destructrice des canons oblige les troupes à se cacher du tir direct. Le matériel, que cela soit les 75 français ou les 77 allemands, sont conçus pour effectuer un tir rapide sur des objectifs directement visibles. Il leur faut donc s’adapter et effectuer des tirs à défilement, c’est-à-dire sans avoir une vue directe de la cible.
L’une des premières remarques sur ce tableau concerne, dans les documents officiels, l’apparition seulement en janvier 1916 du message lesté. Il semble que l’avantage de la T.S.F est très tôt pris en compte, même si on le note avec l’augmentation des moyens disponibles, cette technique n’a pas toujours concrétisé les grands espoirs placés en elle. Il s’agit, en particulier pour les messages lestés, de moyens palliatifs à une panne des émetteurs ou des récepteurs.
D’autre part, l’apparition tardive de la réception de la T.S.F à bord des avions n’est pas encore une généralité : « Il existe en outre des appareils récepteurs de T.S.F à bord d’avions qui, dans certains cas, peuvent être employés pour correspondre avec des postes émetteurs terrestres installés près des postes de commandement. » . Ainsi, les moyens visuels de communication entre le sol et l’avion sont conservés en cas de panne des moyens radios ou comme moyen premier de communication si l’escadrille n’est pas encore équipée de ces nouveaux matériels.
Afin de caractériser, même si cela est réducteur et facile, l’évolution de l’importance de ce rôle de l’aviation, il est facilement possible de comparer le nombre de pages de l’instruction d’août 1915 et celle de décembre 1917. On passe ainsi, en ayant pratiquement la même typographie, de 25 pages à 105 pages.
Les contraintes
Pour le « segment » sol
A première vue, les contraintes liées à cet aspect de la liaison ne semblent pas très importantes. Néanmoins, les matériels, les options techniques et la particularité de cette guerre de position rendent cette étude nécessaire.
Tout d’abord, l’une des règles premières en matière militaire est de ne pas se faire repérer, d’autant plus dans les communications. En effet, les zones où transitent des messages, des ordres, des comptes rendus et surtout des décisions qui influencent les évènements sur le front sont particulièrement recherchées par l’ennemi comme objectifs à détruire ou à perturber.
C’est pourquoi, l’implantation des différents moyens de liaisons entre le sol et l’avion doit dans les cas de recherche d’informations (réglage et position) être le moins possible visible pour l’ennemi. Il faut donc pour cela des endroits dégagés de la vue de l’ennemi mais aussi situés non loin de la ligne de front afin de pouvoir communiquer au plus vite et directement.
Ces zones peuvent être assez rares et il faut alors composer. Ainsi, un véritable maillage téléphonique est organisé pour permettre aux stations réceptrices de transmettre les informations recueillies par les avions pour les transmettre le plus rapidement possible soit aux batteries d’artillerie soit aux postes de commandement.
En outre, avec l’utilisation croissante de la TSF, les moyens de communication s’élèvent.
En effet, les panneaux ou draps restent de simples marquages au sol dont la hauteur visible est très limitée. Il n’en n’est pas de même avec la radio qui nécessite des moyens physiques de diffusion et de réception de l’onde créée (antennes, aériens) afin de mieux émettre et réceptionner. Le choix du site d’installation doit répondre, ainsi prioritairement, à des critères lui permettant de se cacher des regards ennemis. Les antennes, doivent donc être le moins visibles possible des observateurs ennemis qu’ils soient au sol ou en vol. Il ne faut pas oublier que ce n’est pas seulement l’antenne qui est visible mais bien plus le haubanage nécessaire à l’érection de celle-ci et qui peut se repérer de très loin.
Voici un schéma d’implantation d’une boite de réception de type 3 (ondes amorties) qui nous montre bien l’espace nécessaire pour l’installation mais aussi des contraintes techniques particulières dûes à la spécificité du matériel.
Matériel d’antenne : antenne en V dont les deux brins forment un angle de 30 à 60°.
Les brins sont portés par des supports en bambou de 4 mètres de haut couplés pour obtenir une hauteur finale de 7 mètres. Il est donc nécessaire d’obtenir une stabilité constante et importante du système (qualité du terrain et haubanage de qualité) mais aussi une directivité relative mentionnée sur le schéma par « direction habituelle des avions à recevoir ». Le choix du bambou pour les mats est intéressant car cette essence est relativement souple, en plus d’être légère, ce qui limite la fragilité du système en cas de vent. D’autre part, il n’y a pas, avec ces récepteurs radio, la nécessité d’avoir une grande directivité, à l’opposé de véritables liaisons hertziennes. Ainsi, le fait que ces installations puissent bouger légèrement ne dégrade pas la qualité de la liaison.
Câbles d’antenne : ils sont constitués par plusieurs brins de fil de cuivre étamés, tressés ou torsadés. Il faut ici supposer que les modes de fabrication de cet élément dépendent du constructeur ou de l’approvisionnement et ne sont pas encore bien définis. Isolement et prise de terre : la valeur du poste récepteur dépend dans une large mesure du soin apporté à l’établissement de la prise de terre. Elle est constituée par un ou plusieurs grillages en cuivre à large maille développés et enfouis dans le sol à 20 ou 30 centimètres de profondeur. Elle est souvent complétée par quelques gros piquets en fer galvanisé, enfoncés à la masse et reliés entre eux par un fil métallique. Cet aspect électrique est aussi une contrainte car il faut pouvoir s’adapter afin d’obtenir la meilleure « terre ». Ainsi pour un terrain sec, on arrose le sol afin de l’améliorer et s’il est sablonneux ou rocheux, on remplace la prise de terre par un contrepoids que l’on réalise en déroulant à la surface du sol des treillages métalliques à mailles serrées de grandes surface.
En outre cette spécification de l’emplacement des antennes de réception et d’ émission croit tout au long de la guerre avec l’augmentation de l’utilisation mais aussi avec l’expérience des hommes chargés de leur installation qui découvrent que la propagation des ondes hertziennes est sujettes à nombre de paramètres. Il ne s’agit pas pour moi d’expliquer les théories de Maxwell mais l’établissement d’une liaison opérationnelle est un long processus. Les opérateurs radio, au sol, s’installent sur une position choisie ou définie par le commandement. Ils doivent ensuite effectuer les différents essais avec leurs correspondants aériens afin de valider la position et donc la qualité des liaisons. Sur ce point, la longue période de stabilité du front a certainement rendu ces positions de plus en plus performantes par des retours d’expériences constants.
Enfin, une autre contrainte concerne principalement les troupes d’infanterie chargées de transmettre des informations aux avions chargés de surveiller leurs mouvements ou de répondre à leurs demandes particulières. Il s’agit de la contrainte première pour chaque soldat qui doit lutter pour sa survie au milieu d’un environnement hostile, à savoir le poids et son corollaire l’encombrement. Ces hommes doivent donc, en plus de leur arme, de leur barda, de leurs munitions, transporter les moyens physiques pour rentrer en communication avec l’observateur aérien. Ces moyens de communications doivent donc être d’un poids restreint et d’un encombrement limité afin de pas condamner, et c’est bien le terme, le soldat chargé de les transporter. Ainsi, les panneaux de signalisation sont de couleurs différentes et de dimensions réduites . Cependant, il est possible de les joindre afin d’augmenter la surface visible. Un autre avantage est de limiter le manque de signalisation du fait des pertes en soldat, porteur de cet équipement, lors de l’attaque par une multiplication et une dotation collective importante des hommes. Enfin, et cette contrainte n’est pas a priori facile à appréhender en début de guerre, la question de la couleur des moyens utilisés reste entière.
La couleur blanche représente l’avantage de se voir parfaitement et permet, par la superposition de morceaux noirs, de multiplier facilement les combinaisons sans diminuer sa visibilité. Néanmoins, la guerre se déroule aussi durant les mois d’hiver où le sol enneigé se confond aisément avec ces étoffes de couleur blanche. C’est pourquoi, les troupes allemandes disposent d’un drap de signalisation biface : un côté blanc et un côté de teinte foncée . Il ne semble pas que les forces françaises adoptent se principe de fonctionnement car il n’est pas fait état de ce type de matériel dans leur dotation.
En outre, la multiplication des éléments nécessitant de l’électricité pour fonctionner augmente le poids de l’équipement total de ces hommes. Il est bien sûr inconcevable de tirer une ligne électrique pour alimenter les vagues d’attaque comme il est tout aussi irréel de vouloir doter les hommes de groupes électrogènes. La seule et unique solution reste de transporter cette électricité au moyen de batteries. Or celles-ci, tout comme aujourd’hui, sont d’un point excessif pour une capacité assez faible. Il faut donc répartir les différentes batteries entre les hommes afin d’assurer le lien avec les avions d’infanterie.
Pour la liaison
L’établissement du lien entre le sol et l’avion nécessite la création d’un « tuyau » de communication qui possède ses propres caractéristiques et donc ses propres contraintes selon le moyen utilisé pour sa création.
L’une des premières contraintes est la visibilité nécessaire à la reconnaissance mutuelle des deux acteurs de cette liaison. Les obstacles sont multiples : Nuage : un temps dégagé est nécessaire pour permettre à l’avion chargé de communiquer avec le sol de décoller ce qui interdit toute liaison dans les cas de fort brouillard, pluie, neige ou grand vent. En outre, une météo avec des nuages épars peut elle aussi interrompre la communication car pendant le laps de temps où l’avion se trouve derrière ou dans le nuage, il n’est pas possible avec des moyens visuels de correspondre.
Fumée : les fumigènes sont utilisés pour masquer les déplacements de troupes et interfèrent donc dans la communication. De la même manière, les feux provoqués par les tirs d’artillerie et la fumée qui s’en dégage limitent la visibilité.
Cette utilisation de fusées permet d’identifier rapidement quel correspondant et n’est pas d’une grande contrainte pour les troupes au sol car la vue de ces artifices ne nécessite pas de sortir du couvert de la tranchée.
En outre, afin de protéger les informations transmises, le secret des communications est demandé car « l’ennemi pouvant intercepter les communications radioélectriques plus facilement encore que les communications téléphoniques, il y a lieu de prendre pour en assurer le secret, les dispositions les plus rigoureuses : aucun message ne doit être transmis en clair par T.S.F » . C’est pourquoi la liaison entre le sol et l’avion est codée. Il n’existe pas à cette époque de moyen de chiffrement qui puisse coder techniquement la liaison de bout en bout : il faut donc établir avant le décollage un code qui soit compris par les deux correspondants et par eux seuls. Ainsi, il s’établit un protocole de signaux spécifiques à chaque moyen utilisés. En outre, la codification des messages permet de répondre à une autre grande contrainte des liaisons, à savoir la rapidité. En effet, c’est d’autant plus vrai en temps de guerre où la nécessité d’avoir l’information juste le plus rapidement possible est primordiale, voir vitale. La codification des informations transmises répond donc parfaitement à ces deux contraintes. Il faut donc choisir un code qui soit capable de transmettre rapidement et simplement des lettres et des chiffres de façon aisée. Il est ainsi décidé d’utiliser, de façon naturelle car en service depuis longtemps dans la télégraphie filaire, le code Morse.
Néanmoins, au cours des premiers mois de la guerre, le code utilisé, à base de traits et de points, ne correspond pas à l’alphabet Morse mais à une codification prédéfinie.
Pour l’avion
Tout d’abord, l’une des premières contraintes dans un avion n’est pas d’ordre technique mais d’ordre humain. En effet, le personnel navigant doit faire face à des conditions climatiques, physiques et psychologiques qu’à cette époque on appréhende de façon empirique. Ainsi, ce que l’on appelle aujourd’hui le facteur humain, est absolument présent dans ces zones de combat. Le ciel est bel et bien un champ de bataille où l’on peut perdre la vie à chaque instant. Ce sont des situations très dégradées où le stress, la peur et l’adrénaline sont présents. La charge de travail, principalement pour les avions en relation avec le sol, est un problème qui est résolu par un équipage double : un pilote et un observateur. Cette solution ne s’impose pas facilement car nombre de pilotes estiment être capable de piloter, observer et transmettre les informations. L’ajout d’un membre d’équipage entraine naturellement une augmentation du poids et donc une diminution des capacités de vol des avions. Ce problème est résolu progressivement par l’apparition d’engins plus puissants qui permettent ainsi une répartition des tâches et une efficacité augmentée. Ce principe d’un équipage à deux n’est pas remis en cause de toute la guerre et il est aussi choisi par les Anglais et par les Allemands. Le rôle de l’observateur est aussi important car il participe directement à la défense de l’avion en utilisant une ou des mitrailleuses. Ces hommes doivent faire face à un milieu qui est alors presque totalement inconnu en particulier les problèmes qu’engendre l’altitude. La raréfaction de l’oxygène, le froid et les variations plus ou moins brutales d’altitude agissent sur les capacités physiques de l’équipage.
Ces missions entrainent une fatigue que les conditions de vie sur les terrains d’aviation de cette époque permettent le plus souvent d’effacer.
En outre, une autre contrainte tient au fait que l’espace disponible dans un avion est limité.
Il faut faire cohabiter des hommes, de l’huile, de l’essence, des munitions, des artifices et avec l’apparition de la T.S.F, de l’électricité. Le commandement de l’aéronautique française a pris la décision de ne pas équiper ses équipages de parachutes ce qui aurait encore plus restreint l’espace disponible. Ces ingrédients font des avions de véritables bombes volantes où le moindre impact, encore plus avec le développement des balles incendiaires, peut se révéler fatal. C’est pourquoi, lors de leurs missions, ils ne recherchent absolument pas le combat mais préfèrent rapidement fuir au-dessus des lignes amies. Cependant, l’avion en lien avec le sol ne doit pas être seulement un vecteur de moyen d’observation et de communication. Ses capacités spécifiques, de plus lourd que l’air, sont la base de sa réussite et de sa survie, bien avant les qualités du pilote.
Ainsi, l’équilibre général d’un avion est toujours recherché. Cette stabilité s’applique sur les trois plans de mouvement de l’avion. Elle est longitudinale, latérale et concerne aussi le roulis. A cette époque, les constructeurs d’avions agissent de manière empirique, améliorant continuellement leurs créations. L’usage de coefficients aérodynamiques, c’est-à-dire des nombres indépendants des corps et de leurs vitesses, n’est pas encore explicitement définie.
Des travaux sur l’aérodynamique sont menés à l’aide de souffleries ce qui permet de développer des profils d’ailes de plus en plus performants. En outre, l’augmentation constante de la puissance des moteurs permet une vitesse ascensionnelle et relative plus importante. Il est possible de blinder les parties sensibles (sièges et poste de pilotage) améliorant ainsi la résistance et la capacité à encaisser des coups. Cet aspect est fondamental pour les avions volant au plus près du sol pour effectuer de l’appui direct ou pour obtenir des renseignements précis sur les mouvements des troupes au sol. Cette augmentation de la puissance influe aussi directement la capacité d’emport de l’ avion, c’est-à-dire sur sa charge utile. Par exemple, la capacité des réservoirs de carburant permet une amélioration du rayon d’action mais aussi, ce qui le plus important pour ces avions de liaison, de rallonger le temps disponible en vol pour réaliser les missions au-dessus du champ de bataille.
Des moyens visuels codifiés
L’une des caractéristiques des liaisons entre le sol et l’avion pendant la Première Guerre mondiale est le fait que l’avion, durant la quasi-totalité du conflit, reste sourd. Il n’est pas capable de recevoir de la part des hommes placés au sol des informations audibles. Il est donc nécessaire, comme dans le cas d’une communication simple avec une personne malentendante, de définir un langage des signes. Ce handicap ne touche que le sens « montant » de cette liaison, les équipes au sol s’équipent des moyens techniques de communications nécessaires à ce dialogue. Ils mettent ainsi en place, en profitant de leur espace disponible, des signaux visuels codés , plus ou moins compliqués, qui évoluent et répondent aux nouvelles pratiques et tactiques de cette guerre. Nous allons donc étudier les matériels techniques de communications qui équipent les troupes au sol, infanterie et artillerie et conçus pour répondre à ce problème.
Etablissement de la liaison : la phase d’identification
La première étape lors de toute communication est de s’assurer de la reconnaissance mutuelle. Ainsi, que cela soit dans la reconnaissance d’une troupe dans les tranchées ou dans le réglage d’artillerie où un avion travail avec une batterie, il est primordial d’identifier son correspondant. Il est rappelé dans toutes les instructions que « toute communication est précédée d’un signal de reconnaissance répété deux fois ». Il est donc nécessaire pour le sol de créer des moyens visuels facilement identifiables par un observateur aérien. Ces moyens doivent aussi, intrinsèquement, autoriser un certain nombre de combinaisons afin de répondre à la multiplication des correspondants. Il leur faut aussi permettre de différencier le type de pièces, l’unité des fantassins et la chaîne hiérarchique correspondante.
La phase de dialogue
La nécessité d’avoir des panneaux pour correspondre avec l’avion ne se traduit qu’à partir de l’instruction sur l’emploi de l’observation aérienne en liaison avec l’artillerie du 12 août 1915. Ainsi, la définition de signaux à partir de panneaux permet à la batterie d’artillerie d’indiquer de façon plus ou moins précise l’état de liaison entre l’avion et le sol. En effet, l’observateur qui utilise un émetteur radio ne peut vérifier la qualité de la réception effectuée par les hommes au sol. Il ne peut pas non plus connaitre la disponibilité des pièces d’artillerie.
Ces différentes informations doivent donc lui parvenir visuellement. Les signaux peuvent être utilisés sans entente préalable car ils sont normalisés. Ils deviennent la manière la plus commune de communiquer avec l’avion depuis le sol.
Les moyens de jalonnement
La nécessité de signaler sa position à son commandement est une obligation première pour les troupes au sol. Cette découverte tactique de la Grande Guerre nécessite, du fait de l’éloignement des postes de commandement et des conditions particulières du combat de tranchées, la mise en place de moyen de reconnaissance que l’observateur aérien puisse voir, analyser et transmettre. La situation des fantassins dans les tranchées permet de diriger les tirs d’artillerie sur les zones occupées par l’ennemi et de pouvoir faire évoluer rapidement l’organisation des troupes. Il est donc nécessaire d’équiper ces hommes d’un moyen passif, afin qu’il ne les détourne pas de leur objectif premier : combattre l’ennemi et prendre possession des tranchées adverses. Il ne doit pas non plus requérir une trop grande formation pour le rendre utilisable par le plus grand nombre.
Pour réaliser ces objectifs les troupes d’infanterie s’équipent progressivement de panneaux transportables afin de pouvoir jalonner le terrain qu’elles occupent. Ces panneaux doivent être portés par les fantassins lors des attaques. La problématique de ces panneaux est de savoir s’il faut privilégier la taille ou le nombre afin d’augmenter leur rendement.
Une première approche, en 1915, privilégie la taille. Ainsi, les troupes françaises sont équipées de panneaux rectangulaires de 2 m X 1 mètre, pour une dotation limitée de 4 par compagnie (un par section). Un homme est chargé de prendre ce panneau lors de l’attaque. Il est pour cela enroulé autour d’un piquet afin de permettre au Poilu de le porter sur le côté du sac. Il est aussi préconisé, si ce porteur est touché, de faire prendre cet équipement par d’autres soldats. D’autres solutions sont testées, en particulier pendant la bataille de Verdun, avec des formats différents : « cet exercice a pour but de se rendre compte si les avions peuvent sans difficultés repérer nos tranchées lorsque celles-ci sont jalonnées au moyen de petits panneaux de toile ou drap très portatifs (0,5 X 0,5 ou 1 m X 1m). »
Les moyens radios
Comme nous l’avons vu précédemment, les qualités demandées à une liaison entre le ciel et le sol au cours de cette guerre sont d’être rapide, codifiée et sûre. Les années qui précèdent la guerre, ont vu le développement d’un nouveau moyen de communication : la Télégraphie Sans Fil, la fameuse T.S.F. Des ingénieurs et des scientifiques cherchent à en augmenter les capacités. Leur but est tout d’abord d’augmenter la portée des liaisons afin de pouvoir s’absoudre des câbles télégraphiques terrestres ou océaniques. Leur autre objectif est de pouvoir transmettre de manière sure et le plus rapidement possible un nombre important de messages. Enfin, des essais sont réalisés, principalement par un usage maritime , où au moins l’un des deux émetteurs – récepteurs est en mouvement.
Ainsi, ce développement constant par des recherches ininterrompues amène naturellement la T.S.F à s’inviter dans les cockpits des avions de cette époque. Il ne s’agit pas ici pour nous de faire une histoire de la T.S.F, sujet vaste et formidablement intéressant, ce que nous laissons à d’autres, mais d’étudier comment cette technique évolue pour satisfaire les besoins des armées et ce qu’elle apporte à la liaison entre le sol et l’avion au cours de la Première Guerre mondiale.
Les premiers pas
Notons tout d’abord que la réalisation de ce lien est déjà possible avec les différents dirigeables qui équipent les armées européennes. Cette liaison est assez facilement réalisée avec ces engins volants car ils peuvent être facilement équipés d’émetteurs de T.S.F. En effet, le poids de ceux-ci n’est absolument pas un obstacle pour ces appareils volants dont la charge utile et l’espace disponible sont très importants. Il n’en est absolument pas de même avec les frêles aéroplanes de ces années d’avant-guerre.
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Table des matières
1. Introduction
2. Perspective historiographique relative au sujet
1) L’historiographie de la Première Guerre mondiale
2) L’historiographie de l’aéronautique militaire
3) L’histoire des techniques et la Première Guerre mondiale
3. Présentation des sources
1) Sources archivistiques
a) Service Historique de la Défense de Vincennes
b) Service Historique de la Défense de Châtellerault
c) Le musée du 8 ème régiment des transmissions du Mont-Valérien
d) Les Armées françaises pendant la Grande Guerre (AFGG)
2) Présentation des sources orales
3) Présentation des sources disponibles sur internet
4. Bibliographie
1) Outils de travail et de recherche
2) Ouvrages sur la Première Guerre Mondiale
3) Ouvrages sur l’Aéronautique
4) Ouvrages sur l’aéronautique durant la Première Guerre Mondiale
5) Biographies
6) Relation aviation et autres armes
7) Histoire des techniques
8) Communications
5. Les liaisons : leurs utilisations et leurs contraintes
1) Définition de la liaison
2) Son emploi
a) La cavalerie
b) L’infanterie
c) L’artillerie
3) Les contraintes
a) Pour le « segment » sol
b) Pour la liaison
c) Pour l’avion
6. Moyens mis en place pour les liaisons
1) Moyens premiers
a) Geste
b) Utilisation des moyens sonores
c) Jets de messages
2) Des moyens visuels codifiés
a) Etablissement de la liaison : la phase d’identification
b) La phase de dialogue
c) Les moyens de jalonnement
3) Les moyens radios
a) Les premiers pas
b) Un nouveau moyen pour l’artillerie
c) Les alternateurs
d) Le début de l’électronique
7. Les moyens humains et intellectuels
1) Les hommes
a) Les hommes au front
b) Les hommes de l’arrière
2) La transmission des savoirs
a) les conditions
b) La formation initiale
c) La formation continue
3) Les structures
8. Conclusion
9. Annexes
1) Extrait des témoignages oraux du Service Historique de la Défense
2) Rouet d’antenne
3) Plan d’organisation de la TSF avant une offensive 1916
4) Code de signaux de trois lettres
5) Alternateur : Photo issue de l’Illustration
6) Les souvenirs matériels de guerre du sergent radio Boureau
7) Le jalonnement en 1918, photos de l’Illustration
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