Le Musée d’ethnographie de Neuchâtel et ses collections

Situation de la réserve Afrique

La réserve Afrique, dite « réserve Gabus », se situe au sous-sol de la Black Box. Inspirée d’un voyage d’étude de Jean Gabus, son but était de stocker les collections dans un minimum d’espace, tout en restant facilement accessibles pour l’étude et en vérifier l’état de conservation. D’une surface de 340m², l’espace a été conçu comme visitable et organisé pour permettre à la fois la conservation à long terme des objets et leur mise en exposition . Pour ce faire, 3 types de modules de stockage ont été mis à disposition pour accueillir initialement un minimum de 50 000 objets, comme des panneaux verticaux et mobiles, s’ouvrant et se consultant comme les pages d’un livre. Les collections qui y sont conservées illustrent la tradition africaniste marquée du musée, influencée par les dons des missionnaires et explorateurs neuchâtelois ainsi que par les nombreuses missions ethnographiques organisées par l’institution au cours du XXème siècle.

Les plus anciennes acquisitions datent de la fin du XVIIIe et du XIXème siècle. Les fonds se sont ensuite enrichis durant le XXème siècle, et plus particulièrement grâce à l’acquisition de collections provenant de République démocratique du Congo, d’Angola, du Sahara et du Gabon. A cela s’ajoute, des objets provenant d’Afrique de l’Ouest (notamment le Ghana, le Nigéria) et d’Afrique centrale, ainsi que d’Afrique australe et Madagascar. La collection Afrique incarne parfaitement la problématique intrinsèque à la conservation des collections ethnographiques. Elle est composée d’objets majoritairement constitués de matériaux organiques, et plus spécifiquement de bois ou de matériaux lignifiés, comme des vanneries, ainsi que des matériaux cellulosiques variés (textiles, tapis, éléments en fibres végétales diverses).

Evaluation de l’état de conservation de la collection Afrique et du corpus de l’étude

La collection Afrique étant actuellement en cours de déménagement, nous n’avons pas pu estimer son état de conservation général. Cependant, une grande partie des objets restant a montré des signes d’infestations anciennes, comme des lacunes au niveau des plumes, des trous d’envol et des galeries, attestant de l’activité d’insectes kératinophages et xylophages. Ceci nous a été confirmé par M. Roland Kaehr (conservateur adjoint au MEN pendant 40 ans) et M. Michel Burri, qui nous ont indiqué avoir pris des dispositions pour lutter contre des anthrènes, des attagènes, des vrillettes du pain et des mites des vêtements.

Les objets de notre corpus se présentent globalement dans un bon état de conservation, ce qui selon leur ancienneté peut être révélateur d’un traitement avec un biocide persistant. La consultation des archives du musée ne nous a toutefois pas permis d’obtenir des informations à ce sujet. De plus, sur 15 objets sélectionnés, 14 arborent des cristallisations diverses sur leur surface, pouvant attester de la présence de biocides résiduels. Afin de faciliter leur documentation et leur observation, nous avons établis 7 critères de description : couleur, brillance/matité, extension (localisée ou étendue), aspect visuel, dureté, texture et adhérence . Nous avons utilisé deux types de lumière blanche : une lumière ambiante, dite normale, et une lumière rasante, à l’aide d’un éclairage supplémentaire et dirigé vers la surface de l’objet. Nous avons également effectué ces observations à l’aide d’une loupe compte-fil (grossissement x10) et d’une lame de scalpel en acier. A l’issu de ces observations, nous avons identifié plusieurs types de cristallisations : des voiles, des concrétions plus ou moins volumineuses et des cristaux isolés, tous répartis de façon hétérogène sur la surface des objets.

Utilisation des biocides inorganiques dans les collections ethnographiques

Entre la fin du XVIIIe et le XIXe siècle, la gestion des infestations biologiques était principalement effectuée à l’aide de biocides inorganiques, dont les plus connus sont les préparations à base de mercure, d’arsenic, de plomb et de brome. Les témoignages concernant l’utilisation de pesticides dans les collections du MEN nous permettent de remonter à l’époque de Théodore Delachaux (conservateur de 1921 à 1945). Néanmoins, il est fort probable que les collections aient pu bénéficier de traitements plus anciens. En effet, les fonds de collection du musée partagent une histoire commune avec celles du Muséum d’Histoire Naturelle de Neuchâtel. Conservées dans les mêmes locaux, elles ont alors pu bénéficier des mêmes attentions concernant leur protection et leur désinfestation. En outre, un travail de détection et d’identification de biocides a récemment révélé la présence d’arsenic sur 94% d’un corpus de 32 de spécimens naturalisés actuellement conservés au muséum, et dont les plus anciens datent du milieu du XIXe siècle. Ce passé commun nous a également été signalé par M. Kaehr, qui nous a signifié la probabilité d’avoir utilisé des biocides à base d’arsenic.

Risques pour le personnel usager et propositions de recommandations pour le stockage, l’exposition, le prêt et la manipulation des objets

La protection de la santé au travail est réglementée par plusieurs bases légales dont la Loi sur le Travail (LTr) et l’Ordonnance sur la Prévention des Accidents et des maladies professionnelles (OPA). Ce texte stipule que l’employeur est tenu d’identifier, analyser et éliminer ou réduire les risques et doit veiller à ce que ses collaborateurs soient instruits des dangers liés à leur activité et des moyens propres à les neutraliser. L’employeur doit aussi s’assurer que les mesures de prévention sont appliquées, tandis que les travailleurs sont tenus de respecter les prescriptions de sécurité et d’utiliser les équipements de protection individuelle (EPI). En outre, l’Ordonnance pour la prévention des maladies professionnelles provoquées par des substances chimiques formule des recommandations regroupant des mesures à prendre pour réduire ces risques et pouvant se résumer par l’expression «principe STOP» (mesures de Substitution, Techniques, Organisationnelles et de Protection individuelles).

Ne pouvant substituer le danger que représentent les objets contaminés, nos recommandations sont centrées sur des mesures de protection collectives et individuelles (EPI).

Propositions d’amélioration des solutions de stockage de la réserve Afrique

Des mesures de protection collectives pourront d’abord être mises en place par l’application d’un concept MSST adapté au musée. En effet, dans le cadre de l’OPA, la directive CFST 6508 (directive MSST) a été développée pour offrir aux employeurs un outil pratique leur permettant d’améliorer la sécurité et la santé dans leur entreprise. Elle recommande de faire appel à des spécialistes lorsque l’entreprise ne dispose pas des connaissances nécessaires pour définir des mesures de protection adaptées aux risques identifiés. Un concept MSST a été développé par le Service Protection et Sauvetage de la Ville de Neuchâtel et concerne toutes les entités communales, y compris les institutions muséales rattachées à la Ville telles que le MEN. Nous recommandons donc au musée de contacter les autorités compétentes au sein de ce service.

Dans le cadre de la mise en place de ces mesures collectives, le musée envisage d’effectuer une analyse de la qualité de l’air dans la réserve Afrique. Ainsi, le but de nos recherches était, à l’origine, de pouvoir fournir les informations nécessaires pour sa réalisation. Durant nos investigations, nous avons constaté que la présence de biocides dans les collections patrimoniales est une problématique très spécifique du domaine sanitaire, où peu de spécialistes sont disponibles. Cependant, nous relevons que des démarches semblables ont été effectuées au Musée national suisse, en collaboration avec la Suva.

Nous conseillons donc au musée de contacter les services d’hygiène et de santé au travail compétents au sein de la Ville de Neuchâtel pour entamer les démarches nécessaires. SuissePro, l’association faîtière des sociétés spécialisées dans la santé et la sécurité au travail en Suisse, serait également susceptible de fournir des informations pertinentes sur le sujet.

Enfin, dans le cadre de nos recherches sur l’éventuelle contamination des locaux, nous avons effectué des analyses du mobilier de stockage. Nous avons donc réalisé des prélèvements qui ont ensuite été analysés par GC-MS. Toutefois, aucun d’entre eux n’a été testé positif à la détection de composés organochlorés .

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Table des matières

Introduction générale
Partie 1 : Présentation du Musée d’ethnographie de Neuchâtel et du corpus de l’étude 
1. Le Musée d’ethnographie de Neuchâtel et ses collections 
1.1. Repères historiques du musée
1.2. Situation de la réserve Afrique
1.3. Présentation du corpus de l’étude
Partie 2 : Identification et caractérisation des biocides résiduels 
2. Documentation des biocides résiduels et de l’état de la collection
2.1. Evaluation de l’état de conservation de la collection Afrique et du corpus de l’étude
2.2. Recherches de données historiques
2.2.1 Utilisation des biocides inorganiques dans les collections ethnographiques
2.2.2 Utilisation des biocides organiques dans les collections ethnographiques
2.3. Identification des biocides résiduels au sein du corpus de l’étude
2.3.1 Identification des composés à base d’arsenic et de mercure
2.3.2 Identification des biocides organochlorés
2.3.3 Interprétation des résultats et confrontation avec les données historiques
Partie 3 : Présentation des risques et propositions de recommandations pour la gestion des objets
3. Risques pour la conservation des objets et pour le personnel usager 
3.1. Présentation des risques pour la conservation des collections
3.1.1 Influence des biocides sur la conservation des matériaux
3.1.2 Discussion sur le nettoyage à sec et avec aspiration
3.2. Risques pour le personnel usager et propositions de recommandations pour le stockage, l’exposition, le prêt et la manipulation des objets
3.2.1 Présentation des risques toxicologiques
3.2.2 Propositions d’amélioration des solutions de stockage de la réserve Afrique
3.2.3 Recommandations pour le prêt et l’exposition
3.2.4 Recommandations pour la manipulation
Synthèse / discussion
Conclusion générale

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