À la question : « à quoi sert l’école ? » posée à mes élèves les premiers jours de classe, la plupart me répondirent : « à apprendre ». La place de l’apprentissage à l’école apparaissait donc majeure chez ces élèves de CM1. Toutefois, mon constat dès les premiers jours sur la difficulté d’attention, l’agitation et le bruit dans la classe me laissèrent penser que la priorité de l’apprentissage n’avait soit pas réellement fait sens chez ces élèves soit ma pratique ne permettait pas – ou plus – des conditions optimales à celui-ci. En effet l’apprentissage n’était pas efficient dans ces conditions.
Pour approfondir ce premier constat, nous pouvons nous interroger sur « qu’est-ce qu’apprendre et comment apprendre ? », question complexe de prime abord. La définition donnée par le dictionnaire pour l’apprentissage est la suivante : «Ensemble des processus de mémorisation mis en œuvre par l’animal ou l’homme pour élaborer ou modifier les schèmes comportementaux spécifiques sous l’influence de son environnement et de son expérience ». Il s’agit donc de processus complexes en lien avec différents éléments internes et externes où la mémoire occupe une place centrale.
L’école élémentaire dans laquelle j’enseigne se situe dans une commune des Bouches du Rhône d’environ 9000 habitants, appartenant à la circonscription d’AixOuest. Cette école est située dans un milieu plutôt favorisé où les parents s’impliquent généralement dans la scolarité de leur enfant, où la place de l’école reste a priori importante, où les élèves respectent l’institution. 336 élèves sont répartis dans 13 classes au niveau de l’école, soit un groupe scolaire important laissant place à de nombreuses interactions entre les élèves. J’occupe un poste d’enseignement à mi-temps dans une classe de CM1, composée de 26 élèves âgés de huit à dix ans, habitués à un ensemble de processus d’apprentissage au sein de l’école à ce niveau depuis plusieurs années.
Les apprentissages scolaires
Définition de l’apprentissage scolaire
La définition exacte du mot apprentissage que nous entendons dans cette étude correspond à l’approche psychologique : « modification adaptative du comportement au cours d’épreuves répétées » (CNRTL). Il est intéressant de noter que le premier sens donné par la définition de ce mot concerne « le fait d’apprendre un métier manuel ou technique » où l’on retrouve la notion de mouvement via le travail manuel. Le mouvement semble a priori être fortement lié à cette notion d’apprentissage. Il est important de rappeler que la notion d’apprentissage dont il est question ici se situe bien dans le cadre scolaire. A noter que celle-ci est aujourd’hui encore très interrogée. La récente découverte en 2016 (CNRS) d’apprentissage chez un organisme dépourvu de système nerveux a notamment remis en question certaines théories. L’apprentissage pour ces organismes correspond à une modification du comportement en fonction de l’environnement, nommé « habituation ». Il existe également une part d’apprentissage liée à la maturation de l’organisme de l’être humain, par exemple le développement du cerveau entre la naissance et les deux ans de l’enfant qui lui permet d’acquérir le langage. Dans le cadre des apprentissages scolaires, nous nous concentrerons sur la modification du comportement d’un individu en lien avec le milieu dans lequel il évolue (la classe) suite à la mise en expérience de ces apprentissages.
L’ensemble de ces apprentissages doit permettre à l’apprenant d’acquérir un ensemble de données utiles à sa future vie d’adulte. Le contenu des apprentissages scolaires concerne des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être. L’apprentissage est le moyen qu’utilise l’élève (l’apprenant) pour apprendre, c’est à dire « acquérir la connaissance d’une chose par l’exercice de l’intelligence, de la mémoire, des mécanismes gestuels appropriés, etc. » (CNRTL).
A noter que l’apprentissage sera « une source de déséquilibre entraînant des tensions ». (Maitrot, 1994). En effet l’apprentissage n’aura pas uniquement l’acquisition d’un savoir comme impact sur l’élève, il va entraîner en lui un ensemble de variations émotionnelles passant par l’envie de réussir, la confrontation à l’échec, la persévérance, la réussite, les modifications de soi, etc.
La question : « comment se met en place cet apprentissage scolaire ? » est ensuite essentielle pour le définir. Les sciences cognitives et les sciences de l’éducation ont déjà permis de grandes avancées à ce sujet ; toutefois une grande part d’inconnu subsiste toujours dans l’étude de ces processus. Dehaene (2013) rappelle qu’il est important d’avoir un bon modèle mental du cerveau de l’enfant, à savoir que dès la naissance celui-ci est structuré et dispose d’algorithmes d’apprentissage. L’auteur précise « que l’enfant possède une vaste gamme d’intuitions précoces, notamment dans le domaine du langage et des mathématiques, qui servent de fondation aux apprentissages ultérieurs ; puis dès la toute petite enfance, le cerveau est doté d’un algorithme sophistiqué d’apprentissage dont quelques composantes essentielles sont l’attention, l’engagement actif, la récompense, la détection d’erreur, l’automatisation et le sommeil ». Par ailleurs, il apparaît que la modification du comportement liée à l’apprentissage peut varier à différents degrés allant d’une situation d’information à une situation de compréhension. En effet pour apprendre il est nécessaire de mémoriser, or il existe différents types de mémoire.
Dans le texte La bataille des cerveaux, Eustache (cité dans Gaussel, Reverdy, 2016) définit la mémoire par cinq systèmes : « une mémoire à court terme ou de travail, mémoire procédurale (mémoire des automatismes), une mémoire perceptive (identifie des stimuli), une mémoire sémantique (mémoire des connaissances générales sur le monde large, sur les concepts), une mémoire épisodique (la plus sophistiquée, la mémoire des souvenirs) ». On peut donc remarquer la complexité du processus d’apprentissage. A ce sujet Perrenoud (2004) soulève « qu’une approche purement rationaliste de l’apprentissage est la plus sûre manière de l’entraver ». Dans la même lignée, Meirieu relativise la question de l’apprentissage en concluant sur un « caractère fondamentalement heuristique et radicalement subversif ». En effet, trop de paramètres interviennent dans ce processus pour donner une seule et unique règle, d’où la multitude de théories de l’apprentissage.
Toutefois les derniers résultats de recherches dans le domaine des neurosciences (Dehaene, 2013) montrent que le cerveau humain est dès la naissance prêt pour l’apprentissage, grâce à sa plasticité naturelle, qui dure toute la vie. Les neurosciences permettent à travers l’étude des ondes cérébrales de faire le lien entre connaissances recyclées et nouveaux apprentissages. Cela a permis de démontrer notamment les limites de la méthode globale en lecture et propose des techniques plus efficaces à travers le jeu et à un rythme déterminé. Les montrent que l’apprentissage repose sur quatre piliers que sont :
• l’attention, dont nous détaillerons le processus plus tard ;
• l’engagement actif, lié au besoin de répétition des connaissances ;
• le retour d’information, lié aux signaux d’erreurs et au système de motivation et récompense mis en place ;
• et la consolidation, liée à l’automatisation et au sommeil. Ce dernier améliore la mémoire, la généralisation d’un apprentissage et la découverte de régularités.
Cette approche de l’apprentissage par les neurosciences reste critiquée par certains spécialistes des sciences de l’éducation (Gaussel, Reverdy, 2016) en raison de leur application complexe en milieu scolaire. Toutefois tout enseignant sera d’accord sur la place importante de ces quatre piliers en classe, que chacun en fasse priorité ou non. Tout un ensemble d’autres paramètres intervient également dans la construction de l’apprentissage scolaire. Ces questions ont évidemment déjà fait l’objet de nombreuses études des sciences de l’éducation. Différents points ont été identifiés comme influençant tout apprentissage : l’environnement, l’intérêt, la motivation, la place dans le groupe classe (Oberlé, 1999), les expériences propres à chacun, le type d’enseignement, la pratique de l’enseignant (Bressoux, 2012), les situations d’apprentissage, le niveau d’étude, la participation, l’engagement, etc.
La qualité d’un apprentissage et sa pérennisation
Une fois l’apprentissage mis en place, la question de la qualité de cet apprentissage peut se poser. L’apprentissage dispensé a-t-il été le plus adapté à chaque élève, que reste-t-il de cet apprentissage ? De nombreux spécialistes ont avancé à ce sujet le bien-fondé de l’utilisation des intelligences multiples développées par Gardner en 1983. Ce psychologue expose qu’il existe plusieurs formes d’intelligences chez l’être humain catégorisées sous huit thèmes : intelligence verbo-linguistique, logico-mathématique, spatiale, intrapersonnelle, inter-personnelle, corporelle-kinesthésique, musicale-rythmique, naturaliste-écologiste et existentielle. Chaque individu aurait une forme d’intelligence privilégiée qui lui permettrait d’apprendre plus facilement. Or fréquemment en classe ce sont principalement les aspects visuels et auditifs qui sont utilisés pour les apprentissages et cette limitation pourrait être à l’origine de difficultés pour certains élèves.
Cette théorie reste toutefois controversée, Dans le texte La bataille des cerveaux (Geake et Howard-Jones, cité dans Gaussel, Reverdy, 2016) il est rappelé qu’elle repose sur « la supposition implicite de dire que l’information n’est traitée que par un seul canal perceptif, indépendamment des autres canaux (chaque élève serait soit visuel soit auditif soit kinesthésique), ce qui va totalement à l’encontre de ce que l’on sait sur l’interconnectivité du cerveau ». En effet, bien que des prédispositions pour apprendre puissent exister pour chaque élève, il faut garder en mémoire que toutes les formes « d’intelligences1 » doivent être utilisées. D’autres éléments peuvent bien évidemment impacter la qualité d’un apprentissage, notamment l’importance du contexte social et émotionnel (Gaussel, Reverdy, 2016). L’accès facilité à un apprentissage permettrait donc dans un premier temps de pouvoir être dans un apprentissage de qualité. Le réinvestissement de cet apprentissage et l’enrichissement humain pour l’élève sont deux autres points clés de la qualité de cet apprentissage. A ce sujet Meirieu (2015) redonne les bases d’une bonne pédagogie, à savoir « donner des connaissances mais surtout donner des possibilités d’émancipation à l’élève ».
Il n’est pas évident qu’une fois un apprentissage réalisé et effectif sur un moment donné, celui-ci perdure dans le temps. En effet il est bien connu que l’entraînement de manière récurrente permet de conserver les savoirs, cela étant autant valable à l’école que dans la vie courante. Certains apprentissages peuvent plus facilement être réinvestis même sans entraînement direct, l’exemple populaire de l’apprentissage du vélo qui ne se perd pas peut être cité. Si nous analysons cette situation, les apprentissages qui permettent de manipuler ce savoir sont nombreux et ne concernent pas uniquement celui de faire du vélo ; en effet des capacités d’équilibre, d’observation et de coordination des membres interviennent et font l’objet d’utilisation quotidienne.
En ce qui concerne l’enrichissement pour l’élève, le choix des savoirs enseignés est édicté par les programmes institutionnels et la prise de conscience pour l’élève proviendra de plusieurs paramètres. L’apprentissage devra avant tout être une source de liberté pour l’enfant.
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Table des matières
Introduction
1. Partie 1 – Enjeux et état des lieux scientifiques
1.1. Les apprentissages scolaires
1.2. Le mouvement chez l’être humain
1.3. Les exemples de prise en compte du mouvement en classe
2. Partie 2 – Étude de la place du mouvement en classe
2.1. Méthodologie
2.2. Recueil des données
2.3. Analyse des données
2.4. Discussion
Conclusion
Références Bibliographiques
Index des tableaux et des figures
Annexes
Abstract