Le monde des nanomatériaux, élaboration et propriétés

Fabrication des nanomatériaux

Les nanomatériaux sont des matériaux caractérisés par au moins une de leur dimension comprise entre 1 et 100 nm. Du fait de leur taille nanométrique, ces objets présentent des propriétés physico-chimiques particulières qui différent à la fois de celles des atomes isolés et du matériau massif. Les nanomatériaux peuvent être sous forme de poudre, d’une suspension liquide ou d’un gel. L’utilisation des nanomatériaux n’est pas récente, elle remonte au début des temps civilisés. Ces nanomatériaux ont été synthétisés et utilisés de manière inconsciente dans la métallurgie et la médecine. Au-delà des exemples bien connus sur les matériaux colorés utilisées dans les céramiques anciennes et les vitraux du moyen-âge, des nanofils encapsulés dans des nanotubes ont été identifiés dans une épée originale du XVII siècle [1]. Les méthodes de fabrications avaient été modulées par les artisans de l’époque, jusqu’à la production d’acier qui avait des propriétés bien supérieures à celles de la cémentite [1]. En 1847 Mickael Faraday synthétise des solutions colloïdales d’or et met en évidence le changement des propriétés optiques de cet or colloïdal par rapport au matériau massif. Durant les années 50, Richard Feynman a montré qu’il est théoriquement possible de construire atome par atome, des structures avec des propriétés spécifiques [2]. Ainsi, depuis les années 80 les efforts portés au développement de nouvelles méthodes de fabrications des nanomatériaux s’intensifient. Ces derniers peuvent être fabriqués selon deux approches différentes :

– La première est l’approche descendante (en anglais « Top-down ») qui est issue de la microélectronique. Cette méthode consiste à réduire et à miniaturiser le plus possible les dimensions du matériau macroscopique. Ainsi, les dispositifs électroniques ou les structures sont graduellement miniaturisées jusqu’à atteindre des dimensions nanométriques. Dans cette approche, qui recouvre plusieurs techniques, la nanolithographie, qui consiste à graver le dessin d’un circuit dans un support, semble la plus efficace pour contrôler la taille et la forme des nano-objets fabriqués. Par le biais de cette technique la société IBM annonce en 2004 avoir gravé des circuits de 29.9 nm [3]. Les processeurs actuellement utilisés dans les téléphones mobiles de dernière génération sont gravés avec un pas de 16 nm. En 2015 IBM et Intel ont réussi à produire des processeurs gravés avec un pas de 7 nm, qui pourraient être disponibles vers 2020. Il semble toutefois que cette méthode présente des inconvénients, qui sont dues aux limites de la miniaturisation, les imperfections des surfaces, la mauvaise cristallinité et coûts élevés.
– La deuxième est l’approche ascendante (en anglais « Bottom-up ») qui consiste à assembler la matière brique par brique, molécule par molécule et atome par atome pour construire les nanomatériaux, comme l’avait décrit Richard Feynman.

Ces deux approches tendent à arriver à la même gamme de taille des objets. Néanmoins, l’approche « bottom-up » semble plus riche en termes de type de matériau, de diversité d’architecture et de contrôle de l’état nanométrique des nanostructures. Les procédés utilisés actuellement en approche « bottom-up » pour l’assemblage d’atomes ou de molécules sont principalement des procédés d’élaboration physiques et chimiques rappelés ci-dessous.

Procédé physique

L’élaboration des nanoparticules par voie physique est réalisée souvent à partir d’une phase vapeur métallique. Cette vapeur est extraite d’un matériau en fusion, puis recueillie sur un substrat en passant par un milieu passif (vide ou atmosphère inerte) ou actif (plasma, gaz réactif). Par ailleurs, il existe plusieurs techniques physiques d’élaboration des nanoparticules, tels que la pulvérisation cathodique, l’évaporation (faisceau d’électrons thermiques), le dépôt par ablation laser à impulsions (PLD) [4] et l’implantation d’ions [5]. Des nanoparticules de fer de structure cfc enrobées d’une couche d’oxyde ont été préparées sur un substrat de Si (100) par pulvérisation cathodique à haute pression. Ce qui a conduit, en modulant la pression, à la synthèse de nanoparticules de différentes tailles (de 20- 100mn), qui sont proportionnelles à la pression [6]. P. Shah et coll. [7] ont réussi à synthétiser des nanoparticules de fer cubique à faces centrées (cfc) de tailles plus petites (entre 15 à 30 nm) que celles qui existent déjà, et cela en utilisant la même technique. A noter que, sans être exhaustif, d’autres types de nanoparticules ont été élaborées par ce procédé, telles que les nanoparticules d’or [8], de cuivre [9] ,de nickel [10] et de CoPt [11]. Dans les travaux de Nie et coll. [12], des nanoparticules de cobalt-ε de 3 nm et 5 nm de diamètre et immergées dans une matrice de carbone amorphe, ont été obtenues avec succès par synthèse à la température ambiante et par évaporation sous vide à double faisceau d’électrons. Cependant, ces méthodes ont un inconvénient lié à l’utilisation de conditions drastiques d’expériences (le plus souvent sous ultra-vide et avec une instrumentation lourde et complexe à mettre en œuvre) ainsi que la difficulté à contrôler la taille et la forme des nanostructures.

Procédé chimique

L’approche « Bottom-up » repose principalement sur les synthèses par voies chimiques en solution. Elles permettent d’obtenir des nanoparticules sous forme de colloïdes manipulables et avec un bon rendement de synthèse. De plus, ces méthodes présentent l’avantage du contrôle de taille, de la forme et de la composition des nanoparticules. Cependant, l’inconvénient de ces méthodes est la nécessité de l’ajustement d’un grand nombre de paramètres réactionnels, tels que la température, la nature et la concentration des réactifs et des agents stabilisants.

Micelles inverses

La synthèse in situ en micelles inverses a été développée dans les années 1980 par Pileni et coll. [13] [14]. Il s’agit de microémulsions constituées de gouttelettes d’eau stabilisées par un tensio-actif dispersées dans un solvant apolaire (huile) dont la taille du cœur aqueux peut aisément être modulé entre 1 et 10 nm. Ce système est utilisé comme nanoréacteur permettant la synthèse de nanomatériaux de composition de taille et de forme contrôlées. En effet, les micelles inverses sont des agrégats dynamiques qui sous l’effet du mouvement Brownien, entrent en collision et peuvent alors échanger leurs cœurs aqueux (contenant agents réducteurs, sels,…). Ainsi des nanoparticules se forment par nucléation intra-micellaire et une croissance inter-micellaire (Figure I- 1).

Il existe deux manières pour procéder à la synthèse des nanoparticules via un mélange de micelles. La première consiste à ajouter l’agent réducteur directement dans la solution micellaire. La deuxième consiste à mélanger une solution micellaire contenant un sel précurseur avec une solution micellaire contenant un agent réducteur (Figure II-1). Il a été montré que le rapport de la quantité d’eau sur la quantité du tensioactif (Qeau/Qtensioactif) influe sur la taille des gouttelettes d’eau, et que ces gouttelettes ont une influence sur la taille des nanoparticules obtenues [15]. En effet, dans un système contenant du bis (2-ethylhexyl) sodium sulfosuccinate (AOT), du cyclohexane et de l’eau, la taille des nanoparticules de cuivre préparées varie entre 2 et 10 nm en changeant le rapport (Qeau/QAOT) de 1 à 10. Par contre, en augmentant la quantité du tensioactif, tout en conservant le même rapport (Qeau/QAOT), le nombre de gouttelettes augmente et le nombre d’ions métalliques par gouttelettes diminue et par conséquent la taille des particules également. Les premières nanoparticules de cobalt synthétisées par C. Petit et coll. [16] au laboratoire MONARIS (UPMC), ont été obtenues par la méthode des micelles inverses. À noter que, cette méthode a été également utilisée pour la synthèse de nanoparticules métalliques d’argent [17, 18], d’or [19] et bimétalliques tel que CoPt [20] .

Transfert de phase liquide-liquide

Dans les années 90, d’autres méthodes sont apparues notamment la méthode diphasique par transfert de phase liquide–liquide qui consiste à transférer un sel précurseur solubilisé dans une phase aqueuse vers une phase organique, tel que le toluène, à l’aide d’un agent de transfert. Cette méthode a été utilisée pour la première fois par Brust [21] pour synthétiser des nanoparticules d’or. Dans cette technique, le sel (AuCl4- ) initialement dans la phase aqueuse est transféré vers la phase organique (toluène) en utilisant le bromure de tétraoctylammonium (TOAB) comme agent de transfert. Le décanethiol est ajouté comme agent stabilisant puis une solution aqueuse de borohydrure de sodium (NaBH4) permettant de réduire le sel d’or. Après un certain temps de réaction, les nanoparticules de 1 à 3 nm sont récupérées dans la phase organique, qui est ensuite lavée à l’éthanol ou au méthanol. La réduction a lieu sous agitation, à l’interface entre les deux phases. Les nucléi sont principalement solubilisés dans la phase organique où le processus de croissance a lieu en raison de la présence à la fois de la molécule stabilisante et de l’agent de transfert. Le développement de cette méthode de synthèse a ensuite été adaptée aux différents matériaux, tels que l’argent [22, 23], le cuivre [24] et le platine [25]. Cette méthode a également été ajustée par A. Demortière [26], pour obtenir des nanoalliages de CoPt de tailles et de compositions contrôlées. Dans ce cas, la molécule Tetrakis Decyl Ammonium Bromide (TDAB) (C10H21)4NBr a été utilisée comme agent de transfert avec des sels précurseurs de PtCl4 (Chlorure de platine (IV)) et CoCl2 (Chlorure de cobalt (II)).

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre I Le monde des nanomatériaux, élaboration et propriétés
1- Fabrication des nanomatériaux
1-1- Procédé physique
1-2- Procédé chimique
1-2-1- Micelles inverses
1-2-2- Transfert de phase liquide-liquide
1-2-3- Réduction de sel métallique et organométallique
1-2-3-1- Synthèse Polyol
1-2-3-2- Décomposition organométallique
1-2-4- Décomposition thermique
2- Mécanismes de formation des nanoparticules (nucléation et croissance)
3- Contrôle de la morphologie des nanocristaux métalliques
4- Propriétés physiques et chimiques des nanomatériaux
5- Magnétisme des nanomatériaux
5-1- Interaction d’échange
5-2- Interaction dipolaire (énergie de champ démagnétisant)
5-3- Interaction de Zeeman
5-4- Anisotropie magnétique
5-5- Cycle d’hystérésis
5-6- Superparamagnétisme
6- Particules magnétiques
6-1- Nanoparticules de cobalt isotrope (sphériques)
6-2- Nanoparticules de cobalt anisotrope
7- Nanoalliages magnétiques
Références
Chapitre II Synthèse et caractérisation des nanocristaux de cobalt : contrôle de taille et de forme
1- Synthèse des nanocristaux de cobalt
1-1- Synthèse du précurseur chloro(triphenylphosphine)cobalt
1-2- Tests préliminaires pour la synthèse des nanocristaux
1-3- Synthèse des nanocristaux de cobalt
2- Contrôle de la forme et de la taille des nanocristaux de cobalt
2-1- Contrôle de taille des nanoparticules
2-2- Caractérisation structurale des nanoparticules sphériques
2-3- Auto-assemblage des nanoparticules de cobalt
2-4- Contrôle de la forme des nanoparticules
2-5- Caractérisation structurale des nanobâtons
3- Propriétés magnétiques des nanocristaux sphériques et nanobâtons
3-1- Nanocristaux sphériques en phase liquide
3-2- Nanocristaux sphériques en phase solide
3-3- Nanobâtons en phase liquide
4- Conclusion
Références
Chapitre III Mécanisme réactionnel de formation des nanocristaux de cobalt
1- Rôle de l’oléylamine
1-1- Effet de la double liaison
1-2- Effet de la longueur de chaine carbonée
1-3- Effet de la fonction amine
2- Mécanisme de dismutation
3- Effet de l’amine sur la taille et la cristallinité des nanoparticules
4- Influence des paramètres physico-chimiques sur la synthèse des nanocristaux
4-1- Injection à chaud
4-2- Effet de l’environnement
5- Effet de l’halogène R du précurseur [CoR(PPh3)3] sur la synthèse des Nanocristaux de Cobalt
6- Conclusion
Référence
Chapitre IV Extension de la synthèse aux autres nanocristaux monométalliques et bimétalliques
1- Synthèse et caractérisations structurales des nanocristaux de platine
1-1- Précurseur de Pt(0) à l’air
1-2- Précurseurs de Pt(II) à l’air
1-3- Précurseurs de Pt(II) sous azote
1-4- Mécanisme de formation des nanostructures de platine : Discussion
2- Synthèse des nanocristaux de palladium
3- Particules bimétalliques CoxPt100-x
3-1- Composé bimétallique synthétisé à partir des complexes phosphines (mélange A)
3-2- Composé bimétallique synthétisé à partir [CoCl(PPh3)3], et PtCl2 (mélange B)
4- Conclusion
Références
Conclusion générale

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